Banque privée : mutations et défis



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Transcription:

R E I A M HORIZONS BANCAIRES NUMÉRO 333 SEPTEMBRE 2007 M O S Banque privée : mutations et défis Éditorial... 5 JACQUES HAFFNER, DIRECTEUR DE LA BANQUE PRIVÉE FRANCE ET INTERNATIONAL, CRÉDIT AGRICOLE S.A. Comment apprécier la taille du marché de la banque privée? 7 ARMELLE SARDA, DIRECTION DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES, CRÉDIT AGRICOLE S.A. Stratégies et modèles des banques privées en France et dans le monde... 23 OLIVIER DE DEMANDOLX, DIRECTEUR ASSOCIÉ, MCKINSEY & COMPANY Le contexte réglementaire et fiscal européen pour la banque privée... 35 NATHALIE PICARROUGNE, RESPONSABLE DU SERVICE JURIDIQUE ET FISCAL DE LA BANQUE DE GESTION PRIVÉE INDOSUEZ PIERRE-HENRI DORON, JURISTE AU SERVICE JURIDIQUE ET FISCAL DE LA BANQUE DE GESTION PRIVÉE INDOSUEZ PHILIPPE DUROYON, FISCALISTE AU SERVICE JURIDIQUE ET FISCAL DE LA BANQUE DE GESTION PRIVÉE INDOSUEZ Les nouvelles attentes des clients privés... 45 ERIC BRAT, PARTNER & MANAGING DIRECTOR, BOSTON CONSULTING GROUP Quelle proposition de valeur pour la clientèle mass affluent?... 49 DANIEL PION, ASSOCIÉ CONSULTING, DELOITTE Les complémentarités d une gestion d actifs et d une banque privée au sein d un grand Groupe... 57 INTERVIEW : PASCAL BLANQUÉ DIRECTEUR DE LA GESTION DE CRÉDIT AGRICOLE ASSET MANAGEMENT BRUNO CALMETTES DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT DE LA BANQUE DE GESTION PRIVÉE INDOSUEZ La collaboration entre banques privées et banques de réseau, un levier majeur de croissance... 67 MARTINA WEIMERT DIRECTEUR, RESPONSABLE DU PÔLE BANQUE PRIVÉE, CAPGEMINI CONSULTING PHILIPPE POIROT, DIRECTEUR ASSOCIÉ, CAPGEMINI CONSULTING Service aux lecteurs... 76

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Jean-Paul Betbèze RÉDACTION EN CHEF Rémy Contamin, Armelle Sarda SECRÉTARIAT DE RÉDACTION Véronique Champion-Faure SUIVI DU FICHIER publication.eco@credit-agricole-sa.fr CONTACTS Crédit Agricole S.A. 75710 Paris Cedex 15 - Fax : 01 43 23 58 60 Internet : http://www.credit-agricole.fr/ rubrique : kiosque Eco CONCEPTION - MISE EN PAGES Bleu comme une Orange RÉALISATION CAG IMPRESSION Crédit Agricole S.A. «Cette publication reflète l opinion du Crédit Agricole à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). Cette opinion est susceptible d être modifiée à tout moment sans notification. Elle est réalisée à titre purement informatif. Ni l information contenue, ni les analyses qui y sont exprimées ne constituent en aucune façon une offre de vente ou une sollicitation commerciale et ne sauraient engager la responsabilité du Crédit Agricole ou de l une de ses filiales. Le Crédit Agricole ne garantit ni l exactitude, ni l exhaustivité de ces opinions comme des sources d informations à partir desquelles elles ont été obtenues, bien que ces sources d informations soient réputées fiables. Le Crédit Agricole ne saurait donc engager sa responsabilité au titre de la divulgation ou de l utilisation des informations contenues dans cette publication.» 4

É D I T O R I A L JACQUES HAFFNER DIRECTEUR DE LA BANQUE PRIVÉE FRANCE ET INTERNATIONAL, CRÉDIT AGRICOLE S.A. L industrie de la banque privée, qui, par le passé, véhiculait plus de clichés qu elle ne mobilisait les énergies de grands groupes bancaires en dehors de centres spécialisés tels que la Suisse, est aujourd hui l objet d une attention de plus en plus soutenue. À cela plusieurs raisons : Le potentiel brut du marché : les particuliers fortunés ou «haut de gamme» sont d ores et déjà les principaux pourvoyeurs de croissance de l épargne, et le seront demain plus encore ; à l horizon 2010, la croissance annuelle des actifs au niveau mondial est évaluée à près de 8 % et ce marché représente près de 85 % de la création d épargne des particuliers en France... La rentabilité du segment : cette clientèle exigeante est une grosse consommatrice de services et produits financiers ; elle représente donc un relais de croissance et de rentabilité pour les banques de détail n en ayant pas encore exploité tout le potentiel, nonobstant les investissements que suppose une telle démarche. En substance, le risque de marginalisation sur le marché de l épargne des particuliers est réel pour les institutions qui ne parviendront pas à être compétitives sur le segment du haut de gamme. À cet égard, le Groupe Crédit Agricole a mené depuis plusieurs années une politique de croissance active et protéiforme : En France d abord, où le Groupe tire parti de sa position de leader bancaire : Le projet haut de gamme rassemblant les Caisses régionales et la BGPI, banque privée du Groupe, permet de proposer à près de 250 000 clients une offre adaptée à leurs besoins, associant l intensité de la relation commerciale de proximité et la technicité de services haut de gamme d avant-garde. /... 5

