Le canal spinal lombaire étroit



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Transcription:

CABINET Forum Med Suisse N o 39 25 septembre 2002 922 Le canal spinal lombaire étroit B. Jeanneret a, C. Jeanneret b a Orthopädische Universitätsklinik Basel, Felix Platter-Spital b Angiologische Abteilung, Medizinische Universitätsklinik, Kantonsspital Bruderholz, BL Correspondance: Pr Dr B. Jeanneret Orthopädische Universitätsklinik Basel Felix Platter-Spital Burgfelderstrasse 101 CH-4012 Basel jeanneretbernard@yahoo.de Introduction Le canal spinal étroit de la colonne lombaire (CL) a été reconnu en 1949 déjà par Verbiest comme étiologie de la claudication spinale et sa première publication à ce sujet date de 1954 [1]. Cette pathologie est aujourd hui de plus en plus fréquemment reconnue comme cause de douleurs de jambes invalidantes et de restriction de la marche. Le but de cet article est de présenter le tableau clinique, le diagnostic différentiel et le traitement du canal spinal étroit. Symptômes Le canal spinal étroit se manifeste par des ischialgies uni- ou bilatérales [2]. Ces douleurs apparaissent typiquement à la marche et irradient, en fonction de la racine de nerfs atteinte correspondante, depuis la cuisse jusqu au mollet ou prétibialement. Lors de compression d une racine de nerfs lombaire plus proximale, les douleurs irradient vers le genou ou sur la face ventrale des cuisses. Il est rare que les patients se plaignent uniquement de lombalgies. Les douleurs augmentent pour devenir intolérables après une certaine distance, contraignant les patients à se pencher en avant, à s accroupir ou à s arrêter. Ils mentionnent aussi parfois des paresthésies et fourmillements, ou une insécurité dans l extrémité atteinte. Tous ces symptômes disparaissent en quelques secondes ou minutes lorsque les patients prennent une position en cyphose lombaire, c està-dire se penchent en avant ou s assoient. Les douleurs ne surviennent pas uniquement à la marche, elles peuvent être également déclenchées par des positions en lordose de la colonne, par exemple en étant debout ou en étant allongé sur le dos. Le sommeil s en trouve parfois perturbé. Les patients ne peuvent plus s endormir sur le dos, ils se réveillent la nuit avec des douleurs dans les jambes et doivent se lever, bouger ou s asseoir. Lors de sténoses du canal avancées, des troubles sphinctériens de la vessie peuvent apparaître, accompagnés par des troubles sensitifs et moteurs progressifs, persistant malgré une position en cyphose maximale de la colonne lombaire. D autres plaintes typiques de patients sont p.ex.: Je peux sarcler et désherber le jardin longtemps sans le moindre problème, mais je ne peux presque plus tondre le gazon ou retourner le sol. Je peux aller à vélo sans problèmes, mais je n arrive plus à pousser le vélo. Je ne peux plus participer à des cocktails debout, car j ai de telles douleurs après 5 minutes que je dois m asseoir. Je ne peux plus visiter des musées. Je marche toujours penché en avant. Cause des douleurs de jambes Les douleurs des jambes sont radiculaires et sont dues à l ischémie d une ou plusieurs racines de nerfs en raison d un rétrécissement du canal spinal ou de foramina intervertebralia. Comme le diamètre du canal spinal et celui des foramina intervertebralia augmentent en inclination (fig.1), les symptômes disparaissent dans cette position. Les patients cyphosent donc leurs colonnes spontanément et marchent de plus en plus penchés en avant. C est pour cette même raison qu ils s assoient de plus en plus souvent ou qu ils s accroupissent. Etiologies des rétrécissements du canal spinal L origine de loin la plus fréquente des rétrécissements du canal spinal sont les troubles dégénératifs (fig. 1 5). Le vieillissement physiologique des disques intervertébraux entraîne un rétrécissement de l espace intervertébral et une protrusion des disques. Il s ensuit un rétrécissement des foramina intervertebralia et du canal spinal. Une arthrose des articulations intervertébrales avec formation d ostéophytes peuvent apparaître secondairement (fig. 2) et rétrécir encore plus le canal spinal, le recessus lateralis et le foramen intervertébral. Les altérations arthrosiques des petites articulations intervertébrales peuvent entraîner des épanchements synoviaux et la formation de kystes synoviaux extra- et intraspinaux (fig. 3). Enfin le ligamentum flavum s épaissit avec l âge, contribuant également au rétrécissement du canal spinal. Un spondylolisthésis dégénératif est fréquemment associé à un canal spinal étroit. Il est pro-

