DIABETE GESTATIONNEL Docteur Andrea LABAUNE-KISS DIAPASON 36 Déols «Le Relais Saint-Jacques» 6 juin 2013
DEFINITION «Trouble de la tolérance glucidique conduisant à une hyperglycémie de sévérité variable, débutant ou diagnostiqué pour la première fois pendant la grossesse, quel que soient le traitement nécessaire et l évolution dans le post-partum» OMS Un diabète patent, DT2, préexistant à la grossesse et découvert à l occasion de celle-ci et qui persistera après l accouchement Une anomalie de la tolérance glucidique réellement apparue en cours de grossesse, généralement en deuxième partie et disparaissant, au moins temporairement après l accouchement
EPIDEMIOLOGIE 2 à 6% de DG 15% des DG qui sont des DT2 méconnus Augmentation de la prévalence du DT2 chez les femmes jeunes en âge de procréer
FACTEURS DE RISQUE Âge maternel 35 ans Surcharge pondérale: IMC 25kg/m² Antécédents familiaux de DT2 chez les apparentés au 1 er degré Antécédents obstétricaux de DG ou de macrosomie Origine ethnique SOPK Ne seraient pas des facteurs de risque indépendants de DG: niveau socio-économique, multiparité, grossesse multiple, prise de poids pendant la grossesse
COMPLICATIONS MATERNELLES DU DG Prééclampsie Césarienne Corrélés de façon positive et linéaire au degré de l hyperglycémie initiale Le surpoids ( IMC 25 kg/m ²) et l obésité (IMC 30 kg/m ²) associés au DG augmentent les risques de prééclampsie et de césarienne Ne sont pas modifiés par le DG: les taux d extraction instrumentale, de déchirure périnéale sévère et de hémorragie du post-partum
COMPLICATIONS FŒTALES ET NEONATALES DU DG Macrosomie la principale conséquence néonatale démontrée du DG Dystocie des épaules et paralysie du plexus brachial augmentent avec le poids foetal
Risque de paralysie plexus brachial Facteurs de risque OR Diabète vs nondiabétique 3,19 Poids foetal > 4500g vs <4500g 17,94 AVB vs césarienne 20 Forceps vs AVB spontanée 3,8 Ventouse vs AVB spontanée 2,9
COMPLICATIONS FŒTALES ET NEONATALES DU DG Augmentation modérée de la fréquence des malformations par rapport à la population générale, vraisemblablement liée à l existence d un DT2 méconnu Pas de données dans la littérature concernant l incidence et le risque exact de cardiomyopathie en cas de DG, ni le lien avec l hyperglycémie maternelle Le risque d asphyxie néonatale et de décès périnatal n est pas augmenté Fréquence de l hypoglycémie néonatale sévère est faible Risque d hypocalcémie comparable à celui de la population générale Risque d hyperbilirubinémie faiblement augmenté
DEPISTAGE: OUI OU NON? Arguments: augmentation de la morbidité maternelle et néonatale associée à l hyperglycémie maternelle existence d un test de dépistage valide et fiable efficacité démontrée de la prise en charge thérapeutique sur l incidence des complications caractère acceptable des effets adverses du dépistage et de la prise en charge
DEPISTAGE : CHEZ QUI? Recommandé en présence d au mois un des critères suivants: Âge maternel 35 ans Surcharge pondérale: IMC 25kg/m² Antécédents familiaux de DT2 chez les apparentés au 1 er degré Antécédents obstétricaux de DG ou de macrosomie
DEPISTAGE En l absence de ces facteurs de risque, le bénéfice et le rapport coût-efficacité du dépistage reste à évaluer Il n y a pas d arguments suffisant pour recommander un dépistage systématique La décision de dépister ou non le DG doit faire l objet d une évaluation et d une information individuelles
DEPISTAGE : QUAND? Idéalement en préconceptionnel par une glycémie à jeun Lors de la 1ère consultation prénatale en présence des facteurs de risque par une glycémie à jeun Entre 24 et 28 SA, par une HGPO, chez les patientes non diagnostiquées préalablement