/... Parallèlement, le projet banque privée de LCL permettra, une fois achevé, à plus de 80 000 clients de bénéficier d un service personnalisé dans des centres de banque privée. À l international enfin, où, après plusieurs années de croissance endogène et de multiples acquisitions externes, les principales banques privées du Groupe se situent parmi les leaders locaux : 1 re banque monégasque, 3 e banque privée étrangère en Suisse, 3 e ou 4 e banque privée au Luxembourg... Mais si nous n entendons pas en rester là, cette expansion s inscrira toujours dans le concept de relation durable cher au groupe : pas de satisfaction de la clientèle sans une stratégie patrimoniale fondée sur le long terme, qui seule permet d appréhender calmement la volatilité des marchés, pas de confiance pérenne sans une analyse fine et évolutive des objectifs du client et une gestion d actifs fondée sur la maîtrise du ratio risque/rendement. 6

Comment apprécier la taille du marché de la banque privée? ARMELLE SARDA DIRECTION DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES, CRÉDIT AGRICOLE S.A. L appréciation de la taille et de l évolution du marché de la banque privée repose en grande partie sur des déterminants macroéconomiques et financiers. On constate une variété d angles d analyse possibles et de sources disponibles. Globalement, les patrimoines dans le monde ont connu une vive progression ces dernières années, grâce à la conjonction de facteurs favorables. Les États-Unis et l Europe de l Ouest restent les marchés les plus importants, mais les grands pays émergents connaissent une croissance rapide. Définir la taille du marché de la banque privée est un exercice délicat. Des cabinets d études diffusent régulièrement des estimations, mais adoptant des angles d analyse propres à chacun, qui ne permettent pas d avoir une vision homogène. Il convient d abord de définir ce dont on parle. La banque privée fournit des produits et des services sophistiqués, adaptés à des clientèles «aisées», disposant d un certain niveau de patrimoine, par opposition à la banque de masse qui offre principalement des services de banque du quotidien, des produits d épargne simple ou du crédit. Le marché peut être défini par sa cible, les clients concernés, leur nombre et leur localisation, ainsi que par les montants en jeu, correspondant aux avoirs de ces clients. Sont distingués habituellement trois ou quatre catégories de personnes (ou de foyers) aisées, en fonction de leur niveau de patrimoine : les mass affluents, à la frontière entre la banque privée et la banque de masse ; /... 7

/... les high net worth individuals ou HNWI ; les very high net worth individuals ou VHNWI ; et parfois les ultra high net worth individuals ou UHNWI. Mais les seuils définissant ces segments (en euros ou en dollars suivant les cas) sont loin d être uniformes d une étude à l autre (figure 1). De la même façon, les établissements offrant des services de banque privée définissent des seuils d éligibilité très variables. Interviennent parfois également des critères de revenu, qui permettent d identifier de futures clientèles patrimoniales. Les services proposés à ces différents types de clientèles sont désignés par des termes variés selon le degré de sophistication offert : gestion de patrimoine ou gestion de portefeuille, gestion privée, gestion de fortune ou encore family office. figure 1 LES CLIENTÈLES DES BANQUES PRIVÉES en dollars ou en euros Ultra high net worth individuals UHNWI Very high net worth individuals VHNWI 30 à 100 millions 1 à 5 millions High net worth individuals HNWI 150 000 à 500 000 Mass affluent 50 000 à 100 000 Au-delà des choix de seuils, la définition même des patrimoines considérés varie en fonction des classes d actifs qui sont retenues (types d actifs financiers, titres non cotés, immobilier ou autres investissements, etc.). On peut par ailleurs mettre en cause le maintien dans le temps des seuils retenus dans les différentes études. Les évolutions du coût de la vie font qu un millionnaire de 1990 était «plus riche» qu un millionnaire de 2007. Sans compter que d après Forbes, le coût de la vie des plus riches croît plus rapidement que les prix à la consommation : l indice CLEWI (1) (cost of living extremely well index) aurait progressé deux fois plus vite que l inflation américaine entre 1986 et 2006... (1) http://www.forbes.com 8

