Rencontre avec Romain Slocombe Vendredi 10 octobre 2014

Transcription

1 I. Votre parcours personnel Rencontre avec Romain Slocombe Vendredi 10 octobre 2014 Maelann : à quel âge avez-vous commencé à écrire? Vers 12 ans, j ai commencé à écrire de la poésie. Mes parents m ont offert une machine à écrire et cela m a donné envie d écrire. De plus, j étais bon en dessin ; j ai donc eu envie de faire des bandes dessinées. Je suis devenu écrivain assez tard, vers 29 ans. J ai d abord écrit des nouvelles, puis ces nouvelles sont devenues des chapitres et petit à petit j ai écrit des romans. Il s est tout de même passé 17 ans entre mon premier et mon deuxième roman. Valentin : pourquoi avez-vous eu envie de devenir écrivain? Ce n était pas du tout une direction au départ, mais au moment où j ai commencé à écrire des petites histoires, j ai tout de suite aimé, j ai trouvé cela génial. Mais j avais beaucoup de mal à trouver des idées. A force de chercher des idées, elles viennent plus facilement. J ai déjà des idées pour mes quatre prochains romans. Maxime : avez-vous fait des études spéciales pour devenir écrivain? Non, il n y a aucune école qui prépare à devenir écrivain. On ne peut pas apprendre à devenir écrivain, on peut juste donner des conseils comme par exemple raconter ce qui nous est arrivé. Autre conseil : il faut lire des livres. Lire n est jamais du temps perdu. Mais c est bien aussi de faire ses études jusqu au bout. Moi, j ai fait des études scientifiques, je n ai pas eu de préparation spécifique, mais j étais dans un bon lycée, avec des bons profs. Le mieux est quand même de lire beaucoup de livres. Omer : d'où vous vient l'envie d'écrire? C est mystérieux, je ne sais pas d où ça vient. Quelquefois, une lecture m inspire. Un document de famille peut m inspirer. Par exemple, j ai trouvé des correspondances entre mon père et ses parents pendant la guerre ; cela m a donné envie d écrire un livre sur cette époque-là. Je suis un écrivain réaliste : j aime bien que ce que j écris ait pu se passer. Je suis donc obligé de beaucoup me documenter. Antonin : étiez-vous bon en français? Oui. J avais une maîtresse qui enseignait bien l orthographe. La langue française m a toujours beaucoup intéressé. Cela m énerve d ailleurs beaucoup quand des journalistes ou des hommes politiques font des fautes de français! Meggy : qu'aimez-vous lire? Un peu de tout, mais surtout des histoires dans lesquelles on entre facilement. J aime les romans policiers, mais pas que çà. J aime la littérature étrangère, les romans japonais, les lectures en anglais car ma mère est anglaise. J aime lire des récits, des histoires assez sombres. Je n aime pas quand ça finit trop bien car je n y crois pas.

