Délinquance, sentiment d insécurité et «quartiers sensibles»

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1 Sociologie Délinquance, sentiment d insécurité et «quartiers sensibles» Romain GÉNY, professeur de SES au lycée Pablo-Picasso d Avion Le sentiment d insécurité est particulièrement fort dans les quartiers d habitat social de banlieue. Or, dans ces quartiers, la délinquance, en particulier des jeunes, a connu une explosion dans les années 90. Les racines du sentiment d insécurité sont donc à rechercher dans cette augmentation spectaculaire de la délinquance juvénile des «quartiers sensibles». Ces trois «évidences» ne sont pourtant pas nécessairement aussi évidentes que semble le laisser croire un certain consensus du débat politique. La construction des «problèmes de délinquance» dans les «quartiers sensibles» Délinquance et violence, faits ou constructions? «La délinquance», «la violence» ne sont pas des données au contenu clair et précis, ce sont des constructions sociales: ces «problèmes» résultent d une sélection des faits et d une interprétation particulière de «ce qui fait problème». La construction des «problèmes de délinquance» Contrairement à la notion sociologique de déviance, la notion de délinquance est d abord juridique. Au sens strict du terme, dans le système français, la «délinquance» est le fait de commettre un délit, l une des trois infractions possibles aux lois pénales (contravention, délit, crime). Mais il semble plus généralement qu on utilise le terme de délinquance pour désigner tout acte d infraction aux lois pénales. Une sélection fondée sur le critère de la victime? Cependant, les débats récents sur les problèmes de délinquance semblent se focaliser de manière implicite sur deux types particuliers de délinquance: les prédations (vols, cambriolages) et les agressions (violences interpersonnelles), ces deux catégories résumant souvent à elles seules ce dont on parle dans les discours sur la délinquance. Ainsi, lorsqu un journaliste interviewe un soir le Premier ministre français, il lui pose une question sur la délinquance «et aussi» sur le problème des rave party, avant de préciser, comme pour se corriger, que celles-ci «ne sont pas de la délinquance». Pourtant, elles semblent bien, en règle générale, entraîner certaines infractions pénales (à la propriété privée, aux règles de sécurité, etc.). Mais le journaliste (et le Premier ministre) semblent avoir en tête une définition «évidente» de la délinquance qui n inclut pas ces infractions pénales. De même, bien qu on ne dispose pas d estimations précises, on sait que la «délinquance en col blanc» est un phénomène répandu. Pourtant, les discours évoquant «l explosion de la délinquance» abordent rarement le problème de la fraude fiscale, des détournements de fonds, des abus de biens sociaux, de l exploitation de travailleurs clandestins au mépris du droit du travail, etc. Si les prédations et les agressions concentrent les regards, on peut penser que c est parce qu outre un coupable elles impliquent toujours une victime concrète : elles seraient donc les plus menaçantes pour la cohésion sociale. Pourtant, cette explication est sans doute trop simple, et s apparente plutôt à une justification a posteriori. En effet, comme nous le verrons plus loin, toutes les victimes ne développent pas un sentiment d insécurité, DEES 128/ JUIN

2 et toutes les personnes «insécures» ne sont pas des anciennes victimes. En outre, on ne s intéresse ici qu aux victimes de la délinquance socialement problématique (prédations et agressions). Or les victimes d infractions au droit commercial ou au droit du travail ont-elles aussi, parfois, des réactions psychologiques d insécurité et plus précisément de perte de confiance 1. Mais ces victimes-là ne font pas l objet d inquiétudes particulières. Par conséquent, justifier la focalisation du regard sur les agressions et prédations au nom de la victime, c est d une part oublier que, pour paraphraser Bourdieu, «la victime n est qu un mot», les réactions étant très diverses, et c est d autre part mal cacher que cette «victimophilie» est très sélective : certaines victimes ne «posent pas de problème», du moins qui soit digne d être politisé. Enfin, cet intérêt pour la victime est très récent et ne se traduit pas encore par une prise en charge institutionnelle satisfaisante. Cette «victimophilie», sélective, apparaît donc surtout comme une justification a posteriori d une focalisation de l attention en partie arbitraire. Les «problèmes de délinquance» comme enjeu de luttes De ce fait, on est conduit à conclure que cette réduction de la délinquance aux prédations et aux agressions ne se justifie que par une tendance à stigmatiser uniquement certains comportements illicites. Howard Becker écrivait en 1963 que «la déviance n est pas une qualité de l acte commis par une personne». Certains actes, juridiquement délictueux et impliquant des victimes directes ou indirectes, ne sont pas socialement et politiquement perçus, actuellement, comme posant un problème de délinquance. Becker poursuit en expliquant que «les groupes sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression constitue la déviance, en appliquant ces normes à certains individus et en les étiquetant comme des déviants. [ ] Les groupes les plus capables de faire 50. DEES 128/ JUIN 2002 appliquer leurs normes sont ceux auxquels leur position sociale donne des armes et du pouvoir 2». La sélection des faits posant un problème de délinquance ne s explique que très partiellement par l ampleur ou les conséquences concrètes de ces faits, d autant que cette ampleur constatée peut aussi être en partie une conséquence de cette focalisation de l attention. Elle s explique d abord par des rapports de pouvoir. Plus généralement, et en utilisant l approche bourdieusienne, on peut dire que la définition légitime des «problèmes» de délinquance est d abord un enjeu de luttes entre groupes sociaux. La délinquance en col blanc est d abord une affaire de classes supérieures, et de personnes relativement âgées (du moins, ce n est pas de la délinquance juvénile). Les prédations et agressions sont, traditionnellement, des actes commis par des jeunes de classes populaires (ou plutôt, des actes typiques de la délinquance juvénile, pour lesquels les jeunes de classes populaires sont sur-réprimés). Si l on admet avec Becker que «les différences d âge, de sexe, de classe et d origine ethnique sont toutes liées à des différences de pouvoir 3» et que ce sont ces différences de pouvoir qui permettent à certains groupes d étiqueter les autres comme déviants, alors la focalisation sur les prédations et les agressions a des origines principalement politiques, relativement indépendantes de leur ampleur réelle. La stigmatisation de cette délinquance précède l ampleur réelle de cette délinquance. De «la» violence à la violence inacceptable Le contenu du terme galvaudé «violence» est tout sauf évident, et l usage quotidien de cette notion traduit lui aussi une logique de sélection et de construction des problèmes «légitimes». Usage et abus de la force De la façon la plus générale, la notion de violence fait référence à l usage de la force dans une pratique ou une interaction. Jean-Claude Chesnais 4 distingue la «violence physique», qui est l usage de la force à l encontre d une personne en tant que telle, et la «violence économique», qu on peut définir comme l appropriation par la force d un bien appartenant à autrui. Mais il rejette cette deuxième catégorie, pour ne s intéresser, sous le terme de violence, qu à «l atteinte directe, corporelle, contre des personnes dont la vie, la santé, l intégrité physique ou la liberté individuelle est en jeu». Il est ainsi amené à étudier, sous le vocable de violence, la vengeance, le meurtre, l infanticide, le duel, les exécutions capitales, le viol, «l autoviolence» (le suicide), la «violence automobile», le terrorisme, la guerre, etc. Cette définition est en partie arbitraire, et s assume comme telle. Pourtant, elle ne semble pas pertinente pour comprendre ce que l on appelle «violence» dans les débats politiques actuels. En effet, la question de la montée de la violence pose implicitement cette violence comme un problème, une pathologie sociale qu il faut soigner. Or cette première définition de la violence comme «usage de la force» n implique pas nécessairement qu il y ait problème : la vengeance, la peine de mort ou le sacrifice, ou encore la guerre sont, au moins à certaines époques et dans certaines sociétés, des modes de régulation «normaux» des rapports sociaux. De même, le viol ou les agressions sexuelles contre les enfants ne sont un problème public que depuis peu. De même encore, le Code civil a longtemps toléré l usage de la force de la part du père de famille à l égard de son épouse et de ses enfants. L évolution des normes 1. Renée Zauberman, Philippe Robert, Du côté des victimes : un autre regard sur la délinquance, Paris : L Harmattan, 1995, p. 203 sq. 2. Howard Becker, Outsiders, Paris : Métailié, 1985, p Ibid., p Jean-Claude Chesnais, Histoire de la violence, Paris : Robert Laffont, 1981, p

3 sociales fait qu aujourd hui cet usage de la force est devenu un «problème de violence conjugale» ou de «maltraitance des enfants». Le simple critère de l usage de la force ne suffit donc pas à caractériser la violence dont on s inquiète aujourd hui. On peut alors se référer à une autre définition que donne Jean-Claude Chesnais, qui introduit une nuance importante : la violence serait un «abus de la force». Parler d abus, c est supposer que dans certaines circonstances, l usage de la force sera acceptable, ne fera pas problème. On ne parlera alors de violence (comme un problème) que lorsque l usage de la force n est pas considéré comme acceptable. Cette définition peut être replacée dans la problématique webérienne du «monopole de la violence physique légitime» : on ne peut parler d abus de la force que lorsqu un groupe donné en revendique avec succès l usage exclusif, et en refuse l usage à toute personne qui n est pas membre de ce groupe. Dans le cadre de l État, si l on adopte un raisonnement purement juridique, tout usage privé de la force est, par définition, un abus de la force (sauf cas très particuliers, encadrés explicitement par la loi). La force est en effet réservée à des personnes dépositaires de l autorité publique. Mais suffit-il qu il y ait abus «objectif» de la force, c est-à-dire usage de la force par des personnes qui n y ont pas légalement droit, pour qu il y ait «problème de violence»? Croire cela serait fétichiser la règle juridique : lorsque des jeunes issus de l immigration pénètrent de force sur un terrain de football avant la fin d un match, les commentaires dissertent longuement sur cette montée de la violence. Mais lorsque des agriculteurs saccagent le bureau d une ministre, on ne s inquiète pas de l explosion de la violence, on comprend ce mouvement de «ras-lebol». Il y a pourtant dans les deux cas abus de la force, au sens juridique du terme. Mais la transformation d un «fait» de violence en un «pro- blème» de violence dépend du sens donné à ce fait, et plus généralement de ce qui est toléré ou au contraire inacceptable à un moment donné dans une société. Violence et sensibilité à la violence Peut-on justifier la sélection des faits de violence jugés comme posant problème par leur caractère absolument inacceptable? Ce serait oublier que, comme plus généralement pour la délinquance, il n y a pas de norme universelle et intemporelle de l acceptabilité de l usage de la force. La définition de la violence est fortement dépendante de la sensibilité de la population à certains actes, et même en se recentrant sur une définition stricte de la violence, cette sensibilité n est pas toujours et partout la même, de même que l intérêt porté à la victime n est pas aussi automatique et socialement neutre qu on peut le croire. Une enquête de victimation réalisée par l Insee est intéressante de ce point de vue 5. En , on dénombre 98 agressions déclarées pour 1000 personnes (mais seulement 55 victimes). Mais sur ces 98 agressions, la moitié sont des insultes et menaces verbales. Le fait que des personnes pensent à ce type d acte lorsqu elles sont interrogées peut laisser penser que la «sensibilité» aux agressions verbales est devenue plus forte. Surtout, on sait que le comportement (par exemple, de dépôt de plainte) d une victime d une brutalité physique dépend de nombreux facteurs, notamment l âge et le sexe (et pas automatiquement la gravité de l agression). Plus généralement, cette réaction dépend de la perception sociale des brutalités subies. Ainsi, les victimes «jeunes» auront tendance à minimiser les brutalités subies, en les réduisant plus souvent à de simples bagarres, acceptables comme un risque lié au mode de sociabilité de la jeunesse (sorties fréquentes, etc.). Elles ne porteront que rarement plainte, préférant essayer de régler le problème à l amiable en cas de dommage. À l inverse, pour des faits qui ne sont pas nécessairement plus graves, des victimes plus âgées, se sentant plus fragiles, évoqueront plus facilement une «vraie» agression et porteront plus facilement plainte. Les violences conjugales, elles, sont souvent sous-déclarées dans les enquêtes de victimation, sans doute du fait d une réticence à les percevoir et les classer comme «agressions». Les femmes qui en sont victimes portent encore rarement plainte, et, qui plus est, la prise en charge des victimes de ces agressions est encore très faible (la possibilité de faire appel à l assurance étant quasiment absente ici). Enfin, la politisation de cette question est quasiment nulle, malgré les efforts de certaines associations, et récemment du gouvernement de Lionel Jospin. D un point de vue plus général, seulement 5 % des agressions évoquées dans l enquête de l Insee de entraînent une interruption temporaire de travail. Les violences les plus graves concernent donc en moyenne 0,3% de la population. On peut difficilement parler d explosion Mais, comme l explique Chesnais, dans une société où la violence est partout (comme les sociétés du Moyen Âge), des brutalités très cruelles peuvent être acceptées avec résignation. Dans des sociétés qui ont éliminé la plupart des formes les plus brutales de la violence (comme les sociétés contemporaines), celles qui demeurent, aussi rares soient-elles, sont insupportables et perçues comme scandaleuses. Peut-on alors donner une définition absolue de la violence, ou plutôt des «problèmes de violence»? La seule définition sociologique qui semble valable est volontairement tautologique : les problèmes de violence, c est ce qu une société définit à un moment donné comme violence 5. Philippe Robert et al., «Enquêtes de victimations et statistiques policières ( )», Questions pénales, Cesdip, 1998 (site Internet). DEES 128/ JUIN