Comment apprécier la taille du marché de la banque privée? A R M E L L E S A R D A LE MARCHÉ FRANÇAIS : DES POSSIBILITÉS D ANALYSE NOMBREUSES Pour un acteur français, il s agit d abord de cerner au mieux le marché domestique en fonction des seuils d éligibilité aux services de banque privée qu il s est fixé. Il doit pouvoir également déterminer si un client (ou un prospect) appartient à la cible, ce qui n est pas immédiat dans la mesure où celui-ci souhaite rarement confier tous ses avoirs à un même établissement. Il faut donc pouvoir estimer la fortune globale de chacun des clients à partir d indicateurs bien souvent socio-démographiques que des analyses de marché permettent d identifier et de pondérer. Un certain nombre de sources permet de calibrer le marché français. Tout d abord, le tableau d opérations financières (diffusé par la Banque de France, contrepartie financière des comptes de la Nation) fournit chaque année la valeur du patrimoine financier de l ensemble des résidents français, qu il soit détenu en France ou à l étranger, et sa répartition par type d actifs. L Insee fournit également des éléments sur le patrimoine non financier, immobilier ou professionnel. Le patrimoine financier des ménages français représentait 3 271 milliards d euros fin 2006, en progression de 8,4 % par an en moyenne depuis 2002, après un accès de faiblesse en 2000 et 2001 lié aux évolutions boursières. Ce patrimoine financier est composé à 31 % de dépôts bancaires, 36 % d assurance-vie, 20 % de valeurs mobilières et 13 % de titres non cotés. Le patrimoine non financier, aux trois-quarts immobilier, représentait 6 290 Mds fin 2006, soit les deux tiers du patrimoine total ; il a crû en un an de 6,5 % après avoir gagné 15,6 % en 2005. Datamonitor fournit des estimations pour les principaux pays européens des patrimoines «liquides» et du nombre d individus répartis en dix tranches de patrimoine, ainsi qu un historique et des prévisions. Ainsi, 4,4 millions de Français détiendraient entre 50 et 300 k de patrimoine et 529 000 plus de 300 k. Le total des actifs des premiers représenterait 501 Mds et 452 Mds pour les seconds. Néanmoins, si ces estimations permettent des comparaisons européennes, leur usage sur le marché français est limité. Les actifs financiers considérés sont les actifs «liquides». Ils excluent notamment l assurance-vie, qui représente pourtant un actif de poids dans le patrimoine des Français les plus aisés. Par ailleurs, la méthode utilisée est dérivée d un modèle fondé sur la répartition du patrimoine des ménages britanniques, ce qui limite la portée de l exercice. /... 9

/... L enquête patrimoine de l Insee est une vaste enquête qui fournit une image détaillée de l ensemble du patrimoine des ménages français. Son exploitation offre des possibilités d analyses très riches sur la répartition des patrimoines dans la population et leurs montants, en fonction de différents critères socio-démographiques. D autres enquêtes (ESP de TNS Sofres notamment) fournissent en outre des informations sur les établissements financiers où sont logés les produits financiers détenus. La dernière enquête Insee (2004) nous indique par exemple que le patrimoine moyen total (y compris immobilier) des ménages s élève à 165 k. Les 60-70 ans ayant un patrimoine moyen de 305 k, les professions libérales de 719 k, les Parisiens de 352 k et les 25 % des Français les mieux rémunérés de 435,5 k. Elle nous indique également que 85 % des ménages ont un patrimoine financier inférieur à 50 k et que 1,8 million de ménages (7,3 %) possède un patrimoine financier supérieur à 100 k (tableau 1). tableau 1 RÉPARTITION DU PATRIMOINE FINANCIER DES MÉNAGES FRANÇAIS Patrimoine financier Nb de ménages (milliers) % < 10 k 12 954 52,4 % 10 à 50 k 8 140 32,9 % 50 à 100 k 1 840 7,4 % 100 à 150 k 867 3,5 % 150 à 300 k 633 2,6 % 300 à 1 000 k 265 1,1 % > 1 m 38 0,2 % Total 24 738 100,0 % Source : enquête patrimoine Insee 2004, Crédit Agricole Ces enquêtes permettent de quantifier et d analyser le marché de la banque privée en fonction des seuils d éligibilité fixés. Toutefois, il convient d être prudent, car les montants déclarés par les ménages sont très largement inférieurs à la réalité. Ces enquêtes réclament une série de redressements pour donner une image plus conforme des patrimoines. Par ailleurs, plus les ménages sont aisés, moins bien ils sont représentés dans l enquête du fait de leur faible nombre. La précision des quantifications des marchés haut de gamme, et surtout très haut de gamme, en est du coup limitée. Autre source fréquemment utilisée, les déclarations à l ISF, qui fournissent le nombre d assujettis et leur répartition territoriale et ce, par tranche d imposition. La sous-déclaration des actifs existe vraisemblablement en ce domaine égale- 10

