L A LETTRE DROIT FISCAL La réforme de la fiscalité du patrimoine : la loi de finances rectificative du 29 juillet 2011 Cette année, la date limite de dépôt des déclarations d impôt de solidarité sur la fortune avait été exceptionnellement reportée du 15 juin au 30 septembre en attendant la réforme de la fiscalité du patrimoine. La loi n 2011-900 de finances rectificative pour 2011 a finalement été promulguée le 29 juillet 2011. Outre l impôt de solidarité sur la fortune, ce texte touche, notamment, au bouclier fiscal, aux donations et successions, au taux du droit de partage, à l exit tax sur les plus-values ou encore à la taxe foncière sur la résidence principale. Il est précisé que la loi n 2011-11117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative n 2 pour 2011, qui intéresse pareillement la fiscalité du patrimoine via la réforme de l imposition des plus-values immobilières, fera l objet d une prochaine étude. CLARISSE CARNIEL Avocat au Barreau de Paris ARNAUD CLAUDE & ASSOCIES Société d Avocats 52, boulevard Malesherbes 75008 - Paris Tél. : (+33) 1 43 87 73 07 Fax : (+33) 1 45 22 62 34 contact@claude-associes.com www.claude-associes.com Vestiaire Palais R.175 SELAS au Capital de 1.100.000 RCS Paris D 342 285 665 SIRET 342 285 665 00010 APE 6910 Z TVA intracommunautaire : FR 69 342 285 665
I. L IMPOT DE SOLIDARITE SUR LA FORTUNE La loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 apporte deux principales nouveautés, savoir : d une part l élévation du seuil d imposition : initialement fixé à 800.000 euros, il est relevé à 1.300.000 euros, et ce dès 2011, ce qui permet à de nombreux contribuables ayant un patrimoine net taxable au 1er janvier 2011 compris entre ces deux montants, normalement imposables, de ne plus être redevables de l ISF ; d autre part la modification du barème (tranches et taux d imposition) : elle sera applicable pour le calcul de l impôt de solidarité sur la fortune dû à compter de l année 2012, et concernera donc les patrimoines nets taxables évalués au 1er janvier 2012. Jusqu alors le barème de calcul du montant de l impôt était le suivant : FRACTION DE LA VALEUR NETTE TAXABLE DU PATRIMOINE (F, en euros) TARIF (en %) IMPOT (ISF, en euros) F 800 000 0 0 800.000 < F 1.310.000 0, 55 0 < ISF 2.805 1.310.000 < F 2.570.000 0, 75 2.805 < ISF 12.255 2.570.000 < F 4.040.000 1 12.255 < ISF 26.955 4.040.000 < F 7.710.000 1, 30 26.955 < ISF 74.665 7.710.000 < F 16.790.000 1, 65 74.665 < ISF 224.485 F > 16.790.000 1, 80 ISF > 224.485 Désormais, l article 885 U.I 1 du Code général des impôts dispose que l impôt de solidarité sur la fortune sera calculé comme suit : VALEUR NETTE TAXABLE DU PATRIMOINE (V, en euros) TARIF (en %) IMPOT (ISF, en euros) 1.300.000 V < 3.000.000 0,25 3.250 ISF < 7.500 V 3.000.000 0,50 ISF 15.000 2
Ainsi, les patrimoines égaux ou supérieurs à 1.300.000 euros seront taxés dès le premier euro. Toutefois le texte prévoit un mode de calcul spécifique pour prendre en compte la situation des redevables dont le patrimoine net taxable est égal aux seuils ou se situe juste au dessus : VALEUR NETTE TAXABLE DU PATRIMOINE (V, en euros) 1.300.000 V < 1.400.000 3.000.000 V < 3.200.000 RÉDUCTION DE L IMPOSITION 24 500 - (7 0,25% V) 120 000 - (7,5 0,50% V) IMPOT (ISF, en euros) 1.500 ISF < 3.500 7.500 ISF < 16.000 Si l on fusionne les deux tableaux ci-dessus, on obtient le tableau récapitulatif suivant, prenant en compte toutes les situations : VALEUR NETTE TAXABLE DU PATRIMOINE (V, en euros) IMPOT (ISF, en euros) V < 1.300.000 ISF = 0 V = 1.300.000 ISF = 1.500 1.300.000 < V < 1.400.000 1.500 < ISF < 3.500 1.400.000 V < 3.000.000 3.500 ISF < 7.500 V = 3.000.000 ISF = 7.500 3.000.000 < V < 3.200.000 7.500 < ISF < 16.000 V 3.200.000 ISF 16.000 Si, dans l ancien système, un contribuable imposable à l ISF pouvait ne payer que 10 euros de cotisation, désormais être redevable de l ISF signifie donc devoir au minimum 1.500 euros de cotisation. 3
