Discours de Monsieur Gérard COLLOMB Sénateur-Maire de Lyon

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1 Discours de Monsieur Gérard COLLOMB Sénateur-Maire de Lyon A l occasion de la cérémonie au cours de laquelle le Pasteur Jacques Maury a remis les insignes de Chevalier de la Légion d Honneur au Pasteur Jean Costil, ancien Délégué régional de la CIMADE Et d Officier dans l Ordre National du Mérite à Olivier Brachet, Directeur de Forum Réfugiés, Vice-Président du Grand Lyon Hôtel de Ville de Lyon Jeudi 7 mai 2009 ** * 1

2 Monsieur le Pasteur Jacques Maury, Monsieur le Pasteur Jean Costil, Cher Jean, Monsieur le Directeur de Forum Réfugiés, Cher Olivier Brachet, Cher Collègue Etienne Pinte, J étais avec Etienne Pinte, jeune Député, il y a quelques années. Nous étions sur des bancs opposés, mais Etienne Pinte, dont j ai suivi le parcours depuis, a toujours été un des ceux qui, dans sa famille politique, s est battu pour les libertés, pour la solidarité et pour la fraternité. Donc c est pour moi un plaisir de le recevoir dans cet Hôtel de Ville. «Notre humanisme s'adresse à des femmes et des hommes pluriels, dans leurs origines comme dans le sens qu'ils donnent à leur existence. Il n'est ni dogmatique, ni moralisateur. Il est éthique et en appelle à la responsabilité de chacun face au devenir de tous». Ces paroles de Louis-Joseph Lebret, qui fonda dans notre Cité «Economie & Humanisme», me semblent pleinement s appliquer aux trois personnalités que nous recevons aujourd hui. Je suis extrêmement heureux de vous accueillir dans ces Salons de l Hôtel de Ville pour cette cérémonie. D abord vous, Monsieur le Pasteur Jacques Maury qui dans un instant, allez remettre les insignes de Chevalier de la Légion d Honneur à Jean Costil et décorer Olivier Brachet du titre d Officier dans l Ordre National du Mérite. 2

3 Le respect de l homme et de ses droits fondamentaux, mais aussi un sens profond de l engagement : telles sont les valeurs que vous partagez avec eux. Je sais que vous n aimez pas que l on parle de votre parcours. Mais comment, en préambule, ne pas dire que dès 1940, vous avez accompagné, comme bénévole, l action de la CIMADE auprès des évacués d Alsace-Lorraine pendant la Seconde Guerre Mondiale? Que jeune étudiant en théologie, vous éditiez une feuille ronéotypée qui fut intégrée aux Cahiers du Témoignage Chrétien, ce qui évidemment, à Lyon, signifie beaucoup? C est vous, grande figure du protestantisme français et de la CIMADE, qu Olivier Brachet et Jean Costil ont souhaité inviter pour recevoir de vos mains les honneurs de la République française. Avec Olivier Brachet, vous avez noué des relations d amitié et de respect dans le cadre de vos fonctions. Avec Jean Costil, les liens sont plus anciens ; vous en étiez un peu le père spirituel, parce que l ami de son père. Je vous laisserai bien entendu le soin de parler de leurs itinéraires respectifs. Pour ma part, je voudrais simplement revenir sur ce qui les rapproche et les inscrit profondément dans notre histoire lyonnaise. Ce qui lie Jean Costil et Olivier Brachet, c est d abord, bien évidemment, une cause commune : le combat pour que le droit ait raison de l arbitraire, de la violence, de la persécution. 3

4 Ce qui rapproche les deux hommes, c est une démarche similaire : un sens aigu de l engagement, aux antipodes d une simple attitude compassionnelle ; c est une éthique de la responsabilité, sans démagogie ni complaisance, mais qui s incarne dans l action. Cette capacité de révolte contre l injustice sociale, cette volonté de faire céder cette injustice sous la règle du droit, c est peut-être précisément l un des traits marquants de l histoire de notre Cité. Olivier Brachet aime d ailleurs à rappeler cette tradition de solidarité qui, à Lyon, prend racine, dès le 19 e siècle, dans le christianisme social. Il aime aussi à souligner le rôle majeur qu on joué ensemble catholiques et protestants dans les années 60, à Lyon, pour la défense des travailleurs immigrés. Cette tradition œcuménique et de dialogue interreligieux, si caractéristique de notre Cité, elle est aussi au cœur de la rencontre entre Olivier Brachet et Jean Costil. Nous sommes en avril 1981, à la veille des élections présidentielles. Jean Costil, arrivé à Lyon depuis peu comme Délégué régional de la CIMADE, Christian Delorme, et Hamid Boukhrouma, immigré Algérien en sursis d expulsion, entament alors une grève de la faim. Ils veulent protester contre la «double peine» qui frappe les immigrés ayant commis un délit, qui consiste à les expulser du territoire français une fois purgée la peine pour laquelle ils ont été condamnés et ce, quel que soit le nombre d années qu ils ont passé en France. 4

