N 5 SOCIAL n 2 En ligne sur le site www.fntp.fr / extranet le 08 janvier 2008 ISSN 1769-4000 NOUVEAU PLAN DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL ILLEGAL L essentiel Le gouvernement vient de lancer, lors d une réunion de la Commission nationale de lutte contre le travail illégal qui s est tenue le 19 novembre dernier, un nouveau plan de lutte contre le travail illégal pour la période 2008/09. Cette mesure s inscrit dans la droite ligne des souhaits du Président de la République de renforcer la lutte contre toutes les formes de fraudes et de pratiques abusives aux finances publiques. Ce nouveau plan comprend six axes principaux : d une part, quatre objectifs de résultats visant à lutter contre les fraudes les plus fréquentes ; d autre part, deux objectifs de moyens afin de fournir des moyens renforcés à la politique ainsi engagée. Il convient de souligner que ce nouveau plan se déploiera dans un cadre d intervention rénové. En effet, une délégation interministérielle de lutte contre les fraudes va être mise en place, et une partie des attributions de la Délégation Interministérielle de Lutte contre le Travail Illégal (DILTI) qui a été dissoute va être transférée à la Direction Générale du Travail (DGT). Parallèlement à ce nouveau plan, il convient d indiquer que la Loi de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS) pour 2008 prévoit plusieurs mesures intéressant le travail dissimulé, afin d améliorer les redressements de cotisations sociales en cas de travail dissimulé en pareilles situations. Cette loi a fait l objet d un recours devant le Conseil Constitutionnel. Celui-ci a notamment censuré l article 114 qui visait à sanctionner le défaut d information des maîtres d ouvrage à tous les niveaux de la sous-traitance, par l introduction d une amende de 7 500 (en cas de non acceptation de chacun des sous-traitants et non agrément des conditions de paiement). Cette loi a été publiée au Journal Officiel du 21 décembre 2007. Contact : Karine DUFOUR - Mail : dufourk@fntp.fr - Tél. : 01 44 13 31 25 TEXTES DE REFERENCE : Décision du Conseil Constitutionnel n 2007-558 DC du 13 décembre 2007. Loi n 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008, publiée au Journal Officiel du 21 décembre 2007.
LES AXES DU NOUVEAU PLAN DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL ILLEGAL POUR 2008/2009 Nous détaillons ci-après les différents axes du nouveau plan de lutte contre le travail illégal pour la période 2008/09. 1) Lutte contre les fraudes transnationales (détachement) Le marché intérieur des services et la libre circulation des travailleurs s étant développés, les formes de travail illégal ont eu largement tendance à s internationalisées et dans le même temps, les fraudes transnationales se sont considérablement accrues. Sont principalement visées ici les situations de détachement de travailleurs dans le cadre d une prestation de services, car un certain nombre d entreprises se prévalant du cadre du détachement relèveraient dans les faits du régime de l établissement en France et auraient donc affilier leurs salariés au régime de sécurité sociale français (alors que le détachement permet justement de maintenir les salariés affiliés à leur régime de sécurité sociale d origine ce qui, dans le cas d un détachement d un autre Etat vers la France, se révèle fort avantageux puisque le système français d assurance maladie est l un des plus performants). De plus, les autorités de contrôle ont constaté que des prétendues prestations de services transnationales s analysent dans les faits comme des opérations illicites de fourniture de main d œuvre à but lucratif. Quelles mesures vont être prises dans ce cadre? - des mesures visant à développer l efficacité des outils nationaux de contrôle et de prévention, - des actions d information et de facilitation des démarches administratives des acteurs économiques, - des mesures visant à préciser le droit positif national et européen en matière de détachement en diffusant sa connaissance auprès des agents de contrôle, notamment par la publication du décret d application de la loi en faveur des PME du 02 août 2005 1 et par la publication d une circulaire de la DGT précisant notamment les conditions du recours légal au régime du détachement, prévu par la Directive européenne du 16 décembre 1996 Cette dernière mesure d information est tout à fait conforme à l outil que la Fédération de l Industrie Européenne de la Construction (FIEC), dont la FNTP est membre, est en train de développer ; à savoir une banque de données sur le détachement qui présentera le droit social légal et conventionnel applicable dans les 27 Etats membres que compte l UE. 1 Doit être indiqué ici que le décret n 2007-1739 du 11 décembre 2007 vient d être publié au Journal Officiel du 13 décembre 2007, et qu il fera l objet d une prochaine Informations Social. 2
