Les banques amplifient-elles les cycles?
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- Lucile Albert
- il y a 8 ans
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1 6 novembre 28 - N 4 Les banques amplifient-elles les cycles? Le débat sur le rôle des banques dans l'amplification des cycles économiques est très vif aujourd'hui. Il est basé sur la théorie du "cycle du crédit" : dans les récessions, les banques durcissent les conditions du crédit (en raison du risque de défaut, de la moindre valeur du collatéral, de leurs ratios réglementaires de capital ) et ceci amplifie le recul de la demande (des ménages et des entreprises), augmente le nombre de faillites. Il faut donc éviter que les ratios de capital (Bâle II) ou un comportement trop averse au risque des banques n'amplifient les récessions. Nous nous interrogeons ici sur l'ampleur de ce mécanisme, aux Etats-Unis et dans la zone euro. La baisse de la distribution de crédit dans les récessions vient aussi de la baisse de la demande de crédit, et non seulement de la baisse de l'offre de crédit, et il faut pouvoir séparer les effets d'offre et les effets de demande pour pouvoir juger de la responsabilité des banques. RECHERCHE ECONOMIQUE Rédacteur : Patrick ARTUS Utilisant des estimations économétriques de la demande de crédit des ménages et des entreprises en dehors des périodes de récession, et extrapolant ces estimations sur les périodes de récession, nous montrons que, durant les récessions, le crédit distribué ne semble pas inférieur au crédit demandé, ce qui exclurait l'hypothèse de rationnement par les banques.
2 Les cycles du crédit et leurs implications La théorie du "cycle du crédit" est simple : les récessions sont aggravées par le comportement des banques. Lorsque l'activité recule, les banques deviennent plus restrictives dans la distribution du crédit (c'est ce qui apparaît dans les enquêtes des Banques Centrales, graphiques 1a-1b-1c), puisque le risque de défaut des emprunteurs s'accroît, puisque la valeur des garanties hypothécaires qu'ils peuvent apporter diminue Graphique 1a Etats-Unis : attitudes des banques (en % net des banques resserrant leurs conditions de prêts) Grandes et moyennes entreprises Petites entreprises M énages Sources : Fed, NATIXIS Graphique 1b Propension des banques européennes à distribuer du crédit aux ménages pour l'acquisition de logement Source : BCE Durcissem ent des conditions Assouplissement des conditions Situation actuelle Perspective Graphique 1c Propension des banques européennes à distribuer du crédit aux entreprises Durcissement des conditions Situation courante Perspective Assouplissement des Source : BCE conditions Dans la période récente, ce comportement des banques peut aussi être provoqué par les règles de capital de Bâle II : la qualité (le rating) des emprunteurs se dégradant dans les récessions, la consommation de fonds propres associée, pour les banques à la distribution de crédit, est accrue, et l'offre de crédit est réduite (c'est le caractère procyclique bien connu des normes de capital réglementaire). Mais la restriction de l'offre de crédit dans les récessions peut aussi venir d'un comportement excessivement prudent des banques, ce qui est la base des débats récents sur le risque que les banques aggravent ainsi la crise. Nous souhaitons donc analyser l'ampleur de cet effet : est-il vrai que les banques accroissent significativement les récessions, soit en raison de leur réglementation, soit en raison de leur prudence excessive? Nous regardons la situation, sur ce point, des Etats-Unis et de la zone euro, depuis le début des années 199. Le crédit bancaire durant les récessions Les graphiques 2a-2b montrent l évolution du crédit aux ménages et aux entreprises, depuis la fin des années 198, dans les cycles économiques. Flash
3 2 Graphique 2a Etats-Unis : croissance et crédits (GA en %) Crédits aux ménages Crédits aux entreprises 2 2 Graphique 2b Zone euro : croissance et crédits (GA en %) Crédits aux ménages Crédits aux entreprises On voit un freinage, surtout des crédits aux entreprises, au début des années 199, et au début des années 2, surtout des crédits aux ménages récemment. 2 Graphique 3a Etats-Unis : croissance et investissements (GA en %) Investissement total des entreprises (productif + structure) Investissement en logement des ménages S'il y a rationnement du crédit par les banques durant les récessions, on doit observer des freinages anormalement importants de l'investissement logement et de l'investissement productif (graphiques 3a-3b), une hausse anormale des défauts des entreprises (graphique 4) ou des ménages (graphique ). 2 1 Graphique 3b Zone euro : croissance et investissements (GA en %) Investissement total des entreprises Invest issement en logement des ménages Graphique 4 Taux de défaut corporates high yield 2 6, Graphique Taux de défaut sur les crédits hypothécaires, Etats-Unis Zone euro Sources : M oody's, NATIXIS 2 1 6,,, 4, 4, Etats-Unis (G) Zone euro (D),6,63,6,8,, , , Flash