2 Shirley : quel est votre livre préféré? Il y en a beaucoup! A votre âge, j aimais beaucoup Sherlock Holmes et Arsène Lupin. Emma : quels sont vos écrivains préférés? J aime beaucoup Patrick Modiano, dont les romans sont mystérieux et poétiques. Il vient juste d avoir le prix Nobel de littérature. Avant de me mettre à écrire, je lis quelques lignes de lui. J aime aussi Georges Simenon : ses romans qui ne sont pas policiers sont très intéressants. Marine : d'où vous vient cette passion pour les livres? Il y avait beaucoup de livres à la maison. Le fait de voir beaucoup de livres donne envie : ils sont beaux à regarder et quand on les ouvre, on voit dans sa tête tout ce qui est raconté. Pour moi, c est magique! De plus on peut relire un livre, on peut s arrêter dans sa lecture, la reprendre Le livre est un objet comme un ami. D ailleurs, je n aime pas trop les bibliothèques car il faut rendre les livres. Marceau : voyagez-vous pour trouver l'inspiration? Mes parents aimaient beaucoup voyager ; j ai vu beaucoup de pays avec eux. Je suis allé en Amérique quand j avais 7 ans, je suis souvent allé au Japon. Maintenant, je me sers de mes expériences. Je me documente aussi sur Internet avant d écrire. Mes souvenirs sont toutefois très utiles. Par exemple, j ai fait un voyage en Italie et je me suis servi de mes souvenirs, de mes émotions ressenties, pour écrire un roman. Quand on voyage on emmagasine différentes expériences et c est toujours très utile. Maeva : On a vu que vous pratiquiez beaucoup d'arts différents : lequel préférez-vous? J ai eu différentes vies successives, différents métiers, plus ou moins créatifs (dessin, photo, vidéo.). J aime tout mais je n ai plus trop envie aujourd hui de dessiner. Quand on vieillit, on devient presbyte, c est plus difficile de dessiner. Mais j ai de plus en plus envie d écrire. Pendant 10 ou 20 ans, j ai fait un truc, puis j ai découvert un autre truc. Je crois qu écrivain est un métier qu on peut faire même quand on est vieux. II. Votre vie d écrivain Paul-Etienne : avez-vous un autre métier à côté? J ai la chance de ne pas avoir de boulot salarié. Quand j étais illustrateur, c était cela qui me faisait gagner ma vie. Aujourd hui, on me considère comme un écrivain. Romane : est-il possible de vivre de son métier d'écrivain Ecrivain, cela peut rapporter beaucoup d argent quand les livres se vendent très bien. Mais ces écrivains-là sont peu nombreux! Etre écrivain, c est gagner peu. C est un choix de vocation, pas un choix économique. Sur les 10 euros payés quand on achète un livre, il n y a que 0.80 à 1.20 euros pour l auteur. Beaucoup de personnes prennent leur part : le libraire, l éditeur Un auteur gagne environ 10 % du prix du livre, 5% quand c est un livre pour la jeunesse. C est la raison pour laquelle des auteurs se publient eux-mêmes sur Internet. Moi, je préfère travailler avec un vrai éditeur, qui donne une avance. Par exemple, pour un livre,

3 l avance peut aller de 3000 à euros, parce que je suis un peu connu. Mais même si c est euros, j aurai reçu cette somme pour un livre que j aurai mis un an à écrire, ce qui fait un salaire d environ 1800 euros par mois, pour un écrivain qui marche bien. Mais quand un livre marche bien ou quand il reçoit un prix littéraire, cela peut rapporter beaucoup. Quelques rares personnes peuvent faire fortune avec leurs livres. Antonin : où puisez-vous votre inspiration? C est très mystérieux! Par exemple, pour Deux détectives chez Dracula, je connais la ville. C est l endroit qui m inspire. Je vais aussi chez l acupuncteur : je m en suis servi dans le roman. Quand l étais au lycée, je regardais des films sur Dracula au cinéma le Styx à Paris et j adorais cela! Pour le Faux détective, quand j étais étudiant, il y avait un usine abandonnée à côté de la fac de Nanterre ; des copains y faisaient des vols de cuivre pour le revendre. Cela m a donné des idées. De la même façon, un jour, pendant une rencontre avec des élèves, la maîtresse m a interrompu car un polar se déroulait dans la rue : une conductrice se faisait taper dessus. Je m en suis servi pour donner un point de départ dramatique à ce roman. Kentin : avez-vous déjà été confronté à la page blanche? Cela ne m est jamais arrivé. J y ai toujours pensé avant, j ai préparé mon écriture. C est plus difficile au début qu à la fin d un livre. Après 2 ou 3 pages, le rythme s accélère. Marine : est-ce facile de commencer une carrière d'écrivain? Le problème est qu il faut trouver un éditeur. La plupart des gens envoie leur manuscrit par la Poste. Les gros éditeurs reçoivent environ 7 manuscrits par jour, c est beaucoup! Il faut tout lire et seulement 1 à 3 manuscrits, sur 300 reçus, seront publiés en un an. Quand on ne connait personne, on est obligé d en passer par là. Quand on a déjà un livre publié, c est plus facile ; on peut se faire publier chez un éditeur plus important. Pour moi, comme dessinateur, je connaissais différentes maisons d éditions ; mon premier roman a d ailleurs été publié chez un éditeur de bandes dessinées. Benoît : Ecrire un livre vous prend-t-il beaucoup de temps? Cela dépend. Pour un livre pour enfants, il me faut environ trois semaines. Puis le texte est envoyé à l éditeur qui suggère des corrections. Pour les gros romans pour adultes, il me faut entre 3 mois et 1 an. Mais je ne travaille pas tout le temps. Le temps réel d écriture est moindre. Par contre, quand j écris, c est toute la journée, sans interruption. Inès : quand avez-vous commencé à être connu? J ai d abord été connu comme dessinateur de bande dessinée. Mon deuxième roman est paru dans la série noire, j ai eu beaucoup d articles de presse dessus, cela m a aidé. Mon livre «M. le Commandant» a été très connu car il était sur la liste pour le Goncourt. J ai un public de plus en plus large, mais je ne suis pas un auteur très connu. Stéphane : en quelle année votre premier livre a-t-il été publié? En 1983, chez un éditeur de bande dessinée, il était ultraviolent.