4 inacceptable, et contre quoi elle se mobilise. Autrement dit, la définition du contenu des problèmes de violence est un enjeu de luttes entre groupes sociaux. La violence qui pose problème est le résultat d une sélection sociale et politique, et porter le regard sur certains faits implique nécessairement de ne pas le porter sur d autres. Les «quartiers sensibles», construction d un consensus Les grands ensembles de cités HLM sont devenus, dans les discours publics sur l insécurité, le territoire «évident» de l explosion de la violence et de la délinquance. Cette évidence n est jamais remise en cause, et l amnésie sur l évolution de ces quartiers est très forte : qui dit «insécurité» pense nécessairement «quartiers sensibles» (ou «zones de non-droit»). Pourtant, cette catégorisation de la réalité, relativement récente, a une histoire. La construction policière des problèmes On peut, de façon générale, dater l apparition de la question des «quartiers sensibles» dans le débat public au tournant des années 80 et 90, même s il est impossible de trouver une origine indiscutable. La thèse d auteurs comme Laurent Bonelli ou Laurent Mucchielli est que l apparition et l imposition de ce terme et de ses corollaires n est pas socialement neutre: elle traduit l importance prise dans le débat par les discours d origine policière. Ces discours ont contribué à braquer l attention sur ces espaces, à travers des catégories qui imposent une interprétation évidente et consensuelle des phénomènes de délinquance et de violence qui y sont constatés. Cette focalisation sur les quartiers sensibles est d abord la conséquence de l orientation politique qui s est imposée à partir des années 80, et qui consiste à «territorialiser» les problèmes d insécurité. D après Cécile Carra, cette logique de territorialisation du traitement de l insé- 52. DEES 128/ JUIN 2002 curité obéissait à une volonté de circonscrire symboliquement les problèmes : «il s agit de repérer des lieux précis, abcès de fixation ou point de cristallisation de la délinquance et de l insécurité. Comme le note Paperman, [ ] la désignation des limites à l intérieur desquelles le problème de l insécurité se manifesterait de façon aiguë, redoutable pour ceux qui y vivent et ceux qui les côtoient, cette désignation même comporte déjà une réponse à l insécurité; elle la contient dans des enceintes repérables, elle l assigne à résidence, elle la fixe sur un territoire 6». D après Laurent Bonelli, le traitement institutionnel de l insécurité a à la fois reposé sur et imposé cette vision géographique de l insécurité. La plupart des dispositifs mis en œuvre dans les années 90 (police de proximité, contrats locaux de sécurité, groupements locaux de traitement de la délinquance, etc.) ont légitimé l idée que les problèmes avaient un enracinement local et appelaient un traitement localisé. De plus, ils reposent sur une classification du territoire en zones «sensibles» ou «très sensibles», principalement à l échelle du département. À l intérieur de ces zones, ce sont en fait des quartiers ou des microquartiers qui sont concernés par le déploiement de ces dispositifs. Mais quels sont les critères qui définissent une zone sensible? «Paradoxalement, les découpes judiciaires et policières se superposent assez systématiquement avec le zonage du développement social des quartiers (DSQ) opéré au début des années 80 sur la base de critères sociaux: précarité, nombre d enfants, revenus des familles, taux de chômage, etc. Ainsi, la section Villes et banlieues des Renseignements généraux qui a créé une échelle de mesure des violences urbaines [ ] s est simplement basée pour les définir sur l observation des quartiers en DSQ et des comportements qu on pouvait y trouver 7.» Ou comment le «s» de «social» s est transformé en «s» de «sensible» Les zones sensibles sont donc clairement les quartiers populaires victimes du chômage et de la pauvreté. Les mots changent et traduisent un changement de perspective et de problématisation : en effet, on a classé ces zones comme sensibles sur l hypothèse que les caractéristiques de ces quartiers les prédisposaient à être producteurs de délinquance (c est-à-dire de vols, cambriolages, agressions et violences collectives). La «concentration de la délinquance dans les quartiers populaires»était un présupposé, un axiome de l action politique, relativement indépendant des faits concrets. Parallèlement à ces évolutions de la vision du lien entre banlieues et délinquance, lien posé comme évident dans la notion de quartier sensible, s est imposée l idée que les violences urbaines étaient le phénomène le plus grave et le plus urgent à traiter. La notion de violences urbaines, aujourd hui évidente, semble avoir trouvé naissance au début des années 90, avec la création d une division spécialisée des RG, qui va être à l origine de la diffusion de ce nouveau concept, repris par la presse et des «experts» de la sécurité 8. Cette section est créée à l automne 90, après les émeutes de Vaulx-en-Velin et les manifestations lycéennes. Lucienne Bui Trong, qui la dirige, va construire un nouvel instrument de mesure, une «échelle des violences urbaines». En fait, cette échelle ne mesure pas tous les actes de violence, mais les difficultés rencontrées par les pouvoirs publics, et la police en particulier, pour intervenir dans les quartiers sensibles et mesure donc la «gravité»de la situation à l aune des schèmes de perception RG, c est-àdire de la contestation collective des 6. Cécile Carra, Délinquance juvénile et «quartiers sensibles», Paris : L Harmattan, 2001, p Laurent Bonelli, «Des populations en danger aux populations dangereuses», in L. Bonelli, G. Sainati (sous la dir. de), La Machine à punir, Paris : L Esprit frappeur, 2000, p Voir Laurent Mucchielli, Violences et insécurité, fantasmes et réalités dans le débat français, Paris : La Découverte, 2001.

5 symboles de l autorité de l État. En effet, d après Laurent Bonelli, l échelle ne se contente pas de mesurer des faits, elle opère une sélection directement liée à la «culture professionnelle» des RG, traditionnellement «caractérisée par le soupçon permanent d un complot contre l État 9», et porte avec elle une interprétation implicite des faits constatés: les violences urbaines tournées contre la police sont des contestations de la légitimité des institutions à contrôler certains territoires; elles sont principalement motivées par une logique de vengeance contre la police, ou par une volonté de protéger des trafics mafieux ayant lieu dans ces quartiers. L échelle des violences urbaines livre donc une interprétation «clés en main» des phénomènes constatés: ils représentent une menace directe contre l État, et une preuve que les lieux concernés deviennent des «zones de non-droit». Toute autre interprétation semble bannie, à part peut-être l idée d une violence gratuite, évoquée par la première catégorie (violences en bandes, vandalisme, rodéos et incendies de voitures volées, etc.). Ces interprétations seront reprises par tous les «experts» autoproclamés, et diffusées par les médias. On assiste ainsi à une «déconstruction-reconstruction» du problème des banlieues, à une conversion du regard porté sur ces phénomènes. L intérêt porté aux quartiers populaires ne repose plus sur des critères économiques et sociaux, mais sur le fait qu ils prédisposeraient les jeunes qui y habitent à la délinquance et à la violence, et deviendraient des zones de non-droit contrôlées par des mafias. Aussi l intervention prioritaire sur ces quartiers n est-elle pas d ordre économique et social, mais d ordre policier et pénal. Les quartiers populaires frappés par le chômage sont donc devenus avant tout des quartiers délinquants et violents, où il est urgent de rétablir l ordre. Ces «évidences» sélectionnent certains types de délits et de violences et imposent au débat une interprétation évidente des phénomènes sélec- tionnés. Elles sont donc socialement construites et participent en retour à la construction sociale des problèmes politiques «légitimes» : le changement d analyse guide un changement de politique. Le redoublement médiatique de la stigmatisation Le thème des «violences urbaines» et des «quartiers sensibles» fait aussi l objet d une préconstruction à travers les filtres du traitement journalistique. Dans son étude monographique sur les logiques de constitution de la délinquance juvénile, Cécile Carra retrace l histoire de la vision médiatique du quartier «Leclerc» ou «804», ensemble HLM de la banlieue d une ville de province 10. Comme tous ces quartiers, le «804» est un ensemble d habitat social, construit au début des années 60, dans lequel «à l époque, pour les familles pauvres, obtenir un appartement [ ] tient d une grande chance». De plus, il «constitue un symbole de promotion sociale pour les classes pauvres». Pourtant, dans les années 90, l image du quartier a profondément changé, puisqu on le considère désormais comme un «ghetto» où se concentre une population pauvre, avec un taux de chômage très élevé et une forte proportion de familles étrangères. Parallèlement à ce thème de la ségrégation spatiale, les quartiers d habitat social, ou quartiers populaires, vont devenir l image type des problèmes urbains, notamment du fait de l évolution du traitement médiatique qui leur est réservé : celui-ci va les faire passer, au cours des années 80-90, de la catégorie «quartiers populaires» à la catégorie «zones de non-droit». Cécile Carra retrace, pour le quartier des «804», cette évolution de l identité médiatique. Jusqu à la fin des années 80, la presse locale n évoque le quartier que pour parler des problèmes d architecture, d insalubrité ou de dangers pour les enfants du fait de la circulation routière. Les actes de délinquance, qui y existent déjà (notamment le saccage d une maison de jeunes en 1985), ne sont évoqués que rapidement, et sans les associer ontologiquement au quartier. Le quartier des «804» n est qu un quartier HLM. Pourtant, «en 1990 se déclenche une période de transition rapide de laquelle on verra naître les traits structurants d un discours dominant qui depuis perdure». Les actes de vandalisme font la une de L Est Républicain, et on y parle de «dégradations gratuites pour le plaisir de détruire». La dramatisation médiatique gagne du terrain, et, le 4 mai 1991, L Est Républicain ne parle plus de quartier populaire mais de «cité chaude» et évoque «l impunité» de «noyaux durs» de jeunes «connus de tous». Le terme de ghetto apparaît aussi, avant que s installe en 1992 le terme de «quartier sensible ou dit sensible». Le journal braque son attention sur le quartier, qui fait l objet d articles très fréquents, sur les problèmes de délinquance et de vandalisme. Finalement, «si le quartier risquait de se transformer en ghetto dans un article de 1990, il devient le 13 novembre 1992 une cité qui fait depuis trop longtemps figure de ghetto. À partir de 1996, il est qualifié de zone de non-droit, lieu de violences urbaines». De plus, «les métaphores guerrières sont désormais à l honneur entre les déferlements de vandales et l Intifada permanente». Ainsi, en très peu de temps, les catégories d appréhension de la réalité ont totalement changé et, montrant une amnésie et une propension à la reconstruction historique assez singulière, la presse locale évoque désormais «une zone de non-droit, foyer de toutes les peurs, de tous les dangers», qui existerait depuis «trop longtemps» (sachant que trois ans auparavant, cette question n était pas du tout évoquée ). La vision médiatique des évolutions touchant les 9. Laurent Bonelli, «Renseignements généraux et violences urbaines», Actes de la recherche en sciences sociales, mars 2001, n , p C. Carra, op. cit., p DEES 128/ JUIN

