LE COÛT SOCIAL DE L'ABUS D'ALCOOL EN SUISSE

Transcription

1 LE COÛT SOCIAL DE L'ABUS D'ALCOOL EN SUISSE

2 Des partenaires et des études multiples pour chiffrer la réalité du problème alcool Toutes les données citées dans cette brochure sont issues de l'étude sur "Le coût social de l'abus d'alcool en Suisse", Prof. Claude Jeanrenaud, Institut de recherches économiques et régionales (IRER), Neuchâtel, 2003, à l'exception de celles dont on précise la source. Par ailleurs, les chiffres de ladite étude ont été arrondis dans cette brochure, afin de faciliter la lecture et la compréhension. Le lecteur qui souhaite retrouver toutes les données détaillées se référera à l'étude originale, disponible auprès de l'irer: Institut de recherches économiques et régionales (IRER) Université de Neuchâtel, PierreàMazel Neuchâtel Tél Fax messagerie.irer@unine.ch C'est sur l'initiative et avec le financement de l'office fédéral de la santé publique, OFSP, que cette étude a vu le jour. Dans une vision globale de santé publique, ces résultats sont indispensables pour mettre une priorité claire à la résolution de ce problème. L'Institut suisse de prévention de l'alcoolisme et autres toxicomanies ISPA (Gutjahr et Gmel, 2001) à Lausanne, a fourni les données épidémiologiques de base les plus récentes: types de consommateurs, pathologies liées à l'alcool et part de décès et maladies attribuables. L'institut HealthEcon de Bâle (Frei, 2001), a pour sa part évalué les dépenses médicales découlant du traitement des maladies et des accidents de la circulation liés à l alcool, ainsi que le montant des dommages matériels. L Unité d alcoologie du CHUV alors dirigée par le Dr Bertrand Yersin a été étroitement associée à la préparation des enquêtes destinées à mesurer les conséquences des maladies liées à l alcool sur la qualité de vie. L'IRER, sous la direction du Prof. Claude Jeanrenaud, a conduit l'ensemble de l'étude. 2

3 Table des matières un équilibre subtil entre plaisir et abus Quand la santé trinque 2 Des partenaires et des études multiples pour chiffrer la réalité du problème alcool 4 5 La consommation d'alcool, un équilibre subtil entre plaisir et abus 6 Que coûte l'abus d'alcool en Suisse? 7 Comment se répartit cette somme? L'alcool provoque des maladies et induit des coûts directs de traitement 11 L'alcool induit d'autres coûts directs: accidents Les coûts indirects: beaucoup de décès prématurés et de réduction de la capacité de travail Les coûts humains: monétiser la souffrance On peut faire quelque chose ensemble! 18 Quelques références 19 Les partenaires du changement 3

4 La consommation d'alcool, un équilibre subtil entre plaisir et abus Boire "sans risque", quelle limite? Il est impossible de donner une réponse unique à cette question. Mais on peut réduire fortement la probabilité de développer des problèmes physiques et/ou psychologiques avec l'alcool en se tenant aux recommandations suivantes: pas plus de 2 verres par jour pour un homme en bonne santé, respectivement un verre par jour pour une femme pas plus de 4 verres par occasion exceptionnelle pour un homme, 3 pour une femme, en les savourant lentement pas d'alcool au volant, au travail, durant la grossesse pas d'alcool lors de la prise de médicaments pas d'alcool pour les adolescents de moins de 16 ans révolus, de moins de 18 ans pour les spiritueux et alcopops 1 verre standard = = = Bon pour le cœur? Tout dépend L'effet bénéfique pour réduire les risques de maladies cardiovasculaires ne se fait sentir qu'à partir de 45 ans, avec des quantités ne dépassant pas 2 verres par jour. Au delà de cette quantité, les effets bénéfiques pour le cœur sont compensés, voire dépassés par les effets négatifs de la consommation d'alcool sur la santé en général. Par ailleurs, il faut rappeler que l'exercice physique et une alimentation équilibrée et saine sont des facteurs protecteurs plus importants encore. Il n'y a aucune raison médicale qui devrait inciter quiconque à consommer de l'alcool. Accro? La dépendance à l'alcool s'installe dans la durée. Elle est marquée par la perte du contrôle de la consommation, l'obligation d'augmenter les doses pour ressentir les effets désirés et les symptômes de manque associés à l'arrêt (tremblements, anxiété, transpiration, crise d'épilepsie possible). De plus, la consommation persiste malgré les problèmes de santé qu'elle engendre et les autres répercutions négatives qu'elle peut avoir sur la vie sociale. 4

