Dossier : Date : Commissaire : M e Christiane Constant M. X. Demandeur. Ville de Deux-Montagnes. Organisme public DÉCISION
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- Louis Chabot
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1 Dossier : Date : Commissaire : M e Christiane Constant M. X Demandeur c. Ville de Deux-Montagnes Organisme public DÉCISION L'OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Dans une lettre adressée à M me Christine Dagenais, greffière-adjointe, le demandeur requiert de la Ville de Deux-Montagnes (l «organisme»), le 4 juillet 2002, l accès aux documents suivants : [...] copies des comptes de dépenses, cartes de crédit et procès verbaux du conseil municipal, pour les années 2001 et 2002, des personnes suivantes : le maire, le directeur général [et] le directeur de police. [2] Le 19 août suivant, il formule la même demande, cette fois, auprès de M. Paul Allard, secrétaire-trésorier de l organisme. Sans réponse de ce dernier, le demandeur sollicite, le 30 septembre 2002, auprès de la Commission d'accès à l'information (la «Commission») une révision du refus présumé de l organisme à acquiescer à sa demande. [3] Le 17 février 2003, l organisme, par l entremise de son avocate, M e Joanne Côté, du cabinet d avocats PRÉVOST AUCLAIR FORTIN D AOUST, accepte de lui
2 Page : 2 donner accès aux procès-verbaux pour la période en question, moyennant le paiement préalable d un montant précis pour la reproduction des documents. [4] En ce qui a trait aux comptes de dépenses et à ceux des cartes de crédit du maire, du directeur général et du directeur du Service de police, l'organisme refuse au demandeur l accès à ces documents. L AUDIENCE [5] L audience de la présente cause, qui était fixée au 10 avril 2003, est reportée à la demande de M e Côté et est entendue, le 7 mai 2003, au bureau de la Commission à Montréal, en présence du demandeur, de l'avocate et du témoin de l organisme. LA PREUVE A) M. PAUL ALLARD, RESPONSABLE DE L'ACCÈS [6] M e Côté fait témoigner sous serment M. Paul Allard, qui occupe, entre autres, les fonctions de responsable de l accès aux documents, de directeur général et de secrétaire-trésorier chez l'organisme. Il déclare que M. Pierre-Benoît Forget est le maire de l'organisme et que M. Normand Mastromattéo en est le directeur du Service de police. [7] Il prétend que l organisme ne possède pas de comptes de dépenses. Lorsque l un ou l autre de l'élu et des cadres visés par la demande encourt des dépenses, il acquitte le paiement par une carte de crédit Visa émise à la demande de l'organisme et identifiée au nom de la personne concernée. Le détenteur de la carte remet par la suite à l'organisme les pièces justificatives des transactions liées à sa fonction et inscrites au relevé mensuel, et il paie, par chèque, les dépenses personnelles qui y apparaissent. [8] Selon M. Allard, l organisme ne possède pas de montant préétabli pour couvrir les dépenses du maire et des deux cadres. Il soumet en preuve un document élagué intitulé «Rapport sur les dépenses payées par carte Visa» (pièce O-1) pour les années 2001 et 2002 qui, à son avis, décrit le montant mensuel remboursé par l organisme à Visa Desjardins, émettrice des trois cartes. [9] M. Allard ajoute que l'organisme acquitte chaque mois le montant des transactions inscrites aux relevés de chacun des détenteurs de cartes et ayant trait à leurs fonctions. Il ajoute que ce type de paiement ne fait pas l objet de débat public, de dépôt ou de délibération lors des réunions du conseil municipal.