6 quartiers populaires, largement concordante avec le regard policier sur ces questions, semble avoir contribuéà changer la problématisation de la question des banlieues. Délinquance des jeunes, délinquants des quartiers : que sait-on? «Une partie de la jeunesse de notre pays est en péril. Dans certaines banlieues ou certains quartiers réputés difficiles, les lois de la République ne sont plus appliquées, et un nombre croissant de faits délictueux de plus en plus violents dans lesquels des mineurs sont impliqués est relevé. Aujourd hui, tout le monde peut constater, de surcroît, un rajeunissement inquiétant de cette délinquance juvénile [ ]. Cette tendance, un temps limitée à certains quartiers urbains, tend aujourd hui à se généraliser sur l ensemble du territoire national. Cette triste réalité a été confirmée par les récents chiffres de la délinquance 11.» Pierre Cardo, député Démocratie libérale, affirme ici l explosion de la délinquance juvénile dans les quartiers sensibles, explosion qui serait confirmée par les chiffres. Et, de fait, certaines statistiques semblent confirmer et légitimer la conversion du regard porté sur les quartiers populaires 12. Une délinquance juvénile qui explose? La délinquance juvénile est au centre des inquiétudes actuelles. La plupart des statistiques montrent en effet, d une part, une surreprésentation des mineurs dans les mises en cause pénales, par rapport à leur poids dans la population et, d autre part, une augmentation nette, durant les années 90, des mises en cause de mineurs pour des infractions pénales. Ainsi, en 1999, si les mineurs (de 13 à 17 ans) ne représentaient que 21,3% des mises en cause, le taux de mise en cause des mineurs 13 était de 4,3%, contre 1,7% pour les majeurs. Autrement dit, en moyenne, sur mineurs, 43 sont mis en cause ; sur 1000 majeurs, seulement 17 sont mis 54. DEES 128/ JUIN 2002 en cause. Les mineurs sont en proportion trois fois plus délinquants que les majeurs. De plus, les mineurs ne représentaient que 12,3 % des mises en cause dix ans auparavant. Le fait le plus important et le plus inquiétant semble être que les mises en cause de mineurs ont «explosé» au cours des années 90 (voir tableau 1). Ainsi, le nombre total de mises en cause de mineurs a augmenté de 73,7 % entre 1992 et De plus, la structure des mises en cause ferait apparaître une délinquance beaucoup plus violente qu auparavant. En effet, parmi ces mises en cause, les vols de voitures et de deux-roues ont stagné, alors que les mises en cause pour coups et blessures volontaires ont augmenté de 150 % ; celles pour vol avec violence de 107,6% ; celles pour viol, de 107 % aussi. Enfin, les mises en cause pour dégradations de biens publics/ privés, qui évoquent les violences collectives sporadiques (destruction de voitures, incendies, etc.), ont augmenté de 158 % sur cette période. Le tableau semble bien noir et paraît conforter des inquiétudes légitimes quant aux évolutions de la délinquance juvénile. Les statistiques judiciaires, et plus précisément les condamnations de mineurs pour délit ou crime, semblent confirmer les tendances révélées par les mises en cause policières. Ainsi, «le nombre de condamnations de mineurs pour crime a plus que doublé entre 1994 et 1998, mais ce nombre reste très faible, passant de 206 à 476 (doublement des condamnations pour homicide volontaire et pour viol, triplement des condamnations pour atteinte aux biens). Il s est également produit un doublement du nombre de condamnations de mineurs pour délits dans la même période : de environ à environ. On note ici une forte progression des condamnations pour atteinte à la personne (+ 166 % : de à plus de 5 000), ainsi qu une forte progression des condamnations pour atteinte aux biens (+ 76 %)». Globalement, une lecture directe des statistiques administratives semble bien légitimer les inquiétudes politiques quant à la délinquance des mineurs: de plus en plus de mineurs délinquants, et des délinquants de plus en plus violents. Des quartiers qui s embrasent? On a vu qu outre la délinquance juvénile, le discours dominant pointe du doigt des zones particulièrement propices à la délinquance et à la violence : les quartiers sensibles. Ces zones sensibles sont censées concentrer l essentiel de la délinquance. Cependant, il faut ici distinguer les types de délinquance incriminés: prédations et agressions d une part et violences collectives d autre part. En effet, Hugues Lagrange montre, à propos d Amiens, que les actes de prédation, en particulier, se concentrent dans le centre-ville et non dans les quartiers sensibles de la périphérie. Cependant, la police en a conscience, qui utilise les notions de «quartiers émetteurs» et «quartiers récepteurs» de la délinquance. Les quartiers sensibles concentreraient les délinquants, et les quartiers des centre-villes les actes de délinquance commis par des jeunes venant des premières zones. Hugues Lagrange 14 en fournit d ailleurs une confirmation : ainsi, à Amiens, entre 1995 et 1998, «pour mineurs âgés de 13 à 17 ans, 74 font l objet d une procédure pénale en moyenne au cours de l année dans le secteur nord [sensible] contre 17 dans le secteur sud [banlieue plus «classe moyenne»]. [...] [De même], les zones en contrat de ville fournissent une fraction trois à quatre fois plus importante des mineurs pris en charge à titre pénal 11. Pierre Cardo, cité in L. Mucchielli, «Transformations de la famille et délinquance juvénile», Problèmes politiques et sociaux, Paris : La Documentation française, juillet Renaud Filieule, Sociologie de la délinquance, Paris : Puf, 2001, p Nombre de mineurs de 13 à 17 ans mis en cause, rapporté au nombre total de mineurs de 13 à 17 ans. 14. Hugues Lagrange, De l affrontement à l esquive, Paris : Syros, 2001, p ;

7 [par la PJJ] que le centre et les zones non prioritaires du nord et de l est». On aurait donc bien une confirmation de la concentration des délinquants dans les quartiers sensibles, qui montrerait la pertinence de la territorialisation des dispositifs. À l inverse des délinquances «classiques», les violences collectives, dénommées officiellement violences urbaines, se concentreraient dans les quartiers sensibles, aussi bien pour les coupables que pour les victimes. Hugues Lagrange, utilisant les résultats de l échelle des RG, confirme cette hypothèse et montre qu on peut dire qu on assiste à une explosion, au cours des années 90, de ce type de délinquance. Ainsi, le nombre total de violences collectives a été multiplié par plus de 9 entre 1992 et 1999, dans les quartiers pris en compte par les RG. Surtout, si les incidents visant des particuliers et ceux visant des institutions augmentent tout deux, la structure de ces incidents change sur la période: en 1992, les violences antiinstitutionnelles représentaient 57% des incidents contre 39,5% en Les violences collectives semblent donc frapper de plus en plus les particuliers (incendies de voitures, etc.). On voit enfin se développer des violences collectives qui opposent des bandes de jeunes entre elles : Hugues Lagrange, reprenant une étude des violences collectives en Île-de-France, relatées par la presse, remarque qu entre 1992 et 1996, 28 % de ces incidents étaient des bagarres entre jeunes, alors qu entre 1997 et 1999, ce sont 52 % des incidents relatés qui opposent des bandes. On aurait donc bien une explosion indéniable du phénomène des violences collectives dans les années 90. La délinquance juvénile : un constat à nuancer Plusieurs faits, maintenant bien connus, amènent à préciser et à nuancer la vision d une délinquance juvénile qui explose. Tout d abord, il faut avoir en tête que ce tableau est brossé principalement à partir des statis- tiques institutionnelles, ce qui pose des problèmes d interprétation, car on sait que celles-ci font passer la connaissance de la réalité de la délinquance à travers des filtres, qui de plus peuvent varier dans le temps. Premièrement, on peut raisonnablement penser que les mineurs font peu de détournements de fonds, de chèques sans provision et commettent peu de délits routiers (et pour cause ). On sait en effet que la délinquance des mineurs, et plus généralement des jeunes, se concentre principalement sur les prédations et les actes de violence interpersonnelle, ainsi que les stupéfiants et les dégradations. Or, c est précisément ce type de délinquance qui est le plus «connu» des services de police, et c est lui qui occupe la place la plus importante dans les chiffres publiés par le ministère de l Intérieur chaque année. Ainsi, en 1999, les vols représentent 61,9 % des infractions enregistrées par la police, les autres infractions (principalement liées aux stupéfiants et aux dégradations) 22 %, les atteintes aux personnes 6,75 %, et enfin les infractions économiques et financières 9,33% 15. Peut-on penser que cette structure est représentative des infractions réelles? Probablement pas, puisque, par exemple, les délits routiers sont exclus de ce décompte Tableau 1. Nombre de mises en cause de mineurs selon le type d infraction retenu à titre principal Infractions Vols Vols de voitures et de deux roues motorisées Vols avec violence Homicides et tentatives (dont 80 tentatives) Viols Coups et blessures volontaires Toxicomanie Destruction et dégradations de biens publics/privés Nombre total Source : d après H. Lagrange, De l affrontement à l esquive, op. cit., p. 33. par principe. De plus, les infractions économiques et financières sont, pour une partie d entre elles, plus invisibles que ce que la police appelle la «délinquance de voie publique». On peut donc penser que la surreprésentation des mineurs dans les chiffres de la police est en partie une conséquence de ce biais : certaines infractions sont mieux connues que d autres, et ce sont celles qui caractérisent la délinquance des mineurs ; d autres ne sont pas prises en compte dans les chiffres officiels, comme les délits routiers ou les chèques sans provision, qui ont été dépénalisés récemment, et sont majoritairement le fait de majeurs. Le taux de mise en cause des mineurs, supérieur à celui des majeurs, ainsi que la part des mineurs dans les mises en cause sont probablement influencés par ce premier filtre, lié à l activité des institutions qui produisent la mesure. Deuxièmement, les recherches tendent à montrer que la délinquance juvénile est un phénomène «normal», au sens de Durkheim, dans les sociétés occidentales. La forme de la courbe de la délinquance selon l âge 15. Ministère de l Intérieur, DGPN, Crimes et délits constatés en France en 2000, site Internet de La Documentation française, 2001, p. 3. DEES 128/ JUIN

8 est une constante établie par toutes les recherches : le taux de mise en cause par classe d âge «augmente brusquement à partir de l âge de ans, atteint un pic pour l âge de ans, puis diminue jusqu à la vieillesse 16». Ce fait, établi à partir de statistiques américaines, est confirmé par les statistiques judiciaires françaises. Il est en partie lié au biais signalé plus haut et doit donc être pris avec prudence. Il reste que s étonner de voir des jeunes délinquants, c est méconnaître une loi sociale très forte et très stable. Cependant, il serait simpliste et faux de conclure qu il n y a rien de nouveau récemment. Cette régularité n explique pas, en effet, l augmentation récente, et forte, des mises en cause de mineurs. De plus, il y aurait un probable allongement de la durée de la délinquance chez les jeunes, lié à la raréfaction de l emploi qui souvent mettait un terme aux déviances juvéniles. Troisièmement, l augmentation du nombre de mises en cause de mineurs n est pas un indicateur sûr de l augmentation du nombre de mineurs délinquants. Autrement dit, ce n est pas parce qu il y a de plus en plus de délinquance qu il y a de plus en plus de délinquants. Tout d abord, mise en cause ne veut pas dire culpabilité, mais faisceau d indices amenant à la convocation d un suspect. Certaines personnes mises en cause seront «blanchies». Mais, surtout, une même personne peut être mise en cause pour plusieurs délits: dix mises en cause pour dix délits différents peuvent concerner un seul et même «coupable». Autrement dit, le nombre de mises en cause n est pas équivalent au nombre de mis en cause individuels. Or, de nombreuses enquêtes ont montré l existence d un noyau dur de délinquants juvéniles «chroniques» ou «multirécidivistes». Sébastien Roché confirme, dans son enquête de délinquance autorévélée, la présence de ce noyau dur : sur un échantillon représentatif des adolescents d une ville ou d un quartier (ayant ou non commis un délit), «5% [des adolescents] réalisent près de 56. DEES 128/ JUIN % des petits délits, 86% des délits graves et, pour ce qui est des trafics, en couvrent même plus de 95 % 17». Par conséquent, si on constate bien une augmentation des mises en cause de mineurs de 73 %, on ne peut en déduire a priori que le nombre de mineurs délinquants a augmenté de 73 %. Et ce d autant plus que, comme l explique S. Roché, la «réalité» de l augmentation est en partie déformée par les biais de l origine institutionnelle des statistiques. En effet, «il est probable que [depuis quelques années] la police ait été poussée, autant par le gouvernement que par l opinion, à porter une attention soutenue aux espaces publics et aux jeunes. Et probable également qu elle ait le plus souvent échoué à résoudre à l amiable les petits conflits, et que les parquets aient commencé à mettre en place des permanences plus actives et à exiger un signalement systématique des mineurs arrêtés, tout cela alimentant la délinquance enregistrée des mineurs, comme l indique le spécialiste Bruno Aubusson de Cavarlay 18». Cette augmentation de la délinquance juvénile constatée est donc sans doute en partie une conséquence de la réorientation de l activité policière, du durcissement du traitement pénal des mineurs et de la désignation a priori des populations posant problème. En outre, il faut voir que les mises en cause qui augmentent le plus, dans les années 90, sont celles liées aux stupéfiants (+ 327 %). En 1992, ce motif ne représentait que 4 % des mises en cause, alors qu il en représente 10 % en On peut donc en déduire que la toxicomanie fournit une contribution importante à l augmentation moyenne des mises en cause de mineurs. Or ce sont principalement les faits de consommation, beaucoup plus que le trafic, qui augmentent. Ceci appelle deux remarques : d abord, il y a de fortes chances que cette augmentation reflète une plus forte répression policière, notamment de la consommation de cannabis 19. Surtout, cette répression est socialement sélective: une enquête de délinquance autorévélée montre que ce sont les enfants de cadres qui déclarent la plus forte consommation de cannabis (37 % de ces adolescents en déclarent l usage), alors que seulement 18,5 % des enfants d ouvriers déclarent avoir consommé du cannabis (voir tableau 2). Pourtant, la répression semble principalement toucher les jeunes des milieux populaires. Par ailleurs, si la plupart des autres motifs de mise en cause augmentent, un regroupement des faits selon les deux catégories «prédations» et «agressions» (en laissant de côté toxicomanie et dégradations) montre que les prédations, qui représentaient 90% de ce sous-total en 1992 (82561 mises en cause), représentent 83 % de celui-ci en 1998 ( mises en cause). La part des violences interpersonnelles (en incluant les vols avec violence) augmente, mais, dans ce sous-total, les prédations restent le motif largement majoritaire des mises en cause de mineurs. De plus, l augmentation des mises en cause pour dégradations est difficile à interpréter. D après les statistiques policières, les mineurs représentent 43% des auteurs mis en cause. Mais seulement 13% de ces faits sont élucidés. Ainsi, «dans 87% des cas, on ne sait pas qui mettre en cause, ni, par conséquent, à quelle catégorie d âge il appartient 20». On ne sait donc pas avec précision quelle est la part réelle des mineurs dans ces faits. Les enquêtes de délinquance autorévélée ne peuvent rien nous apprendre à ce sujet, puisqu elles ne s intéressent quasiment qu aux mineurs. Enfin, il faut nuancer l idée d une augmentation des actes violents chez les mineurs. Le ministère de l Intérieur fait un constat intéressant: «la violence 16. R. Filieule, op. cit., p Sébastien Roché, La Délinquance des jeunes, Paris : Le Seuil, 2001, p Ibid., p Voir L. Mucchielli, Violences et insécurité, fantasmes et réalités dans le débat français, op. cit. 20. S. Roché, op. cit., p. 24.