5 La consommation d'alcool, un équilibre subtil entre plaisir et abus Quand la santé trinque Audelà des limites recommandées sur la page cicontre, la consommation d'alcool engendre des risques réels. La consommation à risque est définie par une consommation abusive d'alcool qui met, par ses actes et comportements, la santé de l'individu et de ses proches en danger. Une consommation de 4 à 6 verresstandards par jour pour les hommes (24 pour les femmes) comporte un risque moyen pour la santé. A partir d'une consommation de plus de 6 verresstandards par jour pour un homme et plus de 4 verresstandards par jour pour une femme, on parle de consommation à risque élevé. Répartition de la consommation selon le sexe (en %) en 2002 Source: ISPA (2004). Chiffres calculés sur la base de l'enquête suisse sur la santé Total en % Nombre de personnes Femmes abstinence faible risque (moins de 20g par jour) risque moyen (2039g par jour) risque élevé (40g et plus par jour) Hommes abstinence faible risque (moins de 40g par jour) risque moyen (4059g par jour) risque élevé (60g et plus par jour) Remarque: Les chiffres sont arrondis en milliers 5

6 Que coûte l'abus d'alcool en Suisse? Boire "sans risque", quelle limite? C'est pour répondre à cette question que cette étude a été menée, sur un mandat de l'ofsp. Réponse: S'il n'y avait pas de problèmes d'alcool en Suisse, la collectivité aurait une facture globale de 6,5 milliards de francs par an de moins à payer, soit 900 francs par habitant et par an. Cette estimation reste prudente; elle ne prend en effet pas en compte les coûts de la recherche scientifique, de la formation des intervenants du domaine et de la prévention. Les frais administratifs des assurances, les pertes liées à la diminution de rendement et à l'absentéisme au travail ne sont pas non plus incluses dans ce calcul. Certaines pertes de production non marchandes, comme le temps passé au chevet d'un malade ou pour se rendre chez le médecin ou à l'hôpital sont elles aussi exclues de l'étude. Enfin, l étude chiffre le dommage occasionné par la consommation à risque élevé d alcool mais ne prend pas en compte ou seulement très partiellement dans l estimation des coûts des accidents de la route les conséquences d'un mode de consommation dont on prend conscience aujourd'hui avec beaucoup d'inquiétude: la consommation excessive ponctuelle, que les anglosaxons appellent binge drinking. On entend par consommation excessive ponctuelle le fait de boire 5 verres ou plus par occasion, dans un laps de temps de quelques heures, et ce plus de 2 fois par mois. Ce mode de boire engendre fréquemment des états d'ivresse. Les risques associés sont: l augmentation du risque d'accidents de la route; l augmentation des comportements sociaux inadéquats: violence, délinquance, vandalisme, entre autres; le risque d'intoxication; le risque de coma éthylique. On le voit, si l'impact de ces risques était pris en compte, la facture finale serait encore plus élevée Dès lors, le coût de l'abus d'alcool est certainement encore plus important que les résultats de cette estimation. 6

