CHAPITRE 1. INTRODUCTION Chapitre 1 Introduction 1.1 Un peu d informatique? 1.1.1 Dans un ordinateur, on peut recenser grossièrement trois types de mémoires : la mémoire morte, la mémoire vive et la mémoire de masse. La première n étant pas très vivace, nous allons plus particulièrement nous pencher sur les deux dernières. Quelles sont leurs différences? 1. La mémoire vive est rapide d accès et volatile (elle disparaît lorsque l on éteint l odinateur), c est aussi la mémoire de travail ; 2. la mémoire de masse est plus lente d accès et permanente (sauf accident ou erreur de manipulation), c est la mémoire de stockage.
1.2. COMMENT SAUVEGARDER? CHAPITRE 1. INTRODUCTION Par une analogie osée, on peut obtenir une correspondance avec le comportement humain. La mémoire vive (mémoire de travail) peut être comparée à ce que l on appelle la mémoire immédiate, toute information donnée dans un instant est mémorisée quelques temps : Exemple 1.1.1 Si je dis le nombre 19 devant quelques personnes, il est certain que pendant quelques temps, celles-ci se souviendront de ce nombre. Cependant, celui-ci n ayant en ce cas aucun intérêt particulier, il sera oublié très probablement par les mêmes personnes, plus ou moins rapidement. On peut considérer que la mémoire immédiate n est efficace qu au plus que sur quelques jours (disons arbitrairement 3). La mémoire se masse (mémoire de stockage) peut-être comparée à ce que l on appelle mémoire à long terme, toute information s y trouvant mémorisée est disponible pendant un temps considérable. Définition 1.1.1 L opération (pour un ordinateur) de mettre en mémoire de masse les informations en mémoire vive s appelle usuellement sauvegarde. Remarque 1.1.1 Comme un travail quelconque (apprentissage, concours...) dure nettement plus longtemps que quelques jours et que la quantité d informations à emmagasiner ne cesse d augmenter, il devient indispensable de savoir effectuer une sauvegarde pour l homme. 1.2 Comment sauvegarder? 1.2.2 On peut recenser là encore trois méthodes : 1. Lorsque l on parle, il n est pas utile de sans cesse réapprendre la langue, son utilisation répétée permet de mémoriser durablement les mots. Exemple 1.2.2 Pour apprendre un numéro de téléphone, il suffit souvent de le faire un grand nombre de fois, on a alors une mémoire pratiquement physique de l objet (qui pourtant ne contient que peu de sens), les doigts, les oreilles même permettent cette mémorisation (on se souvient des gestes, des sons...)
CHAPITRE 1. INTRODUCTION 1.2. COMMENT SAUVEGARDER? Remarque 1.2.2 Il est cependant totalement illusoire de lire et d apprendre un grand nombre de fois un cours de mathématiques, pour s en souvenir. 2. On peut aussi jouer avec les objets, cela favorise la sauvegarde. Exemple 1.2.3 Un numéro de téléphone est une donnée parfois difficile à mémoriser (bien sûr, il est plus prudent de l écrire dans un agenda, que malheureusement nous avons oublié aujourd hui), par exemple, mon numéro personnel est de la forme <préfixe local> 27 34 61. Si le préfixe local est facilement mémorisable (région et ville de France où j habite), puisque c est du ressort de la méthode de répétition précédente, il est plus difficile de mémoriser durablement les 6 derniers. Jouons donc : le 27 me rappelle ma place à un concours que j ai passé naguère (en fait, il y a plus de vingt ans) ; le 61 est le numéro de l adresse de mes parents ; hélas le 34 ne me rappelle rien (en fait si, mais peu importe), heureusement nous pouvons observer que : 27+34=61 (merci M. Charlin). Remarque 1.2.3 Ici, il y a une relation remarquable qui n est pas toujours présente, mais retenons l usage de rattacher des objets sans sens (du moins sans sens perçu) à des faits ou événements de la vie de chacun, mais aussi de manipuler ces objets vides de sens pour en extraire des propriétés particulières. Exemple 1.2.4 Quand j étais au lycée, mon (grand) frère m a un jour traité de compact. Ma perplexité a permis une mémorisation de cette insulte (à moins que ce ne soit un compliment). Quelques années plus tard, j ai découvert qu un compact était fermé et borné... Il va de soi, que je n ai jamais eu le moindre mal pour mémoriser ce résultat. 3. Heureusement, les objets mathématiques sont porteurs de sens. Ce sens est issu d une perception de l espace physique, en se rapprochant de l objet, il est plus facile de le mémoriser. En fait il suffit de le comprendre. Exemple 1.2.5 Prenons la notion de fonction convexe. Lorsque je demande la définition d une fonction convexe j obtiens les réponses suivantes (pour une fonction convexe de ]a, b[ R R) : (a) f est convexe f est continue et (x, y) ]a, b[ 2, λ [0, 1], f(λx + (1 λ)y) λf(x) + (1 λ)f(y) ;
