«Lutter contre la Trypanosomose Humaine Africaine en Afrique Centrale»

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1 Compte rendu du Colloque LuTHAC «Lutter contre la Trypanosomose Humaine Africaine en Afrique Centrale» Yaoundé, du 8 au 10 octobre 2013

2 Introduction La Trypanosomose Humaine Africaine (THA) fait partie des maladies considérées aujourd hui par l Organisation Mondiale de la santé (OMS) comme négligées. En dépit d un objectif d élimination annoncée par l OMS en 2020, la situation endémique reste néanmoins préoccupante, en particulier dans plusieurs pays d Afrique Centrale, membres de la CEMAC, ainsi que la RDC. En initiant, en 2011, le programme prioritaire sous régional ou PPR «Changements globaux, biodiversité et santé en zones forestières d Afrique centrale» (PPR FTH), l IRD a aussi exprimé sa volonté de dépasser les frontières dans le cadre de la recherche pour le développement ; c est dans ce cadre que l UMR INTERTRYP (IRD/CIRAD) a initié en 2012 le programme EpiLAVTHAC («Epidémiologie et Lutte antivectorielle dans les foyers de THA d Afrique Centrale»). Ce programme a permis en 2012, la création d un réseau de partenaires œuvrant à l élimination de la maladie dans les foyers du périmètre du PPR FTH. Ce réseau intègre plusieurs scientifiques de la sous région (Cameroun, Gabon, Congo, Guinée Equatoriale et RDC) impliqués dans des études sur la problématique de la maladie du sommeil, ainsi que les programmes nationaux de santé publique, principaux acteurs de la lutte contre l endémie. Le colloque LuTHAC, qui s est tenu du 8 au 10 octobre 2013 à l OCEAC à Yaoundé (Cameroun) visait à réunir les partenaires du réseau EpiLAVTHAC, afin de partager le fruit de leurs efforts et débattre des solutions envisageables pour renforcer leur action dans les domaines du dépistage et du traitement, mais aussi dans le cadre de la lutte contre le vecteur, la glossine ou mouche Tsétsé. L objectif principal du colloque était d offrir les conditions du débat aux acteurs de santé publique avec des scientifiques de la sous région, spécialistes du domaine, afin de favoriser le partage d expérience et un enrichissement mutuel. Cette synergie est indispensable pour favoriser le développement d une démarche scientifique standardisée, commune à l ensemble des programmes nationaux, qui permette d avoir une vision globale de la situation dans les foyers de THA de la zone forestière d Afrique Centrale. L implication des scientifiques de la sous région (les universités de Yaoundé I et de Dschang au Cameroun, l université de Masuku et l Institut de Recherche en Ecologie Tropicale au Gabon, le Laboratoire National de Santé Publique du Congo) et de l IRD dans ce séminaire, a permis de faire un état des lieux des avancées de la recherche scientifique dans le domaine, que ce soit au niveau d enquêtes de terrain ou d études plus fondamentales. Les travaux développés ces dernières années par les différentes équipes en Afrique Centrale ont porté sur le vecteur (analyse de génétique des populations), l existence d un réservoir animal dans le cycle de transmission, la modélisation, mais aussi sur la caractérisation génétique des trypanosomes circulant dans les foyers de THA de la sous région. Ce colloque a aussi été l occasion de renouer les liens entre INTERTRYP et l Organisation de Coordination pour la lutte contre les grandes Endémies en Afrique Centrale (OCEAC). Cet organisme, partenaire de l unité MIVEGEC de l IRD, a aussi la responsabilité de l appui aux programmes nationaux de lutte contre la THA dans les pays de la zone CEMAC. L OCEAC a aimablement mis à notre disposition la salle accueillant le colloque et a contribué à son organisation. Compte rendu du colloque LuTHAC Page 2

