EFFICACITÉ COMPARÉE DES INSTRUMENTS DE



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EFFICACITÉ COMPARÉE DES INSTRUMENTS DE RÉGULATION ENVIRONNEMENTALE Mireille Chiroleu-Assouline Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Ecole Economie e Paris L existence effets externes conuit toujours à une inefficacité e l équilibre concurrentiel, c'est une éfaillance u marché, au sens où l équilibre concurrentiel n'est pas optimal au sens e Pareto (il serait possible 'améliorer le bien-être e certains agents sans étériorer celui es autres), ce qui pose le problème e la restauration e cette efficacité. En effet, l externalité négative fait peser sur la société un coût non pris en compte par l émetteur e l externalité (tanis que l'externalité positive engenre un bénéfice social ignoré par l'agent qui la provoque). Ou encore, le bien-être es agents épen e biens qui n ont pas e prix alors que l obtention une allocation efficace nécessiterait que les agents soient confrontés au juste prix e ces biens. En-ehors es cas qui pourraient être réglés par es négociations bilatérales, (selon le théorème e Coase), l existence e telles éfaillances u marché justifie l intervention e l État. Toutes les solutions proposées, ans ce care, pour traiter ce problème consistent à faire intégrer par le pollueur le coût total e ses actions : c est la émarche e l internalisation es externalités. Si les autorités isposent es informations nécessaires pour éterminer le niveau optimal e pollution, externalité négative, elles peuvent envisager eux types e mesures : es mesures réglementaires ou la mise en place instruments économiques qui conuisent les agents économiques à infléchir leurs comportements e façon à atteinre l optimum e façon écentralisée, il s agit alors une internalisation es externalités, au sens où l instrument utilisé fait peser sur les agents pollueurs le coût global (social et non seulement privé) e leurs actions. Les problèmes 'information ou e mesure que peut rencontrer le régulateur empêchent le plus souvent 'évaluer e façon sûre ce niveau optimal 'externalité. Néanmoins, c'est le même type e raisonnement qui oit alors permettre e se fixer un objectif onné : l'analyse coût-bénéfice permettra, à éfaut e maximiser l'écart entre bénéfices et coûts, e s'assurer que cet écart est au moins positif. Mireille Chiroleu-Assouline 1

1 Les instruments réglementaires Un moyen simple e s assurer que le niveau optimal e pollution soit atteint par les agents consiste à leur imposer es normes, qui peuvent être e ifférentes natures. La norme émission consiste en un plafon maximal émission qui ne oit pas être épassé sous peine e sanctions aministratives, pénales ou financières (émissions e ioxye e soufre, SO 2, ou e carbone ans l atmosphère, etc). Dans la mesure où les agents pollueurs ont économiquement intérêt à polluer (ils subissent un coût e épollution), la norme assure qu ils choisiront toujours exactement le niveau maximal e pollution autorisé, ni plus ni moins. Si la norme est correctement spécifiée, l objectif u planificateur est alors atteint. Néanmoins, si l évaluation es coûts marginaux e épollution et u ommage marginal est entachée erreur, la norme peut être fixée à un niveau qui ne correspon pas à l optimum. Si elle est trop laxiste, le niveau e pollution sera trop élevé sans que les agents pollueurs aient la moinre incitation à réuire leurs émissions. Si elle est trop rigoureuse, le niveau e pollution sera inférieur au niveau optimal ce qui, u point e vue e la stricte efficacité économique aopté ici, n est pas non plus souhaitable car cela engenrera une perte e bien-être social en imposant aux pollueurs un coût e épollution excessif. Les normes e procéé imposent aux agents l usage e certains équipements épolluants (pots échappement catalytiques, stations épuration) ou e certaines pratiques épolluantes, souvent les moins polluantes u moment : ce sont les best available technologies. Les normes e qualité spécifient les caractéristiques souhaitables u milieu récepteur es émissions polluantes (taux e nitrates ans l eau potable, taux émission e ioxye et monoxye e carbone es véhicules automobiles). Enfin les normes e prouit imposent es niveaux onnés limites à certaines caractéristiques es prouits (taux e phosphates ans les lessives, teneur en soufre es combustibles, caractère recyclable es emballages, etc). Le problème posé par l'instauration e normes est autant un problème évaluation qu un problème asymétrie e l information. On remarque que le pollueur est en général rationnellement incité à tricher, ans la mesure où ne pas respecter la norme lui permettrait e réuire ses coûts e épollution. D où la nécessité e contrôles rigoureux et fréquents, le problème e hasar moral ainsi posé ne pouvant être combattu que si le bénéfice marginal anticipé e la fraue est plus faible que le coût anticipé e la pénalité (égal au prouit u montant effectif e la pénalité subie en cas e étection e la fraue et e la probabilité e contrôle). Les normes e procéé sont en ce sens préférables aux normes émission car il est plus facile e contrôler l existence un équipement spécifique e épollution ou la mise en œuvre 'une pratique épolluante plutôt que e mesurer continûment les émissions polluantes. 2 Mireille Chiroleu-Assouline