En outre, le plafonnement de l ISF est supprimé à compter de 2012. Cette mesure permettait aux redevables fiscalement domiciliés en France de plafonner le montant de l impôt, dans une certaine mesure, à hauteur de la différence entre le total des impôts dus en France, dont l ISF, et 85% des revenus nets professionnels de l année précédente. La loi de finances rectificative pour 2011 prévoit également une augmentation du montant de la réduction d impôt pour charges de famille de 150 à 300 euros par personne à charge (article 885 V du CGI). Enfin, les possibilités d imputer sur le montant de l impôt de solidarité sur la fortune 50% des investissements effectués au profit de certaines PME ou de certains fonds communs de placement sont maintenues (article 885-0 V bis du CGI). Concrètement, cette réforme aboutit, pour les contribuables imposables, à un allègement significatif de la charge de l impôt de solidarité sur la fortune. Pour s en convaincre prenons pour exemples des patrimoines nets taxables de : 1. 2.500.000 euros : Avant la réforme, l impôt correspondant était de 11.730 euros. Désormais, il sera de 6.250 euros. 2. 7.710.000 euros : Avant la réforme, l impôt correspondant était de 74.665 euros. Désormais, il sera de 38.550 euros. 3. 16.790.000 euros : Avant la réforme, l impôt correspondant était de 224.285 euros. Désormais, il sera de 83.950 euros. En outre, les contribuables imposables dont le patrimoine net taxable est inférieur à 3.000.000 euros n auront plus à souscrire de déclaration de leur fortune : la valeur nette taxable de leur patrimoine devra être mentionnée sur leur déclaration personnelle de revenus et l impôt de solidarité sur la fortune devra être payé en même temps que l impôt sur le revenu. Pour les concubins notoires, cette valeur pourra être portée sur la déclaration de l un ou l autre, tandis que les époux et partenaires liés par un PACS devront conjointement signer leur déclaration de revenus (article 885 W du CGI). 4
En revanche, pour les contribuables dont le patrimoine est supérieur à 3.000.000 euros, l obligation de déposer une déclaration d impôt de solidarité sur la fortune est maintenue. Ils seront désormais seuls concernés par l obligation de joindre à cette déclaration les pièces justifiant de l existence, de l objet et du montant des dettes prises en compte pour la détermination du patrimoine net taxable (article 885 Z du CGI). II. AUTRES MESURES TOUCHANT A LA FISCALITE DU PATRIMOINE 1. LA SUPPRESSION DU «BOUCLIER FISCAL» Le bouclier fiscal est supprimé à compter du 31 décembre 2012. Ce dispositif permet de plafonner le montant total des impositions directes payées par les contribuables (impôt sur le revenu, contributions et prélèvements sociaux, impôt de solidarité sur la fortune et taxes foncières et d habitation) à 50% de leurs revenus (réalisés l année précédent celle du paiement des impositions). En pratique il s agit d un droit à restitution, acquis par les contribuables au 1 er janvier de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus concernés et qui peut être exercé jusqu au 31 décembre de la même année. Pour le bouclier 2011 (droit acquis au 1 er janvier 2011 pour les revenus réalisés en 2009), la loi de finances rectificative prévoit pour les contribuables redevables de l ISF qu à défaut d avoir déposé une demande de restitution avant le 30 septembre ou d avoir imputé le montant de leur créance fiscale sur leur cotisation d ISF 2011, ils pourront imputer cette somme sur les cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune dues au titre des années suivantes. Pour le bouclier 2012 (droit acquis au 1 er janvier 2012 pour les revenus