7 Comment se répartit cette somme? un équilibre subtil entre plaisir et abus Quand la santé trinque Les frais médicaux constituent ce qu'on appelle les coûts directs. Ils prennent en compte les frais liés au traitement des maladies dues à l'alcool ainsi que les coûts occasionnés par les accidents liés à l'abus d'alcool, sans y inclure les souffrances pour la personne et ses proches. Les pertes de productivité sont générées par des décès prématurés, l'invalidité et le chômage induits par l'abus d'alcool et ses conséquences sur l'individu. Ce sont les coûts indirects. Quant aux coûts humains, les plus élevés dans cette étude, ils regroupent tout ce qu'on n'a pas l'habitude de monétiser, c'estàdire la souffrance de la personne concernée et de son entourage, les troubles émotionnels et la baisse de la qualité de vie que l'abus d'alcool provoque. La somme estimée montre que les coûts humains représentent une charge considérable pour la société. Estimation 1998 Coûts directs Maladies attribuables à l'alcool Accidents de la route en millions de francs en % Coûts indirects Décès Invalidité Chômage Coûts humains Dommages au corps Maladies attribuables à l'alcool Accidents de la route Effets psychosociaux et comportementaux Coût social annuel

8 L'alcool provoque des maladies et induit des coûts directs de traitement Des maladies clairement attribuables à l'alcool Un grand nombre de maladies peuvent être directement imputées à l'abus d'alcool. Leur nom est alors suivi de l'adjectif "alcoolique" pour indiquer l'origine de la maladie, puisque toutes peuvent avoir d'autres causes possibles que l'alcool. Il s'agit de: la psychose alcoolique, qui se manifeste par des troubles cognitifs, où dominent les troubles de la mémoire, en particulier pour les acquisitions récentes; la dépendance alcoolique, avec signes de manque et de tolérance à l'alcool; la polyneuropathie alcoolique, qui est une atteinte du système nerveux périphérique et qui se manifeste par une perte progressive de la sensibilité tactile, thermique et de la perception de la douleur; la cardiopathie alcoolique, qui se manifeste par des troubles du rythme cardiaque, palpitations, tachycardies, fibrillations pouvant causer la mort; la gastrite alcoolique, soit une inflammation de l'estomac; la cirrhose alcoolique, qu'on peut apparenter à une dégénérescence du foie à la suite d'une forte inflammation (hépatite alcoolique); l'embryopathie alcoolique, ou syndrome fœtal alcoolique, dont les conséquences sont des malformations congénitales à la naissance ou des fausses couches; l'intoxication alcoolique, due à une absorption massive d'alcool en une fois, pouvant entraîner la mort. L'alcool augmente les risques de certaines maladies Si d'autres facteurs de risques s'ajoutent à la consommation d'alcool, comme le tabagisme, la sédentarité ou le manque d'hygiène alimentaire, la liste des maladies s'allonge encore: cancers de voies digestives et du sein, hypertension, cardiopathies ischémiques (infarctus dû à un arrêt de l'apport sanguin) et pancréatite (inflammation du pancréas). L'alcool crée la dépendance, mais on s'en sort! On l'a dit plus haut, l'alcool peut créer la dépendance; les facteurs de risque qui conduisent à la consommation compulsive d'alcool sont multiples: fragilité génétique et biologique, facteurs psychologiques et environnementaux, peuvent inciter un individu à utiliser l'alcool de manière excessive, chronique. La personne dépendante ne maîtrise plus sa consommation; elle se sent dans l'obligation de boire pour ne pas ressentir les effets de manque et construit dès lors sa vie autour et avec l'alcool. Au plan scientifique, la dépendance à l'alcool est considérée comme une maladie. Les assurancesmaladie ne remboursent qu'à certaines conditions les coûts des traitements spécifiques de la dépendance, en fonction de la couverture individuelle. Cependant, le traitement des maladies associées à la dépendance sont, quant à elles, prises en charge normalement. 8

