Le principe de moindre action F. Hérau Laboratoire de Mathématiques Université de Reims Fete de la science novembre 2008
Définition Principe de moindre action : en physique, hypothèse selon laquelle la dynamique d une quantité (position, vitesse accélération...) entre deux instants se déduit d une unique grandeur appelée action dont on suppose qu elle atteint son minimum. "la nature est fainéante" "principe d économie naturelle".
La ligne droite Route des alizés 4500 milles : route de vents réguliers soufflant toute l année dans la zone intertropicale du nord-est au sud-ouest dans l hémisphère nord Route loxodromique 3584 milles : c est la ligne droite sur un planisphère, mais ce n est pas la route la plus courte. elle coupe les méridiens sous un angle constant. Route orthodromique 3540 milles : c est la ligne de plus courte distance entre deux points de la surface de la Terre. entre A et B le plus court chemin est la ligne droite...... s il n y a pas de vent... si le terrain est plat... etc... Route du Rhum 2002
Un peu d histoire... Les formulations changent mais le principe reste identique. 1655 Fermat : "la trajectoire minimise une durée ou une longueur" 1744 Maupertuis : "principe de moindre action pour la mecanique". "Si sage si digne de l être suprême" (considérations métaphysiques). 1756 Lagrange : Expression mathématique (Lagrangien). 1788 : puis preuve du principe à partir de la dynamique de Newton et de la conservation de l énergie (plus de considérations métaphysiques...)
... Un principe fécond. 1827 Hamilton : développement de la mécanique hamiltonnienne (suivi par Jacobi 1840). 1920 : le principe guide De Broglie dans sa théorie des quanta. 1916 : réecriture des équations de la relativité générale par Hilbert. 1942 : Feynmann propose une nouvelle formulation du principe en mécanique quantique et retrouve l équation de Schrödinger.
... Joseph-Louis Lagrange 1736-1813 Sir William Rowan Hamilton 1805-1865 Adrien-Marie Legendre 1752-1833
... David Hilbert 1862-1943 Richard Feynman 1918-1988
Un peu de mécanique classique Le principe dit que l action est minimisée le long de la trajectoire effectivement suivie. Le Lagrangien au temps t d une particule classique de masse m, position x(t) et vitesse v = ẋ(t) est défini par L(t, x, v) = E c E p = 1 2 mv 2 V (x) et l action pour aller de la position x 1 au temps t 1 à la position x 2 au temps t 2 est donnée par A(x(t); t 1, x 1, t 2, x 2 ) = t2 t 1 L(t, x(t), v(t))dt. minimiser l action entre t 1 et t 2 revient à trouver la trajectoire qui minimise l énergie cinétique et maximise l énergie potentielle.
Elements de preuve : Particule classique Considérons une trajectoire x(t) et une trajectoire proche x(t) + δx(t) de mêmes extrémités. Alors la variation de l action est donnée par δa = t2 t 1 t 1 ( ) L L δx + x v δv dt, et par intégration par parties en utilisant que δv = d dt δx on obtient t2 ( L δa = x d ) L δxdt. dt v Le principe dit que A doit être extrémal, donc δa = 0 quel que soit la petite perturbation δx, ce qui implique L x d L dt v = 0 qui s écrit ici m a = m d dt v = V x On retrouve l équation fondamentale de la mécanique. = F
Equation d Euler-Lagrange et Lagrangien c est l équation précédente : L x d L dt v = 0 permet de déterminer la dynamique du mouvement étant donné un Lagrangien Comment construire un Lagrangien? c est une question difficile. Le lagrangien est non unique. La résolution de l équation d Euler-Lagrange est difficile (équation ordre 2) s il n y a pas d origine des temps privilégiée alors L = L(x, v) ne dépend pas du temps (système isolé). Il est construit à partir de considérations de symétrie (invariance par translation pour la mécanique classique par exemple, par rotation...) Considérations physiques (pour les constantes)
Lagrangien et énergie De manière abstraite, on peut considérer un Lagrangien L (et donc des trajectoire réalisées) et chercher quelles sont les quantités conservées le long des trajectoires. Considérons une trajectoire x(t) satisfaisant l équation d Euler-Lagrange (pour un Lagrangien homogène) On a alors d L L L(x, v) = ẋ + v dt x v = v d L dt v + dv L dt v = d dt ( v L v où on a utilisé l équation d Euler-Lagrange et la dérivée d un produit. On a donc obtenu ( d v L ) dt v L = 0. La quantité E(x, v) = v L v L est donc une quantité conservée on l appelle énergie (c est une "intégrale première du mouvement") )