9 Tableau 2. Part des ans qui déclare avoir commis au moins un délit, par type de délit et par PCS des parents (en %) Infractions Ouvriers Employés Professions Cadres Artisans intermédiaires Commerçants Tous délits confondus 64, ,5 67 Consommation de cannabis 18,5 25, Petites dégradations 38,5 38, ,5 35 Dégradations graves 8,5 8,5 4,1 5,5 7,5 (incendie, caillassage) Vols simples (vol à la roulotte, à l étalage) Vols graves 7,5 7 3,5 4,5 1 (cambriolage, racket ) Dont racket 3,5 2 1 <1 nr Agressions physiques (bagarres) Port d une arme non autorisée 13, Trafics (revente) ,5 Dont cannabis nr Les adolescents ont été interrogés, en 1999, sur les délits qu ils avaient commis les deux années précédentes. Lecture : 64,5 % des enfants d ouvriers déclarent avoir commis au moins un délit sur la période. Source : d après S. Roché, La Délinquance des mineurs, op. cit., p [ ] a marqué l an Ces faits ont globalement progressé de 9,14%. Ils font l objet, dans les 63 sites de police de proximité, d un recueil, comme d un traitement beaucoup plus systématique que par le passé. Les constatations en flagrance y sont en effet [ ] plus nombreuses et les signalements par la population se généralisent 21». Cette augmentation des faits enregistrés correspond-elle à une augmentation des faits, ou à un meilleur enregistrement? Probablement les deux, mais on ne peut l affirmer avec certitude. De plus, S. Roché fait cette remarque intéressante : «les incriminations retenues à l encontre des mineurs sont euphémisées [en règle générale]. Ce processus est le fait des policiers et des gendarmes, comme de la justice. [ ] Il y a chez les magistrats, une volonté de banaliser les faits reprochés afin d éviter certaines incriminations induisant des conséquences juridiques qu ils n estiment pas nécessaire de mettre en œuvre malgré la matérialité des faits. Au total, environ 25% des actes classés violents initialement sont qualifiés comme tels en bout de chaîne. Mais cette logique de fonctionnement peut se renverser. Si les actes sont commis plus tôt ou plus souvent en groupe, et si la pression sociale augmente, ils peuvent aussi ne plus être autant minimisés. Cela expliquerait en partie cette aggravation de la violence enregistrée dans les comportements des mineurs 22.» Enfin, il faut aussi remarquer que s il y a mise en cause, c est qu il y a eu plainte auparavant. Or, on doit garder à l esprit que le comportement de plainte, pour ce type de fait, dépend beaucoup de la sensibilité de la victime à la violence. On peut penser que l augmentation de la délinquance enregistrée correspond probablement à une augmentation de la délinquance «réelle», mais qu elle en donne une image déformante, grossissante et en partie artificielle. Déformante, pour ce qui est de la part des mineurs dans la délinquance, ou encore de l origine sociale des délinquants juvéniles. Grossissante, si on déduit des chiffres des mises en cause une évolution du nombre de mineurs délinquants. En partie artificielle, parce que ces chiffres dépendent partiellement des moyens mis en œuvre dans l enregistrement, le traitement et la répression de la délinquance. Des «problèmes» spécifiques aux banlieues? Le constat selon lequel les quartiers populaires d habitat social sont des lieux particulièrement touchés par la délinquance, mais aussi des «fabriques délinquantes», est partiellement soumis à des biais similaires. Cela rend donc nécessaire un regard plus critique sur cette évidence de la concentration des délinquants dans ces quartiers. Tout d abord, Lagrange fonde sa démonstration sur la surreprésentation des mineurs issus de quartiers sensibles dans la population faisant l objet d une procédure pénale, voire d une prise en charge par la PJJ. Or pour qu il y ait prise en charge par cette administration, il faut qu il y ait eu auparavant un délit commis, une plainte, une élucidation par la police, un renvoi au juge des enfants et une condamnation entraînant une intervention de la PJJ. 21. Ministère de l Intérieur, op. cit., p S. Roché, op. cit., p. 30. DEES 128/ JUIN

10 Les enquêtes de délinquance autorévélée, où l on interroge directement les adolescents sur les délits et crimes qu ils ont commis, montrent traditionnellement une répartition sociale de la délinquance juvénile moins marquée que ce que les statistiques officielles peuvent amener à penser (voir tableau 2). Les adolescents issus des classes moyennes et supérieures déclarent une participation à la délinquance qui n est pas spectaculairement éloignée de celle des enfants des classes populaires. Pourtant, il semble qu ils soient beaucoup moins souvent mis en cause pénalement, ne serait-ce que par une plainte. L idée que la délinquance juvénile est principalement le fait d enfants des classes populaires est donc à relativiser. Renaud Filieule résume ainsi les explications généralement apportées à ce phénomène : «des parents aisés sont mieux à même d éviter à leurs enfants les rencontres avec le système judiciaire : ils peuvent plus facilement s arranger à l amiable avec les victimes des exactions de leurs enfants, en payant des dédommagements pour les dégâts provoqués ou en remboursant les biens volés, et en les dissuadant ainsi de porter plainte. Lorsque leur enfant leur pose des difficultés, ils peuvent recourir à des circuits parallèles à financement privé: écoles spécialisées [ ], internats [ ]. En outre, [ ] les enfants de milieu aisé peuvent voler leur famille ou leur entourage et courent donc un risque plus faible d être dénoncés à la police 23». Cela peut expliquer en partie les taux de délinquance différents selon le quartier constatés par Lagrange, en supposant que les quartiers sensibles sont surtout des quartiers populaires. De plus, Cicourel a montré en 1968 que la recherche et l arrestation de coupables par la police ne repose pas que sur des critères rationnels et strictement juridiques: ceux-ci utilisent plus ou moins consciemment des «typifications», une connaissance pratique fondée sur l expérience, des «théories de la délinquance» indigènes, bref, des catégories a priori qui les amènent à focaliser leurs recherches sur certains types de population 24. Cette logique est confirmée par une étude sur l influence de la forme de la famille sur le comportement délinquant des jeunes : une enquête de délinquance autorévélée auprès de jeunes filles a montré que celles-ci, qu elles soient issues d une famille monoparentale ou d une famille «traditionnelle», avaient des comportements délinquants proches. Pourtant, les premières avaient plus souvent fait l objet d interventions policières. Le chercheur en vient à «la conclusion que les intervenants officiels estimaient vraisemblablement que les filles de [familles] monoparentales avaient un plus grand besoin de leurs interventions [ ]. En d autres termes, la décision d intervenir dans la situation d un mineur délinquant ne tient pas qu à la gravité des infractions commises. Elle tient aussi à la conception qu a celui qui prend la décision de ce qu est un vrai délinquant, ou un prédélinquant 25». Par conséquent, si les jeunes issus de quartiers sensibles sont surreprésentés dans les chiffres produits par les administrations policières et pénales, cela ne tient pas nécessairement à une surdélinquance avérée. Du fait de certains mécanismes sociaux concrets ou subjectifs, ceuxci ont plus de chances de figurer dans les chiffres de la police ou de la justice, à délinquance autorévélée similaire. De plus, cette surreprésentation traduit aussi en partie le fait que l on a intensifié le contrôle et la répression de certaines populations, dans certains espaces, en ayant posé a priori ces espaces et ces populations comme étant particulièrement «à risque», donc comme les plus importants à contrôler. Une nuance peut cependant être apportée à cette idée. Dans son enquête de délinquance autorévélée, S. Roché tente de savoir si le lieu d habitat a une influence sur le comportement délinquant, et ses résultats semblent bien indiquer une certaine surdélinquance des jeunes issus des HLM situés en dehors du centre-ville. Ainsi, 10 % d entre eux déclarent avoir effectué au moins un vol grave, contre 4,8 % des jeunes dont les parents habitent en appartement non HLM en centre-ville. De même, 12,9 % des jeunes issus de HLM de banlieue déclarent au moins une dégradation grave, contre 5,9 % des habitant du centre-ville (hors HLM). Enfin, 31,3% des premiers déclarent avoir commis au moins une agression grave, contre 21,5 % des habitants du centre-ville (hors HLM) 26. On remarque cependant que ces actes de délinquance, s ils concernent plus les jeunes de HLM de banlieue, ne sont pas absents chez les jeunes des quartiers qui ne sont généralement pas classés sensibles. Enfin, l interprétation des statistiques issues de l échelle des violences urbaines des RG n est pas aisée. En effet, comme le rappelle Mucchielli, la base de calcul n est pas restée stable dans le temps, ce qui interdit de calculer des taux de variation directs. Ainsi, si 800 quartiers étaient répertoriés au début des années 90, ils sont à la fin. De plus, parallèlement à cette prise en compte de nouveaux quartiers, les services qui se consacrent à ces phénomènes se sont développés, bénéficiant de plus de crédits et de postes, et pouvant donc mettre en œuvre une «mesure» de plus en plus précise et proche de la «réalité» des incidents 27. L augmentation du nombre de faits constatés doit donc être nuancée par ce biais assez important : l échantillon contrôlé n est pas le même au début et à la fin de la période, et il est contrôlé de plus en plus efficacement par des services de plus en plus institutionnalisés. L élargissement et 23. R. Filieule, op. cit., p Albert Ogien, Sociologie de la déviance, Paris : Armand Colin, 1999, p Jacques Trépanier, cité in L. Muchielli, «Transformations de la famille et délinquance juvénile», Problèmes politiques et sociaux, op. cit., p S. Roché, cité in H. Lagrange, op. cit., p L. Mucchielli, Violences et insécurité, fantasmes et réalités dans le débat français, op. cit., p DEES 128/ JUIN 2002