3 Page : 3 [10] Il dépose, sous le sceau de la confidentialité, les relevés mensuels de transactions effectuées par chaque personne ainsi que les preuves de paiement à Visa Desjardins (pièce O-2 en liasse). Il indique que ces documents sont confidentiels et conservés à son bureau dans un classeur. Il dépose également dans sa forme intégrale, sous pli confidentiel, le «Rapport sur les dépenses payées par carte Visa» pour les années 2001 et 2002 (pièce O-3). B) LE DEMANDEUR [11] Le demandeur, pour sa part, désire connaître les dépenses encourues par le maire, le directeur général et le directeur du Service de police de l organisme. Il ajoute que les dépenses qu'ils encourent sont en lien direct avec la fonction que ces personnes occupent. Il affirme ne pas vouloir «connaître leur vie privée» mais plutôt les renseignements touchant leurs activités professionnelles. LA PLAIDOIRIE ET LES ARGUMENTS A) DE L ORGANISME [12] M e Côté résume la déposition de M. Allard selon laquelle : l organisme ne possède ni comptes de dépenses ni montants établis au préalable pour couvrir lesdites dépenses; le paiement des dépenses liées à la fonction des trois personnes visées par la demande d'accès s'effectue par cartes Visa Desjardins; l'organisme paie directement Visa Desjardins par chèque, à tous les mois; les relevés des transactions effectuées avec les cartes de crédit et les preuves de paiement à Visa ne font pas l objet de dépôt ou de débat lors des réunions du conseil municipal de l organisme; les documents en litige contiennent, en principe, des renseignements nominatifs au sens de l article 53 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la «Loi sur l'accès»), tels les numéros des cartes de crédit, leurs dates d'échéance, les achats personnels, le montant total dû et la limite de crédit. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
4 Page : 4 [13] Traitant du premier paragraphe de l article 57, l avocate précise que cet article devrait recevoir une interprétation restrictive à la règle de la confidentialité prévue à l article 53, tel que l'a mentionné le juge Tellier de la Cour du Québec dans l'affaire Université de Montréal c. Lamontagne 2 où il réfère à la décision Ville de Lachine c. Leclerc et al. 3. À ce jugement, la Cour du Québec indique, au sujet de l'interprétation de l'article 57, que : Les comptes de dépenses, nonobstant une interprétation restrictive, doivent-ils être inclus dans les termes du paragraphe 1 de cet article? Il ne peut être question de relier cette notion au nom, titre, classification, adresse, numéro de téléphone, énoncés au premier paragraphe. [...] Le compte de dépenses est l autorisation donnée par l autorité compétente de faire certains déboursés remboursables dans l exercice d une fonction. Le fonctionnaire qui a ce droit n en jouit pas à sa guise hors des limites de ses fonctions et ne peut l exercer à son avantage personnel. Dans ce sens, le compte de dépenses n est pas une composante du traitement, surtout si l on interprète ce mot restrictivement en fonction de l article 57 de la loi. [14] L avocate plaide que puisque le paiement par l'organisme des transactions effectuées avec les cartes de crédits émises au nom du maire et des deux cadres ne fait pas l objet de discussion ou de dépôt lors de réunions du conseil municipal, ces documents ne font pas partie des archives municipales et devraient donc demeurer confidentiels. [15] Elle souligne que le jugement Bourque c. Ville de Saint-Romuald et al. 4 va dans le sens contraire de l'affaire Ville de Lachine 5 précitée. Traitant des comptes de dépenses d un maire et des pièces justificatives qui s y rattachent, la Cour du Québec y a statué que ces renseignements revêtent un caractère public car ils ont été déposés aux archives municipales «lorsque ceux-ci sont rattachés à des dépenses remboursées à même les fonds publics». Elle souligne qu une interprétation libérale de l article 57 de la Loi sur l'accès a été faite par cette Cour. [16] L avocate signale que la preuve n a pas démontré que les personnes mentionnées à la demande d'accès aient renoncé à la divulgation des J.E [1999] C.A.I. 482, 488 (C.Q.). [2000] R.J.Q. 546, 555 (C.Q.). Précitée, note 3.