L inconvénient es normes le plus souvent invoqué est leur incapacité, si elles ont été fixées à un niveau non optimal c est le cas le plus courant à inciter les agents à augmenter leur effort e épollution. Nous verrons, au paragraphe 3.4.1, qu elles ne prouisent en particulier aucune incitation à l innovation, au contraire es instruments économiques. Mais elles présentent l'avantage e ne faire subir aux pollueurs aucun coût autre que le coût e épollution, ou coût e mise en conformité avec la norme. 2 Les instruments économiques Dans la mesure où l existence e l externalité se manifeste par une ifférence entre coûts (ou bénéfices) privés et coûts (ou bénéfices) sociaux une activité, l internaliser suppose e combler cet écart. Tous les instruments économiques permettant atteinre cet objectif peuvent être envisagés. Leur logique est relativement simple : il s agit e moifier le coût es comportements sources 'externalités tout en laissant aux agents toute flexibilité pour trouver eux-mêmes les stratégies e contrôle e la pollution à moinre coût. Ils sont en général classés en eux granes catégories : régulation par les prix (taxes ou subventions) ou régulation par les quantités (quotas e permis émission). L établissement e règles e responsabilité (pénalités e non-conformité, épôts e garantie remboursables) constitue encore une autre famille instruments, plus souvent aaptés aux pollutions accientelles qu aux pollutions causées e façon récurrente par es certaines activités (agriculture, inustrie, chauffage, transports, etc.). 2.1 Taxes Le principe e la taxe pigouvienne (Pigou, 1920) est simple : il s agit e fixer un coût marginal τ aux émissions polluantes e sorte que le comportement maximisateur e l agent pollueur le conuise à émettre exactement le volume optimal émission. L entreprise prouisant le bien polluant éciera rationnellement, à l équilibre écentralisé, e polluer tant que son coût marginal e épollution ( C ) est supérieur au coût marginal e ses émissions (τ ). Pour que le volume émissions atteint soit le volume optimal, il faut onc fixer le taux e taxe au niveau u ommage marginal subi par la victime : τ = D m. L instauration une taxe pigouvienne sur les émissions polluantes est compatible avec le principe pollueur payeur puisqu il s agit e faire supporter au pollueur la ifférence entre le coût social et le coût privé e son activité. Du point e vue e la recherche u niveau optimal e pollution, il aurait été équivalent e faire payer aux victimes le coût e la épollution mais les eux solutions n ont naturellement pas les mêmes conséquences ni en termes efficacité économique, ni en termes e istribution es revenus ce qui ren la secone éthiquement et politiquement peu acceptable. m Mireille Chiroleu-Assouline 3

Dans le cas particulier où la pollution est un prouit fatal e la prouction un bien, l internalisation e l externalité passe par l application une taxe pigouvienne sur le bien lui-même et la réuction nécessaire es émissions implique une réuction proportionnelle e la prouction u bien incriminé. Il est a contrario clair qu une taxe sur le prouit sera inefficace ans tous les autres cas, où le taux émission peut être irectement contrôlé par les firmes. L instauration une taxe environnementale rencontre cepenant es obstacles, e façon générale, mais aussi ans certaines situations particulières, évoquées ici. 2.1.1 Pollueurs multiples aux effets ifférenciés Il est rare que les externalités soient simplement bilatérales et la plupart es phénomènes e pollution qui ont été cités jusqu ici mettent en réalité en scène e multiples pollueurs et e multiples victimes. Dans le cas où les émissions e chaque source affectent e la même façon le ommage marginal u consommateur représentatif, une propriété simple est vérifiée : à l optimum, les bénéfices marginaux us à la pollution sont ientiques pour chacune es firmes polluantes, égaux au ommage marginal total subi par la victime e la pollution (il est équivalent e ire qu à l optimum, les coûts marginaux e épollution sont au même niveau pour tous les pollueurs). Par conséquent, l externalité pourra ici encore être simplement internalisée à l aie une taxe pigouvienne e taux uniforme pour tous les pollueurs. En revanche, lorsque les pollueurs ont es effets ifférenciés sur les ommages subis par la victime représentative, en raison e leur localisation géographique ou e l hétérogénéité e leur pollution, le bénéfice marginal retiré e la pollution par chacune es firmes oit être égal, à l optimum, à sa contribution iniviuelle au ommage marginal subi par les victimes : le taux e taxe pigouvienne nécessaire à l internalisation n est plus uniforme mais ifférencié selon les sources e pollution, ce qui pose éviemment es problèmes supplémentaires information. 2.1.2 Pollutions iffuses Un autre type e ifficulté est introuit par le traitement es pollutions iffuses, c est-à-ire les pollutions causées par e nombreuses sources e pollution ifficiles ou très coûteuses à ientifier ou à contrôler, qui posent à la fois un problème e mesure es émissions (ans ce cas, la taxation oit porter sur es inputs par exemple comme ans le cas es pollutions origine agricole par les engrais et les pesticies) et surtout un problème e hasar moral, lorsque les conséquences u comportement es pollueurs sur le niveau global e pollution ne peuvent pas être iniviualisées. La taxe sur les émissions est ainsi typiquement appropriée aux pollutions non iffuses ont les responsables sont aisément ientifiables et contrôlables (échets, pollution e l eau mais non la pollution atmosphérique). 4 Mireille Chiroleu-Assouline