11 l amélioration de l instrument de mesure donnent une image déformante («nominale» et non «réelle») de l augmentation des faits. Quant à l apparition et au développement de bagarres entre bandes liées à des cités, il faut rappeler que la constitution de bandes est un trait récurrent de la sociabilité, parfois déviante, des jeunes de classes populaires, et que les bagarres entre bandes ont déjà défrayé la chronique dans l histoire du XX e siècle. Il n est pas aisé de voir ce qui fait ou ferait la spécificité des rixes récentes, sans que l on puisse en déduire qu il n y a là «rien de nouveau». Comment comprendre le sentiment d insécurité? La question du sentiment d insécurité apparaît dans le débat public à la fin des années 70, avec le rapport Peyrefitte. Elle va peu à peu s institutionnaliser comme une «question de société» et un «problème politique», avant de faire l objet de recherches strictement scientifiques. On distingue généralement deux aspects du sentiment d insécurité: la peur personnelle, pour soi, et la préoccupation sociale, l idée que l insécurité est un problème social. La thèse selon laquelle ce sentiment serait plus fort chez les victimes de la délinquance n est pas si évidente. Les logiques de réaction à la victimation Sentiment d insécurité et victimation Les «insécures» sont-ils des victimes? Un premier résultat statistique peut laisser penser que le sentiment d insécurité, comme peur personnelle, est au moins lié à l exposition à la délinquance, et notamment aux agressions (sans que cette exposition soit ici une victimation directe) : comparant les variations du sentiment d insécurité selon les régions, Philippe Robert et Marie-Lys Pottier trouvent que le taux d agressions (enregistré par la police) est le premier facteur explicatif (au sens où il explique à lui seul 39% de la variance), ce qu ils interprètent comme «une confirmation du poids de l exposition au risque, au moins physique, dans cette anticipation que constitue l affirmation de la peur de la délinquance 28». Une enquête de victimation globale faite par l Insee donne des résultats qui semblent confirmer l idée que le sentiment d insécurité est lié plus précisément à l expérience de la victimation 29. Par exemple, si 25 % des victimes de cambriolage ont peur chez elles, seulement 11 % de ceux qui n ont pas été victimes ont cette même peur au domicile. 26 % des victimes d agressions physique ou verbale ont peur de sortir seules le soir, contre 14 % de ceux qui n ont pas été victimes, etc. Globalement, et systématiquement, la peur personnelle touche une plus grande part des victimes que des non-victimes. Par conséquent, l exposition à la délinquance et peut-être plus généralement le risque objectif d être victime semblent influencer positivement le sentiment d insécurité. Cependant, ces chiffres peuvent se lire de façon différente : jamais plus d un quart des victimes d un délit ne déclare un sentiment d insécurité personnelle. Donc, au minimum, les trois quarts des personnes qui déclarent avoir été victimes (de cambriolage, de vols de voiture, de vol, d agression physique ou verbale) répondent «non» aux questions «avez-vous peur lorsque vous êtes chez vous?» et «avez-vous peur de sortir seul le soir?». À l inverse, c est entre 11 % et 15 % des personnes qui déclarent ne pas avoir été victimes qui répondent oui à au moins une de ces deux questions, pour au moins un de ces faits. Une enquête de la Sofres, en 1989, donnait des résultats similaires: 10% des personnes interrogées déclarent avoir été victimes d une agression ou d un vol dans la rue, mais 49% disent craindre personnellement ce type d acte. De même, 3 % des personnes interrogées ont été victimes d une agression ou d un vol dans un transport en commun, mais 14 % déclarent en avoir peur 30. Il apparaît donc que les personnes «insécurisées» ne sont pas nécessairement des victimes, et que l expérience de la victimation ne suffit pas à expliquer, en soi, le sentiment d insécurité. On peut alors se demander si c est la victimation qui crée le sentiment d insécurité, ou si elle a plutôt tendance à renforcer un sentiment déjà présent. Les victimes sont-elles insécurisées? De même que les «insécures» ne sont pas nécessairement des victimes, les victimes ne deviennent pas nécessairement des personnes insécurisées. L enquête de victimation de Renée Zauberman et Philippe Robert met à jour la diversité des réactions des victimes de différents délits. Dans le cas des vols (de voitures ou autres), on observe deux grands types de réactions: 62% des victimes de vols sont des «impavides», qui réagissent de façon distanciée à leur victimation, ramènent celle-ci à un incident, une «affaire mineure», voire une «affaire privée», puisqu un certain nombre d entre eux n estiment pas nécessaire de porter plainte. De l autre côté, les volés «catastrophés» combinent «une réaction violente envers l auteur, [un] sentiment de devoir se débrouiller seul, [et une] perte de confiance durable en autrui». Paradoxalement, à part un sousgroupe de catastrophés pour qui «le vol ressemble fort à un cambriolage, la confrontation avec le voleur est moins rare qu ailleurs, [et] jamais le nombre de victimations antérieures [n est] aussi élevé», ni la gravité de l acte ni la multivictimation ne semblent expliquer les différences de 28. Philippe Robert, Marie-Lys Pottier, «On ne se sent plus en sécurité, délinquance et insécurité, une enquête sur deux décennies», Revue française de science politique, 1997, n 47-6, p Emmanuelle Crenner, «Insécurité et préoccupations sécuritaires», Insee, Données sociales, 1999, p Dominique Duprez, Mahiedine Hedli, Le Mal des banlieues, sentiment d insécurité et crise identitaire, Paris : L Harmattan, 1992, p. 76. DEES 128/ JUIN

12 réaction. Par exemple, la forte multivictimation concerne un sous-groupe de «catastrophés», mais aussi un sous-groupe d «impavides». Il semblerait que «la multivictimation accroîtrait l insécurité des insécures, pas celle des impavides 31». Autrement dit, la racine du sentiment d insécurité n est pas à rechercher en soi dans la victimation. Le cas des cambriolages confirme ces différences de réaction, qui évoluent «entre vol et viol». On y trouve à nouveau des impavides et des catastrophés. Les impavides, qui ne représentent ici que 40 % des victimes, n ont en général «éprouvé ni peur, ni perte de confiance, ni impression d isolement, ni sentiment d avoir été atteints dans leur intimité». Un sousgroupe a plus souvent que les autres été victime du cambriolage d une cave ou d un garage, et n a pas fait appel à la police, ni pris de fortes précautions ultérieures. Parmi le groupe légèrement majoritaire des catastrophés, le cambriolage n a pas plus souvent donné lieu à un face-à-face, mais les victimes attachaient souvent une valeur soit matérielle, soit sentimentale forte à ce qui a été volé. Environ un tiers de tous les cambriolésréagissent ainsi par «[la] peur, [le] sentiment de viol de l intimité du domicile, [une] réaction violente envers l auteur, [la] perte de confiance en autrui et [un] sentiment d isolement». Ainsi, à nouveau, le fait en soi n explique pas la déclaration d un sentiment d insécurité. Enfin, les agressions physiques 32 font apparaître des phénomènes particuliers. Tout d abord, il faut noter que l agression physique est une victimation rare. Les différentes enquêtes donnent des ordres de grandeur proches: entre 0,5 et 1% de la population déclare avoir été victime d une agression sexuelle, et entre 2 et 3 % d une agression physique autre que sexuelle, sachant que les victimes de vols avec violence se classent systématiquement dans cette catégorie. Les conséquences matérielles sont souvent jugées peu graves. Les dommages physiques sont plus fréquents que pour les prédations, évidemment, mais ne sont pas systématiques. Ce sont les violences entre proches (agressions familiales) qui semblent entraîner le plus de dommages physiques (68% des victimes), alors que «seulement» 45 % des agressions «ordinaires» et 42% des agressions sexuelles produisent ces conséquences. La demande de traitement est quasi systématique (sauf pour les agressions sexuelles), mais seulement 34% des agressions ordinaires donnent lieu à hospitalisation (le taux est plus élevé pour les violences familiales). De façon générale, «les dommages physiques en matière d agression paraissent loin d être systématiques, loin aussi d être systématiquement graves, rarement en tout cas suivis de séquelles». Les dommages semblent donc principalement psychologiques: «le vol entraînait un sentiment de peur une fois sur quatre, le cambriolage une fois sur deux, l agression le crée trois fois sur quatre (et même toujours en cas de violences sexuelles). Pour les prédations, la peur, quand elle apparaissait, s avérait durable une fois sur deux. Maintenant, c est le cas le plus fréquent, au moins pour les violences entre proches et surtout les agressions sexuelles». Les caractéristiques des victimes sont très différentes des prédations : «les moins de vingt-cinq ans semblent particulièrement visés par les agressions ordinaires, alors que les plus de cinquante ans sont remarquablement exempts». Les victimes d agressions ordinaires sont le plus souvent des hommes, alors que les violences familiales et sexuelles concernent principalement les femmes. Enfin, «la jeunesse des victimes caractérise aussi les agressions sexuelles et, chose moins évidente, les violences familiales, mais l exposition au risque dure alors plus longtemps». De façon générale, «plus qu aucune autre infraction, l agression vise spécialement les jeunes urbains ; et deux de ses formes les violences sexuelles et les brutalités au sein de la famille concernent surtout les jeunes femmes». Pour les agressions ordinaires, les réactions opposent «des jeunes qui voient surtout l incident comme une bagarre à régler entre soi [60 % des victimes]» et «des adultes qui se sont bel et bien sentis agressés». Il semble cependant ici que la gravité de la victimation (ou du moins la perception de cette gravité) explique en partie la réaction. Si les jeunes victimes ont tendance à minimiser l acte et ne réagissent que très peu par la peur, on constate aussi que les actes qu ils ont subis comportent «peu de vols avec violence, de très rares dommages matériels et même des dommages physiques moins fréquents qu ailleurs (une fois sur trois au lieu de deux)». Parmi les victimes qui ont des réactions de peur, on trouve souvent des adultes victimes d agressions «simples», souvent vécues comme de la «violence gratuite», et leur réaction violente semble en partie expliquée par le sentiment de n avoir pas pu bénéficier d aide et de secours. Finalement, en matière de prédation comme en matière d agression, on ne peut affirmer simplement que la victimation entraîne un sentiment d insécurité: il faut au moins distinguer les types de victimation, et parfois des sous-groupes en leur sein. Mais, même avec ces distinctions, la réaction ne se laisse pas comprendre directement par l expérience de la victimation. Lieu d habitation et sentiment d insécurité On a évoqué la victimation de façon indifférenciée. Le lieu d habitation a-t-il une influence sur le sentiment d insécurité? Plus précisément, les quartiers de grands ensembles sont-ils plus exposés à la délinquance et à la violence, et le sentiment d insécurité y est-il plus fort? On a déjà partiellement répondu négativement à la première question, mais les enquêtes de victimation peuvent apporter un autre éclairage. En janvier 1997, 23 % des habitants 31. R. Zauberman, op. cit., p Ibid., p. 161 sq. 60. DEES 128/ JUIN 2002

13 des grands ensembles avaient «peur de sortir seul le soir», contre 11 % des habitants de maisons individuelles. De même, 15% des premiers avaient peur au domicile, contre 11% des seconds. Le sentiment d insécurité, comme peur personnelle, semble bien plus fort dans les grands ensembles, mais on peut aussi remarquer qu il n est pas le fait de la majorité de la population. Ces tendances sont confirmées par les enquêtes qui séparent la «préoccupation sociale» et la «peur personnelle» : ceux que les chercheurs appellent les «insécures apeurés», c est-à-dire qui déclarent que l insécurité est un problème social, et qu ils ont peur personnellement, se trouvent plutôt dans les logements HLM 33. Au cours des années 1995 et 1996, 20 % des habitants des grands ensembles déclarent avoir été victimes d au moins un vol de voiture ou à la roulotte. 13% ont été témoins d une agression, et 8% victimes d une agression «physique ou verbale». Dans les quartiers de maisons individuelles, ces pourcentages sont respectivement de 11 %, 8 % et 4 %. Par conséquent, les quartiers de grands ensembles, où le sentiment d insécurité est plus fort, semblent bien caractérisés par une exposition à la délinquance plus forte. Néanmoins, plusieurs faits nuancent l impression de relation simple entre les deux phénomènes. Tout d abord, l écart de «victimation» entre les deux types de lieu d habitation est très faible en ce qui concerne les cambriolages (3% des habitants des grands ensembles, contre 4 % des habitants de maison individuelles) et les vols divers (6% des premiers contre 5% des seconds) 34. Or, avec les agressions physiques, on considère généralement que ce sont là les types de victimation qui peuvent être les plus traumatisantes (voir plus haut). De plus, l enquête ne fait pas référence aux violences domestiques, qui sont d ailleurs généralement sous-déclarées, et qui peuvent expliquer en partie le sentiment d insécurité au domicile. Une monographie d un ensemble de la banlieue de Metz permet de préciser l objet du sentiment d insécurité dans les quartiers populaires de grands ensembles 35. Dans ce quartier, 41,9 % des habitants déclarent avoir été victimes de dégradations de biens, 34,5% d agressions verbales, et 30,2% de vol et/ou de cambriolage. Parallèlement, lorsqu on demande aux habitants ce qui les inquiète le plus personnellement, sous forme de question ouverte, après les «chauffards», viennent le vandalisme et les dégradations sur les autos (41,7 %), les vols de voiture (39,9%), les insultes et agressions verbales (36,7%). Les agressions physiques, les agressions sexuelles et les jeux violents de jeunes n inquiètent qu entre 12 et 14 % des habitants. Il faut cependant remarquer que ces résultats n indiquent pas directement de corrélation entre victimation personnelle et sentiment d insécurité, mais plutôt une corrélation entre exposition à la victimation et type d inquiétude. En résumé, les quartiers de grands ensembles ne semblent pas fortement surexposés aux délits les plus répandus. Et les objets d inquiétude semblent «raisonnables», au sens où ils correspondent assez directement aux types de victimation auxquels les habitants sont le plus exposés. La «violence», en particulier, n est pas la peur la plus répandue, au contraire. Il reste alors à expliquer pourquoi le sentiment d insécurité y est plus fréquemment déclaré. Structure idéologique, position sociale et réaction institutionnelle Avant d essayer de comprendre les différences de sentiment d insécurité selon le lieu d habitation, on va voir que divers «filtres» s interposent entre l expérience de la victimation et le sentiment d insécurité. La fragilisation sociale Indépendamment de la victimation, il semble que la propension à voir en l insécurité un «problème social», une «préoccupation» varie en fonction de critères sociaux et politiques, et plus généralement en fonction de visions du monde différentes. Globalement, le sentiment d insécurité comme préoccupation sociale croît avec l âge (les plus âgés sont les plus nombreux à se sentir en insécurité). Les femmes sont dans l ensemble beaucoup plus «insécures» que les hommes. Le sentiment d insécurité décroît lorsque le niveau de diplôme augmente. De même, il est très faible pour les étudiants, cadres et professions intermédiaires, mais fort chez les inactifs, et en particulier les retraités. Il est fort pour les personnes qui se classent à droite, et faible pour celles qui se classent à gauche. De même, les sans-religion sont très peu insécurisés, alors que les catholiques non pratiquants le sont beaucoup plus souvent. D après l évolution et les croisements de ces variables, la probabilité d éprouver un sentiment d insécurité pourrait au moins en partie s expliquer par un schéma qui oppose fortement qualification (ou plus généralement statut social) et conservatisme, ces deux variables étant nuancées par la vulnérabilité des individus. En effet, ce sont globalement les personnes les plus vulnérables (et pas forcément les plus victimées) qui adhèrent au sentiment d insécurité: les femmes, qui se perçoivent et sont socialement perçues comme plus vulnérables, mais aussi qui ont traditionnellement la charge des enfants, perçus comme sans défense; les retraités, mais plus généralement les personnes âgées, pour qui la menace d un délit peut être perçue comme plus inquiétante, les possibilités de défense ou de réaction personnelle étant vues comme plus faibles. Mais le sentiment d insécurité est aussi fortement corrélé avec une vision conservatrice du monde. Dans 33. P. Robert, M.-L. Pottier, Revue française de science politique, art. cit., p E. Crenner, op. cit. 35. Philip Milburn, «Violence et incivilités: de la rhétorique experte à la réalité ordinaire des illégalismes», Déviance et société, 2000, n 24-4, p DEES 128/ JUIN