9 L'alcool provoque des maladies et induit des coûts directs de traitement Les traitements hospitaliers Pour soigner les maladies somatiques dues à l'alcool, on recourt assez systématiquement aux hôpitaux. En effet, une première phase de traitement intense et sous contrôle médical permanent est généralement Chaque année, journées d'hospitalisation sont nécessaires pour soigner les maladies dues à l'alcool, soit une somme de 382,2 millions de francs. nécessaire avant de pouvoir poursuivre un traitement de manière ambulatoire. Pour certaines maladies nécessitant une intervention chirurgicale, l hospitalisation est indispensable. Le rôle du médecin de premier recours occupe une position privilégiée pour repérer, au cours de l'entretien avec son patient, une consommation à risque ou un état de dépendance. En matière de maladies dues à l'alcool, ses capacités de dépistage sont essentielles pour poser le bon diagnostic et Chaque année, les médecins de premier recours effectuent consultations en lien avec l'alcool, pour un coût global de 123,9 millions de francs. Le médecin de premier recours proposer un traitement adéquat. Par ailleurs, ses compétences en matière d'interventions brèves et d'entretiens motivationnels font du médecin de premier recours un acteur clé dans le traitement des problèmes liés à l alcool et aux dépendances. Les institutions résidentielles Les séjours en institutions résidentielles ont une durée très variable, pouvant aller de 3 semaines à plusieurs mois selon le programme de l institution mais également selon l'état physique, psychique et social de la personne à son entrée en traitement. Après évaluation de la situation aux plans médical et social, un projet thérapeutique individualisé détermine la durée probable du traitement et les moyens thérapeutiques à mettre en œuvre. L'objectif global du traitement résidentiel est d'amener les patients à l'abstinence. Outre le sevrage physique, qui se passe souvent en milieu hospitalier, les personnes Le coût annuel de cette prise en charge résidentielle est de 47,5 millions de francs concernées apprennent à vivre sans avoir recours à l'alcool. Après le sevrage physique, certains médicaments aident à renforcer l'abstinence; d'autres ne sont prescrits qu'en cas de problèmes psychiatriques associés (comorbidité psychiatrique). 9

10 L'alcool provoque des maladies et induit des coûts directs de traitement Répartition des coûts de traitement INSTITUTIONS RÉSIDENTIELLES 47,5 MILLIONS MÉDECINS DE PREMIER RECOURS 123,9 MILLIONS TRAITEMENTS HOSPITALIERS 382,2 MILLIONS D'autres mesures thérapeutiques non chiffrées L accompagnement ambulatoire Le secteur ambulatoire vise essentiellement à motiver la personne concernée à entreprendre une démarche thérapeutique et à accompagner l'entourage. L'aide à la résolution de problèmes administratifs ou financiers consécutifs à la consommation abusive d'alcool fait aussi partie de la prestation. Le service ambulatoire est aussi un soutien très important pour accompagner les personnes à la sortie de leur traitement résidentiel, afin de les aider à maintenir leur abstinence et à consolider leur réseau familial et social. La gratuité de ces services est la règle quasi partout. Les prestations de conseil et d'accompagnement se font généralement sur rendezvous, dans les bureaux de l'organisme spécialisé, sur le lieu de travail, à domicile ou autre. Les spécialistes en alcoologie Outre un certain nombre de médecins spécialisés en alcoologie ou/et en addictologie (c.à.d. dans l'ensemble des maladies de la dépendance), de nombreux professionnels des domaines médicosociaux se forment et s engagent dans ce secteur du traitement. En effet, les particularités de la dépendance alcoolique et des comportements des personnes concernées nécessitent une formation et un encadrement spécifiques. Tous les cantons suisses ont un ou plusieurs organismes résidentiels et/ou ambulatoires spécialisés dans cette problématique. 10