Dans le cas e pollutions iffuses où se pose en outre un problème e hasar moral, la taxe comme la norme sont inefficaces car le régulateur ne peut pas contrôler rigoureusement les efforts es pollueurs pour réuire leurs émissions. Il est alors nécessaire e mettre en place es mécanismes incitatifs complexes, comme les taxes ambiantes proposées par K. Segerson [1988]. 2.1.3 Choix u taux et e l assiette e la taxe En théorie, il evrait être très simple internaliser totalement une externalité et atteinre le niveau optimal en instaurant une taxe pigouvienne. La quantité information nécessaire à leur mise en place est cepenant trop importante pour qu en pratique l optimum e Pareto puisse être restauré. En effet, la étermination u niveau e pollution optimal nécessite e connaître aussi bien la fonction e ommage marginal subi par les victimes que les caractéristiques u coût marginal e épollution. L évaluation monétaire es ommages présente e nombreuses ifficultés, tanis que la connaissance es coûts marginaux e épollution pose essentiellement es problèmes e collecte information et en particulier asymétries information. Lors es négociations préalables à la mise en œuvre une politique, les pollueurs ont intérêt à surestimer leurs coûts abattement ce qui conuirait le régulateur à surestimer le niveau e pollution optimale et par conséquent à fixer une norme trop laxiste, un taux e taxe trop faible ou une subvention trop élevée. Le choix e l assiette e la taxe est tout aussi crucial que celui u taux. D un point e vue théorique, il est essentiel que celle-ci soit liée le plus étroitement possible avec l externalité : ans tous les cas e flexibilité es taux émission, il faut taxer irectement les émissions e préférence aux activités polluantes (consommation ou prouction). C est ailleurs la situation envisagée en théorie et présentée ici. Seule la situation où les taux émission sont constants (lorsque la pollution est un prouit fatal, en proportion constante, e la prouction ou e la consommation un facteur e prouction) permet l équivalence impact entre une taxe sur les émissions et une taxe sur le prouit engenrant les émissions. Il existe cepenant es cas ans lesquels il est nécessaire, voire obligatoire, e taxer les inputs ou les prouits. La règle générale résulte une fois e plus e la comparaison entre les coûts respectifs. Il sera ainsi possible e taxer irectement les émissions lorsque celles-ci sont irectement et précisément mesurables sans coût excessif tanis qu il faura se rabattre sur une politique plus inirecte en prélevant taxes ou reevances sur les prouits lorsqu il serait ifficile ou trop coûteux aministrativement e mesurer irectement les émissions. Ce peut être le cas es pollutions iffuses où l on choisira e taxer les inputs polluants (taxes sur les engrais plutôt que sur les rejets e nitrates es exploitations agricoles). Mireille Chiroleu-Assouline 5

