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FACE À L ÉCHANGE D INFORMATIONS FISCALES QUI SE GÉNÉRALISE VOTRE ARGENT À L ÉTRANGER OU EN BELGIQUE? Préserver son anonymat en se réfugiant à l étranger devient de plus en plus difficile. Si bien que dans certains cas il est désormais préférable de détenir son argent en Belgique, plutôt qu au Luxembourg ou en Suisse. Décryptage pour ne pas se retrouver complètement nu devant le fisc. SÉBASTIEN BURON WWW.TRENDS.BE 30 JUILLET 2015 25

à la une finance Affaire HSBC, scandale Lux- Leaks, taxe Caïman... Jamais sans doute il n a été autant question de lutte contre l évasion fiscale que ces derniers mois. Un torrent de révélations s est abattu sur les tenants de la discrétion bancaire en Europe. Même la Suisse n a pas échappé à la vague de fond internationale tendant à davantage de transparence fiscale. Face à cette pression internationale, Berne n a pas pu faire autrement que de vider de sa substance son secret bancaire, pourtant longtemps jugé «non négociable»! C était le 27 mai dernier. Ce jour-là, la Confédération entérinait officiellement un accord d échange automatique d informations avec l Union européenne. Tournant majeur Plus concrètement, dès 2018, c est-à-dire demain, les banques suisses devront systématiquement dénoncer leurs clients étrangers. C est-à-dire qu elles devront communiquer aux autorités fiscales suisses les données collectées sur les titulaires de compte, personnes physiques ou morales, des 28 pays de l Union. A charge ensuite pour le fisc suisse de transmettre ces données aux Etats concernés. L échange portera tout à la fois sur les revenus financiers (intérêts et dividendes), le montant des plus-values encaissées, le solde des comptes et la valeur de rachat des assurances-vie. «Il s agit d un tournant majeur, lance Patrice Delacroix, corporate tax partner chez PwC. La transparence sur les comptes bancaires sera alors totale, y compris pour les Belges.» L accord signé entre Bruxelles et Berne va en effet abolir le secret bancaire pour tous les Européens qui disposent d un compte en Suisse sans y résider. Autrement dit, à partir de 2018, la Suisse ne sera plus un havre de paix pour les non-résidents qui veulent y dissimuler de l argent. «Le fisc belge connaîtra tout de leur situation en Suisse, avance François Parisis, senior private banking counselor à la banque Puilaetco Dewaay. Certains auront intérêt à rapatrier leur compte en Belgique s ils ne veulent pas que l administration fiscale soit au courant de l étendue des avoirs placés en Suisse, du montant des revenus mobiliers et des plus-values mobilières réalisées.» ISTOCK A sa manière, Pierre Moscovici, le commissaire européen en charge des Affaires économiques et de la Fiscalité, qui a signé l accord, ne s est pas privé de le souligner également: «Il s agit d un nouveau coup porté aux fraudeurs du fisc et d un pas supplémentaire vers une fiscalité plus juste en Europe.» Un pas d autant plus important que d autres accords de ce genre devraient être signés avant la fin de l année avec plusieurs juridictions européennes réputées pour leur opacité comme Andorre, le Liechtenstein, Monaco ou Saint-Marin. Un contexte mondial Le cas suisse est emblématique. Qui aurait cru que les banquiers huppés des rives tranquilles du lac Léman (les Pictet et Un cadastre financier mondial se met doucement en place. consorts) seraient un jour obligés de dénoncer leurs riches clients belges, français ou allemands? Pas grand monde évidemment. C est dire si les changements qui se sont produits ces dernières années sont radicaux. «Un tas de choses se sont passées en quatre ou cinq ans, situe Patrice Delacroix. Et toujours dans le même sens: c est-à-dire vers plus de transparence fiscale, au sein de l Union européenne mais aussi en dehors. Au lieu d un échange spontané et à la demande qui ne fonctionnait que moyennement bien on est passé à un échange automatique et obligatoire. On a défini ce qui devait être communiqué, à qui et endéans quel délai.» Résultat des courses? «L épargnant européen n aura bientôt plus aucune chance de passer au travers des mailles du filet», situe l avocate fiscaliste Sabrina Scarnà, du cabinet Tetra Law. De fait, la Suisse n est pas la seule à briller par ses efforts de transparence. Une centaine de pays, dont certains paradis 26 30 JUILLET 2015 WWW.TRENDS.BE