4 On voit bien un fort freinage de l'investissement des entreprises au début des années 199 et au début des années 2, de l'investissement des ménages aujourd'hui ; une forte hausse des défauts des entreprises au début des années 199 et 2, des défauts des ménages aujourd'hui. Le rationnement du crédit par les banques, on l'a vu, peut être causé : par la crainte du défaut des emprunteurs ; par la perte de valeur des actifs (immobiliers ou financiers, graphiques 6a- 6b) des emprunteurs ; par les ratios de capital réglementaire ; par la prudence excessive des banques, qui leur est aujourd'hui reprochée. 3 Graphique 6a Prix de l'immobilier (GA en %) 3 18 Graphique 6b Capitalisation boursière (en % PIB) 18 2 Etats-Unis Zone euro Etats-Unis Zone euro , FIBV 2 Une approche économétrique Pour essayer de mesurer l'ampleur de l'éventuel rationnement du crédit durant les récessions, nous allons procéder comme suit : réaliser une estimation économétrique du comportement de demande de crédit (des ménages et des entreprises) en dehors des périodes de récession ; extrapoler ces estimations sur les périodes de récession pour voir si on observe d'éventuels écarts. On peut rapprocher le crédit aux ménages soit du revenu disponible des ménages, soit de l'investissement logement (graphiques 7a-7b) et des taux d'intérêt à long terme. 2 1 Graphique 7a Etats-Unis : investissement, crédit et RDB des ménages (GA en %) Invest issement en logement (volume) Revenu disponible réel (avec le prix de conso) Crédit aux ménages réel (avec le prix de conso) Graphique 7b Zone euro : investissement, crédit et RDB des ménages (GA en %) Investissement en logement (volume) Crédit aux ménages réel (avec le prix de conso) Revenu disponible réel (avec le prix de conso) Sources : Datastream, FoF, NATIXIS Sources : Datastream, BCE, NATIXIS Flash
5 On peut rapprocher le crédit aux entreprises soit du Produit Intérieur Brut, soit de l'investissement des entreprises (graphiques 8a-8b), et des taux d'intérêt à court terme ou à long terme. 2 Graphique 8a Etats-Unis : crédit aux entreprises, PIB en volume et investissement total (GA en %) P IB en volume Crédit aux entreprises réel (avec prix du PIB) Investissement total (productif+structure) 2 1 Graphique 8b Zone euro : investissement total, crédit aux entreprises réel et (GA en %) Crédit aux entreprises réel (avec prix du PIB) Investissement total des entreprises Les meilleures équations (estimées en dehors des périodes de récession) relient : le crédit aux entreprises à l'investissement des entreprises et au taux d'intérêt à court terme ; le crédit aux ménages à l'investissement logement (Etats-Unis) ou au revenu disponible des ménages (zone euro) et au taux d'intérêt à long terme. Nous recherchons la présence de résidus négatifs (crédit observé inférieur au crédit estimé) durant les récessions (en extrapolant les équations sur toute la période) qui révéleraient le rationnement du crédit, entre 199 et 1993, entre 21 et 23, en 28. Nous n'observerons pas ces résidus négatifs, ce qui semble indiquer que, même durant les récessions, le crédit est encore déterminé par la demande de crédit par les ménages et les entreprises (graphiques 9a-9b-1a-1b).,3,2 Graphique 9a Etats-Unis : résidu de l'ajustement du crédit réel aux entreprises,3,2,6,,4 Graphique 9b Etats-Unis : résidu de l'ajustement du crédit réel aux ménages,6,,4,1,1,3,3,2,2,,,1,1 -,1 -, ,1 -,2, -,1 -, , -,1 -,2 Flash 28-4-
6 , Graphique 1a Zone euro : résidu de l'ajustement du crédit réel aux entreprises,, Graphique 1b Zone euro : résidu de l'ajustement du crédit réel aux ménages,,1,1,1,1,,,,,,,, -, -, -, -, -, ,1 -, ,1 Synthèse : pas de signe évident de rationnement du crédit Plusieurs facteurs peuvent expliquer que les banques rationnent le crédit dans les récessions et accroissent ainsi la taille des cycles : le risque accru de défaut des emprunteurs ; la baisse de la valeur de leurs garanties hypothécaires ; les normes de capital réglementaire des banques ; une prudence excessive des banques. Pour essayer de déterminer la taille d'un éventuel rationnement du crédit par les banques dans les périodes de récession, nous utilisons une approche économétrique, en estimant le comportement de demande de crédit des ménages et des entreprises, aux Etats-Unis et dans la zone euro, en dehors des récessions, en l'extrapolant et en le comparant au crédit effectivement distribué pendant les récessions. Nous ne voyons pas de signe que le crédit distribué soit significativement inférieur au crédit demandé durant les récessions, ce qui exclurait l'hypothèse de rationnement par les banques. Flash
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