2) Contrôle des travailleurs sous statuts dits spécifiques Le Ministre du Travail souhaite également que le recours à la pratique de plus en plus répandue dite "des faux statuts" fasse l objet de contrôles plus fréquents. Ces pratiques permettent à une entreprise d employer des travailleurs qui n ont pas la qualité de salariés, ce qui leur permet d éluder l application des règles de la législation du travail et de la sécurité sociale. Dans les faits, le travailleur soi-disant sous statut spécifique (par exemple un stagiaire, un travailleur indépendant, un intermittent, etc ) exerce en réalité une activité qui le place dans un état du subordination à l égard de l entreprise d accueil qui elle, dirige et contrôle l exécution de son travail comme elle le ferait à l égard de n importe quel autre salarié. Quelles mesures vont être prises dans ce cadre? - des mesures visant à renforcer encore davantage le recours aux stagiaires. Sont notamment envisagées la mise en place dans les universités d une base de données stagiaires, ou encore la tenue par les entreprises ayant recours à des stagiaires d un registre recensant les conventions de stages signées. 3) Lutte contre le travail non déclaré Le travail non déclaré ou sous-déclaré constitue la forme la plus répandue de travail illégal. La lutte contre cette pratique doit passer par une simplification et une dématérialisation des formalités administratives, mais aussi par un développement des actions de prévention, de répression et de contrôle. Quelles mesures vont être prises dans ce cadre? - la poursuite des campagnes territoriales lancées par l Acoss et relayées par les Urssaf et les caisses de la Mutualité Sociale Agricole, visant à sensibiliser les employeurs à leurs obligations de déclarations, - des mesures visant à promouvoir l utilisation de la télédéclaration et le recours aux titres emplois simplifiés (par exemple le chèque emploi service, ou encore le chèque emploi associatif). 4) Prévenir l emploi d étrangers sans titre de travail Sont visées ici l ensemble des mesures et procédures relatives au respect des conditions d accès des ressortissants étrangers au marché du travail français. Le gouvernement rappelle qu en 2006 (s appuyant sur les chiffres des organismes de contrôle) 1 435 infractions d emploi d étrangers sans titre ont été constatées dans les secteurs identifiés comme prioritaires (c'est-à-dire le BTP mais aussi l agriculture, les hôtels-cafésrestaurants, etc ). Par conséquent, le gouvernement entend prendre différentes mesures 3
en faveur de ces secteurs en pénurie de main d œuvre, mais également concernant la question de la sous-traitance (problématique de la sous-traitance en cascade qui, dans certaines circonstances, peut poser des difficultés). Ainsi, des objectifs en la matière ont été fixés pour l année 2008, et notamment une application effective des sanctions pénales et administratives existantes (comme la contribution spéciale Anaem). 5) Renforcement des moyens mis à disposition Cet objectif prend la forme de deux mesures principales : - d une part, améliorer le contrôle et les sanctions. Cela passera par la modernisation des services de contrôle, par l élargissement des échanges d information autour des Comités Opérationnels de Lutte contre le Travail Illégal (COLTI), et par la mise en place de sanctions dissuasives. - d autre part, agir également sur la répression. Cela passera par une coordination avec l ensemble des partenaires sociaux. A ce titre, le gouvernement indique que plusieurs actions ont d ores et déjà été engagées, telles que les chartes de bonnes pratiques signées dans notre secteur. D autres initiatives sont attendues afin de diffuser plus largement l information spécifique dédiée à ces acteurs comme par exemple les conventions partenariales qui ont déjà été conclues avec le secteur du travail temporaire (10/05/06) et du gardiennage de sécurité (09/03/07). LES DISPOSITIONS DE LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SECURITE SOCIALE POUR 2008 EN MATIERE DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL ILLEGAL Les articles 112 et 113 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prévoit une évaluation forfaitaire des redressements lorsque aucun élément ne permet de connaître la rémunération versée au salarié ; mais aussi une annulation des exonérations ou des réductions de cotisations ou contributions sociales perçues. 1) Evaluation forfaitaire des redressements L article 112 de la loi évalue forfaitairement les rémunérations versées ou dues en contrepartie d un travail dissimulé, à six fois la rémunération mensuelle minimale définie à l article L.144-11 du code du travail en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé. C'est-à-dire à six fois le SMIC mensuel calculé sur la base de la durée légale du travail. A cette fin, un nouvel article L.242-1-2 du code de la sécurité sociale est crée. 4