2.2 Subventions La lutte contre la pollution s effectue ans certains cas par le versement e subventions : en France, par exemple, es aies sont versées et es prêts consentis aux inustries et aux collectivités locales pour les soutenir ans leurs efforts e limitation es rejets, assainissement et épuration es eaux. 2.2.1 Subventions à la réuction es émissions polluantes es proucteurs Du point e vue strict u niveau e pollution atteint, il est naturellement équivalent à court terme e taxer les pollueurs pour obtenir eux qu ils réuisent leurs émissions ou e les subventionner ans leurs activités e épollution. En effet, si l agent polluant reçoit une subvention proportionnelle (e taux unitaire s ) à la réuction e ses émissions par rapport au niveau qu il aurait choisi en l absence e toute contrainte, son comportement rationnel consiste à épolluer tant que son coût marginal e épollution C m est inférieur au taux e subvention, ou encore tant que le coût opportunité une unité supplémentaire émission ( s ) est supérieur au bénéfice marginal qu il en retire ( C ). Le taux e subvention optimal est ainsi égal au taux e taxe optimal. C'est le même raisonnemnt que celui qui conuit à internaliser une externalité positive (comme la recherche et éveloppement) par le versement 'une subvention égale au bénéfice marginal retiré par l'ensemble e la société e cette activité. Néanmoins, les conséquences es eux instruments peuvent être très ifférentes à plus long terme, en particulier ans le cas émissions polluantes strictement proportionnelles à la prouction x. Notons x le niveau e prouction spontanément choisi par l entreprise en l absence e toute politique. En effet, l instauration une taxe e taux unitaire τ augmente à la fois le coût marginal et le coût moyen e prouction e l entreprise polluante ; en revanche, la subvention à un taux unitaire s e la réuction es émissions augmente le coût marginal e prouction e s (toute augmentation une unité e prouction élève les émissions une unité et réuit la subvention perçue e s) et iminue le coût moyen e prouction e s ( x x) x. C'est ce que montre la figure 1. m 6 Mireille Chiroleu-Assouline

Coûts C m + s C m C M C M s ( x x) x x Prouction x Figure 1. Effets sur les coûts 'une taxe et 'une subvention. Autant l instauration e la taxe peut conuire à éliminer es entreprises peu performantes, autant celle une subvention risque avoir l effet inverse, à savoir favoriser le maintien ans la branche entreprises peu rentables en abaissant leur seuil e rentabilité. À l extrême, es entrées e nouvelles entreprises peuvent même être stimulées, ce qui peut conuire au résultat paraoxal, qu avec la subvention, même si chaque entreprise présente réuit effectivement son volume iniviuel e pollution au niveau souhaité, au niveau agrégé, la pollution augmente et atteint ainsi un niveau supérieur à celui visé. Dans le cas où le taux émission serait flexible grâce à la possibilité aopter e nouvelles technologies, le résultat est plus incertain : la pollution globale s élèvera si le niveau émission es nouvelles unités e prouction est supérieur à la réuction e pollution es anciennes. Il est enfin éclairant e comparer les conséquences financières e la taxe et e la subvention pour les pollueurs et pour les victimes e la pollution. On peut ainsi consiérer que le pollueur est subventionné pour polluer, ou rémunéré pour épolluer. Le fait e subventionner la épollution es agents pollueurs est onc, à la fois ans l esprit et ans la pratique, contraire au principe pollueur payeur, car, ans ce cas, ce sont les victimes qui, à travers l autorité régulatrice, paient pour obtenir le niveau e pollution maximal qui leur convient. Last but not least, verser es subventions suppose e pouvoir les financer : à autres recettes et épenses publiques inchangées, la régulation environnementale par le versement e subventions nécessite e creuser le éficit public tanis que l instauration e taxes environnementales permet e le réuire. 2.2.2 Subventions à l aoption e nouvelles technologies Ce type e subventions est souvent proposé, ans la mesure où elles évitent la plupart es écueils présentés précéemment au sujet es subventions à la réuction es émissions et qu elles peuvent être Mireille Chiroleu-Assouline 7