4 Kévin : avec combien d'éditeurs travaillez-vous? Je suis un cas particulier car je travaille avec beaucoup d éditeurs différents : Gallimard, les Humanoïdes associés, Bayard, le Masque, Syros, PUF, le Rocher En tout je crois 16 ou 17 éditeurs. Mais un écrivain peut faire sa carrière chez un même éditeur. Justin : combien de livres avez-vous déjà publiés? Environ 19 pour les adultes, 4 ou 5 pour la jeunesse, 5 ou 6 bandes dessinées, des récits d illustrations En tout cela fait beaucoup, entre 30 et 40. Antonin : faites-vous relire vos livres par votre entourage avant de les soumettre à un éditeur? Non je me méfie beaucoup de mon entourage pour cela. L impact émotionnel est important : les gens donnent un avis qui n est pas toujours objectif. La lecture se fait uniquement par l éditeur, puis le préparateur relit tout, harmonise le récit et vérifie les différents faits historiques. Enfin, le correcteur se concentre sur les fautes d orthographe et les différentes coquilles. Beaucoup de personnes travaillent à la qualité d un livre avant qu il ne soit imprimé. Pierre : combien de temps se passe-t-il entre la fin de l écriture et la sortie du livre en librairie? Sur le contrat, il y a une date de remise mais souvent les sorties sont déjà prévues. Il peut se passer plusieurs mois voire une année entre la remise du manuscrit et la sortie en librairie. Il faut de toutes façons un minimum de 4 mois. Auréline : Etes-vous stressé quand vous écrivez? Oui! Je ne suis pas stressé pendant que j écris mais je suis toujours stressé le matin avant d écrire, j ai peur d être dérangé. Le bruit de la rue me stresse aussi, c est très désagréable. Mais le plus gros stress est la peur de faire une fausse manipulation sur l ordinateur et de croire qu on a perdu 3 ou 4 jours de travail. Bastien : dans quelles conditions écrivez-vous? Ce qui est vraiment important, c est le silence! je travaille surtout le matin, mais je me lève tard ; je démarre vers midi et j écris jusque 16h/17h. Je ne travaille jamais après le déjeuner car la digestion donne envie de dormir! Maéva : Quand vous commencez à écrire, savez-vous déjà ce que vous allez écrire? Connaissez-vous la fin de l histoire avant de commencer à écrire? Je sais ce que je vais écrire chaque jour mais pas plusieurs jours à l avance. Petit à petit, je connais de mieux en mieux mes personnages. Mais j ai toujours une idée très vague de la fin. A la fin de la journée, j ai l impression d avoir vu un film. Léa : Pourquoi avez-vous choisi d'écrire des romans policiers? Ce sont les hasards de la vie! J en ai lu beaucoup. Mon premier livre était très violent mais pas vraiment policier ; le deuxième se passait à Tokyo. En l écrivant, je me suis rappelé un incident avec un gangster japonais et c est devenu un roman policier. Pour moi, ce sont