CABINET Forum Med Suisse N o 39 25 septembre 2002 923 Figure 1. La myélographie lombaire avec des clichés fonctionnels montre l influence d une lordose (a) et d une cyphose (b) de la colonne lombaire sur la largeur du canal spinal. La largeur diminue en réclination (a) et augmente en inclination (b). L anulus fibrosus, la capsule articulaire et le ligamentum flavum sont étirés en inclination, le volume de ces structures diminue et élargit ainsi le canal spinal et les foramina intervertebralia. a b Figure 2. Les altérations dégénératives de la colonne lombaire entraînent un rétrécissement du canal spinal principalement par la protrusion de l anulus fibrosus et par l épaississement arthrosique des épines dorsales. A gauche de la figure, un corps vertébral L5 sans altérations arthrosiques et, à droite, avec altérations arthrosiques. voqué par la destruction arthrosique progressive des petites articulations intervertébrales. Le corps vertébral proximal peut glisser ventralement sur le corps distal, provoquant le tableau de spondylolisthésis dégénératif (fig. 5). Des processus expansifs telles les hernies discales, les fractures de corps vertébral, les tumeurs, des petits hématomes épiduraux peuvent eux aussi rétrécir le canal spinal. Lors qu ils compriment les racines nerveuses seulement par intermittence, les symptômes ressemblent à ceux dus aux troubles dégénératifs. Une sténose du canal spinal peut aussi être due à des malformations du canal spinal p.ex. lors de sténose congénitale du canal spinal ou lors d achondroplasie. Les os du crâne et les corps vertébraux grandissent normalement lors de cette maladie, mais les pédicules et les longs os tubulaires ont un retard de croissance. Un canal spinal étroit en résulte au niveau de la colonne vertébrale. Investigations Examen clinique Typiquement, la mobilité de la colonne lombaire est diminuée en réclination. La réclination et/ou la flexion latérale de la colonne lombaire déclenchent parfois les douleurs typiques de la cuisse et de la jambe. La mobilité de la colonne vertébrale en flexion est souvent étonnamment libre. La distance doigt sol est souvent nulle chez ces patients âgés! Les signes cliniques décelables de déficits radiculaires sensibles ou moteurs font typiquement défaut.

CABINET Forum Med Suisse N o 39 25 septembre 2002 924 Figure 3. Gros kyste synovial intraspinal, responsable de douleurs de jambes intermittentes. Les deux articulations montrent de fortes altérations arthrosiques, sont accompagnées d un épanchement et ont contribué à la formation d un spondylolisthésis dégénératif. Figure 4. Homme âgé de 69 ans souffrant de claudication spinale. Le périmètre de marche est réduit à 300 mètres. a. La myélographie lombaire met en évidence des rétrécissements de L2 à L5, le plus prononcé au niveau L4/L5. b. Le traitement chirurgical effectué consista en une laminotomie sans lamectomie! Les lignes en pointillé montrent la faible étendue de la résection osseuse. Les laminae et les épines dorsales demeurent intactes. baire. C est un examen dépassé pour investiguer un canal spinal étroit et qui ne devrait plus être pratiqué dans cette indication. La myélographie lombaire: Elle est souvent effectuée comme examen préopératoire. Par rapport à l IRM, elle offre l avantage de mettre en évidence l action directe du rétrécissement spinal sur le sac dural et sur les racines nerveuses, elle est donc plus facile à interpréter et demeure aussi significative lors de scolioses. Des clichés fonctionnels en inclination et réclination peuvent de plus révéler des sténoses demeurant invisibles en position neutre. La douleur élective lors de l injection de produit de contraste peut occasionnellement fournir des informations supplémentaires. Les inconvéa b Ils ne s installent