envisagées comme l outil optimal e stimulation externalités positives. En effet, autant la taxe apparaît comme l instrument naturel internalisation une externalité négative, autant la subvention peut être éfenue pour sa capacité à augmenter l innovation et la iffusion e nouvelles technologies moins polluantes. Les consommateurs peuvent e même être subventionnés pour l achat e prouits moins polluants que autres, taxes et subventions pouvant être combinées pour accentuer l effet incitatif au changement e comportements achat (c est le principe u bonus-malus foné sur les émissions polluantes es véhicules neufs, acté lors u Grenelle e l environnement), tout en réuisant le problème u financement e la subvention, qui, sinon, se poserait naturellement aussi. Même si e telles subventions sont souvent mieux acceptées, sur le plan éthique, elles n en sont pourtant guère moins contraires que les autres au principe u pollueur-payeur (seuls les pollueurs qui s obstinent sont taxés tanis que ceux qui acceptent e réuire leurs émissions sont subventionnés). En outre, ans un contexte e concurrence internationale, la possibilité e leur instrumentalisation au service e politiques commerciales stratégiques apparaît e façon plus frontale encore que celle es taxes environnementales. 2.3 Permis 'émission négociables Comme nous l'avons vu, c'est essentiellement l absence e marché, pour es biens tels que l air, l eau, etc., qui conuit à une allocation imparfaite es ressources, particulièrement es ressources naturelles, mais aussi es facteurs e prouction polluants. L une es possibilités internalisation es effets externes, consiste ainsi à éfinir un marché, là où il n en existe pas a priori, et à laisser jouer les mécanismes e la concurrence. L'intervention e l État peut alors se limiter à la éfinition e roits e propriété ou e roits usage lorsqu ils font éfaut (biens libres) pour rétablir le bon fonctionnement e l économie. La coorination es comportements es agents économiques (ménages, entreprises, etc.) est alors assurée soit par la négociation irecte, soit par l émergence un signal e prix (un prix e la pollution) qui résulte e la confrontation es préférences iniviuelles et collectives. Il existe onc une filiation entre les moes internalisation négociée, telles que R. Coase (1960) a pu les proposer et ce que l on appelle aujour hui les systèmes e permis émission négociables. S il n y a aucune loi contre les émissions polluantes, si les victimes e l'externalité ne jouissent aucun roit particulier à isposer un environnement propre, celles-là consentiront à éommager le pollueur pour chaque unité e pollution non émise, et cela tant que le paiement effectué n excéera pas le ommage marginal subi. Le pollueur, e son côté, exigera un prix égal au bénéfice marginal qu il tire e ses émissions e polluants. À l équilibre, il y aura onc égalité entre profit marginal e l entreprise et ommage marginal subi par les victimes. Si les victimes jouissent au contraire un roit à bénéficier un environnement propre, le pollueur consentira à payer pour ses émissions tant que le paiement effectué n excéera pas le profit marginal qu il peut en tirer. Les victimes, e leur 8 Mireille Chiroleu-Assouline

côté, exigeront un prix égal au ommage marginal qu elles supportent. L équilibre ainsi obtenu égalise à nouveau le bénéfice marginal u pollueur et le ommage marginal subi par les victimes. Ainsi, l allocation es ressources qui résulte e ce processus e négociation irecte bilatérale est inifférente à l attribution initiale es roits e propriété, et elle est, sans intervention e l État, optimale : c'est le théorème e Coase. On pourrait en éuire rapiement qu il est toujours préférable, selon le critère u bien-être social, e éfinir es roits e propriété sur l environnement et sur les ressources naturelles, plutôt que e recourir à l intervention publique. L optimalité es procéures e négociations irectes touchant aux externalités peut cepenant être contrariée par es éfauts information ou encore par la présence e coûts e transaction. Les éfauts information concernent à la fois la ifficulté réelle établir le ommage externe marginal subi et l utilisation stratégique qui peut être faite e la connaissance privée es bénéfices marginaux (e la pollution ou e la épollution). Dans l exemple que nous avons exposé, les victimes, lorsqu elles jouissent un roit à bénéficier 'un environnement propre peuvent être incitées à ne pas révéler leur information privée et à surévaluer le ommage marginal qu elles subissent. Le niveau e pollution atteint par la négociation ne sera alors pas spontanément optimal. Coase (1960) suppose par ailleurs que les agents impliqués ans la négociation irecte ne supportent pas e coûts e transaction. Ces coûts e transaction ésignent plus généralement les coûts e coorination es agents économiques (émarche acquisition e l information, e contrôle es niveaux e pollutions, etc.). On peut consiérer que cette hypothèse est réaliste, ans le cas une négociation bilatérale. Mais souvent les atteintes à l environnement concernent simultanément un gran nombre agents, les pollutions globales apparaissant comme un cas limite. La confrontation et la coorination es préférences privées e toutes les parties impliquées nécessitent alors une organisation ont le coût ne peut plus être tenu pour négligeable. Dans certains cas, ce coût peut être réhibitoire (supérieur aux bénéfices attenus e la négociation) ou simplement supérieur à celui e l intervention publique, qui evient alors économiquement rationnelle. Lorsque le nombre agents concernés par une externalité est élevé, la création un marché peut apparaître comme une solution envisageable, pour assurer la coorination es préférences et es anticipations. Par éfinition, les externalités sont hors u marché. Leur intégration ans le marché ne va onc pas e soi, n est pas spontanée. Elle nécessite l intervention e la puissance publique, au stae e la conception u ispositif internalisation et à celui e sa mise en œuvre, e façon plus ou moins marquée. De ce point e vue, la création un système e permis émission négociables relève une approche par les quantités (tanis que la fiscalité relève une approche par les prix). Il est alors nécessaire e fixer un plafon global e pollution, c'est-à-ire le nombre total e permis émission (ou e roits usage une ressource naturelle) qui pourront être échangés penant une périoe Mireille Chiroleu-Assouline 9