11 L'alcool induit d'autres coûts directs: accidents L'alcool accroît le risque d'accidents L'abus d'alcool peut être à l'origine de chutes accidentelles, d'accidents de la route, ou d'actes violents et occasionne ainsi des dégâts matériels et des frais de traitement, de justice, de police et des coûts administratifs des assurances. La totalité de ces coûts n est cependant pas chiffrée dans l'étude, qui n inclut que les frais les plus importants, soit ceux générés par les accidents de la route. Les décès dus à l'alcool représentent chaque année près de 20% de tous les morts sur les routes (OFS, 2003). Aux accidents mortels dus à l'alcool s'ajoutent les accidents avec personnes blessées, légèrement ou gravement. Il n'est pas aisé de déterminer avec certitude leur nombre exact, une zone grise existant du fait des accidents n'ayant pas fait l'objet d'un rapport de police ou d'une mesure d'alcoolémie. Selon les statistiques officielles (OFS, 2003), ils constituent depuis quelques années environ 10% de tous les accidents avec blessés; cependant, une étude menées en 1993 dans un service de soins intensifs (Yersin, 1993), a montré que chez les patients hospitalisées dans ce service, 21% d'entre eux étaient victimes d'accidents de la route dus à l'alcool. Chaque année, les accidents de la route génèrent les coûts suivants: traitements médicaux dommages matériels frais de police et justice + + = un total de 173 millions de francs 41 millions 112 millions 20 millions Total des coûts directs Maladies attribuables à l'alcool: 553,6 millions de francs Accidents de la route dus à l'alcool: 172,8 millions de francs 726,4 millions de francs par an 11

12 Les coûts indirects: beaucoup de décès prématurés et de réduction de la capacité de travail Le lourd tribu de l'alcool Chaque année en Suisse, plus de personnes meurent à cause de l'alcool. Parmi elles plus de personnes décèdent prématurément, c'estàdire avant l'âge de 74 ans. Plus de 70% de ces décès concernent les hommes. Les maladies de l'appareil digestif, telles que pancréatite et cirrhose du foie représentent 40% des décès. Les maladies de l'appareil circulatoire, les accidents de la route et les suicides sont également à l'origine de nombreux décès prématurés. D un point de vue économique, chaque décès prématuré prive la collectivité d une force de travail. On comptabilise les années de vie perdues depuis l'âge du décès jusqu'à l'âge de 74 ans et on les convertit ensuite en francs. Par exemple, pour un homme décédé à 20 ans à la suite d'un accident dû à l'alcool, la perte de production est légèrement supérieure à 2 millions de francs. Au total, ce sont chaque année années de vies productives perdues à cause de l'alcool, qui correspondent à 800 millions de francs de perte marchande. Les pertes de production non marchandes, c'estàdire la valeur monétaire estimée des services domestiques et bénévoles, correspondent quant à elles à 462 millions de francs par année. Il faut ensuite enlever à cette somme globale la valeur des biens et services que la personne décédée aurait consommé si elle était restée en vie. Cette somme est estimée à 227 millions de francs par an. En raison d'un nombre de décès dus à l'alcool presque trois fois supérieur et, dans une moindre mesure, d'un taux d'activité plus élevé, les hommes enregistrent des pertes nettes de production quatre fois plus importantes que les femmes. Au final, les décès prématurés représentent pour la collectivité la somme de: 800 millions de francs millions de francs 227 millions de francs millions de francs par an 12

13 Les coûts indirects: beaucoup de décès prématurés et de réduction de la capacité de travail Invalidité La dépendance à l'alcool peut rendre des personnes invalides. Parce qu'elle touche les personnes concernées aussi bien dans leur santé physique, psychique que dans leur contexte social, la dépendance alcoolique détruit parfois totalement leur capacité de travail. Lorsqu'elles s'en rendent compte, il est malheureusement souvent trop tard et les dégâts sont irréversibles. Au total, ce sont 179 millions de francs de perte de productivité annuelle supportés par la collectivité. La perte de productivité imputable au chômage des consommateurs à risque élevé d'alcool se chiffre à 251 millions de francs par an. En Suisse, personnes sont au bénéfice d'une rente AI pour motif d'alcoolisme, avec un degré moyen d'invalidité de 90%. L'abus d'alcool augmente le risque d'être au chômage Il y a de 2 à 3 fois plus de chômeurs chez les consommateurs à risque élevé d'alcool que chez les autres consommateurs. En se référant aux chiffres de l'enquête suisse sur la santé de 1997, les auteurs de l'étude ont montré que le taux de chômage des hommes ayant une consommation à risque élevé d'alcool était de 8.9%, alors qu'il était de 3.6% chez les autres consommateurs d'alcool. Pour les femmes, la différence était encore plus grande, puisque le taux de chômage des consommatrices à risque élevé d'alcool était de 13.3%, contre 4.3% chez les autres consommatrices. Total des coûts indirects annuels décès prématurés: invalidité: chômage: millions de francs 179 millions de francs 251 millions de francs millions de francs par an 13

