3 2004 INFORM INFORMATIONS FINANCIÈRES ESSENTIELLES POUR LES CAISSES DE PENSION GESTION DES PORTEFEUILLES D ACTIONS CHEZ SWISSCA (TROISIÈME PARTIE) Pendant le boom des années 1999 et 2000, les bourses faisaient partie des discussions quotidiennes. Dans la rue, dans le train, au café et dans les soirées, on colportait les dernières rumeurs et ont se repassait les conseils les plus judicieux. C était le temps de la chasse aux bonnes affaires, de la concentration sur quelques rares actions. Des portefeuilles ou des fonds en actions largement diversifiés n étaient pas assez subtils. L effondrement de nombreuses actions d entreprises parfois réputées, avec plus de 90% de pertes, a mis un terme à l euphorie. Actuellement, on s interroge plus intensément quant au processus de placement et aux critères régissant la sélection des titres. La première partie nous a permis de présenter le style de placement de Swissca orienté sur la valeur, le «Style Investing». Nous y décrivions l idée fondamentale, les effets du style et les ratios d évaluation utilisés. Dans la deuxième partie, nous décrivions comment Swissca met concrètement en œuvre ses acquis au sein des portefeuilles, comment elle génère une plus-value. Dans la présente troisième partie, nous passons de la sélection des secteurs et des pays à celle des titres. Comme dans les précédentes étapes du processus de placement, une démarche structurée est ici également importante. Un système capable d évoluer ne se développe que lorsque les décisions de placement sont compréhensibles et peuvent être répétées. Un élément essentiel du succès: la sélection des titres Le processus de sélection des titres comprend 3 éléments: l analyse FFOM, l analyse financière et l évaluation des prévisions de marché, ainsi que deux niveaux d analyse: une analyse qualitative et une analyse quantitative, présentées au graphique 1. L analyse qualitative est centrée sur l analyse FFOM, c est-à-dire l examen des Forces et des Faiblesses d une entreprise, ainsi que des Opportunités et des Menaces pour l entreprise. L analyse des opportunités et des menaces est orientée de l extérieur vers l intérieur. Elle étudie la situation de concurrence au sein du secteur ou de la branche à laquelle l entreprise appartient, son évolution et ses effets sur l entreprise. Dans ce contexte, le modèle Une entreprise des Banques Cantonales
d analyse industrielle de Porter 1 et son schéma des stratégies génériques d entreprise se révèlent d une grande utilité. Le profil des forces et des faiblesses progresse dans la direction contraire. Il examine l entreprise au moment de l analyse et détermine ses compétences et ses faiblesses par rapport à la concurrence. L analyse financière traditionnelle fait partie des éléments quantitatifs. La multiplicité d indices de bilan exige de se concentrer sur l essentiel, c est-à-dire sur les chiffres dont il est prouvé qu ils apportent une plus-value lors de la sélection des actions. Cette plus-value doit être quantifiable et vérifiable. Pour évaluer la qualité du bilan, la stabilité des bénéfices, la rentabilité et la croissance, Swissca se base sur ses propres indices spécifiques développés et sélectionnés à cette fin. Cependant, nous n étudierons pas ici le sujet de manière plus approfondie. Graphique 1: Processus de sélection des titres Analyse sectorielle Modèle des 5 facteurs de Porter, Stratégies fondamentales Analyse des FFOM Occasions (O) Forces (F) Menaces (M) Faiblesses (F) Analyse de l entreprise Modèle commercial Mix des produits Analyse qualitative Analyse quantitative Prévisions de marché Risque de prime implicite Analyse financière Qualité des bénéfices Rentabilité et croissance Qualité du bilan L analyse financière et l analyse FFOM montrent si une entreprise exerce son activité dans un secteur intéressant, si elle dispose d un positionnement attrayant au sein du secteur, si elle pratique une bonne politique financière et si elle présente peu de risques de bilan. Il reste à connaître le prix à payer pour une action et s il est élevé. Pour ce faire, nous utilisons un modèle généralement peu répandu, basé sur la stratégie du revenu résiduel. Nous l utilisons afin d évaluer si le prix de marché actuel reflète correctement les potentiels d évolution de l entreprise, et respectivement, si la prime de risque implicite est justifiée. Analyse du secteur selon Porter pour déterminer la position concurrentielle Selon la théorie, toutes les entreprises et tous les secteurs devraient générer le même rendement ajusté au risque lorsqu ils sont soumis à la concurrence totale. Mais la concurrence totale n est qu une des caractéristiques possibles. Il existe également le monopole, l oligopole, le cartel et toutes leurs formes intermédiaires. Nous savons en outre, par exemple sur la base de l industrie automobile, que les entre- 2 Swissca Portfolio Management SA