onnée (un trimestre, une année, une écennie, etc.). Ce plafon émission est généralement éfini en référence à une année e base ou en référence à un point moyen. Les permis (permis émettre une tonne e ioxye e carbone, par exemple) oivent ensuite être répartis entre les agents concernés par l externalité, en tout cas ceux que l autorité publique souhaite voir participer au système. La répartition es permis peut être réalisée selon l une ou l autre es moalités suivantes (éventuellement combinées) ; tout abor, les permis ou les roits à polluer (un roit usage e l environnement ou une ressource naturelle) peuvent être mis aux enchères, selon un schéma qui se rapproche e l introuction actions sur un marché boursier. Le prix qui résulte e cette moalité e répartition reflète théoriquement le consentement à payer es agents pour la iminution e la pollution qui sert assiette au système. Les permis peuvent également être venus à un prix initial fixé à l avance. Dans les eux cas (mise aux enchères sur une place boursière, vente e permis à un prix fixé à l avance), l allocation initiale es permis engenre es recettes qui peuvent venir aboner le buget e l État. Enfin, les permis peuvent être attribués gratuitement (chaque trimestre, chaque année, etc.) ; une es solutions souvent avancée ou mise en pratique consiste à allouer gratuitement les permis aux agents en fonction e leurs émissions passées (ce que l on ésigne, ans la littérature anglo-saxonne sur le sujet, par le terme e granfathering). Cette solution a souvent la préférence es inustriels ou es agents concernés par le système e permis négociables que l on crée ou que l on envisage e créer pour es motifs istributifs imméiats évients. L allocation gratuite peut aussi (lorsque les entreprises sont concernées) se faire en fonction e la prouction passée. La confrontation e l offre et e la emane e permis ébouche sur la fixation un prix u permis émission. En effet, chaque agent oit isposer, pour toute unité supplémentaire e polluant émise, un permis. Aussi, lorsqu il sera confronté à une contrainte sur ses émissions (mise en place une politique visant à réuire les émissions globales), son calcul économique iniviuel le conuira à comparer ce que lui coûterait la réuction une unité supplémentaire e pollution (son coût marginal e réuction e la pollution) à ce que lui coûterait l achat un permis émission supplémentaire (le prix u permis). Tant que le coût marginal e réuction sera inférieur au prix u permis, l agent économique choisira e réuire ses émissions (par exemple en utilisant une technologie propre) plutôt que acheter un permis. À l équilibre, il lui est inifférent acheter un permis supplémentaire ou e réuire sa pollution une unité supplémentaire ; cela se prouit lorsque le coût marginal e réuction e la pollution est égal au prix u permis. Pour que le marché ou le système e permis émission négociables soit actif, il faut onc que les agents économiques aient es coûts marginaux e réuction e la pollution hétérogènes ; ceux qui, initialement, ont un coût marginal e réuction e la pollution inférieur au prix u permis seront potentiellement veneurs e permis ; ceux qui, initialement, ont un coût marginal e réuction e la pollution supérieur au prix e permis seront potentiellement acheteurs e permis. Cette hétérogénéité suscite une offre et une emane e permis, et assure l émergence un prix e permis. Au total, chaque agent, selon le raisonnement tenu précéemment, aligne son coût 10 Mireille Chiroleu-Assouline