14 ses aspects les plus extrêmes, cette vision se traduit par une forte «punitivité» (défense de la peine de mort) et une certaine xénophobie (dénonciation de trop nombreux immigrés). De façon plus précise, ce conservatisme est mesuré, par exemple, par le refus de donner des moyens de contraception aux adolescentes, la nostalgie du passé, le refus des changements de mœurs, la revendication de l ordre, etc. Cette vision conservatrice du monde émane de personnes souvent peu qualifiées, aux revenus et au statut social précaires, qui se perçoivent plus ou moins consciemment comme des victimes des changements sociaux. Elle se traduit par un vote à droite, voire à l extrême droite. Il semble que ces caractéristiques idéologiques soient fortement corrélées avec le fait de se sentir personnellement en insécurité après une victimation : ainsi, dans la plupart des cas où les victimes sont fortement insécurisées, on trouve, par ailleurs, une défense de l ordre social traditionnel et des «bonnes mœurs» (refus du travail des femmes, de la contraception chez les adolescentes, de l homosexualité) qui traduit un refus du changement social. On voit aussi un refus des «explications» de la délinquance qui pourraient «excuser» les coupables (les victimes expliquent la délinquance par un «mauvais fond», et non par le chômage ou la misère). Cette vision conservatrice, plus ou moins poussée, fait parfois «comprendre» que l on puisse tuer pour protéger ses biens, et fait aussi préférer la répression à la prévention, vue comme trop douce. Enfin, le thème de l insécurité est assez souvent un thème de conversations pour ces personnes. On peut ainsi penser qu il existe une «prédisposition» idéologique chez ces victimes à vivre leur victimation de façon traumatisante 36. À l inverse, aussi bien au niveau de la préoccupation que de la peur personnelle, il apparaît nettement que le niveau de diplôme «protège» du sentiment d insécurité. Une enquête 62. DEES 128/ JUIN 2002 récente semble le montrer: 75% des sans-diplôme sont préoccupés par l insécurité, contre 39 % des détenteurs de diplômes du supérieur 37. De façon concordante, les réactions impavides à la victimation sont souvent le fait de victimes ayant un fort capital culturel. Mais cette variable est souvent combinée avec l âge (jeune), le vote (à gauche) et la position sociale (souvent classes moyennes et supérieures). Le cas des victimes de vols est parlant : «c est sur les questions idéologiques que s opère la summa divisio entre les deux blocs [réaction traumatisée ou impavide] : rigidité d un côté, associée à des positions politiques de droite ou d extrême-droite; souplesse de l autre, liée à des positions politiques de gauche ou du centre. Toutefois, ce clivage n est pas seulement idéologique, il correspond à des positions sociales contrastées. Globalement, il semble recouper un clivage région parisienne (classes libérales)/province (classes conservatrices), un clivage d âge, de niveau d instruction [ ]». On voit que le critère du niveau de diplôme n est qu une des dimensions qui expliquent (ou du moins qui sont corrélées avec) la peur en cas de victimation. C est plus généralement un rapport au monde «libéral» qui explique (statistiquement) ce type de réaction. De plus, «les groupes surchargés en cadres, en professions intermédiaires et en employés se trouvent du côté libéral, ceux où sont surreprésentés les indépendants se trouvent de l autre. Quant aux ouvriers, on les retrouve de part et d autre, avec peutêtre une différenciation d âge et de patrimoine (ouvriers retraités provinciaux ayant acquis leur maison sur le versant conservateur ; ouvriers actifs, plus jeunes et sans patrimoine sur le versant libéral 38». Les victimes traumatisées semblent caractérisées par une position sociale fragilisée (en termes de capital culturel, social et symbolique): on trouve ces victimes dans des professions menacées de déclin par les évolutions économiques (indépendants), dans des classes d âge symboliquement associées à la fragilité (retraités). Le sentiment d insécurité qui suit une victimation serait ainsi médiatisé par un rapport au monde structuré par une peur du déclassement, du déclin. À l inverse, les victimes impavides se rencontrent dans des professions au statut social relativement solide (cadres, professions intermédiaires), dans des âges relativement jeunes. Pour ces personnes, la question de l insécurité ne se poserait pas «normalement», en général ou après une victimation, parce que leur position assurée, stable et solide dans la société fonctionnerait comme une assurance contre l insécurité: leur rapport subjectif au monde et aux expériences viendrait d une position objectivement assurée et neutraliserait la peur. En ce sens, il faut être prudent pour interpréter la relation entre niveau de diplôme et sentiment d insécurité. Le rôle du niveau de diplôme n est-il pas surévalué, et ne masque-t-il pas l importance du statut social et de l âge? Les personnes les plus jeunes sont, par un effet de génération, les plus nombreuses à être diplômées, et les professions les moins insécurisées sont aussi celles qui requièrent les niveaux de diplôme les plus élevés. Ainsi, pour résumer ces résultats, en les simplifiant, l expérience de la victimation n entraînerait un sentiment d insécurité que filtrée par une vision du monde conservatrice et insécurisée, elle-même liée à l occupation d une position fragilisée (profession, âge, diplôme), située sur une trajectoire de déclin (professionnel, personnel). À l inverse, une position solide (profession, âge, diplôme), non menacée par les évolutions économiques et sociales, entraînerait une vision du monde plus libérale qui aurait tendance à relativiser l expérience de la victimation. 36. Voir R. Zauberman, op. cit. 37. P. Robert, M.-L. Pottier, Revue française de science politique, art. cit., p R. Zauberman, op. cit., p

15 La réaction institutionnelle Le sentiment d insécurité semble socialement «typé»: il concerne des personnes au statut fragilisé. On peut alors faire l hypothèse que la réaction des institutions (police, justice), telle qu elle est perçue par les victimes, et en particulier par ces victimes socialement fragilisées, aura une forte influence sur le renforcement ou non du sentiment d insécurité. Plus précisément, l impression de certaines victimes que «la police ne fait rien» pourrait renforcer un sentiment d abandon de l État, un sentiment d être laissé sans défense, qui alimenterait le sentiment de peur. D un point de vue «macrosocial», on pourrait dire que les victimes ont de «bonnes raisons» de reprocher un manque d action aux services de police et de gendarmerie. Depuis les années 50, la délinquance (enregistrée) qui a le plus augmenté concerne principalement les vols (simples, avec violence, d automobiles, à la roulotte, et les cambriolages). C est donc une délinquance «à victime» (c està-dire faisant des victimes directes), et on sait que celle-ci est la plus répandue des victimations : d après une enquête de victimation de l Insee, en , on constatait 208 vols de voitures pour habitants, et 137 personnes sur déclaraient avoir été victimes au moins une fois. De plus, si on ne constate «que» 86 vols divers pour habitants, ceux-ci font de plus en plus de victimes (la multivictimation est de plus en plus faible). Ce type de victimation semble donc se diffuser et concerner de plus en plus de personnes différentes 39. Or, depuis la même période, globalement, le taux d élucidation, notamment des vols, ne cesse quasiment pas de diminuer (38 % des vols en 1950, 15,5% en 1995). On voit ainsi se dessiner un «ciseau» entre l augmentation de la délinquance de prédation et la diminution de sa prise en charge par les services de police et de gendarmerie. Ceci se traduit notamment, de la part des victimes, par une tendance de plus en plus forte à ne pas déclarer certains vols (notamment dans les véhicules), sans doute par résignation et conviction que «ça ne servira à rien». Ce ciseau n est peut-être pas neutre du point de vue du sentiment d insécurité : «une délinquance de vols et de cambriolages est devenue un risque courant et les autorités s avèrent chaque jour incapables d y faire face : elles en abandonnent implicitement la prise en charge à l assurance et aux fournisseurs d équipement et de services de sécurité sans que ceux-ci parviennent à combler réellement, du moins pour les particuliers, le vide de sécurité ainsi créé 40.» On peut tenter de prendre une illustration plus concrète de ce phénomène : dans le cas des victimes d agressions, les réactions opposent ceux qui ne portent pas plainte, et qui globalement sont impavides, et ceux qui font des démarches administratives, et pour qui ces démarches ne sont pas de simples formalités (pour faire jouer l assurance, par exemple). Il apparaît pourtant que les victimes qui ont porté plainte sont souvent mécontentes du traitement policier de leur démarche, et se caractérisent par ailleurs par la plus forte peur personnelle. Cependant, Philippe Robert et Renée Zauberman isolent un groupe de victimes dont la plainte a été couronnée de succès, et qui semble avoir une réaction moins forte que les autres victimes insécurisées. Les auteurs en viennent à la conclusion que «quand une plainte est suivie d effet, quand la victime entend parler des diligences policières, surtout quand l auteur est identifié, cette heureuse issue suffit à constituer ses bénéficiaires en groupe à part et à colorer leurs réactions et leur appréciation d une manière qui les distingue de leurs compagnons moins heureux. Traiter ou ne pas traiter une plainte n est pas aussi indifférent qu on veut souvent s en persuader dans les milieux officiels 41». Néanmoins, on peut difficilement dire que la réaction institutionnelle fait diminuer le sentiment d insécurité, dans la mesure où ces victimes se distinguent plus par leur satisfaction à l égard de la police que par une peur qui serait plus faible (certaines achètent une arme après leur victimation). Il reste que pour des victimes socialement fragilisées, le sentiment d insécurité s accompagne souvent, dans les déclarations, d un sentiment de ne pas avoir été soutenu, aidé, pris en compte, qui peut encore renforcer la peur. Mais le lien n est pas vraiment statistiquement établi. Incivilités et sentiment d insécurité La notion d incivilité est apparue en France dans les années 90 sous la plume de Sébastian Roché ou Hugues Lagrange. Comme l admettent Philippe Robert et Marie-Lys Pottier, «la notion d incivilité semble fort utile dans une analyse spatiale différentielle [du sentiment d insécurité] distinguant les zones qui y sont exposées de celles qui en sont exemptes 42». Un nouvel objet? D après le ministère de l Intérieur, les incivilités sont «des petites malfaisances (infractions mineures, impolitesses) dont la répétition quotidienne rend pénible la vie en société : nuisances sonores (cris, radios, moteurs de deux-roues), personnes en état d ivresse dans les lieux publics, rassemblement d individus oisifs ressentis comme une obstruction et une menace, vandalisme, tags, poubelles renversées, vitres cassées, etc. On peut retenir comme définition de l incivilité tout comportement contraire aux règles habituelles de sociabilité 43». 39. P. Robert et al. «Enquêtes de victimations et statistiques policières ( )». art. cit. 40. P. Robert, M.-L. Pottier, «Sur l insécurité et la délinquance», Revue française de science politique, 1997, n 47-5, p R. Zauberman, op. cit., p P. Robert, M.-L. Pottier, Revue française de science politique, art. cit., p Ministère de l Intérieur, «Guide pratique pour les contrats locaux de sécurité», cité in L. Bonelli, La Machine à punir, op. cit., p. 29. DEES 128/ JUIN