fiscaux exotiques des Caraïbes ou du Pacifique, se sont engagés à jouer le jeu de l échange d information d ici 2017-2018. Il faudra bien sûr juger de leur volonté réelle de coopérer. Mais tant en Belgique qu à l étranger, nombreux sont les Etats qui se dotent de nouvelles armes devant leur permettre d avoir une vision de plus en plus détaillée de l état de fortune de chacun... et se livrent entre eux des informations sur les comptes des non-résidents. «Que ce soit dans le cadre d accords bilatéraux ou de traités plus larges, tout le monde joue le jeu», dit Patrice Delacroix. Y compris donc le Luxembourg, le Lichtenstein, Jersey, etc. Fichier central à la BNB Histoire comme la Suisse de montrer patte blanche, le Grand-Duché va en effet passer graduellement à un échange d informations fiscales généralisé. Une révolution qui s explique notamment par l extension de la directive européenne sur LA SUISSE abrite toujours entre 60 et 70 milliards d euros de capitaux belges. VAUT-IL MIEUX DÉTENIR SON ARGENT À BRUXELLES OU À GENÈVE? Alors que se constitue tout doucement un cadastre financier mondial, la question de savoir s il vaut mieux détenir son argent en Belgique ou à l étranger dépend de plusieurs critères. Certains pays comme le Luxembourg pratiquent en effet déjà partiellement l échange d informations fiscales. D autres comme la Suisse prévoient de participer au système (dès 2017). 1 2 Dans la catégorie des pays où l échange d informations n est par contre pas pour demain, on retrouve notamment Singapour. Sachant cela, trois cas de figure sont imaginables: J AI INTÉRÊT À DÉMÉNAGER DANS LE PAYS OÙ MON ARGENT EST PLACÉ SI : mes avoirs n ont pas été régularisés et ne le seront pas : rapatrier ses avoirs alors qu ils n ont pas fait l objet d une régularisation complète (en ce compris les impôts fiscalement prescrits) peut vous amener à être dénoncé par votre banquier à la cellule anti-blanchiment (CTIF). J AI INTÉRÊT À LAISSER MON ARGENT À L ÉTRANGER (LUXEMBOURG, SUISSE) SI : mes avoirs n ont été que partiellement régularisés (les impôts prescrits n ont pas été régularisés ou ils n ont pas pu être régularisés) ; je veux profiter d une TVA plus avantageuse à l étranger (au Luxembourg, la TVA n est que de 15 % et les frais de courtage ne sont pas soumis à la TVA si j ai confié à la banque la gestion discrétionnaire de mes avoirs) ; je veux éviter la taxe sur les opérations de Bourse (TOB). 3 J AI INTÉRÊT À RAPATRIER MON COMPTE EN BELGIQUE SI : je ne veux pas mentionner mes revenus mobiliers dans ma déclaration fiscale, c est-à-dire bénéficier du caractère libératoire du précompte mobilier ; SOURCE : TRENDS-TENDANCES je ne souhaite pas que l administration fiscale soit au courant de l étendue de mes avoirs placés à l étranger, du montant des revenus mobiliers et des plus-values mobilières encaissées à l étranger ; mes avoirs ont été entièrement régularisés (j ai obtenu une immunité pénale et fiscale sur les montants éludés, en ce compris les impôts qui étaient prescrits au moment de la régularisation). WWW.TRENDS.BE 30 JUILLET 2015 27