Comment apprécier la taille du marché de la banque privée? A R M E L L E S A R D A ment... La France comptait ainsi près de 457 000 foyers déclarant plus de 760 k de patrimoine en 2006 (2), soit un tiers de plus qu en 2004. La moitié des assujettis se situe dans la première tranche (de 760 à 1 200 k ). Mais l immobilier, qui a fortement augmenté ces dernières années, constitue vraisemblablement une large part de leur patrimoine. Par ailleurs, 56 % des redevables résident en Ile-de-France (31 % à Paris) et 10 % en région Provence-Alpes-Côte d Azur. LE MARCHÉ MONDIAL : DEUX POINTS DE VUE L étude du marché mondial permet de positionner la France et de déceler les marchés potentiels à l étranger, pour accompagner les clients dans le monde ou saisir des opportunités de développement. Pour dimensionner les marchés mondiaux de la banque privée et leurs évolutions, les rapports annuels de Capgemini et Merrill Lynch (3) (CGML) et du Boston Consulting Group (4) (BCG) sont deux sources publiques fréquemment utilisées. Les modèles de quantification des deux cabinets reposent l un et l autre sur une démarche de type top-down. La richesse globale de chaque pays est d abord estimée, puis répartie par tranche de patrimoine dans la population à partir de courbes de Lorentz (5). Toutefois, sans entrer dans le détail, les méthodes de calcul, notamment de la richesse globale, semblent assez différentes. Les résultats décrits par les deux cabinets se distinguent sur deux aspects : Le périmètre des actifs considérés n est pas le même : les actifs couverts par CGML incluent l immobilier non résidentiel et les titres non cotés alors que le BCG n inclut que les actifs financiers de type titres cotés en direct ou via la gestion collective, les dépôts, l assurance-vie et les fonds de pension. Dans les deux cas, il s agit à la fois des actifs détenus dans le pays et des actifs offshore. En terme de présentation, le BCG détaille les actifs financiers totaux, quel que soit le niveau de fortune, et leurs évolutions, par zones géographiques et pour certains pays. Il fournit ensuite quelques éléments sur le nombre de ménages HNWI. Tandis que CGML présente directement le nombre de HNWI (apparemment d individus et non de ménages) et leur «richesse» ainsi que le nombre d UHNWI. Pour les deux /... (2) Source : Direction Générale des Impôts. (3) World Wealth Report 2005 et 2006 (4) Global Wealth Report 2005 et 2006 (5) La courbe de Lorentz met en relation la proportion x % des ménages les moins riches et la part y % du revenu total du pays qu ils reçoivent. 11

/... cabinets, le seuil retenu pour définir les HNWI est de 1 million de dollars, mais avec des périmètres d actifs différents. Ainsi, les informations fournies dans ces deux rapports offrent des panoramas sensiblement différents, en particulier en termes d évolution du marché. tableau 2 Boston Consulting Group Merrill Lynch - Cap Gemini Actifs : trillions $ Actif % total Actif Nb % total Actif % total Nb Nb HNWI : milliers total HNWI HNWI HNWI HNWI % total Amérique du Nord 33,2 37,6 3 060 42,4 10,2 30,6 2 900 33,3 Europe 29,2 33,1 > 2 620 > 36,3 9,4 28,2 2 800 32,2 Asie-Pacifique 20,3 23,0 7,6 22,8 2 400 27,6 Amérique latine 2,8 3,2 4,2 12,6 300 3,4 Moyen Orient-Afrique 2,8 3,2 2,0 6,0 400 4,6 Total 88,3 100 25,3 7 220 100 33,3 100 8 700 100 Source : Boston Consulting Group - Merrill Lynch - Cap Gemini Le message commun reste que les richesses sont très largement concentrées dans les pays développés, en Amérique du Nord et en Europe (tableau 2). Le BCG nous indique plus précisément (tableau 3) que le Japon est, en dollars, le second pays en termes d actifs financiers totaux, loin derrière les États-Unis. Puis viennent le Royaume-Uni, l Allemagne, l Italie et la France. La Chine est en 7 e position, mais les tableau 3 ACTIFS FINANCIERS ET NOMBRE DE HNWI DES PRINCIPAUX PAYS 2005 Actifs totaux % Actifs/ Nb de trillions Rang actifs des actifs habitant ménages de $ monde k$ HNWI milliers Rg nb HNWI États-Unis 31,3 1 35,4 105 2 960 1 Japon 11,9 2 13,4 93 825 2 Royaume-Uni 6,6 3 7,4 110 440 3 Allemagne 5,8 4 6,6 71 330 4 Italie 3,6 5 4,1 63 240 7 France 3,6 6 4,1 60 260 5 Chine 2,0 7 2,3 2 250 6 Canada 1,9 8 2,1 59 100 14 Pays-Bas 1,8 9 2,1 112 105 12 Taïwan 1,6 10 1,9 72 210 8 Espagne 1,5 1,7 35 95 15 Suisse 1,4 1,6 193 175 9 Brésil 1,1 14 1,3 6 130 10 Inde 0,6 19 0,6 1 na 18 Russie 0,6 20 0,6 4 na na Monde 88,3 100 14 7 220 Source : Boston Consulting Group, Banque Mondiale 12