16 Les incivilités peuvent tout d abord se lire comme une conséquence de l anomie urbaine. En effet, Cécile Carra fait remarquer que, d après la plupart des discours, «les régulations sociales existantes semblent [ ] ne pas pouvoir contenir les comportements déviants des jeunes [des] quartiers. Pas assez de répression pour les uns, pas assez de prévention pour d autres, dissolution des liens sociaux pour la plupart, en un mot crise des régulations sociales. Cette crise des régulations apparaît, dans le discours commun comme dans le discours savant sous le terme d anomie, comme l explication dominante de la délinquance 44». Dans cette logique, si des comportements vont à l encontre des règles de sociabilité, c est que les personnes qui en sont responsables «manquent (ou n ont plus) de repères», qu une socialisation défaillante par des familles déstructurées, démissionnaires, où l autorité n est plus respectée, fait que leur actes ne sont plus limités par des frontières précises. Sébastian Roché fait reposer sa définition des incivilités, très proche de celle du ministère, principalement sur les analyses d Erving Goffman. Pour S. Roché, les incivilités sont un ensemble de désordres, allant des impolitesses, aux carcasses de voitures, qui représentent une atteinte à «l ordre en public», notion dérivée de celle «d ordre public» que l on trouve chez E. Goffman. L ordre public est le système de règles qui organisent imperceptiblement les interactions entre individus dans les espaces publics, et qui font que chacun peut y revendiquer le respect de son territoire personnel, physique, corporel et symbolique. Dans ce cadre, les incivilités, c est-à-dire les comportements qui ne respectent pas ces «rites d interaction» dans les lieux publics, font que le territoire et l intégrité de chacun sont perçus comme étant en permanence menacés : les gens ne se sentent plus chez eux lorsqu ils sont dans l espace public 45. W. Skogan, qui a inventé la notion, 64. DEES 128/ JUIN 2002 y regroupait des signes de désordres sociaux (liés à des comportements d individus: bandes, trafic de drogue) et des signes de désordre physique (plus «objectivés» : vitres cassées, accumulation d ordures, carcasses de voitures). Ces incivilités donnent une impression d absence de contrôle, de «jungle», de dégradation de l environnement, ce qui favorise le sentiment d insécurité. Il est intéressant de revenir à l enquête de victimation de l Insee : les quartiers de grands ensembles sont marqués par un plus fort sentiment d insécurité, mais la délinquance n y semble pas profondément plus forte. On peut alors penser que l enquête «rate» les facteurs les plus importants, à savoir ces multiples signes de désordre. Cependant, elle contient un indicateur de ce type de phénomènes: les détériorations de biens publics ou de parties communes. Et, ici, la différence entre quartiers de maisons individuelles et quartiers de grands ensemble est très forte : 60 % des habitants des cités déclarent avoir été victime de ce type de fait, contre seulement 22 % des habitants de maisons individuelles 46. Cet indicateur, proche de la définition des incivilités, peut amener à conclure à la pertinence du nouveau concept. Un dernier élément est important pour comprendre le rôle des incivilités dans le sentiment d insécurité: ces «petits» désordres, dont certains sont des délits, ne sont pas poursuivis par la police, et ne sont en général pas réprimés, ne serait-ce que par le voisinage, qui n exerce plus de régulation du comportement des jeunes (puisque les incivilités sont généralement associées aux adolescents). Par conséquent, le concept d incivilité permettrait de comprendre pourquoi le lien n est pas évident entre victimation et insécurité, en pointant des phénomènes qui ne sont généralement pas pris en compte dans les enquêtes, ni dans les enregistrements de la police, mais qui «pourrissent la vie» au quotidien. Un concept à la pertinence douteuse On peut adresser plusieurs critiques à cette problématisation du sentiment d insécurité, qui limitent fortement l intérêt de la notion d incivilité. À l aide d une enquête monographique dans une cité de la banlieue de Metz, Philip Milburn met en doute la capacité heuristique de cette notion: elle ne décrirait pas les objets d inquiétude réels des populations, en particulier dans les quartiers de grands ensembles. Tout d abord, l étude des mains courantes montre que les désordres urbains et familiaux (troubles de voisinage, bruit et tapage, présence suspecte sur la voie publique) ne représentent que 24 % des signalements. Les vols divers représentent 42,6 % de ceux-ci. De plus, l auteur a demandé aux habitants de «dire» ce qui les inquiétait, sans proposer de grille de réponses. Si les catégories de faits qu on peut classer comme incivilités apparaissent plus nettement, les résultats ne sont pas nets. Ainsi, les «chauffards» sont ce qui inquiète le plus (45 % des habitants) et le vandalisme vient après (41,8%). Mais les jeux violents de jeunes n inquiètent que 13,9% de la population, le bruit 11,9 %, les insultes et agressions verbales 36,7 %, alors que respectivement 41,5 % et 39,9 % des habitants se déclarent inquiets à cause des dégradations sur les voitures et des vols de voiture. Les incivilités qui inquiètent le plus sont aussi celles qui sont, avant tout, des délits. Et les «petits désordres» que l on peut ranger dans les incivilités, et qui sont principalement des déviances à l égard de règles implicites de voisinage, sont peu cités 47. Mais les critiques touchent aussi à la pertinence sociologique de ce concept. En effet, la définition du ministère comme celle de S. Roché reposent sur l idée implicite selon laquelle la société serait entièrement 44. C. Carra, op. cit., p Sébastien Roché, La Société incivile, Paris : Le Seuil, E. Crenner, art. cit. 47. P. Milburn, art. cit.

17 intégrée par les mêmes normes, et que les «règles habituelles de sociabilité» seraient les mêmes pour toutes les catégories de la population. Pour le dire autrement, la notion d incivilité ne se conçoit que dans une problématique qui laisse de côté la question des conflits, notamment entre classes ou fractions de classes sociales. Il est tout d abord frappant de constater que les exemples donnés par le ministère de l Intérieur ne semblent pas décrire n importe quelle atteinte aux règles de sociabilité: tous ces exemples font référence à des actes qu on imagine très bien commis par des jeunes, habillés en survêtement, habitant dans de grands ensembles HLM, issus de catégories sociales populaires. Des personnes qui boivent un verre à la terrasse d un café, sur un trottoir, sont bien oisives, et sont bien une obstruction pour les piétons. Sont-elles inciviles? On peut en douter. De même, une nuisance sonore n est pas en soi une incivilité: un moteur de tondeuse à gazon n est pas une incivilité, un moteur de deuxroues, si. Des personnes âgées qui se retrouvent le soir devant la porte d une maison ne commettent pas une incivilité, des jeunes qui se retrouvent au bas d un immeuble, si. Les personnes susceptibles de commettre des incivilités ne semblent pas, implicitement, être distribuées au hasard. En résumé, les incivilités tendent à stigmatiser non pas un type de faits, mais un type de population. De plus, les exemples sont censés illustrer des comportements contraires aux «règles habituelles de sociabilité». Mais classer ainsi ces actes, c est méconnaître les modes de sociabilité des adolescents des classes populaires. Jean-Charles Lagrée rappelle que, traditionnellement, ceux-ci se retrouvent en groupes, «dans les espaces publics, lorsque d autres se retrouvent entre amis dans les clubs, les associations ou dans les appartements de leurs parents». L étude de Foote Whyte, en 1959, sur un quartier pauvre italien aux États- Unis, montre des corner boys qui «comme leur nom l indique, restent plantés au coin de la rue à discuter en bande 48». De même, dans La Mise en scène de la vie quotidienne, E. Goffman donne un exemple intéressant : «les pistes de ski de la Nouvelle-Angleterre commencent à accueillir la clientèle de jeunes gens de peu qui, ayant leur propre conception des rites de sociabilité, ne cessent d échanger des salutations humoristiques, des vantardises et autres incongruités bruyantes tout au long de la remontée mécanique des pentes [ ] et qui offensent considérablement ceux que les bonnes manières ont entraîné dès l enfance à la pratique silencieuse du sport 49». Les comportements des jeunes de classes populaires sur les pistes de ski sont bien contraires aux règles habituelles de sociabilité, mais celles-ci ne sont en rien éternelles, naturelles ou communes à toute la population. Elles ne sont habituelles que pour les membres des classes moyennes et supérieures qui en ont défini les contours, et qui les ont intégrées par socialisation. Ce comportement décrit par E. Goffman pourrait rentrer dans la catégorie «incivilités», mais on peut aussi l interpréter comme le conflit entre deux codes de sociabilité distincts, dont ni l un ni l autre ne peut être posé comme meilleur ou comme le seul valable, par un(e) sociologue. Le concept d incivilités semble ignorer le caractère conflictuel de la définition des règles de sociabilité légitimes, notamment dans des quartiers où coexistent des populations socialement différentes (voir plus bas). S il centre l analyse sur la question de la déviance, plus que sur celle de la délinquance, il semble faire de la déviance un caractère intrinsèque de certains comportements, sans voir que c est aussi un contexte (un état des relations sociales) qui construit certains comportements comme déviants. Un exemple peut clarifier cette idée: Jean-Claude Chamboredon, dans un article déjà ancien, notait que «nombre de comportements retenus comme délits sont susceptibles d une double lecture. Dans tel rapport où il est question de coups et blessures et où l on parle de participation à une rixe, on peut lire le comportement fortement normé d un adolescent qui, obéissant au code d honneur de son groupe, intervient dans une dispute pour soutenir son frère ou venger une insulte 50». La bagarre est à la fois «normale» et «déviante», lorsqu elle est rapportée à deux normes différentes. De même, se regrouper au bas d un immeuble est à la fois une incivilité et une pratique de sociabilité normale. Mais la définition des incivilités ignore cette double lecture, car elle repose sur un raisonnement substantialiste. De ce fait, elle absolutise une des normes en conflit, qu elle légitime comme étant la norme (sans se demander pourquoi, depuis quand, etc.) et renvoie l autre norme à l absence de normes, au défaut de socialisation. Aussi peut-il être intéressant d essayer de replacer la question du sentiment d insécurité (et des incivilités) dans l évolution des relations sociales dans les quartiers de grands ensembles. Déclassement, conflits et sentiment d insécurité L intérêt de la notion d incivilité est certes d attirer l attention sur l impact des relations sociales dans la production du sentiment d insécurité, mais l usage qui est fait de cette notion «essentialise» le caractère «incivil» de certains comportements et amène finalement à «lâcher la proie pour l ombre». Il semble au contraire que pour comprendre globalement l importance du sentiment d insécurité dans les quartiers de grands ensembles, un paramètre important soit la prise en compte de la perception que les acteurs ont les uns des autres. 48. Jean-Charles Lagrée, «Marginalités juvéniles», in S. Paugam (sous la dir. de), L Éxclusion, l état des savoirs, Paris : La Découverte, 1996, p Erving Goffman, La Mise en scène de la vie quotidienne, Paris : Éd. de Minuit, 1973, p Jean-Claude Chamboredon, «La délinquance juvénile, essai de construction d objet», Revue française de sociologie, 1971, p DEES 128/ JUIN

18 Mais cette perception réciproque doit être rapportée à l évolution des relations objectives entre les différents groupes qui peuplent ces quartiers. Les grands ensembles : de nouveaux ghettos? Le peuplement des grands ensembles obéit à des logiques spécifiques, qui amènent des populations parfois différentes à cohabiter dans un espace restreint. L immobilité contrainte des classes populaires françaises L évolution du peuplement des grands ensembles est connu et documenté. Un article fondamental de Jean-Claude Chamboredon et Madeleine Lemaire, au début des années 70, s attachait à expliquer les logiques politiques qui amenaient à coexister en un même lieu des populations de milieux sociaux très hétérogènes : le rôle de la politique du logement, celui des différents organismes qui «recrutaient» les habitants (les offices HLM, mais aussi d autres institutions publiques propriétaires) et, en leur sein, les logiques économiques et sociales de recrutement. Ainsi, «les appartements attribués par les organismes d allocations familiales [allaient] de préférence [ ] à des familles appartenant à la frange inférieure de la classe ouvrière, qui fournissent une large part des «cas sociaux». Au contraire, les appartements obtenus au titre de la contribution des employeurs à la construction [étaient] attribués à des cadres ou des employés, ou [ ] à des sujets qui appartiennent à la frange supérieure de la classe ouvrière 51». On sait que cette cohabitation était le résultat d une politique volontariste fondée sur le rêve technocratique de dépasser les clivages de classes, de créer une population aux caractéristiques nouvelles, croyance fondée sur l idée que la cohabitation et l architecture amèneraient de nouvelles formes de sociabilité et une homogénéisation sociale de la population (fondée sur une acculturation attendue des catégories 66. DEES 128/ JUIN 2002 populaires aux normes des classes moyennes). Pourtant, J.-C. Chamboredon et M. Lemaire remarquent déjà que par le jeu de la démographie (les familles de classes populaires étant plus souvent des familles nombreuses) et de l architecture (les logements de même type étant regroupés dans les mêmes immeubles ou les mêmes îlots), le mélange attendu restait très partiel dans les faits. Par conséquent, on a, jusque dans les années 70, des populations aux propriétés sociales très hétérogènes, du fait même des politiques de logement mises en œuvre. Mais c est aussi, et surtout, la trajectoire de mobilité sociale et résidentielle qui différencie ces populations. Les personnes (et les groupes) qui cohabitent à un moment dans le même espace n ont ni la même «provenance», ni la même chance objective d avoir accès à la propriété, ni le même espoir subjectif de le faire : «les ouvriers qualifiés et les cadres moyens sont plus jeunes et plus diplômés, ils ont un niveau de vie plus élevé que les manœuvres et OS et les employés respectivement. Pour eux, le grand ensemble est une étape provisoire au long d une trajectoire ascendante, et souvent une étape avant l achat d un appartement, en fin ou en milieu de carrière. Au contraire, pour les manœuvres et les employés, assez âgés pour la plupart et très faiblement diplômés, le grand ensemble est le terme et ils peuvent plus difficilement que les autres espérer accéder à une résidence d un type supérieur au HLM 52». Pour certains, le grand ensemble est un point de départ, pour d autres, un point d arrivée. Trente ans plus tard, la composition sociale de ces quartiers a fortement changé, sous l effet conjugué du chômage, des politiques de logement, et surtout de la réalisation des stratégies résidentielles d une partie des habitants. Hugues Lagrange décrit ces mécanismes à propos d un quartier (Étouvie) d Amiens 53 : «au cours des années 60, la mobilité résidentielle augmente beaucoup dans ces logements qui servent de lieu de transit à de jeunes ménages. Les cadres et les intermédiaires [qui habitaient un moment à Étouvie] partent les premiers. Rapidement, ils ne passeront plus par Étouvie. [ ] Le départ des cadres et des intermédiaires et la construction de logements qui n ont ni l intérêt d être au cœur de la ville historique ni celui, comme les pavillons, de pouvoir faire l objet d une appropriation sont des caractéristiques que l on retrouve partout dans les années 1970». La population des quartiers d habitat social commence donc à se concentrer autour des catégories populaires. Le départ de certaines familles ouvrières, favorisé par certaines politiques publiques, va achever la «ghettoïsation» : «la portée de ces départs n est pas dramatique tant que les couches ouvrières et employées, selon un rythme plus lent et avec des perspectives plus modestes, s inscrivent elles aussi dans le mouvement vers un ailleurs choisi, un lieu à elles. Mais, au sein des HLM, le clivage entre ceux qui ont un projet résidentiel et ceux qui sont captifs s accentue». La ségrégation sociale et spatiale s achève donc par «l immobilité contrainte» des populations qui vivent dans ces quartiers désormais dévalorisés. Il faut insister sur le fait que cette situation va à l encontre des ambitions de ces ménages, qui, pour la plupart, «pensaient monter : devenir ouvrier professionnel, passer contremaître, devenir propriétaire d un pavillon, améliorer le destin de leurs enfants 54». Le chômage et la précarisation des salariés, ainsi que la fermeture des espoirs de promotion dans l entreprise pour les anciens OS, ont obligé ces familles à revoir à la baisse leurs différentes stratégies 51. Jean-Claude Chamboredon, Madeleine Lemaire, «Proximité spatiale et distance sociale, les grands ensembles et leur peuplement», Revue française de sociologie, 1970, n 11, p Ibid., p H. Lagrange, op. cit., p Stéphane Beaud, Michel Pialoux, Retour sur la condition ouvrière, Paris : Fayard, 1999, p. 403.