5 Page : 5 renseignements nominatifs les concernant. Elle argue que la fonction et le traitement d un fonctionnaire municipal revêtent un caractère public au sens de l article 57, paragraphe 1 de la Loi sur l'accès; les détails relatifs au remboursement des dépenses ne le sont pas. [17] Faisant allusion à la présente cause, l avocate cite, en exemple, l arrêt Dagg c. Ministre des Finances et Commissaire à la protection de la vie privée du Canada et al. 6 où, par jugement majoritaire, la Cour suprême du Canada, traitant de feuilles de présences d employés se rendant au travail les fins de semaine, a décidé que [...] les noms figurant sur les feuilles de présences constituent des «renseignements personnels» aux fins de l art. 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. [...] il serait tout à fait injuste que les détails de la prestation de travail de l employé soient considérés comme des renseignements publics pour la simple raison que la personne est une employée de l État. [...] À mon avis, une personne raisonnable ne s attendrait pas à ce que des étrangers aient accès systématiquement à des renseignements détaillés concernant l endroit où se trouve une personne en dehors des heures de travail, même si cet endroit est son lieu de travail. [18] La Cour suprême a donc refusé au demandeur l accès à ce type de documents dans son intégralité mentionnant, entre autres, que «le droit à la vie privée l emporte sur le droit d accès à l information» 7. B) DU DEMANDEUR [19] Le demandeur, pour sa part, réitère sa déposition initiale et indique qu il exerce son devoir de citoyen qui souhaite connaître les dépenses encourues par des personnes occupant des fonctions importantes au sein de l organisme. LA DÉCISION [20] Les documents en litige sont constitués de : Pièce O-2 en liasse : les relevés mensuels des dépenses encourues par MM. Forget, Allard et Mastromattéo, avec 6 7 [1997] R.C.S. 403, paragraphes 1, 13 et 72 de la version intégrale. Idem, paragraphe 48 de la version intégrale.
6 Page : 6 les cartes dont ils sont les détenteurs ainsi que les preuves de paiement par l'organisme à Visa Desjardins; Pièce O-3 : est le rapport intégral de la pièce O-1 précitée. [21] L examen des documents déposés sous pli confidentiel (pièces O-2 et O-3) indique que le maire, M. Forget, et le directeur général, M. Allard, ont encouru chacun des dépenses pour la période s'échelonnant entre janvier 2001 et décembre 2002); les totaux mensuels et annuels des dépenses y sont indiqués. Le directeur du Service de police, M. Mastromattéo, pour sa part, a encouru des dépenses pour la période comprise entre février et décembre Le total des dépenses pour cette année y est également indiqué. Aucune dépense le concernant n est inscrite pour l année [22] Un relevé mensuel détaillé émanant de l entreprise émettrice de la carte de crédit, à savoir «Visa Desjardins», indique la nature des dépenses encourues par l une ou l autre des personnes visées par la demande (pièce O-2 en liasse précitée). [23] Par ailleurs, il est évident que chaque relevé contient des renseignements nominatifs au sens de l article 53 de la Loi sur l'accès, notamment le numéro de la carte de crédit, la date d échéance, les dépenses personnelles, la limite de crédit et le montant dû. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1 leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. [24] Ces renseignements doivent être masqués et doivent demeurer confidentiels; le demandeur ne pourra pas y avoir accès. [25] Par ailleurs, dans l'affaire Ville de Lachine précitée, les procureurs du mis en cause ont rappelé que le juge Tellier 8, de la Cour du Québec, a statué que l article 8 dans l'affaire Université de Montréal c. Lamontagne (voir note 2), citée dans Ville de Lachine, précitée, note 3, 487.
7 Page : 7 57 de la Loi sur l accès «doit recevoir une interprétation restrictive à la règle de la confidentialité prévue à l article 53». Ils citent à titre d'exemples les décisions Brunette c. Commission des droits de la personne 9 et Chambre des notaires c. Hydro Québec 10. [26] Dans l affaire Perreault c. Communauté urbaine de Montréal 11, la Cour a décidé, eu égard à l article 57 (1), qu en cas de doute, la protection des documents devrait primer sur la communication des renseignements personnels. Cette réflexion fait ressortir la décision rendue par la Cour suprême dans l arrêt Dagg précité 12 qui interprète deux lois fédérales à savoir la Loi sur l accès à l information 13 et la Loi sur la protection des renseignements personnels 14. [27] Dans l affaire St-Michel-Piper c. Société d habitation du Québec et Ville de Lachine 15, la Commission a statué que les documents détenus par un organisme public qui contiennent des renseignements personnels ne devraient pas être accessibles sans restriction afin de ne pas porter atteinte à la protection desdits renseignements. [28] Dans la présente cause, la soussignée considère que le demandeur doit avoir un accès restrictif à certains documents selon les termes de l'article 53 précité. [29] En ce qui a trait au document O-3 transmis sous le sceau de la confidentialité, il indique le montant dépensé par mois, par chaque personne, ainsi que le total annuel des dépenses. Ce document ne contient aucun renseignement nominatif au sens de l article 53 de la Loi sur l'accès, il est donc accessible au demandeur dans son intégralité (une page). [30] En ce qui concerne les relevés mensuels provenant de la carte «Visa Desjardins» (pièce O-2 en liasse), ceux-ci établissent une description détaillée de chacune des transactions effectuées par l une ou l autre des personnes visées par la demande. [31] La soussignée comprend du témoignage de M. Allard, que ces documents n ont pas fait l objet de délibérations, de débats ou de dépôt lors d une réunion du conseil municipal. Toutefois, l absence de dépôt des documents en litige lors de 9 [1987] C.A.I [1987] C.A.I Perreault c. C.U.M. [1992] C.A.I Voir note L.R.C. [1985] ch. A L.R.C. [1985] ch. P [1997] C.A.I. 119.