Comment apprécier la taille du marché de la banque privée? A R M E L L E S A R D A actifs financiers restent peu développés au regard du nombre d habitants. Le classement est un peu différent s agissant du nombre de HNWI en raison de répartitions hétérogènes des richesses parmi les populations. Par exemple, un pays comme l Arabie saoudite, qui compte 105 000 ménages HNWI, se retrouve en 13 e position. En effet, 2,5 % des ménages saoudiens sont millionnaires contre une moyenne de 0,5 % dans le monde. Aux États-Unis, les actifs des millionnaires représentent plus d un tiers des richesses, de l ordre d un quart en Europe, mais environ 40 % en Amérique latine et plus de 50 % au Moyen- Orient et en Afrique. Ainsi, l analyse des actifs totaux ne donne pas une image tout à fait conforme des marchés de la banque privée. Les deux rapports s accordent également sur le fait que le marché présente une croissance solide depuis quelques années. Les perspectives à l horizon 2010 seraient aussi très positives en raison d éléments macroéconomiques et financiers favorables. Les grands marchés émergents connaissent des croissances rapides. D après les chiffres du BCG (graphique 2), 2005 a été la quatrième année consécutive d accroissement des actifs financiers mondiaux, avec un taux de croissance annuel moyen depuis 2001 de 8,1 %. Le total des actifs dans le monde a atteint /... graphique 2 ÉVOLUTION DES ACTIFS FINANCIERS TOTAUX 96,4 115,8 12,3 Trillions de dollars 71,5 68,5 4,8 4,8 13,1 11,4 19,9 18,7 64,7 5,1 9,9 17,9 66,1 5,6 10,7 20,6 79 6,7 12,3 25,9 86,9 7,7 12,8 29,4 88,3 8,4 11,9 29,2 9,4 13,4 33,2 Moyen-Orient et Afrique Amérique latine Asie Pacifique (hors Japon) Japon 16,4 39,1 Europe 30 29,4 27,7 25,3 29,5 31,8 33,2 34,5 Amérique du Nord 40,7 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 (estimation) 2010 (prévision) Source : Boston Consulting Groupe 2005 et 2006 13

/... 88 300 milliards de dollars fin 2005. L Europe et l Asie hors Japon, en particulier l Inde et la Chine, ont été les régions les plus dynamiques, à plus de 13 % l an, tandis que les actifs d Amérique du Nord et du Japon gagnaient moins de 5 % par an. En Amérique du Nord et en Europe, où les actions représentent respectivement plus de la moitié et un tiers des actifs, les évolutions boursières sont un déterminant majeur de la croissance des actifs. Au Japon, et plus encore en Chine ou en Inde, les actifs liquides dominent encore (autour de 60 % du total), le facteur «bourse» est moins important et ce sont surtout les plus aisés qui profitent des dynamiques boursières. Les prévisions à l horizon 2010 font état d un accroissement toujours solide des actifs gérés, tout particulièrement dans les fameux «BRIC» (Brésil, Russie, Inde et Chine) où la croissance attendue est en moyenne supérieure à 10 % l an d ici 2010. Toutefois, il convient d être prudent quant à ces résultats tant les effets de change sont importants. Si l expression en dollars des actifs a un sens pour un acteur américain, la conversion en une autre monnaie de référence fournirait un paysage quelque peu différent. À titre illustratif, l examen des évolutions des actifs entre 2004 et 2005 en dollars et en monnaies locales (tableau 4) révèle l impact défavorable de l appréciation du dollar en 2005, notamment face au yen et à l euro, sur les évolutions exprimées en devise américaine. De la même manière, la comparaison des évolutions du marché européen en dollars ou en euros (graphique 3) parle d ellemême quant à l importance de la monnaie de référence : la croissance du marché européen atteint 13,9 % exprimé en euros en 2005 (13,2 % en monnaies locales) contre une baisse de 0,8 % en dollars! Un Européen qui détenait 735 k en mai dernier était millionnaire en dollars mais il ne faisait pas partie du club s il détenait moins de 1,17 millions d euros en juillet 2001. Par le tableau 4 CROISSANCE DES ACTIFS FINANCIERS Taux de croissance annuel moyen des actifs financiers 1999-2001 2001-2005 2005-2010 TCA 2004-2005 (%) exprimés en dollars courants (prév.) en dollars en monnaie (%) locale Amérique du Nord 3,9 4,6 4,2 4,3 4,1 Europe 5,2 13,0 6,0-0,8 13,2 Japon 13,1 4,7 6,7 7,2 5,1 Asie-Pacifique (hors Japon) 3,1 13,3 7,9 8,5 9,7 Amérique latine 8,0 7,5 5,9 12,5 6,7 Moyen-Orient et Afrique 5,1 7,5 5,1 5,8 8,3 Total 4,9 8,1 5,6 1,5 8,0 Source : BCG - Wealth report 2005 et 2006 14

