Droit civil dans le cadre de la délivrance des permis d urbanisme ou d urbanisation Arnaud Ransy - Janvier 2015
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- Claudine Beausoleil
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1 Droit civil dans le cadre de la délivrance des permis d urbanisme ou d urbanisation Arnaud Ransy - Janvier 2015 Le Collège communal doit-il tenir compte de questions de droit civil dans le cadre de la délivrance des permis d urbanisme ou d urbanisation? La question de la prise en compte des droits civils des tiers dans le cadre de l examen des demandes de permis est assez complexe et fait l objet d une jurisprudence fournie du Conseil d Etat. Globalement, cette jurisprudence tend progressivement à étendre les cas dans lesquels l autorité compétente doit tenir compte de l existence des droits civils dans le cadre de l examen de la demande, sous peine de voir sa décision annulée. En d autres termes, il ne faut plus se fier à l argument selon lequel la circonstance que les permis d urbanisme sont délivrés sans préjudice des droits civils des tiers affranchit l autorité délivrante de tout examen de ceux-ci. On peut identifier trois cas (qui peuvent se recouper) dans lesquels, selon le Conseil d Etat, une prise en compte des droits civils s impose. 1. La question de droit civil est de nature à avoir un impact sur le bon aménagement des lieux Le Conseil d Etat estime que «Les règles de droit civil ne constituent pas des règles de police d'aménagement du territoire au regard desquelles la légalité d'une demande de permis doit être examinée. Il est toutefois possible que la méconnaissance d'une règle de droit civil par le projet, indépendamment de sa conséquence en droit civil, soit la cause d'une mauvaise urbanisation. Dans ce cas, il appartient à l'autorité chargée d'instruire la demande de se prononcer sur ce point de bon aménagement des lieux. Un litige de droit civil doit donc être pris en compte par l'administration saisie d'une demande d'autorisation quand il est connu de celle-ci au moment où elle statue et qu'elle peut estimer que son enjeu est de nature à entraver la mise en œuvre d'un projet conforme au bon aménagement des lieux» (C.E., n du 2 avril 2014).
2 La question de savoir à partir de quel moment un litige de nature civile peut avoir un impact sur le bon aménagement des lieux est assez subjective mais le Conseil d Etat semble l admettre de façon assez large. Ainsi, il estime qu «une autorité administrative ne pourrait, sans porter atteinte au bon aménagement des lieux, délivrer un permis d'urbanisme ayant pour objet l'extension d'un bâtiment sur un bien dont elle n'ignore pas qu'il fait l'objet de servitudes semblant, de prime abord, y faire obstacle.» (C.E., n du 12 avril 2011). Dans un autre arrêt, il énonce que «l'obturation de la fenêtre par la construction en projet, indépendamment de sa validité en droit civil, peut être la cause d'une mauvaise urbanisation et qu'il appartient à l'autorité chargée d'instruire la demande de se prononcer sur le point» (C.E., n du 17 janvier 2013). Dans cette dernière affaire, il a été jugé que l autorité compétente n avait pas suffisamment examiné la compatibilité du projet avec le bon aménagement des lieux en ce qu elle n avait pas vérifié que l éclairage restait néanmoins suffisant. On peut même considérer qu en l absence de litige civil ou de réclamation d un riverain, la commune doit être particulièrement attentive au bon aménagement des lieux lorsqu elle décèle elle-même un problème de droit civil (les distances en termes de vues par exemple). 2. Un litige civil en cours empêche l autorité de se prononcer en connaissance de cause Dans certains cas, le Conseil d Etat estime que l autorité compétente doit attendre la solution du litige civil afin de se prononcer en connaissance de cause. Sont essentiellement visées les questions de limite de propriété ou de largeur de servitude de passage. Dans son arrêt du 28 octobre 2011 (C.E., n du 28 octobre 2011), le Conseil d Etat a ainsi estimé «qu il appartenait dès lors à la ville, avant de délivrer l autorisation sollicitée, de s assurer de la faisabilité des travaux autorisés; que cette circonstance, ajoutée au fait que la commune savait que la réalisation matérielle du projet risquait de porter atteinte à la servitude civile et à la propriété du requérant et au fait qu'elle avait
