COMPTE RENDU C est dans un lieu unique habituellement fermé au public, à l Ecole de Santé des Armées du Val de Grace, à Paris, que le Club DeciDRH accueillait une quarantaine de DRH le 20 mai 2014 après-midi. Jacques Barthélémy, «gourou du droit social» et fondateur de Barthélémy Avocats, en collaboration avec Claude Renié, Directeur Associé du Groupe AGEO et Olivier Bertrand, Responsable de la MOA téléservices employeurs à la CNAMTS, ont témoigné de l actualité juridique sur les sujets de la Couverture complémentaire santé, la prévoyance collective et la politique de l emploi dans l entreprise. L après-midi s est déroulée en deux étapes : «Protection sociale et politique de l emploi dans l entreprise» «DSN, Echanges de données informatisées. l enjeux de la gestion automatisée des arrêts de travail dans l entreprise». Un cocktail «100% Bien être» a ensuite permis aux participants de digérer de façon légère et conviviale les informations de l après-midi.
PROTECTION SOCIALE ET POLITIQUE DE L EMPLOI DANS L ENTREPRISE Jacques Barthélémy pose tout de suite le cadre du sujet : «La protection sociale complémentaire est un outil de management!». C est un outil privilégié lorsque l on parle d organisation de l entreprise, d efficacité économique et du droit des travailleurs. MISE EN CONTEXTE. On utilise souvent à tort et à travers le mot «régime» lorsque l on parle de prévoyance, alors qu il faudrait parler de «système» de prévoyance (rémunération différée) lorsqu on se contente de fixer la nature et le niveau des prestations et réserver le mot «régime» au dispositif poursuivant en plus un objectif de solidarité. Le droit du travail et le droit de la Sécurité sociale protègent tous les deux les salariés, mais avec des moyens différents. La protection sociale complémentaire est, si est poursuivi un objectif de solidarité, une forme de redistribution. Elle tient alors un rôle majeur dans la mutation du travail qui est au centre de l organisation de la vie collective. Lorsque Pierre Laroque créé la Sécurité sociale en 1947, il donne naissance à une institution (l Article 4 du Code de la Sécurité sociale). Le premier chamboulement a lieu en 1989 avec la loi Evin qui transpose en droit français les directives européennes en la matière : De ce fait était abandonnée la conception institutionnelle au profit d une conception assurantielle. Ce concept est nouveau : les partenaires sociaux fixent la nature et le niveau des prestations et l entreprise gère la prérogative du choix de l assureur. 1. GENERALISATION DE LA COMPLEMENTAIRE SANTE L application de l Article 1 du Code du Travail fait des organisations syndicales des pré-législateurs : Le législateur impose au ministre du travail de consulter les partenaires sociaux avant de créer de nouvelles lois. Les garanties sociales entrent dans son champ car cela veut dire déterminer la nature et le niveau des prestations, mais aussi payer une cotisation et bénéficier d une assurance. La philosophie de l ANI repose sur un principe fondateur : la sécurisation de l emploi. On peut penser que la mise en place d une assurance collective engendre un cout, est une contrainte, est donc un frein à l emploi. Si on envisage la couverture santé comme une protection nouvelle et une amélioration des conditions de travail, contrepartie d assouplissements en matière de volume et de nature des emplois, elle devient élément de compétitivité : on parle alors de flexisécurité. L ANI est un pari sur les évolutions des comportements des partenaires sociaux. Il existe plusieurs modalités de déclinaison du système de protection sociale complémentaire :
Le système collectif avec adhésion facultative est une activité sociale. Le Comité d Entreprise peut se substituer à l employeur comme contractant de l assureur et la cotisation patronale subit les cotisations sociales. Le système collectif avec adhésion obligatoire est la seule solution pour assurer la neutralité sociale et fiscale des cotisations. Les contributions de l employeur qui finance un dispositif collectif avec adhésion obligatoire ne sont pas intégrées dans l assiette de cotisations sociales ne subissant que la CSG et la CRDS. Dans tous les cas, le caractère collectif du système engage la responsabilité de l employeur envers tous ses salariés. La généralisation de la couverture santé oblige à un premier choix sur les premiers couverts, le salarié seul mais éventuellement également ses ayants droits (conjoint et enfants). Les entreprises auront l obligation de proposer à leurs salariés un panier de soins minimal et le financement de la couverture sera pris en charge à 50% par l employeur. Mais rien n empêche les entreprises de participer plus et de prévoir le remboursement de frais de santé dans la limite de 100 % du ticket