Comment apprécier la taille du marché de la banque privée? A R M E L L E S A R D A graphique 3 30 25 20 15 10 ACTIFS FINANCIERS EN EUROPE ET MONNAIE DE RÉFÉRENCE taux de variation des actifs financiers actifs financiers taux de variation en $ en % (gauche) 26,0 taux de variation en en % (gauche) trillions de $ (droite) trillions de (droite) 14,3 14,3 12,2 35 30 25 20 15 5 0-5 3,0 1,0-5,0-3,7-3,9 1999 2000 2001 2002 5,1 4,3 10 5-0,7 0 2003 2004 2005 Source : Boston Consulting Group, Crédit Agricole seul fait du taux de change, un patrimoine en euros gagnait près de 14 % sur un an fin 2006, évalué en dollars, après avoir perdu 12 % entre fin 2004 et fin 2005. Malgré un panorama général similaire, les éléments dépeints par BCG et CGML diffèrent en termes d évolutions et de perspectives régionales (tableau 5), pour des raisons de méthode et de périmètres. Autre exemple de divergence, le nombre de HNWI aurait progressé de 0,9 % entre 2005 et 2004 d après le BCG et de 6,5 % d après CGML. tableau 5 LES ÉVOLUTIONS DES RICHESSES SELON DEUX ÉTUDES Actif des HNWI Actif total Variation annuelle (source CGML) (source BCG) moyenne (%) 2004-2005 2005-2010 2004-2005 2005-2010 Amérique du Nord 9,4 7,4 4,3 4,2 Europe 4,9 3,7 0,8 6,0 Asie-Pacifique 8,0 6,7 1,0 7,2 Amérique latine 11,8 5,9 12,5 5,9 Moyen Orient-Afrique 17,6 7,0 5,8 5,1 Total 8,5 6,0 1,5 5,6 LE MARCHÉ DES UHNWI Le BCG et CGML fournissent quelques chiffres sur les personnes très fortunées, mais ce type d estimation est, à notre sens, purement indicatif. Le premier indique que 16 500 ménages dans le monde détiennent plus de 50 millions de dollars d actifs financiers et 9 000 plus de 100 millions. L Europe comprendrait d avantage d UHNWI (6 000 ménages soit 36 % du total) que les États-Unis (5 000 soit 30 % du total) /... 15

/... et l Asie-Pacifique (y compris le Japon) environ 3 500 ménages (21 % du total). Avec un seuil à 30 millions de dollars, MLCG compte 85 400 UHNWI et positionne les États-Unis avant l Europe. Environ 41 % seraient en Amérique du Nord, 36 % en Europe et 20 % dans la zone Asie-Pacifique. L Amérique latine étant la zone où la proportion de UHNWI est la plus élevée (2,4 % des HNWI contre une moyenne de 1% et 0,8 % en Europe). Si l on s intéresse à présent aux plus grosses fortunes de la planète, on peut se pencher sur les listes de Forbes, publiées en mars de chaque année depuis 1987, qui recensent et classent les milliardaires en dollars du monde entier, sur la base d évaluations des patrimoines totaux, tous types d actifs confondus (y compris les parts d entreprises, les yachts, avions, œuvres d art ou autres). D après le palmarès de mars dernier, il n y a jamais eu autant de milliardaires, grâce à de nombreux facteurs économiques et financiers propices qui ont favorisés l émergence de fortunes dans le monde entier. On compte 946 milliardaires dans le palmarès de 2007, contre 793 en 2006, 587 en 2004. La conjoncture n a pas toujours été aussi favorable : ce «club» comptait 21 membres de moins en 2003 (497) qu en 2002. La fortune totale des milliardaires s est réduite entre 2001 et 2003, passant de 1 730 à 1 400 milliards de dollars, certaines fortunes ayant plongé avec les bourses. Mais, depuis, l accroissement de ces fortunes a été impressionnant. Le patrimoine cumulé des milliardaires représente un total de 3 100 milliards de dollars soit 1,8 fois plus qu en 2003... Ces classements illustrent fort bien les mouvements des marchés financiers et de l économie mondiale. Les évolutions du nombre de milliardaires par pays, parmi les 300 premiers du classement Forbes (tableau 6), font ressortir : la prééminence des États-Unis et dans une moindre mesure des grands pays européens, alors que le Japon a perdu de sa grandeur ; les crises en Asie ou en Amérique du Sud ont réduit un certain nombre de fortunes dans ces pays ; l année 2000 a vu l apparition, notamment en Europe et au Japon, de quelques milliardaires qui n ont pas résisté à la chute boursière des valeurs technologiques ; les monarchies pétrolières sont présentes dans les classements malgré la faible taille de ces économies ; dans les années récentes, de grandes fortunes sont apparues dans des zones émergentes jusque-là peu présentes dans les classements : en Russie, dans les pays d Europe centrale et de l Est, en Inde ; à l exception notable toutefois de la Chine 16