3 connaissance de l existence d'un litige civil en cours à cet égard, auraient dû la conduire à attendre la solution de ce litige avant de pouvoir statuer en connaissance de cause et délivrer le permis attaqué, sous réserve des droits des tiers, le délai imparti à la commune pour prendre sa décision étant sans incidence; qu'aussi longtemps que ce problème de droit civil n était pas tranché, la première partie adverse n avait d autre choix, sur le vu de la demande telle que modifiée et de l état du dossier au jour où elle a statué, que de refuser le permis d urbanisme sollicité». 3. Le demandeur de permis ne dispose pas des droits civils nécessaires à la mise en œuvre de son permis Pour le Conseil d Etat, «aucune disposition légale ou réglementaire n'impose que les demandes de permis d'urbanisme ou d'urbanisation soient introduites par le propriétaire du terrain concerné. De même, aucune règle de droit n'interdit à l'autorité de délivrer un permis d'urbanisme ou d'urbanisation à une personne qui, au moment où elle introduit la demande, n'est pas titulaire d'un droit lui permettant de mettre ce permis en oeuvre. Toutefois, à défaut de titre évident, la demande de permis doit à tout le moins contenir une justification de la possibilité pour le demandeur de mettre en oeuvre le permis qu'il sollicite. En d'autres termes, le fait qu'un permis d'urbanisme ou d'urbanisation est délivré sous réserve des droits civils des tiers, ne dispense aucunement l'autorité qui délivre ce permis d'effectuer un examen au moins sommaire de la conformité des projets aux normes de droit civil. Il y va, en effet, de la protection élémentaire des droits des administrés sur leur territoire» (C.E., n du 30 décembre 2013). Quant à la teneur de la justification de la possibilité pour le demandeur de mettre en œuvre le permis qu'il sollicite, le Conseil d Etat précise «que des négociations en cours avec le propriétaire de la parcelle concernée par le permis ne sont pas suffisantes» (C.E., n du 24 mars 2011). Cette jurisprudence du Conseil d Etat nous semble pertinente en ce qu elle va dans le sens du principe de bonne administration. Il convient en effet de s assurer que la délivrance d un permis ne fasse naître ou n attise un litige civil ou encore ne porte atteinte aux droits des tiers sans qu en résulte nécessairement un litige. Cela étant dit, il
4 n y a pas à s y tromper, en aucun cas la commune ne doit aller jusqu à trancher elle-même la question de droit civil qui se pose devant elle. Elle ne peut qu en tenir compte et ne pourrait en aucun cas faire œuvre juridictionnelle en imposant par exemple la démolition d une construction litigieuse d un point de vue civil, pour des motifs purement civils. Il n est pas non plus question pour la commune de rechercher activement toute problématique civile qui pourrait se poser. Elle doit prendre en considération, lorsque cela s impose, ce dont elle a connaissance ou ce qui est évident et il ne pourrait lui être reproché d avoir délivré un permis en méconnaissance de droits civils qu elle ignorait. Par ailleurs, lorsque la commune se trouve saisie d une demande rentrant dans une des trois hypothèses précitées, elle ne doit pas nécessairement refuser le permis directement. Elle peut, dans le cadre de l analyse de la complétude du dossier, exiger la production de documents complémentaires afin de pouvoir mieux juger du respect du bon aménagement des lieux ou afin d attendre l issue d un litige civil (en exigeant le jugement par exemple) ou bien encore afin de pouvoir juger de la capacité du demandeur à mettre son permis en œuvre. Cette façon de faire permet d éviter la saisine du fonctionnaire délégué puisque le délai de prise de décision est suspendu aussi longtemps que les documents demandés ne sont pas fournis. On rappellera enfin que le Cwatupe aborde lui-même très brièvement la question du droit des tiers en son article 97 qui prévoit que la demande de permis d'urbanisation doit mentionner l'existence de servitudes du fait de l'homme ou d'obligations conventionnelles concernant l'utilisation du sol qui sont contraires au contenu de cette demande. Dans ce cas, la demande est soumise à une enquête publique et le permis a pour effet d'éteindre lesdites servitudes et obligations, sans préjudice de l'indemnisation des titulaires de ces droits, à charge du demandeur. Ce document, imprimé le , provient du site de l'union des Villes et Communes de Wallonie ( Les textes, illustrations, données, bases de données, logiciels, noms, appellations commerciales et noms de domaines, marques et logos sont protégés par des droits de propriété intellectuelles. Plus d'informations à l'adresse Union des Villes et Communes de Wallonie asbl
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