modérateur, voire des frais réels avec un plafond. L acte fondateur des garanties repose sur la conclusion soit d un accord collectif au niveau de la branche professionnelle, soit au niveau de l entreprise d un accord collectif (s'il y a des délégués syndicaux dans l'entreprise), soit d un référendum auprès des salariés soit d une décision unilatérale de l employeur. Au 1 er janvier 2016, les entreprises devront avoir eu recours à l une de ces méthodes de mise en place, faute de quoi s appliquera automatiquement le panier minimum. Claude Renié indique que la plupart des entreprises attendent la fin des négociations collectives de branche, le 30 juin 2014, pour savoir si elles doivent lancer leurs négociations en vue d un éventuel accord d entreprise. En principe il est possible de mixer les pratiques de négociation. Par exemple négocier de nouvelles modalités de contrat d assurance par le biais d un accord collectif alors qu il avait déjà été mis en place par une décision unilatérale de l employeur. Mais Jacques Barthélémy rappelle que «les effets des différentes sources (accord, referendum, DUE) sont différents et que ceci doit être prise en compte au moment d arrêter une stratégie». L acte fondateur des garanties crée des obligations pour l employeur. Un salarié peut se retourner contre son employeur au titre de la «perte de chance» si un contrat d assurance ne lui était pas proposé ou si celui-ci ne couvre pas la totalité de ce qui est conventionnellement prévu. De même, par application de l Article 2 de la Loi Evin, dans le cadre d une décision unilatérale, un salarié peut, de son propre chef, en justifiant d une raison objective, s exclure du système de complémentaire. Mais cette renonciation doit être expresse, exprimée par écrit et prise en toutes connaissance de cause. Il renonce alors en effet à des avantages dont la portabilité de prévoyance! L employeur a un devoir d information sur les conditions et les conséquences de la renonciation.
2. PORTABILITE DES DROITS L accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008 permet à un salarié dont le contrat de travail est rompu de continuer à bénéficier des garanties complémentaires santé et prévoyance de son entreprise pendant sa période de chômage pour une durée maximale de 9 mois. Cette disposition a un champ limité à celui des compétences du MEDEF (tous les secteurs n en profitent donc pas) et est cofinancée entre l employeur et le salarié. La loi de sécurisation de l emploi, s appuyant sur l ANI du 11 janvier 2013, étend le champs de ce droit à tout le secteur privé et apporte de nouveaux avantages. La durée maximale de portabilité sera désormais de 12 mois. Deux dates d effet sont à retenir : le 1er juin 2014 pour les frais de santé et le 1er juin 2015 pour la prévoyance. Les trois grandes avancés de l ANI 2013 sont les suivantes : le dispositif s applique à l ensemble des branches, l accès à la garantie est gratuite pour le salarié, la période de survie des garanties est de 12 mois. Le salarié licencié pour faute lourde ne bénéficie pas de la portabilité. Or, Jacques Barthélémy nous interpelle sur le fait que «cela peut être considéré comme une double peine!» et pourrait être contesté au nom des droits fondamentaux. Dans la pratique, on pourra très bien imaginer que lors d un licenciement pour cause économique, l entreprise envisage de continuer l accompagnement du salarié en prolongeant la couverture au-delà des 12 mois. A l occasion d une mobilité externe, l entreprise pourrait également envisager de proposer la portabilité lors de d une suspension du contrat de travail. Tout ceci devrait se concrétiser par des accords collectifs. La portabilité se conjugue avec l Article 4 de la Loi Evin. Ce dernier instaure la possibilité pour un salarié en fin de situation contractuelle du maintien par l assureur de la couverture santé (uniquement), le choix devant être fait dans les 6 mois à l issue de la fin de la période de portabilité, dans le cas où l entreprise possède un dispositif collectif à adhésion obligatoire. Jacques Barthélémy souligne que c est l entreprise qui doit en informer le salarié au moment de son départ de l entreprise, et non l assureur. Claude Renié ajoute que «la portabilité des ayants droits du salarié est acquise!». Et le cout du dispositif est soumis à des facteurs d influence : le pourcentage de CDD, le turn-over, le secteur d activité, les ruptures conventionnelles. Le cout de la portabilité en santé représente entre 3 et 12% de la cotisation et celui de la prévoyance entre 3 et 8%. Un autre point de vigilance est à noter: les périodes d arrêt de travail survenant pendant la période de chômage repoussant l échéance des droits à chômage ; il existe un risque, à moyen terme, «d effet d aubaine».