à la une finance la fiscalité de l épargne. Cette dernière préservait depuis 2005 le secret bancaire luxembourgeois. Comment? En ne s appliquant qu aux revenus d intérêts des produits bancaires. Jusqu à présent, les clients non-résidents percevant des intérêts dans une banque grand-ducale subissaient une retenue à la source de 35%, mais en échange, ils pouvaient, en vertu de cette directive-épargne, rester anonymes aux yeux de leur administration. Dorénavant, les intérêts perçus sur un compte luxembourgeois seront automatiquement renseignés au fisc belge (l échange se fera pour la première fois en 2016 sur base des revenus perçus en 2015). Et dès 2017, à l image de ce qui va se passer pour la Suisse, ce sera le cas pour tous les comptes et revenus mobiliers. A cela s ajoute, côté belge, l obligation de déclarer soi-même le ou les comptes détenus au Luxembourg, et de manière plus générale à l étranger (compte à vue ou à terme, compte épargne ou comptetitres). Depuis cette année, il faut en outre signaler leur existence au point de contact central (www.cappcc.be, opérationnel depuis le 1 er mai 2014) de la Banque nationale et confirmer que cela a été fait dans sa déclaration fiscale. Il ne faut pas fournir d informations concernant le solde de ces comptes ni les revenus qui ont été perçus (tout en rappelant que ceux-ci doivent être repris dans les cases ad hoc PG PG PATRICE DELACROIX, PWC «Je ne suis pas certain que le fisc dispose des ressources suffisantes pour traiter la masse d informations qui va lui être transmise.» SABRINA SCARNÀ, TETRA LAW «L épargnant européen n aura bientôt plus aucune chance de passer au travers des mailles du filet.» de la déclaration fiscale). Mais pour le reste, il faut tout communiquer: le numéro de compte, le nom de la banque, etc. Arme fatale A l origine de tous ces changements, il y a les divers scandales financiers d évasion fiscale en Suisse évoqués plus haut (UBS, HSBC, etc.). Ils expliquent la loi américaine Fatca (Foreign account tax compliance act), votée en 2008 aux Etats- Unis, en réaction à ces scandales en série. C est elle qui a accéléré le mouvement dans la foulée de la crise financière. Traquant partout dans le monde les Américains qui éludent l impôt, elle oblige les banques étrangères à communiquer au fisc américain les données fiscales de leurs clients contribuables US, sous peine de sanctions pour leurs activités américaines. C est elle qui de manière unilatérale a fait voler en éclats les secrets bancaires suisse, luxembourgeois et autres. «Les Etats-Unis ont sifflé la fin de la récréation et nous avons emboîté le pas», rappellent en chœur Patrice Delacroix et Sabrina Scarnà, faisant écho à René Schwok, professeur à l université de Genève, dans un récent numéro du magazine économique suisse Bilan: «La Suisse a d abord cédé aux Etats-Unis. Puis, ce sont les pressions combinées du G20 et de l OCDE qui ont été déterminantes. Enfin, les abandons du Luxembourg et de l Autriche ont ruiné les derniers L ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS EN HUIT DATES-CLÉS 2005 Entrée en vigueur le 1 er juillet de la directive «épargne» de l Union européenne. Celle-ci oblige les Etats membres à se transmettre entre eux les informations concernant les intérêts perçus par leurs résidents personnes physiques. 2009 La Belgique accepte de passer à l échange d informations, en lieu et place de celui de la retenue à la source prévue par la directive-épargne, à partir PG du 1 er janvier 2010. Sont concernés les contribuables étrangers qui détiennent des avoirs en Belgique. 2010 Adoption de la législation américaine Fatca (Foreign account tax compliance act) qui oblige les banques étrangères à communiquer au fisc américain les données fiscales de leurs clients contribuables américains. De sévères sanctions sont prévues en cas de nonrespect de la législation: une amende de 30% sur les revenus américains. 2011 L Europe adopte une première version de la directive sur l entraide administrative dans le domaine fiscal. Cette dernière prévoit l échange automatique d informations sur d autres formes de revenus que ceux visés par la directive-épargne, à compter du 1 er janvier 2015. Sont désormais aussi visés les revenus professionnels, les tantièmes et jetons de présence, les pensions, la propriété et les revenus des biens immeubles, le produit d assurance vie, etc. 2014 La Belgique et les Etats-Unis signent un accord visant à mettre en œuvre la loi Fatca. L OCDE adopte quant à lui la norme CRS (Common reporting 28 30 JUILLET 2015 WWW.TRENDS.BE