8 Page : 8 réunions du conseil municipal ne permet pas de conclure qu ils sont automatiquement soustraits à la Loi sur l accès. [32] Les articles 100 et 102 de la Loi sur les cités et villes 16 («L.c.v.») s appliquent dans la présente cause; les documents réfèrent à des dépenses qui ont fait l objet d un paiement par l organisme, tel que l a statué la Commission à la décision L Écuyer c. Ville LaSalle 17. [33] En effet, au premier paragraphe de l article 100 de cette loi, le législateur prévoit clairement le devoir du trésorier à tenir des livres de comptes et les renseignements que doivent contenir ces documents. Le deuxième paragraphe de cet article indique l obligation pour le trésorier d obtenir non seulement les pièces justificatives de tous paiements faits pour la municipalité, mais également le devoir de les conserver, et ce, pour les motifs spécifiques qui y sont mentionnés. Le troisième paragraphe de cet article, pour sa part, décrit notamment la forme que doit avoir ces livres de comptes. [34] De plus, l article 102 de la L.c.v. indique le moment selon lequel ces livres et les pièces justificatives peuvent être consultés par quiconque qui en fait la demande. [35] Par ailleurs, la soussignée comprend les préoccupations du demandeur qui souhaite avoir accès aux documents pour les motifs qu il a indiqués. Cependant, au-delà des motifs fournis par celui-ci, la soussignée considère que l accès à certains documents concernant le maire, le directeur général et le directeur du Service de police, détenus par l organisme, doit se faire dans le respect du droit fondamental de ceux-ci à l information prévu à l article 44 de la Charte des droits et libertés de la personne 18 et commenté dans la décision Commission de la fonction publique c. Héroux 19. [36] Cet article stipule que : 44. Toute personne a droit à l'information, dans la mesure prévue par la loi. [37] Pour la période 2001 et 2002, le demandeur pourra avoir accès aux copies des documents suivants : 16 L.R.Q., c. C [2001] C.A.I. 131; portée en appel devant la C.Q , désistement le 7 janvier L.R.Q., c. C [1989] R.J.Q (C.Q.).
9 Page : 9 Les preuves de paiement faits par l'organisme à Visa Desjardins pour les cartes de crédit émises au nom du maire, du directeur général et du directeur du Service de police; Les items indiqués aux relevés de transactions émanant de l entreprise émettrice de la carte de crédit, soit «Visa Desjardins» qui sont en lien direct avec les fonctions professionnelles des trois personnes visées par la demande. [38] Cependant, les renseignements nominatifs, tels le numéro de compte de la carte, sa date d expiration, la limite de crédit, les dépenses personnelles qui ont été payées par le détenteur de la carte, doivent être masqués et ne sont pas accessibles au demandeur. [39] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE, en partie, la demande de révision du demandeur contre la Ville de Deux-Montagnes; ORDONNE à l'organisme de communiquer au demandeur le document identifié au paragraphe 29; ORDONNE également à l organisme de faire parvenir au demandeur copie des documents indiqués au paragraphe 37; il devra préalablement procéder à l élagage des renseignements nominatifs qu ils contiennent; REJETTE, quant au reste, la demande de révision; FERME le présent dossier n o Montréal, le 23 octobre 2003 CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Joanne Côté
10 Page : 10 PRÉVOST, AUCLAIR, FORTIN, D AOUST Procureurs de la Ville de Deux-Montagnes
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