DEPISTAGE : QUAND? Chez les femmes ayant des facteurs de risque qui n ont pas eu de dépistage du DG, on peut le faire au 3 ème trimestre, au minimum par une glycémie à jeun Des biométries fœtales > 97 ème percentile ou un hydramnios chez une femme sans facteurs de risque, doivent faire rechercher un DG
DEPISTAGE : COMMENT? Au premier trimestre de la grossesse glycémie à jeun En cas de DT2 découvert en début de grossesse, la mesure de l HbA1c pourrait être utile pour préciser l équilibre glycémique périconceptionnel
DEPISTAGE COMMENT? Entre 24 et 28 SA HGPO avec 75g de glucose avec mesures des glycémies à 0, 1 et 2 h Avantages: meilleurs tolérance, réduction du délai de prise en charge, meilleure observance
CRITERES DIAGNOSTIQUES Au premier trimestre: DT2 si glycémie à jeun 1,26 g/l (7mmol/l) DG si glycémie à jeun 0,92 g/l (5,1 mmol/l) Entre 24 et 28 SA: DG si Glycémie à jeun 0,92 g/l (5,1 mmol/l) et/ou Glycémie 1h après la charge 1,80 g/l (10 mmol/l) et/ou Glycémie 2h après la charge 1,53 g/l (8,5mmol/l)
TRAITEMENT Autosurveillance glycémique Objectif : Glycémie à jeun < 0,95g/l Glycémie à 2h postprandial < 1,20g/l Prise en charge diététique Activité physique régulière: 30 min trois à cinque fois par semaine Insuline si les objectifs glycémiques ne sont pas atteints après 7 à 10 jours de règles hygiénodiététiques
SURVEILLANCE OBSTETRICALE HAS: «peuvent être suivies par une sage-femme ou un médecin généraliste mais l avis d un gynécologueobstétricien est nécessaire; l avis complémentaire d un diabétologue peut aussi être nécessaire»
SURVEILLANCE OBSTETRICALE CLINIQUE En cas de DG bien équilibré et en absence d autre pathologie ou facteur de risque associé, il n y a pas d argument justifiant un suivi clinique différent des autres grossesses En présence de facteurs de risque surajoutés: surpoids, obésité, HTA chronique, mauvais équilibre glycémique, une surveillance clinique (TA, recherche d une protéinurie) plus rapproché que le suivi mensuel classique est justifiée en raison du risque accru de prééclampsie
SURVEILLANCE OBSTETRICALE ECHOGRAPHIQUE Recherche de malformations (DT2) lors des échographies 2 ème et 3 ème trimestre Surveillance de la croissance: recherche d une macrosomie: PA, EPF L erreur moyenne de l EPF est de l ordre de 8 à 15% du poids réél La précision est encore moins bonne en cas de macrosomie Le poids des fœtus est sous-estimé en cas de macrosomie Donc la performance diagnostique de la biométrie échographique apparaît limitées pour la prédiction de la macrosomie
SURVEILLANCE OBSTETRICALE ECHOGRAPHIQUE Recherche d une hypertrophie septale myocardique ou d une cardiomyopathie fœtale hypertrophique Pas de données dans la littérature permettant d estimer l incidence ou le risque exact en cas de DG, ni le lien avec le niveau de la glycémie maternelle Difficulté de standardiser la mesure et grande variabilité inter-opérateur Seuils le plus souvent : 4,5mm pour 31-34 SA et 5,5mm au-delà, sans que ces valeurs constituent un seuil où apparaissent des complications Il n a pas été démontre qu elle permette de réduire le risque de MFIU ou de complications néonatales cardiologiques
SURVEILLANCE OBSTÉTRICALE ÉCHOGRAPHIQUE Enquête de pratique en France (2007) sur la mesure du septum chez les fœtus de mère diabétique : l l l l l 214 patientes 46 ont eu une écho cardiaque foetale 13 hypertrophies septales retrouvées diagnostic pris en compte dans la prise en charge de la patiente dans 2 cas seulement 1 seul contrôle écho en postnatal Conclusion : «les obstétriciens et les pédiatres n'accordaient que peu d'intérêt à l'hypertrophie septale, qu'ils jugeaient comme exceptionnellement grave»