espoirs de la Suisse. A partir de là, il ne pouvait plus y avoir de résistance face à l Union européenne.» Surtout que suite à l entrée en vigueur en 2010 de cette nouvelle loi Fatca, Bruxelles a accouché en 2011 d une directive relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal. Concrètement, cette dernière prévoit l échange automatique de renseignements sur cinq catégories de revenus autres que ceux visés par la directive-épargne. Voilà le lecteur prévenu. Sont désormais aussi visés les revenus professionnels, les tantièmes et jetons de présence, les pensions, la propriété et les revenus des biens immeubles, le produit d assurance vie, etc. Selon les cas, les premiers échanges d information auront lieu en 2016 (revenus 2015) ou en 2017 (revenus 2016). Cadastre des fortunes à l étranger Autre révolution: l adoption début 2014 par l OCDE (le club des pays riches) de la norme CRS (Common reporting standard). De quoi s agit- il? D une norme commune d échange automatique d informations relatives aux comptes financiers, et «sur laquelle l Europe s est par ailleurs calquée en la reprenant récemment dans sa directive sur l entraide administrative», précise Patrice Delacroix. Fin octobre 2014, plus de 50 pays de l OCDE ont signé un accord multilatéral sur la base de ce modèle CRS. La plupart de ces pays se sont engagés à procéder, dès septembre 2017, à l échange automatique d informations portant non seulement sur les revenus financiers mais aussi sur les plus-values et le solde des comptes bancaires au 31 décembre de chaque année. Seront visées les personnes physiques, mais aussi les entités telles que les trusts, les fondations, etc. Trusts et fondations qui sont également dans le collimateur d une autre directive, celle relative au blanchiment d argent, qui oblige les bénéficiaires économiques finaux de ces structures patrimoniales à être identifiés. Ici aussi «ceux qui avaient l habitude d éluder l impôt en passant par ces structures ne pourront plus le faire», prévient Sabrina Scarnà. LUXEMBOURG Le Grand-Duché va passer graduellement à un échange d informations fiscales généralisé. ISTOCK PG standard), une norme commune d échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers. Fin octobre 2014, plus de 50 pays de l OCDE signent un accord multilatéral visant à procéder à l échange automatique d informations sur base du modèle CRS dans le courant de l année 2017. Cet accord ne se limite donc pas aux seuls échanges entre les pays de l Union européenne. Il conduit à un échange entre les pays dans le monde entier. 2016 Dès le 1 er janvier, l échange d informations est généralisé pour tous les pays faisant partie de l Union européenne (la Suisse suivant en 2018). Les autorités luxembourgeoises transmettront automatiquement au fisc belge les informations liées aux intérêts perçus à partir de 2015 par les titulaires de comptes logés dans une banque luxembourgeoise. 2017 Entrée en vigueur de la deuxième mouture de la directive-épargne dont l échange de renseignements est élargi aux produits d assurance-vie et aux sociétés exotiques (trusts, fondations). 2018 Le secret bancaire pour tous les ressortissants européens ne résidant pas en Suisse est définitivement levé. Revenus d intérêt et soldes des comptes sont communiqués. Une administration fiscale européenne ne devra plus adresser une demande d entraide au fisc helvète lorsqu elle soupçonne un contribuable de cacher de l argent sur un compte suisse. WWW.TRENDS.BE 30 JUILLET 2015 29