Comment apprécier la taille du marché de la banque privée? A R M E L L E S A R D A tableau 6 NOMBRE DE MILLIARDAIRES PAR PAYS PARMI LES 300 PREMIERS DU CLASSEMENT FORBES 1996 2000 2005 2007 Amérique du Nord 86 75 115 104 Allemagne 38 42 33 28 Royaume-Uni 5 9 8 10 Espagne 1 2 4 10 France 12 16 10 8 Scandinavie 5 7 10 8 Italie 6 6 6 6 Suisse 9 12 7 5 PECO 0 0 1 3 Autres Europe 9 12 8 10 Europe 85 106 86 81 Russie 0 0 15 29 Arabie saoudite 5 4 6 7 Israel 1 4 4 6 Autres AMO 8 9 7 9 Afrique/Moyen-Orient 13 17 17 21 Hong Kong 14 11 9 11 Japon 29 37 17 8 Taïwan 6 7 4 4 Singapour 3 3 4 3 Australie 1 6 2 2 Asie développée et Australie 53 63 35 27 Inde 2 7 7 15 Autre Asie en développement 39 8 9 6 Asie en développement 41 15 16 21 Amérique latine 22 25 16 13 Fortune totale des 300 (milliards de $) 912 1 389 1 673 2 325 Source : Forbes dont le premier milliardaire n est qu à la 390 e place (un résident de Hong Kong) et le suivant en 407 e position (peut-être en raison d une difficulté d évaluation des fortunes) ; enfin, des places à forte activité offshore concentrent un nombre élevé de milliardaires relativement à leur taille (Hong Kong, Taïwan, Suisse). LE MARCHÉ SOUS L ANGLE DES ACTIFS GÉRÉS PAR LES WEALTH MANAGERS Les informations décrites par le BCG et CGML présentent les richesses détenues par les résidents des différents pays ou des grandes zones géographiques. Un autre point de vue /... 17

/... consiste à examiner non plus la source des richesses mais les places où les actifs sont gérés. À partir des actifs déclarés par les gérants de fortune, la Swiss Bankers Association (6) (SBA) fournit les parts de marché des pays (graphiques 4 a et b). graphique 4a PARTS DE MARCHÉ DANS LES ACTIFS SOUS GESTION EN 2004 41 10 9 8 7 7 18 États-Unis Royaume- Uni Suisse Japon Allemagne France Autres Source : Suisse Bankers Association graphique 4b PARTS DE MARCHÉ DANS LES ACTIFS OFFSHORE EN 2005 28 15 15 13 8 8 4 3 Suisse Caraïbes Luxembourg Îles anglonormandes Londres New York Miami Hong Kong Singapour Source : Suisse Bankers Association Sous cet angle, la Suisse fait partie du trio de tête en raison du poids de la gestion offshore dans les actifs sous gestion. La Suisse est le premier «centre international» de gestion privée avec, d après la SBA, une part de marché de 28 % sur les fonds offshore. Ces fonds sont estimés par le BCG à 5 900 milliards de dollars, soit 6,7 % des actifs totaux (et 23 % des actifs des HNWI). Cette proportion a diminué par rapport à 2004 (7 % des actifs). D après le BCG, les actifs gérés offshore ont crû faiblement pour les raisons suivantes : (6) Wealth management in Switzerland, Industry trends and strategies, January 2007. 18

Comment apprécier la taille du marché de la banque privée? A R M E L L E S A R D A Près de la moitié des actifs détenus à l international est sous forme liquide, moins rentable que les titres, car les investisseurs recherchent la sécurité plutôt que des rendements élevés. La valorisation des stocks a ainsi été limitée. Certaines régions, dont une partie importante des richesses est gérée à l étranger comme le Moyen-Orient (26 % de la richesse est gérée offshore), offrent désormais des opportunités d investissement attractives onshore. Le déclin du marché offshore européen au profit de l Asie est souvent débattu. Des amnisties fiscales et la directive européenne sur la taxation de l épargne ont en effet réduit l attrait de ces places offshore pour les Européens. D après une enquête d IBM Business consulting (7), la question n est pas tout à fait tranchée auprès des banquiers interviewés. Mais c est Singapour, et non plus la Suisse, qui est considérée comme la place offshore présentant le potentiel de croissance le plus élevé, les autres grandes places européennes étant derrière Hong Kong (tableau 7). tableau 7 QUELS SERONT LES CENTRES OFFSHORE DONT LES ACTIFS DE BANQUE PRIVÉE CONNAÎTRONT LA CROISSANCE LA PLUS ÉLEVÉE D ICI DEUX ANS? 2005 2007 Suisse 1 Singapour Singapour 2 Suisse Hong Kong 3 Hong Kong Royaume-Uni 4 Royaume-Uni Luxembourg 5 Luxembourg Iles Caïman 6 Iles Caïman Bahamas 7 Bahamas Source : IBM Business Consulting Toutefois, les éléments qui pèsent sur l activité offshore des places européennes ne concernent que les investisseurs européens. Rien n indique que les fortunes nouvelles, notamment d Asie, ne trouvent pas d attrait, en particulier en terme d expertise, aux places européennes (Laksmi Mittal, 5 e fortune mondiale en dollars d après Forbes, ainsi que quelques autres milliardaires indiens, résident à Londres). LES VARIABLES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES, DÉTERMINANTS MAJEURS DU MARCHÉ S il est difficile d avoir une vision précise du marché de la banque privée, il est indéniable que les variables macroéconomiques et financières en sont des déterminants fondamentaux. Elles façonnent largement le marché mondial et ses évolutions. /... (7) European Wealth and Private Banking Industry Survey 2005. 19