réalisés en 2010), il ne sera plus possible de demander la restitution : les contribuables n auront que la possibilité d imputer le montant de leur créance sur leur cotisation d ISF 2012. A défaut, ils pourront imputer cette somme sur les cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune dues au titre des années suivantes. Par exception, la restitution du montant de la créance née au titre des boucliers 2011 et 2012 pourra être demandée par le contribuable ou ses ayants droit jusqu au 31 décembre de l année au titre de laquelle : le contribuable titulaire de la créance n'est plus redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune ; les membres du foyer fiscal titulaires de la créance font l'objet d'une imposition distincte à l'impôt de solidarité sur la fortune ; l'un des membres du foyer fiscal titulaire de la créance décède. 5
On notera que la loi ne prévoit aucun délai au-delà duquel il n est plus possible d imputer le montant de la créance fiscale née au titre des boucliers 2011 et 2012 sur les cotisations d ISF ou de demander la restitution de cette créance dans les trois cas précités. Il convient dès lors de ne pas ignorer que, s agissant d une créance sur l Etat, la prescription est de quatre années à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. 2. LA REFORME DES DONATIONS ET SUCCESSIONS En matière de donations et de successions, la loi de finance rectificative pour 2011 apporte diverses modifications. Notamment, s agissant des donations et successions en ligne directe ainsi que des donations entre époux et partenaires d un PACS, certains taux sont relevés (par exemple pour les premières, une augmentation de 35% à 40% pour la tranche comprise entre 902.838 euros et 1.805.677 euros). Egalement, le plafond de six ans au-delà duquel les donations antérieures à une transmission entre vifs à titre gratuit ou à une déclaration de succession sont dispensées de rapport fiscal (c'est-à-dire n ont plus à être mentionnées pour que la valeur du bien objet du don soit prise en compte) est porté à dix ans. Pour les donations passées dans les dix années précédent l entrée en vigueur de la loi de finances rectificative pour 2011, il est prévu l application d un abattement sur la valeur des biens ayant fait l objet de la donation : 10 % si la donation est passée depuis plus de six ans et moins de sept ans ; 20 % si la donation est passée depuis sept ans et moins de huit ans ; 30 % si la donation est passée depuis huit ans et moins de neuf ans ; 40 % si la donation est passée depuis neuf ans et moins de dix ans ou depuis dix ans. En outre, le plafond d exonération de droits de mutation à titre gratuit, fixé à 31.865 euros, concernant les dons de sommes d'argent consentis en pleine propriété au profit d'un enfant, d'un petit-enfant, d'un arrière-petit-enfant ou, à défaut d'une telle descendance, d'un neveu ou d'une nièce, s applique désormais par périodes de dix ans (article 790 G du CGI). Concernant le donateur, il devait auparavant, pour bénéficier de l exonération, être âgé de moins de soixante-cinq ans pour les dons consentis à un enfant, un neveu ou une nièce. 6
Désormais, il doit être âgé de moins de quatre-vingts ans au jour de la transmission, peu important la qualité du donataire, qui doit seulement être âgé de dix huit ans révolus ou avoir fait l objet d une mesure d émancipation à la date de transmission. On notera encore qu en matière de contrat d assurance-vie, en cas de décès de l assuré, la loi de finances rectificative porte de 20 à 25% le taux de prélèvement appliqué à la fraction de la part taxable de chaque bénéficiaire supérieure à 902.838 euros. Sont assujettis à ce prélèvement les bénéficiaires ayant leur domicile fiscal en France au moment du décès et pendant au moins six des dix années précédant le décès, ou les bénéficiaires non résidents dès lors que l assuré avait son domicile fiscal en France au moment du décès. 