SURVEILLANCE OBSTÉTRICALE ÉCHOGRAPHIQUE «La mesure systématique du septum interventriculaire est sujette à des difficultés techniques tant dans la mesure que dans son interprétation. Il n'a pas été démontré qu'elle permette de réduire le risque de MFIU ou de complications néonatales cardiologiques»
SURVEILLANCE OBSTETRICALE ECHOGRAPHIQUE La réalisation systématique du doppler ombilical n a pas d utilité démontrée en cas de DG en absence d une HTA ou d un RCIU associés ( pathologie vasculaire placentaire)
SURVEILLANCE OBSTETRICALE RCF En cas de DG bien équilibré sous régime, l ERCF n a pas d utilité démontrée En cas de DG mal équilibré et/ou sous insuline, l ERCF est discuté en tenant compte des facteurs de risques associés En cas de DT2 connu ou découvert pendant la grossesse un ERCF hebdomadaire est souvent préconisé à partir de 32 SA
CAT en cas de MAP relation significative entre le risque de naissance prématurée et l élévation des glycémies augmentation indépendante du risque de prématurité spontanée et de rupture prématurée des membranes
CAT en cas de MAP Quel tocolitique? Les bêtamimétiques Effet hyperglycémiant Anomalies transitoires des glycémies à jeun et postprandiales et des tests de charge en glucose Balance bénéfice-risque défavorable Ne doivent être utilisés qu'en dernier recours et avec une surveillance glycémique rapprochée Les inhibiteurs calciques et les antagonistes de l ocytocine peuvent être utilisés sans précautions particulières
CAT en cas de MAP Maturation pulmonaire Les corticoïdes Hyperglycémie transitoire pendant 48h L existence d un DG ne doit pas modifier les indications habituelles de la corticothérapie prénatale Sous couvert d une surveillance glycémique et d une insulinothérapie si nécessaire Le test de dépistage est à réaliser plusieurs jours après la dernière injection de glucocorticoïdes
ACCOUCHEMENT Quand? En cas de DG bien équilibré, par le régime ou par l insuline et sans retentissement fœtal, il n y a pas d argument qui justifie une prise en charge différente de celle d une grossesse normale En cas de DG mal équilibré ou avec retentissement fœtal, il est recommandé de ne pas dépasser 38 SA + 6 jours
ACCOUCHEMENT Comment? Le choix de la voie d accouchement: Paramètres obstétricaux non spécifiques du DG: utérus cicatriciel, placenta, présentation Le dépistage de la macrosomie dont l objectif est de prévenir la dystocie des épaules et ses complications
ACCOUCHEMENT Comment? Devant le risque accru de dystocie des épaules et de paralysie du plexus brachial, il parait raisonnable de proposer une césarienne en cas de DG lorsque le poids foetal estimé est supérieur à 4250 ou 4500g Après information de la patiente La performance limitée de l EPF échographique est rappelée En cas de DG et antécédent d utérus cicatriciel il n est pas recommandé de réaliser systématiquement une césarienne
ACCOUCHEMENT Comment? Radiopelvimétrie en cas de suspicion de macrosomie n'est pas recommandée Taux de faux positifs élevé: 22,5% en cas de disproportion absolue, 28,5% en cas de disproportion modérée À l origine d une augmentation du nombre de césariennes sans diminution de la morbidité néonatale
ACCOUCHEMENT PRISE EN CHARGE EN COURS DU TRAVAIL Une insulinothérapie systématique pendant le travail peut être responsable d hypoglycémie maternelle et n est pas recommandée Surveillance rapprochée des glycémies (dextros toutes les heures) Protocole d insulinothérapie