14 Les coûts humains: monétiser la souffrance Des douleurs silencieuses et non facturées En plus des coûts médicaux, des frais matériels et des pertes de productivité, que l'on peut monétiser avec une certaine précision, il faut ajouter à la facture globale l'ensemble des coûts humains. Ceuxci sont constitués d'une part par la perte de bienêtre ressentie par les personnes en cas de maladie ou d'accident, et d'autre part par la baisse de la qualité de vie des personnes touchées directement ou indirectement par l'abus d'alcool. Même si ces coûts ne se reflètent pas dans un prix de marché, ils sont cependant bien réels. Etre malade ou accidenté réduit la qualité de vie Pour estimer la perte de qualité de vie due à la maladie, il a été demandé à un échantillon de personnes combien elles seraient prêtes à payer un vaccin (fictif) pour réduire le risque d'être atteintes des 4 maladies les plus fréquentes en cas de consommation à risque élevé d'alcool: hypertension artérielle, pancréatite chronique, Le coût humain des atteintes physiques dues aux maladies alcooliques s'élève à millions de francs. cirrhose du foie et cancer ORL. Un classement de la perception de la dangerosité de ces maladies a permis ensuite, par une série de calculs complexes, d'estimer le coût des atteintes corporelles pour la société. A cela, il convient d'ajouter le coût de la baisse de la qualité de vie dû aux accidents de la route liés à l alcool; ceuxci prennent en compte les coûts humains dus aux décès, ceux engendrés par les handicaps et ceux dus aux séquelles physiques légères. Bien que ces dernières aient un coût faible par cas, elles constituent la plus grande partie des coûts globaux, car elles concernent un grand nombre d'individus. Au total, le coût humain annuel des accidents de la route s'élève à millions de francs. 14

15 Les coûts humains: monétiser la souffrance Vivre avec un proche alcoolique: le prix de la souffrance La dépendance à l'alcool n'affecte pas seulement la santé physique et psychique de la personne concernée, mais touche aussi les aspects affectifs et sociaux d'ellemême et de son entourage. Parce qu'elle ne peut plus se passer de l'alcool (dépendance physique et psychique), la personne alcoolique va développer des comportements de défense complexes pour organiser sa vie autour et avec l'alcool. Au plan professionnel, la personne dépendante va devoir cacher ses alcoolisations, masquer ses incompétences dues à l'abus d'alcool, justifier ses absences ponctuelles, risquant ainsi d'avoir un accident ou de perdre son emploi. Au plan familial, elle n'arrivera progressivement plus à assumer ses responsabilités. L'ambiance familiale se détériore souvent, avec des comportements agressifs, voire violents. Tout cela génère une grande détresse pour le conjoint et les enfants, avec de lourdes conséquences: isolement social, troubles émotionnels, peurs, honte, culpabilité, chagrin, mauvaise estime de soi, difficultés scolaires pour certains enfants. Pour estimer le fardeau de l'alcoolisme d'une personne ou de ses proches, il a été demandé à ces mêmes personnes d'imaginer qu'un traitement (fictif) supprimerait la dépendance à l'alcool pour une année et devrait être répété chaque année pour maintenir le succès. Chaque personne interrogée devait répondre à cette question: "Quel revenu seriezvous prête à sacrifier pour que la personne dépendante de l'alcool avec qui vous vivez ou qui vous est proche soit guérie?" En moyenne, chacune est prête à payer francs par an pour que cette souffrance s'arrête, pour soi et pour la personne touchée. Puisqu'il y a personnes dépendantes de l'alcool en Suisse, le coût de la souffrance humaine liée à la dépendance alcoolique est estimé à millions de francs par an. Les coûts humains de l'abus d'alcool sont ainsi estimés à 4,3 milliards de francs par an. 15