3 Les recommandations qui ont été émises à la fin du colloque ont pu être validées par le Secrétaire Exécutif de l OCEAC et le Coordinateur Central de la Pan African Tsetse and Trypanosomosis Eradication Campaign (PATTEC). Par ailleurs, la présence d étudiants camerounais lors des présentations et des débats a permis de mettre en exergue la nécessité de mobiliser les jeunes générations de scientifiques africains sur cette maladie négligée, qui court le risque de flamber à nouveau en Afrique Centrale si les conditions de contrôle ne sont pas optimisées et les compétences non renouvelées. Les 11 et 12 octobre, le colloque a été suivi par la réunion de coordination des programmes nationaux de lutte contre la THA de la zone CEAC. Cette rencontre, présidée par le Secrétaire Exécutif de l OCEAC a réuni, en plus des représentants des PNLTHA de la sous région, une douzaine de participants, constitués par les responsables et experts des Institutions suivantes : CEBEVIRHA (Commission Economique du Bétail, de la Viande et des Ressources Halieutiques pour la zone CEMAC), OMS, PATTEC/UA, IRD, IRED, UY1, CIESPAC et OCEAC Participants au colloque Trente cinq personnes, pour 45 invités prévus, ont participé au colloque, ce qui donne un taux de participation de 78%. Néanmoins, certains invités sont arrivés à la fin du colloque, pour participer aux 3 emes journées de coordination des programmes nationaux, notamment les délégations de RDC, d Angola, du Tchad, les représentants de l OMS et de la CEBEVIRHA. Programmes nationaux de lutte contre la THA Cameroun, Vincent Ebo o Eyenga (Dir.), Simplice Nyangmang, Guinée Equatoriale, Dr. Ndongo Assoumou (Dir.), Eustaquio Nguema Ndong, Gabon, Dr. Julienne Atsamé (Dir.), Congo Brazzaville, Dr. Stéphane Ngampo (Dir.), RDC, Philémon Mansinsa Universités et organismes de recherche Cameroun Université de Yaoundé I : Prof. Tazoacha Asonganyi, Prof. Njiokou Flobert, Dr. Njitchouang Guy Roger, Judith Tchouemene Labou (thésarde), Barberine Tsilatsa (Thésarde), Trésor Mélachio (Thésard), Nyabeye Achille et Manuela Njoba (faculté de mathématiques de Yaoundé I) Université De Dschang : Dr. Gustave Simo. Congo Brazzaville Dr. Nicolas Mbongo, Laboratoire National De Sante Publique (LNSP). Compte rendu du colloque LuTHAC Page 3

4 Gabon Dr Mavoungou Jacques François, Institut de Recherche en Ecologie TROPICALE (IRET). France Pascal Grébaut (IRD, UMR INTERTRYP, Montpellier, France), Hervé Chevillotte (IRD, UMMISCO, Faculté de Mathématiques, Yaoundé). OCEAC Dr. Constant Ayenengoye (Secrétaire Exécutif), Dr. Aline Okoko, Dr. Awano Parfait, Dr. Antonio Kondjio Christophe, Dr. Dologuele Nicolas, Dr Zengue Etienne, Bahebegue Samuel, Nyolo Bernard. PATTEC Dr. Mahamat Hassane, Dr. Louis Banipé et Dr. Farikou Oumarou (Mission d éradication des Glossines du Cameroun), Nicolas Peme Missogny (PATTEC Gabon), Dr. Lisette Kohagne. Autres institutions et invités Marie Joseph Ibombo (Service Départemental de l'hygiène Publique et de la Promotion de la Santé dans la Cuvette, Congo), Dr. Francis Louis (Consultant, Marseille, France). Déroulement du colloque Au cours du colloque, les cinq représentants des programmes nationaux ont dressé un état des lieux de la situation de l endémie de la THA dans leurs pays respectifs : Gabon, Guinée Equatoriale, Congo, RDC et Cameroun. Neuf études scientifiques touchant principalement au domaine biologique ont été présentées : Etat des lieux des mouches piqueuses au Gabon Par J. Mavoungou lnfluence de la saison sur l'éco distribution des Glossines, Tabanides, Stomoxes du Baï de Momba à Makokou (Gabon) par J. Mavoungou La situation actuelle des glossines et la prévalence de la maladie du sommeil dans le foyer de Ngabé au Congo Brazzaville par N. Mbongo Identification of different trypanosome species in the mid guts of tsetse flies of the Malanga (Kimpese) sleeping sickness focus of the Democratic Republic of Congo par B. Silatsa Spatial and temporal variations relevant to tsetse control in the Bipindi focus of southern Cameroon par J. Labou Compte rendu du colloque LuTHAC Page 4