Energie, quantité de mouvement et Hamiltonien Dans le cadre classique précédent, pour L = 1 2 mv 2 V (x) on retrouve l énergie totale de la particule. E = vmv ( 1 2 mv 2 V (x)) = 1 2 mv 2 + V (x) On introduit alors le moment conjugué de v, noté p : p(x, v) = L (x, v) v ici cela donne p = mv, c est la quantité de mouvement. Sous la condition L v (x, v) 0 on écrit l énergie comme fonction de x et de p et on l appelle Hamiltonien H(x, p) = p2 2m + V (x)
Equations canoniques La relation liant Lagrangien et Hamiltonien est de manière générale H(x, p) = pv L(x, v) ( si p = L v ) H(x, p) = max v (pv L(x, v)) le Hamiltonien H est la transformée de Legendre du Lagrangien L. On peut réecrire les équations du mouvement dans les variables (x, p) : ce sont les équations canoniques { ẋ(t) = H p (t, x, p) ṗ(t) = H x (t, x, p) ce système d équation d ordre 1 est plus facile à résoudre que l équation d Euler Lagrange (ici d ordre 2 )
élément de preuve... On a d une part dh = H t H H dt + dx + x p dp d autre part puisque H(x, p) = pv L(x, v) dh = pdv + vdp L t = vdp L L dt + t x dx L L dt + dx + x v dv par définition du moment conjugué on obtient ainsi en identifiant dx dt def = v = H p, H x = L x = d L def = dp dt v dt Dans le cas où H = 1 2m p2 + V (x), on obtient dx dt = p/m et dp dt = V (x).
Un autre xemple : principe de Fermat En dimension 3 (x R 3 ). "Pour aller de A à B, la lumière met le temps minimal". "La lumière Parcourt la longueur minimale" On définit Le Lagrangien L(x, v) = ẋ = v1 2 + v 2 2 + v 3 2. (on a ds = v dt longueur infinitésimale) L action est alors L(x 1, x 2 ) def = A(x(t), t 1, x 1 t 2, x 2 ) = l équations d Euler Lagrange est alors t2 t 1 ẋ dt = 0 = L x = d L dt v = v/ v x2 x 1 ds d ou v = 0 et donc v = cte (dans R 3 ). ie le plus court chemin c est la ligne droite.
Géodésiques La recherche des courbes de longueur minimale (par exemple sur une sphere) est importante : elles sont appelées géodésiques, et sont construites sur le même modèle que précédemment. Cela définit même une distance pour la géométrie considérée : d(x 1, x 2 ) = L(x 1, x 2 ). penser à l exemple du début : ligne orthodromique pour la route du Rhum. En mécanique semi-classique par exemple, certaines fonctions propres d opérateurs sont proches de fonctions du type e d(x 0,x) 2 /h où x 0 est un minimum de V et P = h 2 + V (x).
Analyse microlocale, mécanique semi-classique De manière générale, la mécanique hamiltonnienne est très présente (sous-jacente) dans la branche des EDP (Equations aux Dérivées Partielles) appelée analyse microlocale. La mécanique semi-classique (i.e. dans laquelle il y a un petit paramètre par exemple la constante de Planck h) est une branche de la mécanique quantique dans laquelle le comportement des particules (quantiques) est très similaires (mais différent :-) a celui des particules classiques. Ces branches des mathématiques sont très représentées à Reims.
d autres Lagrangiens... Relativité L = mcτ = mc 2 1 v 2 /c 2 où τ est le temps propre du trajet (longueur de la trajectoire pour la métrique de l espace) Physique quantique : L(φ, φ) = ih 2 ( φ φ φφ) 1 2m ( h Théorie quantique des champs QED, Dirac... Intégrale de chemin - Feynman 1942 K (x 2, t 2, x 1, t 1 ) = i ) ( ) φ h i φ V (x) φφ Dx(t)e ia(x(t))/h où A est l action classique, et où on a utilisé la mesure formelle ( m ) N/2 N 1 Dx(t) = lim dx k. N 2πihε On retrouve la formule de Schrödinger en considérant l équation de Euler-Lagrange associée. k=1
bibliographie [1] Histoire du principe de moindre action, F. Martin Robine, Vuibert 2006. [2] Principe variationnels et dynamique, J.-L.Basdevant, Vuibert 2005. [3] Photons et atomes, introduction a la QED, C. Cohen-Tannoudji, J. Dupond-Roc et G. Grynberg, Intereditions 1998. [4] The principle of least action in quantum mechanics, R. Feynman, thèse de l université de princeton 1942 [5] Calculus of variations, I.M. Gelfand et S.V. Fomin, prentice-hall, 1963.