19 et à se résigner, souvent dans la souffrance, à rester dans ces grands ensembles. Les familles «françaises» qui habitent actuellement ces quartiers semblent ainsi, en grande partie, des familles ouvrières, souvent OS, qui ont subi de plein fouet les transformations du travail des années 80 et 90. Ce changement du rapport à l avenir, forcé par les évolutions économiques, a rendu impossible la réalisation de leurs espoirs de promotion sociale. L arrivée des familles issues de l immigration La deuxième grande tendance dans la composition des grands ensembles, à partir des années 70, est l arrivée des familles issues de l immigration récente (c est-à-dire principalement maghrébine). Entre habitat insalubre en centre-ville et structures spécifiques, tels que des foyers pour travailleurs, les immigrés, en particulier issus de la dernière «vague», ont connu des trajectoires résidentielles proches de la classe ouvrière. À partir des années 70, les immigrés issus des pays du Maghreb commencent à accéder au logement social, notamment en grand ensemble. Ainsi, si en 1968, 5,2% des étrangers habitaient [dans des habitats précaires, habitats de chantier et foyers], la proportion n est plus que de 0,4% en À l inverse, 12,6 % d entre eux habitaient (en location) dans des HLM en 1968, contre 30,3 % en «Il y a donc, aujourd hui, une surreprésentation des ménages immigrés dans l habitat locatif social. Toutefois, il faut tenir compte de l appartenance massive des immigrés aux catégories de ménages les plus modestes, ouvriers et employés, auxquelles sont en principe destinées les HLM, pour nuancer quelque peu cette idée de surreprésentation. Celleci est d ailleurs très inégale selon les lieux et selon les nationalités considérées 55.» Cet accès au parc HLM a pu être vu et vécu comme une promotion sociale forte (notamment en termes de confort de l habitat). Pourtant, cette image doit être rela- tivisée: «le parc locatif HLM ne s est fortement ouvert aux ménages immigrés que lorsqu il est devenu peu attractif pour les autres catégories de populations». De plus, il semble maintenant peu probable que cette nouvelle «étape» soit réellement une simple étape : «si [ ] des familles immigrées maghrébines, turques ou africaines parviennent à accéder à la propriété après leur passage en HLM, force est de constater que la grande masse d entre elles a plutôt tendance à s installer, de façon permanente, dans la situation de locataires de l habitat social. Une telle position dans l espace urbain paraît d autant moins refléter une avancée dans le processus d intégration sociale, que de nombreux quartiers d habitat HLM ont aujourd hui l image de lieux accumulant les problèmes, voire de lieux de relégation pour les ménages n étant plus en état de participer à la vie de la société 56». La promotion sociale potentielle que représentait l accès aux grands ensembles s est donc en partie transformée en une «assignation à résidence», pour des familles elles aussi touchées par le chômage et la précarité. De plus, les politiques de la ville, indirectement, ont contribué à faire de la présence de familles immigrées un signe de «problèmes». Elles ont ainsi, involontairement, contribué à diffuser l association d idée entre «immigrés», «banlieues» et «problèmes». Enfin, l attitude des jeunes semble inquiétante: «souvent nés et élevés dans ces quartiers [les jeunes issus de familles immigrées], touchés par des taux d échec scolaire et de chômage [élevés] [ ], ne parviennent même plus à formuler un projet de mobilité résidentielle. Le logement HLM devient pour [eux] le seul horizon envisageable, et l espace des cités, à force de demeurer le seul cadre de vie possible, finit par être revendiqué comme un territoire identitaire 57». Les paramètres de la cohabitation Les différentes études monographiques de ces quartiers tendent à décrire le même processus global qui a transformé les grands ensembles, lieux de promesse d une «promotion sociale», en «quartiers d exil» marqués par une «ghettoïsation» croissante. On peut prendre l exemple du quartier «804» étudié par Cécile Carra 58. Ce quartier de grands ensembles se caractérise, au début des années 90, par une concentration d une population défavorisée sur un territoire circonscrit : le taux de chômage est de 24 % (11 % pour la ville dont il fait partie); les ouvriers et les employés occupés représentent 50% de la population; les étrangers, 25 % (11 % pour la ville) ; 55 % des ménages gagnent moins de F par mois. À cela s ajoutent des caractéristiques démographiques qui sont devenues le symbole des «populations à problèmes» : les familles nombreuses, qui ne représentent que 17 % des ménages, sont néanmoins largement plus fréquentes que pour le reste de la ville (mais aussi les familles monoparentales) ; surtout, les moins de 25 ans représentent 40 % des habitants, ce qui, on le verra, est un des enjeux majeurs pour comprendre la question du sentiment d insécurité. Il faut cependant prendre garde à ne pas «essentialiser» une population qui serait «naturellement» porteuse de «problèmes». Cette description tend en effet à se rapprocher de l étiologie utilisée par le travail social, et aussi la police, étiologie souvent proche du sens commun et qui sert de repérage pratique aux agents pour identifier leur «clientèle» principale (on a vu plus haut comment ce type de catégorisation contribuait à porter l attention a priori sur certaines populations, désignées par avance comme source de problèmes). 55. Jacques Barou, «Trajectoires résidentielles, du bidonville au logement social», in Philippe Dewitte (sous la dir. de), Immigration et intégration, l état des savoirs, Paris : La Découverte, 1999, p Ibid., p Ibid., p C. Carra, op. cit., p DEES 128/ JUIN

20 De plus, si cet exemple paraît illustrer les tendances connues par la majorité des quartiers de grands ensembles, il faut garder à l esprit le fait que les quartiers de la «géographie prioritaire» (les zones bénéficiant des politiques de la ville) sont très divers, en termes de mode d habitat, de composition socioprofessionnelle et ethnique, de chômage, de pauvreté, etc. Ainsi, d après Philippe Estèbe, «la grande ZUP, construite à l écart de la ville, abritant des étrangers laissés-pourcompte de la grande industrie, peut bien être l emblème de la politique de la ville, il ne représente pas le quart de l effectif [de la géographie prioritaire]. [ ] D autre part, si l image de la banlieue domine, il faut ajouter que, pour la plupart des grandes villes, les quartiers de la géographie prioritaire de la politique de la ville sont situés dans le territoire de la commune centre 59». En fait, c est la part du logement HLM qui unifie les quartiers de la politique de la ville. Mais la ZUP, si elle est «spectaculaire» par sa densité (et par des caractéristiques de population qui la désignent publiquement comme zone à problème), côtoie des quartiers ouvriers intégrés à la ville (notamment dans les régions industrielles du Nord ou de l Est), et des quartiers pauvres de centre-ville (dans le Midi ou le Nord). En bref, centrer l analyse sur les ZUP, la population issue de l immigration, les jeunes, le chômage, etc., c est risquer aussi de reprendre à son compte une construction implicite des territoires à problèmes issue du sens commun et des problématisations politiques et médiatiques. Il reste cependant que c est en référence à ces quartiers de grands ensembles que la question du sentiment d insécurité (et des incivilités) est généralement abordée. Des relations sociales conflictuelles Les grands ensembles, dans les années 60, regroupent des populations socialement hétérogènes, ce qui, on le verra, entraîne des conflits au 68. DEES 128/ JUIN 2002 quotidien. Dans les années 90, la population semble s être socialement homogénéisée, par une certaine concentration de la pauvreté. Pourtant, de nombreux points de conflits demeurent (de nature ethnique, mais aussi sociale, les familles ouvrières françaises qui restent ayant en partie développé des stratégies subjectives de mobilité ascendante). La composition de la population, en termes d âge, d origines ethnique et sociale, semble être un élément fondamental pour comprendre la dégradation des relations sociales au sein de ces quartiers. Cette dégradation des relations sociales est le contexte global dans lequel il faut replacer la peur de la délinquance, le sentiment d insécurité, mais aussi les accusations réciproques entre habitants. Plus précisément, on peut dire que la dégradation du lien social dans ces quartiers contribue à produire du sentiment d insécurité, qui lui-même renforce cette dégradation. D une certaine manière, c est en partie le sentiment d insécurité qui contribue à focaliser l attention sur les comportements jugés «incivils», ou objectivement «délinquants», qui euxmêmes amplifient le sentiment d insécurité. Les jeunes et l occupation de l espace public Un trait réunit les populations des grands ensembles des années 60 et des années 90 : la surreprésentation et la grande visibilité des «jeunes» (moins de 25 ans). Cette forte présence est à mettre en relation directe avec les conflits de voisinage au quotidien et avec, plus récemment, la thématique du sentiment d insécurité et des incivilités. Dans le quartier étudié par J.-C. Chamboredon et M. Lemaire, dans les années 60, «les adolescents sont moins nombreux que les plus jeunes (les ans représentent 27% des jeunes de 0 à 25 ans, les ans 23,5 %), [mais] leur catégorie paraît particulièrement importante si on la rapporte à l ensemble de la population, dont ils représentent plus du dixième 60». Cette présence des jeunes est due, entre autres, à l âge des parents, relativement jeune lui aussi (généralement entre 30 et 40 ans). Dans les années 90, dans le quartier des «804» étudié par Cécile Carra, les ans représentent le quart de la population. Dans le quartier du «Cul de four», à Roubaix, les moins de 25 ans en représentent plus de la moitié 61. Bref, la surreprésentation des jeunes semble générale dans les quartiers de grands ensembles et semblerait même s accentuer (bien que les statistiques citées soient tirées de monographies). Mais l aspect le plus fondamental tient au fait que ces jeunes ne sont pas issus de façon équivalente des familles de tous les «sous-groupes» d habitants. Ainsi, dans l étude des années 60, les jeunes de milieu populaire (OS et employés) représentent entre 60 % et 68 % des moins de 18 ans habitant dans le grand ensemble. Le poids des jeunes de classes populaires est donc très fort (ils ne représentent que 32,5 % des jeunes du reste de la commune). Dans les années 90, ce n est pas tant le critère «classe populaire» qui paraît important, que celui des «jeunes issus de l immigration». Dans le grand ensemble étudié par Stéphane Beaud et Michel Pialoux, à Sochaux-Montbéliard, ceux-ci sont fortement surreprésentés dans la population des moins de 20 ans. Ceci est en partie dû à la fécondité toujours forte des familles immigrées. Il reste que, dans les deux cas, des jeunes issus d une catégorie particulière de la population du grand ensemble ont un poids statistique très fort. Cette surreprésentation statistique, alliée au mode de sociabilité propre aux jeunes de milieux populaires (voir plus haut), se traduit par une forte appropriation des espaces publics, et donc une grande visibilité 59. Philippe Estèbe, «Question urbaine, quelle est la question?», VEI enjeux, Paris : CNDP, 2001, n 124, p J.-C. Chamboredon, art. cit., p D. Duprez, op. cit., p. 113.

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