marginal e réuction e la pollution sur le prix u permis émission ; le système conuit onc à l égalisation es coûts marginaux inter-iniviuels e réuction e la pollution ; l objectif e épollution est alors obtenu au coût minimum. 3 Efficacité comparée es instruments 3.1 Notions efficacité Le concept efficacité peut avoir plusieurs acceptions qu il est important e istinguer pour apprécier convenablement les ifférences impact es instruments e régulation e la pollution. La première est celle e l efficacité environnementale, autrement it la capacité e l instrument à atteinre l objectif environnemental visé : ans un mone iéal où le régulateur saurait évaluer précisément coûts e épollution et ommages causés par la pollution, ce serait le niveau e pollution optimal éfini par l égalité entre le coût marginal e épollution et le ommage marginal provoqué par les émissions. La secone, la plus couramment mentionnée est la notion efficacité économique, ou efficacité au sens e Pareto, ou encore la capacité à atteinre un objectif environnemental onné à moinre coût pour l ensemble e l économie. Cette efficacité peut elle-même être écomposée en eux volets : l efficacité statique, évaluée à technologie inchangée, et l efficacité ynamique, représentant la capacité e l instrument à moifier les trajectoires technologiques es pollueurs en les poussant continûment à innover ou à aopter es technologies moins polluantes. 3.2 Efficacité environnementale En théorie, en situation information parfaite et en l absence incertitue, u point e vue e la réalisation e l objectif environnemental, normes, taxes ou subventions, et systèmes e permis émission négociables sont équivalents. Pour atteinre un niveau e pollution onné (qu il soit optimal ou pas), lorsque les coûts marginaux e épollution sont parfaitement connus, les pouvoirs publics peuvent inifféremment choisir instaurer le taux e taxe qui correspon à ce niveau e pollution, ou créer un système e permis émission négociables qui mette en circulation une quantité e permis respectant ce même niveau e pollution, ou encore fixer une norme émission e même niveau que le quota. La ifférence essentielle ans ce cas est que la norme correspon à un quota inépassable par le pollueur, tanis que par éfinition, le quota e permis émission est échangeable : ans le premier cas, les efforts sont imposés, ans le secon, ils sont moulables ans le care une contrainte globale. Le taux e taxe qui conuit à la limite émission retenue est égal au prix équilibre u système e permis émission négociables créé ans le respect e cette même limite émission. Mireille Chiroleu-Assouline 11

Lorsqu on s écarte e la situation théorique e étermination par le régulateur u niveau optimal e la pollution, onc ans un care e secon rang, si la création u système e permis s accompagne une iffusion un nombre prééfini e permis, la réalisation e l objectif fixé ex ante est assuré tanis que l instauration une taxe ne permet pas obtenir spontanément un tel résultat : le taux corresponant à un niveau e pollution onné ne peut être issu que un processus e tâtonnement qui, bien qu envisageable, implique à la fois es coûts aministratifs (l autorité publique oit réviser régulièrement le taux e taxe) et une altération es anticipations que les agents peuvent former. Ainsi, ans toutes les situations réelles, et non théoriques, la régulation par les quantités est naturellement plus efficace que celle par les prix, sur le plan e la réalisation es objectifs environnementaux. Ensuite, par rapport à une taxe qui porterait sur la même externalité, le prix résultant e la confrontation e l offre et e la emane e permis s aapte en permanence aux conitions économiques (croissance, récession, progrès technique, etc.) contemporaines aux échanges. En particulier, les propriétés incitatives un système e permis négociables ne sont pas éroées par l inflation, ce qui garantit l obtention e l objectif en termes e niveau e pollution. 3.3 Efficacité statique La littérature met en évience e façon générale la supériorité es instruments économiques sur les instruments réglementaires, en termes efficacité économique statique (cost efficiency) mais ce résultat mérite être argumenté et nuancé. 3.3.1 Taxes et normes Une norme émission s applique e façon uniforme à tous les pollueurs, quel que soit le montant e leur coût marginal e épollution. L application une norme inifférenciée à es pollueurs caractérisés par es coûts e épollution ifférents leur impose es efforts e épollution très ifférents en termes e coûts. La recherche e l efficacité économique supposerait au contraire e minimiser le coût global e épollution en imposant es normes ifférentes aux pollueurs. En présence une taxe (calibrée pour atteinre le même objectif) ou 'une subvention à la épollution, en revanche, les pollueurs ont le coût 'abattement est faible réuiront avantage leurs niveaux émission que ceux ont le coût 'abattement est élevé. L effort le plus important est ainsi réalisé par le pollueur le plus apte à l effectuer. Au contraire es normes, taxe et subvention permettent ainsi e minimiser les coûts agrégés e épollution. L équivalence sur ce point entre norme et instruments e régulation par les prix ne pourrait être obtenue que par la ifférenciation parfaite es normes selon les pollueurs, ce qui est irréalisable en raison es coûts e collecte information et e contrôle aministratif. 12 Mireille Chiroleu-Assouline