5 Un pasteur, un prêtre, un immigré Algérien : à elle seule, cette rencontre symbolise tout un pan de l histoire lyonnaise, les valeurs de dialogue et d ouverture qui l ont forgée. Olivier Brachet, lui-même élevé chez les Jésuites, alors rédacteur en chef d Economie et Humanisme, les aide à donner une visibilité nationale à leur mouvement. Il parvient à réunir des fonds pour une page de publicité dans le journal Le Monde. C est le début d un combat de plus de 20 ans contre la double peine qui, après la loi du 29 octobre 1981, aboutira avec celle du 26 novembre 2003 et pour laquelle, cher Etienne Pinte, vous avez été, toujours, au premier rang. C est aussi, entre Olivier Brachet et Jean Costil, le début d une longue amitié et d un engagement partagé. Quand, en 1985, le premier prend la Direction de Forum Réfugiés, le second, tout en restant Délégué régional de la CIMADE, prend la Présidence de l association. A partir de là, vous n aurez de cesse de travailler main dans la main, animés d une farouche volonté d agir. Vos initiatives innovantes contribueront à faire de notre région le fer de lance de la cause des réfugiés, un foyer actif de la réflexion sur la question des migrants. C est à partir de Lyon, et après un nouveau drame qui touche le quartier des Minguettes, à Vénissieux, que vous organisez, en 1983, cher Jean Costil, avec vos équipes, avec Christian Delorme et tous ceux qui vous avaient déjà aidé 5

6 deux ans auparavant, la «marche pour l égalité et contre le racisme», plus souvent connue comme «la marche des Beurs». Avec Forum Réfugiés, il y eut ensuite, depuis notre agglomération, la création du premier centre de transit en France puis, deux ans plus tard, au printemps 1999, l accueil d urgence de plus de 600 réfugiés albanais du Kosovo. Je me souviens qu alors maire du 9 e arrondissement, nous étions allés, ensemble, les installer dans un foyer du 9 e. En 2002, l association lança le premier programme d intégration «emploi et logement», soutenu par l Europe, et qui a permis, depuis cette époque, le relogement de plus de personnes dans la région. Ces initiatives lyonnaises suscitèrent parfois quelques réserves parisiennes. Mais nous, nous nous félicitons qu elles aient pu être lyonnaises. Car ce refus de toute injustice sociale, ce souci permanent de l ouverture à l autre, s allient avec un troisième sentiment lyonnais : l esprit d indépendance. Dans vos domaines d intervention, on le sait, il y a souvent débat. Cela donne souvent lieu à des controverses de principe, qui cristallisent toutes les passions. C est pourquoi votre indépendance et votre volonté d agir avec pragmatisme sont si précieux et si appréciés des pouvoirs publics, qui ont à la fois la volonté de faire en sorte que tous puissent être intégrés dans notre Cité et qui, en même temps, doivent faire preuve de réalisme. Les uns et les autres reconnaissent votre expertise, votre professionnalisme et votre rigueur dans l approche de questions ô combien sensibles. 6

7 De votre côté, vous n avez jamais craint de défendre seuls les causes qui vous semblent justes. Vous n avez jamais douté de votre capacité à faire émerger, depuis l action locale, de grands débats nationaux. C est évidemment toute l histoire de la délégation régionale de la CIMADE et de Forum Réfugiés à Lyon qu il nous faut appréhender sous cet angle. Vous le savez, ce refus de la verticalité du pouvoir, du centralisme jacobin est largement ancré dans notre tradition lyonnaise. Pour notre Cité, cette capacité à faire surgir les questionnements, cette aptitude à proposer des réponses locales à des questions plus larges me paraissent essentielles. J espère que Jean Costil ne m en voudra pas d avoir fait de lui un Lyonnais de cœur et d esprit. Vous avez compris que votre action est pour notre ville une chance et un honneur. Cher Jean Costil, cher Olivier Brachet, Vous avez tous deux contribué à faire de Lyon une capitale de l humanisme. Avec d autres grandes figures lyonnaises, comme Christian Delorme ou Bernard Bolze que je salue, par vos luttes antérieures comme dans vos combats actuels, vous avez placé notre métropole aux avant-postes de la lutte pour les Droits de l Homme. Au nom de la Ville de Lyon, je tiens à vous dire ma reconnaissance pour vos engagements, comme pour le courage de vos analyses. 7