Cette évaluation forfaitaire peut être utilisée à défaut de preuve contraire, c'est-à-dire lorsque aucun élément ne permet de connaître la rémunération versée au salarié en contrepartie de l activité non déclarée par l employeur. Cette rémunération fictive est supposée avoir été versée au cours du mois où le délit a été constaté. Le recouvrement des cotisations et contributions est effectué par les organismes de recouvrement sur la base des informations contenues dans les procès-verbaux de travail dissimulé qui leur sont transmis. Un décret en Conseil d Etat doit préciser les modalités de prise en compte, au titre de l assurance vieillesse, de la rémunération forfaitaire ainsi que la procédure de recouvrement. 2) Annulation des exonérations ou des réductions L article L.133-4-2 du code de la sécurité sociale qui définit les modalités d annulation des exonérations ou réductions de cotisations ou contributions suite au constat d un délit de travail dissimulé est modifié de la manière suivante : - il y est tout d abord précisé que le bénéfice de toute mesure d exonération ou de réductions des cotisations ou contributions de sécurité sociale qui est applicable automatiquement, et qui par principe est subordonné au respect par l employeur de l interdiction de travail dissimulé ; vise les cotisations et contributions dues aux organismes de sécurité sociale (et non plus les cotisations acquittées comme cela était écrit auparavant) - le calcul de l annulation des exonérations et réductions est ensuite modifié. Jusqu ici, l organisme de recouvrement procédait à l annulation des réductions dans la limite de la prescription quinquennale applicable. Dorénavant, les exonérations pourront être annulées proportionnellement à la quantité de travail dissimulé que l employeur aura utilisé à son profit (quel que soit le nombre de salariés employés de manière irrégulière et la répartition des heures dissimulées dans le mois). Ainsi, l annulation des exonérations ou réductions sera totale si les rémunérations versées ou due au cours du mois considéré sont au moins égales au SMIC mensuel calculé sur la base de la durée légale du travail. Dans la négative, l annulation sera réduite à due proportion en appliquant aux réductions/exonérations un coefficient égal au rapport entre les rémunérations versées ou dues et la rémunération mensuelle minimale. Un décret devrait prévoir un plafonnement du montant de l annulation. 3) Communication des procès-verbaux aux organismes de recouvrement L ensemble des agents habilités à constater le délit de travail dissimulé se voit imposer l obligation de communiquer leurs procès-verbaux aux organismes de recouvrement des cotisations de sécurité sociale, qui procèdent à la mise en recouvrement des cotisations et contributions qui leur sont dues sur la base des informations contenues dans ces procès -verbaux. 5
Cette communication systématique est précisée par un nouvel article L.324-12-1 du code du travail. Cette nouvelle disposition permettra aux Urssaf et aux caisses de mutualité sociale agricole de mettre en recouvrement de façon systématique les redressements consécutifs au constat du délit de travail dissimulé, quel que soit le service verbalisateur. 4) Renforcement lié au signalement des travailleurs dissimulés auprès des organismes de protection sociale L article 113 de la loi modifie l article L.114-15 du code de la sécurité sociale, concernant l obligation pour les agents de contrôle de signaler les travailleurs dissimulés aux organismes de protection sociale, en vue de sanctionner d éventuelles fraudes aux prestations. Jusqu à présent, ce signalement se limitait aux travailleurs dissimulés dont les agents de contrôle considéraient qu ils avaient intentionnellement accepté cette situation. Compte tenu de la complexité d établir ce caractère intentionnel, il est purement et simplement supprimé. Ainsi, l obligation de signalement concerne désormais tous les travailleurs dissimulés sans exception. 6