prises savent parfaitement se différencier, même lorsqu elles interviennent dans le même environnement de marché et que la concurrence est rude. Pour définir la stratégie de base (Generic Strategy), afin de pouvoir subsister sur un marché, il faut impérativement, selon Porter, connaître la situation concurrentielle. Porter répartit les forces agissant sur une branche ou sur un marché en cinq facteurs. Leur intensité détermine l attrait du secteur pour des concurrents potentiels et les possibilités de développement ainsi que la rentabilité des membres de la branche et des acteurs du marché. Ces cinq forces concurrentielles sont: Arrivée de nouveaux concurrents: quelle est la hauteur du seuil d entrée pour les nouveaux fournisseurs, selon les points de vue suivants: ressources en capital et en personnel, effets d échelle, accès aux canaux de distribution, brevets, législation, etc.? Intensité de la concurrence: quel est le niveau de rivalité entre les concurrents existants? Nombre de fournisseurs, fragmentation, différenciation des produits, «brandbuilding», opportunités de croissance, utilisation des capacités, barrières de sortie. Possibilités de substitution de produits: quel est le niveau d élasticité des prix, quel est le nombre de produits de substitution, quel est le niveau d incitation au changement de produit? Puissance des clients sur le marché: dans quelle mesure les clients peuvent-ils faire baisser les prix ou exiger de meilleures prestations. Combien de fournisseurs desservent combien de clients? Puissance des fournisseurs sur le marché: dans quelle mesure les fournisseurs peuvent-ils imposer des prix plus élevés ou faire supporter des augmentations de coûts? Combien de clients y a-t-il par rapport à combien fournisseurs? Quels sont les coûts générés pour le client par un changement de fournisseur? Quels sont les substituts? Cette liste n est qu une synthèse des points essentiels. Swissca entretient une vaste base de données avec des informations sur les principaux secteurs et branches, et la complète constamment en y intégrant les évaluations qualitatives des gérants de portefeuille et des analystes. Il est ainsi garanti que les modifications de la situation concurrentielle seront rapidement décelées. Fuir la médiocrité: les stratégies fondamentales Selon Porter, l objectif des entreprises devrait être de chercher, par des mesures adaptées, à se positionner de manière à être le moins possible exposées aux cinq forces de la concurrence. Une entreprise doit se délimiter par rapport à la concurrence. A cette fin, Porter recommande la mise en œuvre d une des trois stratégies fondamentales: leadership des prix, différenciation ou focalisation. Elles permettent à l entreprise d exploiter ses forces et de lutter contre les effets négatifs des forces de la concurrence. Sur la base de l analyse détaillée du secteur, le gérant de portefeuille détermine quelles entreprises d un secteur sont le mieux armées pour lutter contre la concurrence. Les réflexions sur ce sujet définissent les opportunités et les risques auxquels l entreprise sera confrontée. Pour déterminer si la stratégie concurrentielle engagée pourra mener au succès, il faut tout d abord réfléchir aux forces et aux faiblesses de l entreprise. L analyse de l entreprise scrute donc les atouts tels que la marque, les brevets, le réseau de distribution, l orientation du modèle commercial et du portefeuille des produits en fonction des opportunités, et si l entreprise présente une exposition minimale aux mena- Une entreprise des Banques Cantonales 3
ces de la concurrence. Les rapports des courtiers, les interviews et les rapports de direction procurent au gérant de portefeuille des informations sur la capacité de la direction de l entreprise à améliorer en outre sa position concurrentielle et à augmenter le potentiel de rendement. Mais toutes ces réflexions ne sont pas suffisantes pour une décision d achat, même si l analyse FFOM et l analyse financière fournissent d excellents résultats. Il faut également que l évaluation de l action soit correcte. Le modèle du revenu résiduel pour déterminer les actions sous-évaluées ou surévaluées Normalement, les investisseurs recherchent des actions dont la valeur «réelle» est inférieure au prix du marché. Mais comment peut-on constater si une action est sous-évaluée ou surévaluée? Swissca utilise le modèle du revenu résiduel (Residual Income Modell RIM). Une entreprise réussit lorsqu elle produit plus de bénéfices que nécessaire pour couvrir ses frais de capitalisation. Dans ce contexte, les frais de capitalisation n intègrent pas uniquement le paiement des intérêts aux fournisseurs de capital étranger, mais également une rémunération hypothétique (rendement des actions) demandée par les actionnaires pour mettre à disposition le capital propre. Seuls les bénéfices supérieurs à ces frais de capital augmentent réellement la valeur, les autres sont au mieux un rendement adéquat au risque engagé. Edgar O. Edwards et Philip W. Bell 2 ont développé le modèle original en 1961. Ils ont dénommé la différence entre le revenu et les frais de capital (WACC: weighted average cost of capital) d une entreprise «residual income (revenu résiduel)». Entre-temps, le concept a encore été développé. Pour McKinsey & Company, il est devenu «Economic Profit (profit économique)», pour Stern Stewart «Economic Value Added (EVA) (valeur économique ajoutée)». Les diverses versions du modèle se différencient principalement par la définition du revenu et du capital investi 3. La valeur d une entreprise peut maintenant être déterminée en prévoyant le revenu résiduel et en le recalculant avec le rendement actuel de l action. Pour ce faire, il faut toutefois disposer d une idée de l évolution des bénéfices de l entreprise. Swissca utilise pour les deux premières années les évaluations consensuelles des analystes. Pour les années suivantes, nous admettons que les entreprises ne peuvent faire mieux à long terme que la moyenne à long terme du secteur. Avec les modèles d actualisation, on peut évaluer la valeur d une entreprise et la comparer avec la capitalisation boursière actuelle. Si le modèle évalue une action à 50 francs mais que le marché ne l évalue qu à 40 francs, cette action est sous-évaluée de 20%. C est à condition que l hypothèse sur les bénéfices de l entreprise et le rendement exigé de l action soient exacts. Comme tous les autres modèles, le modèle du revenu résiduel ne reflète que partiellement la réalité et utilise des prévisions de bénéfices d entreprises presque aussi volatiles que les cours des actions. C est la raison pour laquelle Swissca a intégré dans le modèle certaines conditions d équilibre afin que la volatilité ne se répercute pas trop sur les rendements implicites. Si l investisseur croit à la théorie des marchés efficients et s il admet que les cours de bourse intègrent toutes les informations et prévisions, que donc le prix de 40 francs est correct, il peut retourner le modèle et déduire le taux d actualisation ou le rendement implicite de l action. On peut alors le comparer au rendement des actions de la branche (ou d un groupe de référence). On pourra alors estimer si les prévisions de marché pourront être réalisées ou même dépassées dans la réalité. Les rendements implicites Une entreprise des Banques Cantonales 4
offrent en outre la possibilité de comparer sur la durée les secteurs entre eux ou un marché d actions par rapport à un marché d obligations. Test du modèle du revenu résiduel La présentation laisse conclure qu un rendement implicite supérieur au rendement de référence est positif, car la rémunération des bénéfices génère un prix plus bas avec un rendement supérieur. En conséquence, cela vaut-il la peine de focaliser la structure du portefeuille sur des actions présentant des rendements implicites comparativement élevés? La comparaison de l évolution de valeur du Swiss Performance Index et d un portefeuille d actions suisse avec un rendement prévu supérieur à la moyenne selon le RIM répond à cette question par l affirmative. Le portefeuille théorique a été ajusté à intervalles réguliers. Les actions qui semblaient trop chères selon le modèle ont été vendues et remplacées par des actions plus attrayantes, en prenant en compte les coûts de transaction de 0,5%. Cette stratégie RIM a apporté une différence positive de rendement d un bon 3,3% de mars 1991 à mai 2004. Depuis février 2004, le fonds Swissca (CH) Equity Fonds Value Switzerland est dirigé systématiquement d après le RIM. Graphique 2: Portefeuille RIM théorique Actions Suisse contre SPI évolution ajustée des transactions entre mars 1999 et mai 2004 L adéquation de la stratégie de placement basée sur le RIM ne se limite pas au marché d actions national. On peut observer le même effet pour presque toutes les places boursières étrangères ou secteurs, même s il n a pas toujours la même envergure qu en Suisse. 5 Swissca Portfolio Management SA
Synthèse Le processus de sélection des actions aide le gérant de portefeuille à comprendre les affaires d une entreprise et à évaluer sa position au sein du secteur. Il permet d aborder l analyse de manière systématique. Finalement, on peut savoir si les résultats sont déjà intégrés dans le prix de l action ou s il est encore possible de bénéficier d une faible évaluation. Littérature complémentaire: 1 Michael E. Porter, «Competitive Strategy: Techniques for analyzing industries and competitors», The Free Press (1980) 2 Edgar O. Edwards and Philip W. Bell, «The Theory of Measurement of Business Income», University of California Press (1961) 3 Richard Frankel and Charles M.C. Lee, «Accounting Valuation, Market Expectation, and Cross-Sectional Stock Returns», Journal of Accounting and Economics (June 1998) Editeur Rédaction Parution Internet Abonnement et commande d exemplaires Swissca Portfolio Management SA, Waisenhausstrasse 2, 8023 Zurich Paul Winiger/Florian Esterer Trimestrielle Cette publication est disponible en format pdf sous www.swisscapmg.ch Tél. 058 344 49 00, pmg@swissca.ch Swissca Portfolio Management SA, Zurich 6 Swissca Portfolio Management SA