PROTOCOLE INSULINOTHERAPIE en IV continue sur pousse seringue 50 U insuline (ACTRAPID ou HUMULINE ordinaire) + 50 ml sérum physiologique (dilution=1u/ml) Mise en place d'une perfusion de G10% à débit 80ml/h obligatoire Surveillance des dextros toutes les heures
PROTOCOLE INSULINOTHERAPIE en IV continue sur pousse seringue Dextro Débit insuline IV continue sur pousse seringue <1,5 g Arrêt de la pousse seringue 1,5 g à 1,75 g 1 U/h 1,75 g à 2 g 2 U/h 2 g à 2,5 g 3 U/h 2,5 g à 3 g 4 U/h 3 g à 4 g 5 U/h 4 g à 5 g 6 U/h > 5 g 8 U/h
POST-PARTUM Dans le post-partum immédiat En cas d insulinothérapie, il est recommandé dans un DG d arrêter l insuline dès l accouchement et de surveiller les glycémies (objectif < 1,10 g/l à jeun) En cas de persistance du diabète dans le post-partum: consultation en diabétologie Aucun antidiabétique oral n a l AMM chez la femme qui allaite
POST-PARTUM CONTRACEPTION Contraception estro-progestative Le risque d augmenter l incidence du DT2 chez les femmes ayant un antécédent de DG est probablement nul ou très faible Les femmes ayant eu un DG ont plus souvent des facteurs de risque vasculaire associés: obésité, HTA, dyslipidémie Doivent être soumises aux contre-indications classiques des OP
POST-PARTUM CONTRACEPTION Microprogestatifs Une seule étude: un risque augmenté de DT2 sous microprogestatifs dans le post-partum chez des femmes avec des antécédents de DG et allaitantes RR de 3 si la durée du traitement entre 4 et 8 mois RR de 5 si traitement plus de 8 mois Nécessite confirmation par d autres études
POST-PARTUM CONTRACEPTION Implanon Pas d effets secondaires métaboliques ou vasculaires chez les femmes non diabétiques Pas de modification du profil glycémique ni des doses d insuline à 3,6,12 et 24 mois chez des diabétiques sous insuline Pas d étude sur l impact de l implanon sur le profil métabolique à long terme des femmes ayant eu un DG Leur utilisation chez les patientes avec antécédents de DG n a pas lieu d être restreint
POST-PARTUM CONTRACEPTION DIU Absence de sur-risque infectieux chez des femmes diabétiques DIU au cuivre Aucune contre-indication chez la femme diabétique, excellente méthode, à encourager DIU avec hormone (MIRENA) Pas d étude spécifique chez les femmes ayant eu un DG Parait utile pour la protection de l endomètre chez ces patientes souvent un peu plus âgées, obèses et donc plus à risque d une hyperplasie endométriale Pas de modification métabolique mise en évidence chez des femmes diabétiques
PRONOSTIC MATERNEL ULTERIEUR Risque de récidive du DG de 30 à 84% Risque ultérieur de DT2 multiplié par 7 Augmente avec le temps 4,7 moins de 5 ans après le DG et 9,3 audelà Persiste au moins 25 ans Un atcd de trouble modéré de la tolérance glucidique lors de la grossesse augmente aussi le risque de DT2 de 2 à 3 fois Risque de survenue d un syndrome métabolique multiplié par 2 à 5 Risque de pathologie cardio-vasculaire multiplié par 1,7
PRONOSTIC MATERNEL ULTERIEUR Facteurs de risque associés à un risque plus élevé de DT2 après un DG: Surcharge pondérale Diagnostic du DG avant 24 SA Glycémies au HGPO diagnostique élevées Nécessité d une insulinothérapie
PRONOSTIC MATERNEL ULTERIEUR Information de la patiente Dépistage du DT2 Lors de la consultation postnatale, avant une nouvelle grossesse, pendant une nouvelle grossesse, puis tous les un à trois ans pendant au moins 25 ans Par une glycémie à jeun ou une HGPO Modifications d hygiène de vie: activité physique régulière 30 à 60 min par jour au moins cinq jours par semaine Alimentation équilibrée Arrêt du tabac Recherche régulière d autres facteurs de risque cardiovasculaires