généralement qu après une longue évolution de claudication spinale. Investigation par imagerie médicale L IRM, Imagerie par résonance magnétique: Elle seule est à même d illustrer de manière suffisante toute la colonne lombaire. Elle permet d évaluer la largeur tant du canal spinal que des foramina intervertebralia. Elle peut être effectuée avec un appareil ouvert chez les patients claustrophobes. La tomographie computérisée est certes moins chère qu une IRM mais ne permet pas une illustration optimale des structures nerveuses. La dose d irradiation est considérable si l on veut examiner tous les segments de la colonne lom-

CABINET Forum Med Suisse N o 39 25 septembre 2002 925 Figure 5a. Patiente de 78 ans avec un spondylolisthésis L4/5 et une claudication spinale. Le périmètre de marche est réduit à 150 mètres. La myélographie lombaire met en évidence une sténose massive du canal spinal au niveau du spondylolisthésis L4/L5 lors de colonne lombaire en extension. nients de la myélographie sont, d une part, son côté invasif avec un syndrome d hypoliquorrhée avec céphalée comme complication occasionnelle, d autre part, le fait de ne pouvoir illustrer le trajet intra- et extraforaminal des racines nerveuses. Infiltration diagnostique des racines nerveuses: Etablir une corrélation entre les données cliniques et radiologiques constitue la difficulté principale de l évaluation d une sténose spinale lombaire. Des altérations radiologiques étendues mais sans signification clinique ne sont pas rares (p.ex.: protrusion de disques multiples ou compression de racines sur le côté asymptomatique). L altération radiologique doit donc correspondre précisément à la localisation des douleurs radiculaires pour pouvoir entrer en ligne de compte comme étiologie des douleurs actuelles. En cas de doutes, les différentes racines peuvent être anesthésiées dans un but diagnostic. Si les douleurs typiques disparaissent pour la durée de l anesthésie, la racine nerveuse correspondante est vraisemblablement responsable des plaintes du patient. Pose du diagnostic Le diagnostic est basé sur l anamnèse typique et sur la preuve de la compression de structures nerveuses à la tomographie par résonance magnétique ou par myélographie. Lors d une anamnèse atypique, il faut envisager également l éventualité d autres entités nosologiques et les exclure (voir diagnostic différentiel). Figure 5b. Une opération de décompression du canal spinal a été effectuée chez cette patiente en raison des douleurs réfractaires au traitement et invalidantes. Une stabilisation supplémentaire avec un système de vis pédiculées (dynesis) a été effectuée en raison de la destruction de l articulation L4/L5. Le cylindre de polyuréthane invisible radiologiquement est représenté en couleur.

CABINET Forum Med Suisse N o 39 25 septembre 2002 926 Figure 5c. Les douleurs des jambes ont disparu dès la phase postopératoire. La patiente se porte toujours bien 2 ans après l opération malgré son âge avancé. Elle fait de longues promenades et n a pas la moindre douleur. Diagnostic différentiel Les maladies artérielles occlusives des membres inférieurs: Les patients se plaignent de douleurs de jambes pouvant aussi irradier distalement lors de maladie artérielle occlusive touchant les artères du bassin et/ou des jambes. La symptomatologie dépend de la localisation du segment atteint. Les douleurs irradient dans les cuisses lors d atteinte des artères du bassin. Lors d occlusions ou de sténose des artères proximales des jambes, les patients se plaignent de douleurs des mollets à l effort. Mais contrairement à la claudication spinale, les patients se plaignent de douleurs de jambes également à vélo et lors de marche en montée avec une cyphose de la colonne lombaire. Un examen angiologique (palpation des pouls, auscultation des artères au repos et après effort, test de Ratschow), l oscillographie du pouls segmentaire et acral, et la mesure de la pression artérielle au niveau des chevilles sont les investigations complémentaires nécessaires. L origine vasculaire d une douleur de jambe peut être présumée en absence de pouls périphérique palpable à l examen clinique et/ou en présence de