5 surtout des romans noirs ; je ne suis pas un auteur de roman policier classique. Maelann : avez-vous un personnage de détective préféré? J aime beaucoup Sherlock Holmes et Arsène Lupin car il est à la fois voleur et enquêteur. J aime aussi les romans policiers dont les héros sont les assassins : le lecteur espère qu il ne se fera pas attraper! Théo : Parmi tous les livres que vous avez écrits, lequel préférez-vous? C est très difficile de répondre! C est comme une mère qui ne peut pas préférer un de ses enfants. III. Vos livres et en particulier Deux détectives chez Dracula Marceau : pourquoi avez-vous choisi d'écrire des livres pour la jeunesse? Au départ, j étais illustrateur pour Je Bouquine. Peu de temps après, j ai lu une histoire sur les réfugiés du Vietnam ; cela m a inspiré pour les enfants mais cela n a pas marché ; Je Bouquine n a pas accepté. Plus tard, j ai montré le texte à Syros, qui a adoré. J étais tellement content que j ai de suite continué à écrire un deuxième roman pour les jeunes. J espère que cela va donner envie aux jeunes de lire ; c est très important d aimer lire. Pierre : avez-vous une anecdote liée à l écriture à nous raconter? Je ne suis pas très catholique, mais pour les besoins d un livre, je me suis renseigné sur Paul Claudel, un auteur très catholique. J ai lu beaucoup de livres de lui et dans mon livre j ai repris quelques phrases de lui, en l indiquant au début. Quand le livre est sorti, il y a eu un article dans la presse avec un extrait du livre et cet extrait était justement une phrase de Paul Claudel! Autre anecdote : Syros a imprimé le livre Deux détectives chez Dracula sans me montrer la 4 e de couverture. Quand je l ai lu, j étais horrifié! Il y avait des erreurs, cela décrivait le contraire de ce que je voulais. J étais furieux et j ai demandé à ce que le tout soit réimprimé. J en ai parlé à mon avocat, qui a fait une menace en référé. C était la panique chez l éditeur qui a accepté de changer la couverture. Maeva : êtres vous déjà allé en Roumanie? Oui, je m en suis servi dans un roman pour adultes. Pour Dracula, il n y a pas tellement besoin de connaître la Roumanie. Clarisse : quel est votre passage préféré dans le livre? Pourquoi? J aime beaucoup la conversation avec la grand-mère quand elle se coupe le doigt avec un couteau : c est une histoire vraie, racontée par ma grand-mère, qui était juive mais on ne le savait pas. Vic : Envisagez-vous d'écrire un prochain livre pour les jeunes? J étais très énervé avec cette histoire de 4 e de couverture ; je n ai donc pas projet immédiat. J attends de trouver une bonne idée et je changerai peut-être d éditeur.

6 Bastien : vous déplacez-vous souvent pour rencontrer vos lecteurs? Beaucoup! Je fais beaucoup de salons du livre et de festivals en France. Environ 15 weekends par an sont occupés. Je fais aussi beaucoup de rencontres avec des scolaires : j aime bien car ils ont toujours beaucoup de questions à poser. Antonin : Etiez-vous stressé avant de venir nous voir? Non! Il y a du stress si je vais à une émission de télé. Là, je suis habitué et je suis toujours content. Le seul stress était la peur que le réveil ne sonne pas et que je rate le train.