16 On peut faire quelque chose ensemble! Restreindre l'accès à l'alcool La mesure la plus efficace et la moins coûteuse est de fixer un âge légal pour obtenir de l'alcool. En Suisse, c'est l'ordonnance sur les denrées alimentaires (ODAl) qui régit cela, en interdisant la remise et la vente de toute boisson alcoolique à des mineurs de moins de 16 ans révolus. La Loi fédérale sur l'alcool quant à elle interdit la vente et la remise de spiritueux aux jeunes de moins de 18 ans révolus. Malgré l'existence de ces lois, il est encore trop facile pour un adolescent d'obtenir de l'alcool. Il faut donc renforcer les contrôles de l'application de ces lois, responsabiliser le personnel de vente en le formant de manière spécifique et en appliquant des sanctions en cas de nonrespect des lois. Des restrictions d'horaires et des limitations des points de vente de l'alcool sont des mesures qui se sont également avérées efficaces. Restreindre l'attrait de l'alcool L'augmentation du prix des boissons alcooliques est une autre mesure efficace en matière de santé publique; elle s'opère via des taxes étatiques. L'alcool est valorisé au travers de la publicité, qui ne dit rien des risques et conséquences négatives de la consommation. Aujourd'hui, il est interdit dans toute la Suisse (ODAl) de faire la promotion des boissons alcooliques auprès des jeunes de moins de 18 ans, aussi bien par le message que dans un contexte ou un média, visant principalement les jeunes. La Loi fédérale sur l'alcool n'autorise, pour les spiritueux, que des publicités descriptives, qui ne doivent contenir que des indications ou des représentations ayant directement trait au produit et à ses propriétés, afin d'éviter d'ancrer la consommation dans des styles de vie positifs. Mais cette restriction n'est pas valable pour les boissons fermentées comme le vin et la bière. L'interdiction totale de publicité pour toutes les boissons alcooliques, même si elle n'est pas une mesure populaire, est cependant une option de santé publique pertinente. Efficaces mais peu populaires! Les mesures structurelles sont les plus efficaces et les moins coûteuses à mettre en œuvre. Elles sont cependant peu populaires, car elles donnent l'impression que l'etat veut tout contrôler et ne laisse que peu de responsabilités à l'individu. C'est pourquoi ces mesures doivent être accompagnées de messages d'information et de sensibilisation du grand public, comme par exemple des campagnes médiatiques. 16

17 On peut faire quelque chose ensemble! La prévention auprès des enfants et adolescents Il est essentiel de parler des problèmes d'alcool avec les jeunes, afin de les sensibiliser aux risques du produit. Pourtant, ce sont les approches globales non spécifiques qui ont démontré le plus d'effet sur les comportements de consommation; en renforçant les compétences sociales de l'enfant, son potentiel personnel, sa capacité à s'impliquer dans la vie, en modifiant son image souvent exagérément fausse des attentes sociales de ses pairs et de leurs habitudes de consommation ("Tout le monde l'a fait"), en intégrant ces messages dans une perspective de promotion de la santé, on augmente les chances de succès. Tout le monde est concerné! Aucune mesure de prévention n'est réellement efficace si elle n'est pas ancrée dans la collectivité. La prévention doit être l'affaire de tous! Les programmes de prévention qui impliquent tous les acteurs du problème et de sa résolution ont montré leur efficacité. Citons pour exemple le projet "Les communes bougent", conduit par RADIX sur mandat de l'ofsp, qui propose un paquet de mesures cohérentes à mettre en œuvre dans une commune. Police, corps enseignant, travailleurs sociaux, médecins, parents, animateurs sportifs, commerçants etc., tout le monde a un rôle à jouer pour réduire les problèmes liés à l'abus d'alcool. En se mettant autour de la table et en planifiant des actions concertées, les communes contribuent efficacement à la prévention, au travers d'une attitude et d'un discours cohérents. Un contexte à hauts risques: la circulation routière Les nouvelles mesures en vigueur dès 2005 sont parmi les plus efficaces pour réduire les risques d'accidents de la route: abaissement du taux d'alcoolémie à 0,5 et possibilité de faire des contrôles aléatoires. Des sanctions sévères, comme le retrait de permis de conduire sont un excellent moyen d'inciter à respecter la limite légale. Une limite plus basse d'alcoolémie pour les jeunes conducteurs serait également un moyen de réduire les risques d accidents. 17