à la une finance BELGAIMAGE DLU UNE QUATRIÈME OPÉRATION DE RÉGULARISATION Dans le cadre de son tax shift, le gouvernement fédéral vient de décider de lancer une quatrième opération de régularisation des avoirs détenus à l étranger par des contribuables belges. Ce qui devrait rapporter 250 millions d euros au Trésor en 2017. Aucune précision n a toutefois été apportée sur les modalités pratiques de cette nouvelle opération, à commencer par les taux de pénalité prévus. «Si on peut ramener des moyens financiers à la fois dans les caisses de l Etat et dans l économie belge, pourquoi ne pas le faire?», a demandé le Premier ministre Charles Michel à nos confrères du Soir. Et de continuer: «Je vois bien qu il y a une dimension sensible à cela, car c est de l argent qui a échappé à l impôt pendant des années. C est pour cela que nous avons renforcé en parallèle les sanctions contre la fraude fiscale, avec quelque chose qui est assez innovant. Demain, un juge aura la possibilité, en cas de condamnation pour fraude fiscale lourde, de retirer le droit de vote et d éligibilité au fraudeur.» Le gouvernement table par ailleurs sur un rendement supérieur de la taxe Caïman (460 millions au lieu de 120). Cette dernière entend lutter contre les constructions juridiques dans les paradis fiscaux. Il y a donc une carotte (la régularisation) et des bâtons (la lutte contre la fraude) pour inciter les Belges à rapatrier leur argent.petit bémol à cet arsenal: les placements en Belgique seront un peu plus taxés. D une part, les plus-values sur les actions détenues moins de six mois seront taxées. Certes, le rendement prévu demeure très modeste (28 millions) mais le dispositif sera inscrit dans le droit belge et l on risque demain de relever les taux ou les durées de détention. D autre part, le précompte mobilier sur les intérêts et dividendes passera de 25 à 27%, ce qui doit rapporter 350 millions par an à l Etat. Cette hausse ne vaut toutefois pas pour les dividendes versés par les PME (ce serait contradictoire au tout nouveau tax shelter qui incite à investir dans le capital des jeunes PME), ni pour le sacrosaint livret d épargne. Celui-ci conserve son précompte privilégié (15%) et l exonération des premiers 1.880 euros d intérêt. z CHRISTOPHE DE CAEVEL CHARLES MICHEL «Si on peut ramener les moyens financiers à la fois dans les caisses de l Etat et dans l économie belge, pourquoi ne pas le faire?» Discrétion à la belge Bref, dans ce monde devenu transparent, la détention en toute discrétion d actifs mobiliers non déclarés détenus à l étranger devient de plus en plus difficile. Ce qui était encore inimaginable voici une dizaine d années devient une réalité: un cadastre des fortunes à l étranger se met tout doucement en place. Mais plus encore que cette transmission automatique d informations portant sur les intérêts et les dividendes, l échange sur le solde des comptes bancaires représente, pour l administration fiscale, une formidable opportunité d enquête à l encontre des contribuables. L administration fiscale pourra donc s enquérir, auprès de ceuxci, de l origine des capitaux à l étranger. «C est le but, signale Patrice Delacroix. C est une source d informations qui pourra être utilisée par l administration dans le cadre d une investigation, par exemple sur des revenus non déclarés.» Le fisc pourra vérifier vos revenus à l étranger dès 2017. Seule solution pour éviter les questions indiscrètes de l administration fiscale: le rapatriement des capitaux! «La discrétion ne sera en effet plus là où on l imagine, résume François Parisis. On aura inversé les choses. Contrairement aux banques étrangères, les banques belges ne communiquent pas au point de contact central les revenus mobiliers ni le solde des comptes. Elles conserveront donc un avantage par rapport aux banques luxembourgeoises, suisses et plus généralement étrangères.» Déménager ou pas Ce n est pas tout. Car à ce petit avantage s en ajoute un autre: celui lié à la levée de «notre» secret bancaire. Cette dernière reste chez nous limitée. Logé à la BNB, le cadastre des comptes n est pas à la disposition du fisc. Les fonctionnaires du SPF Finances n y ont accès que sous certaines conditions (indices de fraude, autorisation spéciale, etc.) Mais pour pouvoir bénéficier de cette sorte d anonymat à la belge, il est bien sûr indispensable de régulariser sa situation. Trois amnisties fiscales (DLU) ont per- 30 30 JUILLET 2015 WWW.TRENDS.BE