souffle artériel avec une pression d occlusion diminuée au repos (voir tab. 1). La pression artérielle systolique au niveau de la cheville est mise en rapport avec celle au niveau du bras. La différence pression bras pression cheville varie normalement entre +5 et 40 mm Hg. Lors de pression artérielle au repos normale, pour s assurer de l absence de maladie artérielle occlusive périphérique, il faut compléter l examen par la mesure de la pression après un effort (comme se mettre sur la pointe des pieds trente fois) ou mieux un effort standardisé sur le tapis roulant (200 m, 3,2 km/h, pente de 12,5 ). Si la différence de la pression bras cheville est >0 après l effort, il faut pousser les examens diagnostics (ultrasonographie doppler-duplex, angiographie IRM). Si ces derniers examens confirment une sténose des Tableau 1. Valeurs seuils critiques pour le diagnostic d une maladie artérielle occlusive périphérique des membres inférieurs. Paramètre mesuré normal pathologique au repos à l effort au repos à l effort Diff. de pression bras +5 à 40 normale après 1 min. normale ou >+5 >+5 cheville (mm Hg) temps de repos >1 min. Oscillographie normale amplit. diminuée, normale ou pathologique récup. rapide pathologique

CABINET Forum Med Suisse N o 39 25 septembre 2002 927 Quintessence voies artérielles, les douleurs sont, selon toute vraisemblance, d origine vasculaire. Coxarthrose: Les douleurs peuvent irradier jusqu au genou et imiter ainsi une claudication spinale. La douleur peut en général être déclenchée par une mobilisation de la hanche, en particulier par des mouvements de rotation rapides. En plus d une radio du bassin, une infiltration diagnostique de la hanche correspondante doit être effectuée en cas de doutes. Si la douleur disparaît le temps de la durée de l anesthésie, les douleurs de la jambe peuvent être attribuées aux altérations de l articulation de la hanche. Bursite trochantérique: Elle peut déclencher de violentes douleurs de la jambe qui peuvent irradier jusque vers la malléole latérale. Une pression locale sur la région prétrochantérienne provoque la douleur. Une infiltration anesthésique diagnostique loco dolenti fait disparaître les douleurs le temps de la durée de l anesthésie. Tendinites d insertion au niveau de l anneau du bassin postérieur et myélogéloses: Elles peuvent, elles aussi, provoquer des douleurs irradiant dans la jambe. La pression sur le bord du bassin postérieur ou sur les myélogéloses provoque les douleurs typiques. Une infiltration anesthésique diagnostique au niveau de la région douloureuse fait disparaître les douleurs le temps de la durée de l anesthésie. La sténose spinale lombaire est une maladie du patient âgé. Elle est une cause fréquente de douleurs de jambes invalidantes et de périmètre de marche réduit. Le diagnostic se base sur l anamnèse typique et la mise en évidence d une compression des structures nerveuses à l imagerie par résonance magnétique ou par myélographie. Le traitement conservateur comprend les mesures de physiothérapie, les traitements médicamenteux analgésiques et les infiltrations stéroïdiennes péridurales. Lorsque les traitements conservateurs ne suffisent plus à obtenir une analgésie suffisante ou lors d apparition de déficits neurologiques, une décompression chirurgicale des structures nerveuses, associée dans des cas électifs à une stabilisation, devient le traitement de choix. Le traitement chirurgical permet d obtenir une amélioration immédiate des douleurs de jambes et de rallonger le périmètre de marche dans 60 90% des cas. Un âge avancé n est pas une contre-indication en soi, l état général du patient est un critère plus important pour déterminer son opérabilité. Syndrome du piriforme: Une compression du nerf sciatique au niveau du foramen ischiadicum est possible. La rotation interne de la hanche en extension met le nerf sciatique sous tension et peut le comprimer encore davantage et provoquer ainsi les douleurs typiques. Traitement Traitement conservateur: Les méthodes de traitement conservateurs sont mal documentées. Une revue de la littérature indique cependant que jusqu à 25% des patients semblent bénéficier de tels traitements durant