/... Les résultats décrits ci-dessus sont à l image de la répartition des richesses dans le monde et de la croissance des économies : 60 % des richesses, exprimées en dollars, sont produites aux États-Unis et en Europe de l Ouest, 70 % en incluant le Japon (graphique 5). Mais la dynamique de croissance la plus forte se situe dans les pays émergents, en particulier en Asie émergente où la taille de la population et les rythmes de croissance traduisent un formidable potentiel (graphiques 5 et 6). graphique 5 RÉPARTITION DE LA POPULATION ET DE L ACTIVITÉ DANS LE MONDE EN 2006 14 % 9 % 54 % 5 % 6 % 10 % 14 % 5 % 30 % 7 % 7 % 26 % 11 % 7 % Afrique-MO Amérique latine Asie en développement Asie développée 20 % Europe de l Est 4 % 6 % 7 % 6 % POPULATION 31 % PIB nominal (dollars) 22 % PIB PPA Europe de l Ouest Amérique du Nord Source : Economic Intelligence Unit Thomson financial Revenons ici sur les effets des conversions en dollars aux taux de change courants. L Asie en développement ne représente que 10 % des produits intérieurs bruts (PIB) nominaux convertis en dollars. Mais, en corrigeant la valeur des PIB des distorsions de taux de change en termes de pouvoir d achat (en PIB en Parité de Pouvoir d Achat : 1$ PPA permettant d acheter la même quantité de biens en Chine qu aux États- Unis), le poids de l Asie en développement dans l activité mondiale est équivalent au cumul de l Amérique du Nord et de l Europe. Dit autrement, un million de dollars permet d acheter plus de biens en Chine qu aux États-Unis ; un millionnaire (en dollars) chinois est «plus riche» qu un millionnaire américain. Cela conduit à s interroger sur le choix du seuil définissant les populations aisées suivant les pays considérés. 20

Comment apprécier la taille du marché de la banque privée? A R M E L L E S A R D A graphique 6 7,9 9,4 8,6 CROISSANCE ÉCONOMIQUE (PIB EN VOLUME) DANS LE MONDE (%/AN) 6,9 7,7 6,7 6,0 6,0 5,7 5,4 5,5 5,5 4,9 4,8 4,3 2,7 2000-2005 2006 2007-2008 5,5 5,4 5,3 4,9 4,5 4,6 4,0 4,0 3,3 2,4 2,5 1,4 2,6 2,3 1,3 2,2 2,1 Asie en dévt CEI PECO Moyen Orient Afrique Amérique latine Monde Asie nouvt dév États Unis Une conjonction d éléments favorables a permis à l ensemble des régions du monde de connaître des évolutions très positives depuis 2003 en matière d accumulation et de valorisation des richesses. Les évolutions des prix des matières premières, en particulier du pétrole, ont donné une large aisance financière aux pays producteurs et ont contribué à l enrichissement d une partie de leur population. D après le FMI, l indice des prix de l ensemble des matières premières a gagné 22,5 % par an en moyenne entre 2002 et 2006. L immobilier, dont les prix ont connu des croissances très vives dans certains pays, a constitué une autre source d enrichissement : en Espagne et au Royaume-Uni, par exemple, les prix ont progressé en moyenne de 13 % par an depuis début 2000. Les progressions des bourses jusqu en 2006 ont contribué à accroître la valeur des portefeuilles d actions. Ceux-ci sont généralement plus développés en Amérique du Nord et en Europe de l Ouest que dans les pays émergents. Ils sont également plus importants dans les patrimoines des populations les plus riches qui ont donc été les premiers bénéficiaires de ces mouvements. L indice boursier mondial fourni par Thomson financial fait état d une progression moyenne des bourses de 21 % sur un an fin 2006, avec des performances très positives dans la plupart des pays, en particulier dans les zones émergentes : + 64 % en Chine, + 43 % en Inde, + 66 % en Russie, + 34 % en Pologne par exemple. Le marché de la banque privée apparaît ainsi comme un domaine particulièrement porteur, car en croissance soutenue partout dans le monde et en émergence rapide dans de grands pays comme les «BRIC», dont les potentiels paraissent immenses. /... Zone Euro Japon Source : FMI, World Economic Outlook Database, April 2007 21

/... En tendance, les perspectives de croissance économique restent bonnes, en particulier dans les pays les plus «jeunes», et les facteurs favorables à la progression des marchés de la gestion de fortune subsistent. Cependant, la crise de cet été révèle les risques que recèle ce panorama. Le métier de la banque privée est par nature exposé aux chocs et aux cycles que subissent les marchés financiers et l économie mondiale. 22