3. EGALITE DE TRAITEMENT & SORT DES COTISATIONS L idée d imposer une clause de recommandation (par laquelle les branches professionnelles recommandent un ou plusieurs organismes de prévoyance à leurs entreprises), est en soi un acte de solidarité. La neutralité et la garantie sociale passent également par le caractère obligatoire du régime. Cet avantage a une valeur, celle du montant des cotisations. Les cotisations doivent donc être fiscalisées sur le revenu (comme l indique le Code général des impôts) et rentre dans l assiette des cotisations sociales. Le système devant être collectif, la notion de catégorie obligatoire se pose pour les entreprises dont le système ne couvre qu une catégorie définie de salariés. Pour la Cour de Cassation, l égalité de traitement concernant la couverture prévoyance est un droit fondamental. De ce fait, la réservation des avantages, y compris par accord collectif, aux seuls salariés membres d une catégorie n est concevable que si la différence de traitement est justifiée par une raison objective. Ceci étant, par plusieurs arrêts du 13 mars 2013, elle considère que ce principe se concrétise obligatoirement, s agissant des garanties de prévoyance, au niveau d une catégorie, ceci du fait du rôle qu y joue la solidarité. Le principe d égalité de traitement ne s applique ainsi qu entre les salariés d une même catégorie professionnelle et non, comme pour les conditions de travail, sur l ensemble du personnel. Claude Renié précise que dans certains cas l appartenance à une catégorie n est pas évidente lorsque l on parle de catégorie objective. Par exemple pour le cas des agents de maitrise, qui ne sont pas cadres mais qui bénéficient du même niveau de couverture et de cotisations que les cadres alors qu ils font partie du champ des non cadres lors des négociations. On peut également considérer les tranches de rémunération du point de vue de l AGIRC et de l ARRCO, les catégories et sous-catégories définies au niveau des conventions collectives nationales et celles issues des usages de la profession. Jacques Barthélémy conseille donc, si le choix est fait de solutions différentes, de s en tenir aux solutions pour lesquelles est prévue une présomption de raison objective, c'est à dire des différenciations suivant l appartenance ou non à l AGIRC d un côté, suivant le niveau de rémunération (T1, T2, T3) d un autre côté.
EN SOMME. De cette réflexion sur les chamboulements à venir de la prévoyance, Jacques Barthélémy retient les éléments suivants : La protection sociale complémentaire devient d autant plus importante dans la politique sociale de l entreprise. La mutualisation et le paritarisme deviennent des moyens pour favoriser la conciliation entre efficacité économique et protection du travailleur. Elle joue un rôle dans l évolution du droit car elle repose les fondements du concept de garantie sociale. DSN, ECHANGES DE DONNEES INFORMATISEES. L ENJEU DE LA GESTION AUTOMATISEE DES ARRETS DE TRAVAIL DANS L ENTREPRISE La déclaration sociale nominative a pour vocation de se substituer à un ensemble de déclarations sociales. Depuis 2013, nous sommes dans la phase de démarrage, sur une base de volontariat. Au 1er janvier 2016, elle sera obligatoire pour toutes les entreprises. Toutefois dans le cadre du PLFSS 2014 il est prévu que des entreprises soient désignées pour un démarrage au 1er juillet 2015. Olivier Bertrand nous propose un éclairage sur les modes d échanges de données qui structurent l organisation de l entreprise et la préparent au passage vers la DSN : Deux modes de communication sont utilisés : l EFI (échange de formulaire informatisé), déposé sur le site www.net-entreprises.fr via la saisie d un formulaire qui reproduit le document CERFA, et l EDI (échange de données informatisées). Ce dernier peut être «posté» sur le site www.net-entreprises.fr ou en mode «EDI to EDI», l entreprise échangeant les données via un «opérateur EDI», responsable de l émission ou de la réception des flux EDI to EDI échangés avec l Assurance Maladie. L opérateur EDI peut être un acteur quelconque de la chaîne d échange : un éditeur de logiciel, un concentrateur (comme le Groupe AGEO), un portail, voire l entreprise elle-même. Pour l Assurance maladie, l EDI to EDI (on dit aussi «EDI machine»), c est la possibilité d échanger avec les entreprises des fichiers jusqu alors transmis via d autres canaux: papier, net entreprises. A ce jour le système est conçu pour la réception des attestations de salaires (DSIJ) et l envoi en retour des bordereaux de paiements des indemnités journalières (BPIJ) émis par les CPAM. Il est évolutif : d autres documents pourront dans l avenir être transmis via ce canal. La norme d échanges utilisée prend appui sur le langage XML, qui est un standard universellement utilisé par les entreprises et les fournisseurs de solutions d échanges. Attention, cependant, Olivier Bernard précise que «le fichier XML doit être certifié afin de garantir sa qualité et sa conformité aux normes de l Assurance maladie». A l heure ou «beaucoup de très grandes entreprises font encore du papier!», comme l indique Olivier Bertrand, et lorsque trois saisies longues, fastidieuses et à faible valeur ajoutée sont actuellement nécessaires pour déclarer un simple arrêt de travail, on comprend mieux les avantages de l EDI Machine!
Le raccourcissement des délais d indemnisation et la fiabilisation des données sont des avantages certains de ce nouveau système de communication qui permet également de libérer des ressources RH en interne. Outre l évidence de ces avantages, l arrivée de la DSN oblige les entreprises à se structurer et à développer leur SIRH, l EDI Machine constitue sans aucun doute un premier pas qui les aidera à y entrer avec succès.