des mois [3]. Les analgésiques médicamenteux (le plus souvent AINS), les injections stéroïdiennes péridurales et les traitements de physiothérapie sont utilisés. Les corsets cyphosants peuvent aussi être essayés. Le patient peut aussi gérer ses douleurs par son comportement (p.ex. raccourcissement des distances de marche, poses assises plus fréquentes). Les injections stéroïdiennes épidurales peuvent soulager transitoirement. Elles peuvent être répétées à plusieurs reprises. Le médicament est injecté dans l espace interlaminaire ou épidural au niveau des foramens. Les traitements de physiothérapie [4] comprennent principalement les exercices pour diminuer la lordose de la colonne lombaire. Ce sont des exercices d élongation des fléchisseurs des hanches, des extenseurs des genoux et de la musculature paravertébrale, des exercices de position de cyphose de la colonne lombaire et fortification de la musculature abdominale. On apprend aux patients à basculer le bassin en arrière autant que possible en position debout pour effacer la lordose lombaire. Traitement opératoire: Quand les traitements conservateurs échouent et que les symptômes radiculaires détériorent massivement la qualité de vie ou lors d installation de déficits neurologiques, les interventions chirurgicales de décompression sont le traitement de choix. Ces interventions améliorent souvent spectaculairement les douleurs et permettent de nouveau une existence normale. En soi, un âge avancé n est pas une contre-indication pour une décompression chirurgicale, l état général ou resp. l opérabilité du patient est un critère plus déterminant. L intervention consiste en une décompression des structures nerveuses, associées selon les cas avec une stabilisation avec un support métallique. La laminectomie standard effectuée par le passé ne devrait être qu exceptionnellement effectuée de nos jours, car l ablation complète de la lamina peut être associée à une instabilité accrue et aussi à des fractures douloureuses des segments interarticulaires. Une laminotomie est donc recom-

CABINET Forum Med Suisse N o 39 25 septembre 2002 928 mandée au lieu de la laminectomie (fig. 4). Le ligamentum flavum et une partie de la lamina adjacente sont seulement excisés. Puis le canal spinal et les foramens sont décomprimés depuis cet endroit. Une excision complète de la lamina n est nécessaire que lorsque l introduction des instruments sous la lamina risque de provoquer une compression supplémentaire dangereuse et des lésions de la cauda equina. Un tel canal si rétréci se rencontre par exemple lors d achondroplasie. Une stabilisation simultanée est conseillée lors d instabilité, lors de spondylolisthésis dégénératif (fig. 5), lors de scoliose prononcée, ou lors de répétitions d interventions de décompression. Les résultats cités dans la littérature pour les décompressions chirurgicales sont bons, les douleurs des jambes disparaissent dans 60 90% des cas, le périmètre de marche se normalise [5 7]. Nos propres données confirment ces résultats, 80% des patients opérés interrogés se feraient à nouveau opérer [8]. Références 1 Verbiest H. A radicular syndrome from developmental narrowing of the lumbar vertebral canal. J Bone Joint Surg 1954;36B:230 3. 2 Amundsen T, Weber H, Lilleas F, Nordal HJ, Abdelnoor M, Magnaes B. Lumbar spinal stenosis: clinical and radiologic features. Spine 1995;20: 1178 86. 3 Simotas AC. Nonoperative treatment for lumbar spinal stenosis. Clin Orthop 2001;384:153 61. 4 Bodack MP, Monteiro M. Therapeutic exercise in the treatment of patients with lumbar spinal stenosis. Clin Orthop 2001;384:144 52. 5 Benz RJ, Garfin SR. Current techniques of decompression of the lumbar spine. Clin Orthop 2001;384: 75 81. 6 Niggemeyer O, Strauss JM, Schulitz KP. Comparison of surgical procedures for degenerative lumbar spinal stenosis: a meta-analysis from 1975 1995. Eur Spine J 1997;6:423 9. 7 Turner JA, Ersek M, Herron L, Deyo R. Surgery for lumbar spinal stenosis: attempted meta-analysis of the literature. Spine 1992;17:1 8. 8 Jeanneret B. Die degenerative lumbale Spinalkanalstenose. Eine invalidisierende, aber behandelbare Erkrankung. Therapie Woche 1998; 261 5.