5 Mieux comprendre le risque de transmission de la THA dans le foyer de Campo par un Système d Information Géographique par P. Grébaut Caractérisation génétique des populations de Glossina palpalis palpalis à l aide de marqueurs ADN mitochondriaux : importance dans le développement des nouvelles stratégies de lutte et de contrôle de la maladie du sommeil par J. Labou Structure génétique de Glossina palpalis palpalis au Cameroun par T. Melachio Présentation du réseau des trypanosomoses atypiques NAHIAT par P. Grébaut (pour P. Truc). Six autres présentations portaient sur des aspects non biologiques de la thématique : Utilisation de la segmentation d'images couleurs pour la localisation des foyers de la trypanosomiase par A. Nyabeye Modélisation de la THA : intérêt de la prédiction dans l aide à la décision par P. Grébaut Intérêt du PPR FTH pour la lutte contre la THA par H. Chevillotte La lutte contre la THA dans la promotion de la santé publique par M. J. Ibombo La lutte contre la THA dans les pays d Afrique Centrale couverts par le programme Sous Régional (PSR) DE L OCEAC par A. Okoko Projet de formation THA du CIESPAC (Brazzaville) par A. Kondjo La dernière présentation du colloque fut la projection du film de l IRD, «le rêve d Alseny ou le drapeau bleu», réalisé en partenariat avec le PNLTHA de Guinée. Le colloque a été clôturé jeudi 10 octobre vers 13h, après l exposé des recommandations par le Dr. Kohagne (voir annexe 1) et les discours du Dr Ayenengoye, SE de l OCEAC, du Dr Mahamat Hassane, coordonateur du PATTEC et de Pascal Grébaut, organisateur du colloque. Conclusion Le constat a été fait d échanges individuels forts mais peu souvent traduits à un niveau institutionnel, ce qui explique le faible nombre d actions concertées. Il est donc nécessaire de renforcer la synergie entre acteurs de santé publique et scientifiques travaillant sur les trypanosomoses. Tous les programmes nationaux font état de : faiblesse et usure de l équipement, vieillissement et absence de relève des personnels ayant des compétences spécifiques (dépistage/traitement, LAV), difficultés d accès dans les foyers. Ils constatent l effet démobilisateur d un petit nombre de cas et soulignent le risque de nouvelles flambées endémiques s ils ne pas soutenus. Par ailleurs, tous les pays sont aujourd hui confrontés à des changements (démographiques, politiques, environnementaux, etc.) susceptibles de favoriser l exposition des populations à la maladie. Il importe de pouvoir anticiper et évaluer ces risques. Le cas des foyers transfrontaliers nécessite des actions communes. Enfin, la lutte Compte rendu du colloque LuTHAC Page 5