1.2. COMMENT SAUVEGARDER? CHAPITRE 1. INTRODUCTION (b) f est convexe son épigraphe est un ensemble convexe, c est-à-dire si {(x, y) ]a, b[ R, y f(x)} est convexe ; (c) f est convexe (x, y, z) ]a, b[ 3, x < y < z f(y) f(x) y x f(z) f(y) z y. Remarque 1.2.4 Ces définitions (si elles sont bonnes?) permettent d avoir différentes notions de fonctions convexes, ces notions sont-elles équivalentes? Sont-elles faciles à mémoriser? Les mathématiciens ont-ils pensé comme cela la notion de fonction convexe? Que voulaient-ils faire? Toutes ces questions montrent bien que l on a oublié le sens, ce que l on voulait signifier en parlant de fonctions convexes. Alors qu est-ce qu une fonction convexe? (L objet et non sa formalisation)... Un Définition 1.2.2 Une fonction convexe? C est un dessin : bon dessin vaut mieux qu un long discours Voici la corde B A Voici la courbe Remarque 1.2.5 On voit alors que la traduction géométrique est qu entre deux points de la courbe, la corde est au dessus de la courbe. Ce qui donne la définition 1 page 13 (sans la continuité...), on voit, de plus, qu en dehors des
CHAPITRE 1. INTRODUCTION 1.2. COMMENT SAUVEGARDER? points A et B la corde est au contraire en dessous de la courbe. (Résultat facile à démontrer? Le faire alors...) Les définitions 2 et 3 (même page) se vérifient (et se démontrent aussi facilement). Remarque 1.2.6 À quoi cela sert-il? À mémoriser seulement? Non cela sert aussi à faire des démonstrations. Ainsi, dans la première définition donnée page 13, il y avait une hypothèse de continuité de f qui est inutile, en effet on a le résultat : Proposition 1.2.1 Soit f : ]a; b[ R convexe, alors f est continue. Démonstration Il suffit de comprendre pourquoi sur un dessin! C A B Si l on s approche de B par la droite, la courbe (d après sa position connue par rapport aux cordes) se trouve dans la zone grisée, du moins tant que l on n a pas dépassé l abscisse de C. On peut en déduire la continuité à droite de la fonction convexe (en se rapprochant de B, on ne peut arriver qu en B, car c est tout pointu!). En effet : Notons x A, x B et x C les abscisses respectives de A, B et C. Et prenons un point à droite de B, son abscisse peut être considéré comme un barycentre de x B et x C (resp. de x A et x B), alors, soit x son abscisse que nous prendrons
1.2. COMMENT SAUVEGARDER? CHAPITRE 1. INTRODUCTION compris entre x B et x C. t [0, 1], x = (1 t)x B + tx C, et par convexité de f, f(x) (1 t)f(x B) + tf(x C). De même, t ]0, 1[, x = (1 t )x B + t x A, et à nouveau par convexité, f(x) (1 t )f(x B) + t f(x A). En faisant tendre t et t vers 0 (rapprochement de B), chacun des encadrements de f(x) tend vers f(x B ), ce qui montre la continuité à droite de f en B. La continuité à gauche s obtient de même. 2 Remarque 1.2.7 Le fait que l intervalle de définition soit ouvert est important. Lorsque f est convexe sur [a, b] par exemple, la démonstration (et le dessin!) ne permet d obtenir que la continuité sur ]a, b[. On peut, bien sûr, avoir une discontinuité en a et/ou en b. Remarque 1.2.8 On peut rappeler d autres résultats sur les fonctions convexes : 1. Si f est dérivable, alors f est convexe f est croissante. (On peut comparer à la troisième définition de la convexité). 2. Si f est deux fois dérivable, alors f est convexe f 0. Théorème 1.2.1 (Méthode de compréhension 1) Pour comprendre un objet mathématique, il faut se fabriquer une représentation interne ( i.e. à soi) de cet objet. La formalisation doit pouvoir en découler. 1.2.3 Dans les faits, certains objets sont un peu impalpables et difficiles à se représenter. D ailleurs, cela s applique à d autres domaines que les mathématiques (pour moi, la chimie qui permet à partir de beurre, farine, sucre et œufs d obtenir un gâteau, m a toujours parue un peu magique... Peut-on prévoir ce que va donner un mélange?). Pourtant, beaucoup de personnes arrivent à faire des gâteaux et même à en inventer d autres. Exemple 1.2.6 La notion de somme de série est un peu étrange... En effet, l addition des réels est notoirement commutative et associative, mais quand la somme devient infinie, cela devient faux (nous verrons plus tard, quelques cas
CHAPITRE 1. INTRODUCTION 1.2. COMMENT SAUVEGARDER? où il est possible de conclure). Mon frère m avait écrit ceci : Je fus perplexe... S = 1 1 2 + 1 3 1 4... donc S = 1 1 2 1 4 + 1 3 1 6 1 8... par commutativité et S = (1 1 2 ) 1 4 + ( 1 3 1 6 ) 1 8... d où S = S/2 par associativité par distributivité de par rapport à + or S = (1 1 2 ) + ( 1 3 1 4 )... > 0 comme somme de termes strictement positifs. Théorème 1.2.2 (Méthode 2 de compréhension) Un objet mathématique (ou un gâteau) peut se connaître par une manipulation fréquente. Remarque 1.2.9 Il faut donc faire des exercices, et non seulement apprendre par cœur son cours, et faire fonctionner les résultats et manipuler les concepts. 1.2.4 Certains objets (la musique par exemple) ne se manipulent pas aussi simplement. Pourtant, certaines œuvres finissent par nous apporter de grandes satisfactions (affectives, intellectuelles, sensuelles...). Pouquoi? Parce qu on se l approprie. Théorème 1.2.3 (Méthode de compréhension 3) Il faut toujours questionner, critiquer, interroger ce qui vient d être fait, mais aussi ce que nous venons de faire afin de se l approprier.
1.2. COMMENT SAUVEGARDER? CHAPITRE 1. INTRODUCTION 1.2.5 Nous allons essayer par la suite, de mettre en œuvre ces différentes méthodes.