18 Quelques références ensemble! Etudes citées Annaheim, B. & Gmel, G. (2004). Alkoholkonsum in der Schweiz. Lausanne: ISPA. Frei, A. (2001). Kostenanalyse des Alkoholkonsums in der Schweiz, Teilbericht direkte Kosten. Bâle: HealthEcon. Gutjahr, E. & Gmel, G. (2001). Die sozialen Kosten des Alkoholkonsum in der Schweiz; epidemiologische Grundlagen Lausanne: ISPA. Office fédéral de la statistique (2003). Accidents de la circulation routière en Suisse. Neuchâtel: OFS. Yersin, B. (1993). Epidémiologie des accidents liés à l'alcool en Suisse: Revue des études des centres d'urgence. Les cahiers du GREAT, 12, (2734). Matériel de prévention destiné aux points de ventes dépliant "Désolé, tu es trop jeune" panneau d'information pour les caisses dépliants pour les parents Ce matériel peut être commandé gratuitement auprès de l'ispa et de la Régie fédérale des alcools. L'OFSP met aussi à disposition du matériel d'information, des affiches et supports de la campagne "ça débouche sur quoi?" sur son site Brochures d'information réalisées par l'ispa "Chiffres et données sur l'alcool et les drogues 2004", brochure "Alcool, trop c'est combien?", brochure "Vivre avec un conjoint alcoolodépendant", brochure "Alcool, en parler aux ados", brochure "Alcopops", infodrogues "Alcool", flyer pour les jeunes Ce matériel peut être commandé directement à l'ispa. 18

19 Les partenaires du changement multiples pour chiffrer la réalité du problème alcool Vous voulez initier une réflexion ou une action de prévention dans votre canton, votre commune, votre association, votre entreprise, etc.? De nombreux partenaires sont à votre disposition pour vous soutenir, vous conseiller, vous remettre du matériel d'information ou toute autre prestation d'accompagnement de votre projet. Au niveau cantonal et régional Il y a dans chaque canton un organisme spécialisé dans la prévention des problèmes liés à l'alcool et/ou la promotion de la santé. La liste de ces partenaires par canton est disponible sur le site: ou sur simple demande auprès de l'ispa. Au niveau national OFSP, Office fédéral de la santé publique, 3003 Berne, secrétariat de la section "alcool", , et ISPA, Institut suisse de prévention de l'alcoolisme et autres toxicomanies, CP 870, 1001 Lausanne, , Commission fédérale pour les questions liées à l'alcool, p.a. OFSP, 3003 Berne, RADIX Promotion de la santé, av. LouisRuchonnet 57, 1003 Lausanne, , Régie fédérale des alcools, Längassstrasse 35, CP, 3000 Berne 9, , Promotion santé suisse, av. de la Gare 52, CP 670, 1001 Lausanne 1, , 19

20 Impressum Editeur: Institut suisse de prévention de l'alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA) Lausanne, 2004 ISBN Graphisme: Publidée SA, 1762 Givisiez Imprimeur: Imprimeries Réunies Lausanne SA, 1020 Renens Pour vos commandes: ISPA, CP 870, 1001 Lausanne Réalisé avec le soutien financier de l'office fédéral de la santé publique (OFSP)