6 contre la maladie n est pas seulement un enjeu médical, mais relève également de la prise en compte des déterminants sociaux susceptibles de contribuer au risque : éducation, accès au soin, pauvreté, rôle de la communauté, etc. L ensemble des travaux scientifiques présentés était focalisé sur le vecteur : identifications des espèces, distribution des parasites, caractérisation génétique des populations, identification des hôtes nourriciers, soient autant d informations qui devraient être systématiquement produites dans l étude des foyers de THA. L animal joue un rôle important de réservoir à T. b. gambiense, contribuant certainement au maintien de certains foyers. Cela implique que pour le contrôle de la maladie, cette donnée doit être prise en compte et qu il faut en évaluer le poids ; il convient donc de définir les actions à mener pour limiter au maximum l importance de ce réservoir. Il y a un vrai besoin de mise à jour de données collectées sur le terrain il y a plusieurs années, voire décennies. Un état des lieux des données disponibles pourrait permettre de prioriser les besoins et donc les études à mener. Modélisation et imagerie satellitaire sont des outils que l IRD doit rendre plus disponibles aux partenaires, notamment dans le cadre du PPR FTH qu il développe dans la sous région. Pour pallier aux manques de compétences techniques et d équipement de pointe, il serait utile d identifier partenaires ou laboratoires de référence (Universités, instituts, OCEAC) chargés de réaliser les études ou les formations. LuTHAC n a pas vocation à être pérennisé, même ce colloque est arrivé à point nommé pour répondre au besoin des partenaires de rentrer en synergie et d échanger, à un moment où la sous région fut faiblement représentée au 32 e Conseil Scientifique International sur la Recherche et la Lutte contre les Trypanosomoses qui s est tenu à Khartoum (Soudan) du 6 au 8 septembre Il appartient aux acteurs de la lutte dans la sous région de prendre le relais pour l organisation régulière de ce type d évènement avec, le cas échéant, le soutien de l IRD. Il importe enfin que l IRD, avec l unité INTERTRYP, détermine son niveau d implication sur la THA dans la sous région afin de définir ce qu elle peut apporter pour répondre aux besoins des partenaires. Compte rendu du colloque LuTHAC Page 6

7 ANNEXE 1 Considérant les problèmes que rencontrent les programmes de lutte pour atteindre l objectif de l élimination ; Considérant le manque de concertation et de collaboration entre les programmes de lutte et les instituts de recherche ; Considérant le déficit en plateau technique et en personnel qualifié de certaines institutions et programmes de lutte ; Considérant la place du vecteur dans le cycle de transmission des trypanosomoses ; Considérant la diversité des approches méthodologiques de lutte et de recherche : RECOMMANDATIONS En accord avec les recommandations du 32ème Conseil Scientifique International pour la Recherche et le Contrôle des Trypanosomiases tenu à Khartoum du 8 12 Septembre 2013, les participants au Colloque LUTHAC «Lutter contre la trypanosomiase humaine africaine en Afrique centrale», recommandent : Aux Organisateurs Remettre la lutte contre la THA dans le contexte général de la lutte contre les trypanosomoses et leurs vecteurs Aux Gouvernements Allouer les financements conséquents aux programmes nationaux de lutte et organismes de recherche Faciliter les activités de lutte antivectorielle dans les aires protégées A l OCEAC et ses partenaires Organiser un colloque réunissant les scientifiques et les acteurs de lutte, tous les deux ans, dans un pays membre de l OCEAC, pour mutualiser leurs efforts et s enrichir de cette synergie A l OCEAC Renforcer l appui des activités des programmes de lutte et de recherche des pays membres Désigner les laboratoires de référence pour les analyses spécifiques Compte rendu du colloque LuTHAC Page 7

8 Aux Programmes de lutte Identifier les problèmes qui entravent les activités de lutte Etablir la collaboration intersectorielle et multisectorielle entre les Organismes de développement et de recherche Aux Organismes de développement et de recherche Aborder les thématiques pertinentes pour les programmes de lutte en utilisant les mêmes protocoles ((marqueurs moléculaires, SIG, etc.) Développer un contact étroit avec les partenaires (PATTEC UA, IRD, OCEAC.) Bâtir des collaborations institutionnelles et formelles A l UA PATTEC Organiser une réunion régionale entre les programmes nationaux, les ministères de la santé et de l élevage pour mettre en place un programme régional de lutte Mobiliser les ressources pour appuyer la lutte contre les Tsé tsé &Trypanosomoses Renforcer les capacités des pays membres A l IRD Poursuivre l appui scientifique et opérationnel Mettre à la disposition des différents pays partenaires, des bases de données. Fait à Yaoundé, le 10 Octobre 2013 LES PARTICIPANTS Compte rendu du colloque LuTHAC Page 8