3. LE REHAUSSEMENT DU TAUX DU DROIT DE PARTAGE Egalement, le taux du droit de partage est rehaussé, à compter du 1 er janvier 2012. Il passe de 1,10% à 2,50%. Cela vise : les cessions de parts de groupements fonciers agricoles, de groupements fonciers ruraux et de groupements forestiers représentatives d'apports de biens indivis, lorsqu'elles interviennent entre les apporteurs desdits biens, leurs conjoints survivants ou leurs ayants droit à titre gratuit, dès lors que ces apporteurs étaient parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclus (article 730 ter du CGI) ; les partages de biens meubles et immeubles entre copropriétaires, cohéritiers et coassociés, à quelque titre que ce soit, pourvu qu'il en soit justifié (article 746 du CGI) ; les licitations de biens mobiliers ou immobiliers dépendant d'une succession ou d'une communauté conjugale ainsi que les cessions de droits successifs mobiliers ou immobiliers lorsqu'elles interviennent au profit de membres originaires de l'indivision, de leur conjoint, de leurs ascendants ou descendants ou des ayants droit à titre universel de l'un ou de plusieurs d'entre eux (article 150 II du CGI). 4. LA CREATION DE L EXIT TAX En outre, la loi de finances rectificative pour 2011 institue sous l article 167 bis (qui avait été abrogé par la loi n 2004-1484 du 30 décembre 2004) le dispositif dit de l exit tax. 7
Il s agit d imposer les contribuables transférant leur domicile fiscal hors de France sur les plus-values latentes constatées sur les valeurs mobilières et droits sociaux qu ils détiennent à la date du transfert, lorsque leur participation dans les bénéfices sociaux d une société est d au moins 1% ou que la valeur de cette participation est au moins égale à 1.300.000 euros. Il faut que les contribuables aient eu leur domicile fiscal en France pendant au moins six des dix années précédant son transfert hors de France. La plus-value est déterminée par différence entre la valeur des droits sociaux ou valeurs mobilières lors du transfert du domicile fiscal hors de France, et leur prix d'acquisition par le contribuable ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation. Il peut être fait application d un abattement pour durée de détention sous certaines conditions. Précisons que les moins-values latentes constatées sur une participation ne sont pas imputables sur les plusvalues latentes constatées sur une autre participation. Les contribuables sont tenus d'informer l'administration fiscale de l'adresse du nouveau domicile fiscal dans les deux mois suivant le transfert et les plus-values imposables doivent être déclarées sur leur déclaration de revenus l année suivant celle du transfert. Ce dispositif est applicable aux transferts du domicile fiscal hors de France intervenus à compter du 3 mars 2011. 5. LE PLAFONNEMENT DE LA TAXE FONCIERE SUR LES PROPRIETES BATIES AFFERENTE A L HABITATION PRINCIPALE On notera enfin qu en compensation de la suppression du bouclier fiscal, la taxe foncière sur les propriétés bâties afférente à l habitation principale sera plafonnée, à compter de 2012, à hauteur de 50% des revenus des contribuables lorsqu ils sont inférieurs au revenu fiscal de référence (article 1391 B ter du CGI). Cette mesure n est pas applicable aux contribuables redevables de l ISF au titre de l année précédent celle de l imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties. Elle ne s applique pas si elle concerne un montant inférieur à 15 euros. Enfin, le dégrèvement n est pas accordé automatiquement : c est au contribuable d adresser une réclamation au service compétent au plus tard le 31 décembre de l année suivant celle de la mise en recouvrement du rôle. 8