BELGAIMAGE FRANÇOIS PARISIS, PUILAETCO DEWAAY «La discrétion ne sera plus là où on l imagine.» mis à des milliers de Belges de «blanchir» leurs avoirs placés à l étranger sans trop de casse financière. La dernière de ces trois amnisties a pris fin le 31 décembre 2013. Actuellement, seule la négociation directe avec l administration fiscale est encore possible. Prix à payer pour se refaire une virginité? S acquitter des impôts dus en raison du délai de prescription qui n est toujours pas écoulé. C est par exemple le cas si vous avez hérité il y a huit ans. En matière de droit de succession, le délai de prescription est en effet de 10 ans. Celui-ci n est donc pas acquis. Seule solution dans ce cas pour éviter les ennuis: «officialiser son patrimoine ou aller vivre là où il se trouve», conseille François Parisis (lire aussi l encadré «Vaut-il mieux détenir son argent à l étranger ou en Belgique?»). Sur le terrain Reste que tout cela, c est sur papier. L échange automatique est-il vraiment efficace sur le terrain? Apparemment oui. D un point de vue pratique, il se porte bien, estime Sabrina Scarnà: «On constate que l échange d informations automatique est une réalité: tant sur la base de la directive épargne que sur la base de la directive assistance, les autorités administratives des autres Etats fournissent énormément d informations aux autorités de notre pays. Par ailleurs, certains dossiers (tels HSBC, Swiss- Leaks, etc.) démontrent concrètement que les administrations fiscales n hésitent pas à communiquer les informations recueillies sur demande et même souvent de manière spontanée.» Ceci dit, Patrice Delacroix nourrit des craintes quant à la capacité du fisc à gérer tous ces renseignements. «Je ne suis pas certain qu il dispose à l heure actuelle des moyens humains et techniques suffisants pour traiter la masse d informations qui va lui être transmise par ses homologues étrangers, ditil. D autant que certaines de ces informations sont parfois erronées, ou non pertinentes en raison de l absence d harmonisation fiscale au sein de l Union européenne.» Enfin, toujours selon l expert de PwC, on peut vraiment regretter que cette automatisation ne concerne que le volet «taxation» des contribuables, et non l application de leurs droits, notamment pour réduire la double imposition (taxation à la source et re-taxation ensuite dans l État de résidence): l exemple classique étant celui du Belge qui perçoit des dividendes français soumis tant à la retenue à la source française au taux plein qu au précompte mobilier en Belgique. «Toutes les conventions préventives de la double imposition conclues par la Belgique prévoient des réductions conventionnelles des retenues à la source (sur dividendes et intérêts en particulier), mais rien n est automatique en la matière, explique Patrice Delacroix en guise de conclusion. Faire valoir ses droits est une véritable gageure. L OCDE et la Commission européenne travaillent depuis des années sur l automatisation des processus, mais la volonté taxatoire a pris le dessus. Conséquence, on va de facto taxer plus (via l échange automatique d informations), tout en ne permettant toujours pas aux investisseurs de faire valoir leurs droits à limiter la double imposition juridique internationale des revenus mobiliers.» Un écueil qui ne semble malheureusement pas être la priorité à l heure actuelle. z reprendre photo : TE31-p.016 Merci