La taxe est ainsi un instrument efficace et supérieur à la réglementation ou aux subventions, au sens où elle permet atteinre un objectif onné à coût minimal sans pour autant exiger u régulateur la connaissance u coût e réuction es émissions es pollueurs. Cette hiérarchisation se renverse néanmoins si l on consière le coût total e la politique pour les pollueurs : là où la norme ne leur impose que le coût e épollution nécessaire à la mise en conformité aux exigences réglementaires, l existence une taxe les conuit à payer, en supplément u même coût e épollution, une taxe proportionnelle au total e leurs émissions restantes. Le niveau u bien-être social total est le même ans le cas e la taxe ou ans celui e la norme, mais il n est simplement pas istribué e la même façon entre les agents, le renement e la taxe étant en général consiéré comme reistribué e façon forfaitaire aux contribuables. L efficacité statique es eux types instruments est ientique, mais les victimes e la pollution reçoivent, grâce à la taxe, une inemnisation supérieure à leur ommage persistant. 3.3.2 Taxes et permis émission négociables En l absence incertitue et imperfection e l information, les taxes et les systèmes e permis émission négociables sont théoriquement équivalents, tant sur le plan e l efficacité environnementale que sur celle e l efficacité économique puisque le taux e taxe qui conuit au niveau e pollution jugé optimal est égal au prix équilibre u système e permis émission négociables corresponant à cette limite émission. Les eux types instruments assurent la minimisation u coût e la réalisation un objectif environnemental. En revanche, en univers incertain, les eux instruments ne sont plus équivalents. À partir un moèle simple, M. Weitzman (1974) montre que le choix entre une taxe et un système e permis émission négociables, pour réguler une pollution quelconque, épen es pentes respectives e la courbe agrégée e ommage marginal et e la courbe agrégée e coût marginal e réuction e la pollution. On suppose ici que l incertitue porte sur la courbe e coût marginal e réuction e la pollution et que les pouvoirs publics cherchent à atteinre le niveau optimal e pollution. Théoriquement, la taxe evrait être instaurée au taux τ (voir figure 2.4), si l approche fiscale était retenue ; la quantité e permis evrait être établie à Q *, si l approche par les permis émission négociables était choisie. Supposons en effet que les pouvoirs publics méconnaissent la courbe e coût marginal e réuction e la pollution (celle-ci ayant une pente plus élevée que la courbe e ommage marginal) et se comportent en supposant qu il s agit e la roite C supposé. En conséquence, ils fixent un taux e m taxe τ ou une quantité e permis Q permis, selon l instrument qu ils privilégient. Cepenant, la vraie courbe e coût marginal e réuction es émissions correspon au lieu C vrai. m Mireille Chiroleu-Assouline 13

Les eux instruments se trauisent onc par es pertes e bien-être, schématisées ici par les triangles e la figure 2. Sur cette représentation simple, la perte liée à l approche par les quantités (triangle be) apparaît plus importante que celle liée à l approche par les prix (triangle abc); il est alors rationnel e choisir la taxe plutôt que le système e permis émission négociables. Par conséquent, lorsque la pente e la courbe e coût marginal e réuction est beaucoup plus élevée (en valeur absolue) que celle u ommage marginal, l espérance e perte e bien-être est minimisée par le recours à la taxe. Lorsqu au contraire la pente e la courbe e ommage marginal est plus élevée que celle e la courbe u coût marginal e réuction e la pollution, il est préférable, toujours selon le même critère e minimisation e l espérance e perte e bien-être, e recourir à un système e permis émission négociables. Coût C m supposé C m vrai D m τ τ a c b e Qtaxe Q Q permis Émissions Figure 2. Taxes et permis émissions en présence incertitue. Enfin, si l attribution es permis se fait gratuitement, le coût e la politique environnementale pour les pollueurs est beaucoup plus faible que ans le cas e la taxe, car au lieu e payer le prix unitaire u permis pour chaque unité e polluants émise, les plus inefficaces en termes e coût e épollution oivent seulement financer la quantité e permis qui leur est nécessaire au-elà e leur quota initial, tanis que les plus efficaces réalisent même un gain en venant leurs permis sur le marché. Le coût total pour les pollueurs n est ientique à celui causé par la taxe que ans le cas où les permis seraient en totalité initialement venus aux enchères. 3.3.3 L éventualité un ouble iviene Dans le contexte e la polémique rémanente sur le bien-foné es politiques environnementales et sur les freins que celles-ci exerceraient sur la croissance et l emploi, un argument supplémentaire en faveur e la fiscalité environnementale a pu être trouvé ans le fait que les recettes supplémentaires 14 Mireille Chiroleu-Assouline

ainsi prélevées, ont le montant épasserait e beaucoup les besoins e financement installations e épollution, pourraient être recyclées afin en retirer également un bénéfice purement économique en termes e croissance, emploi ou plus généralement e bien-être économique grâce à la réuction e istorsions existantes ans le système fiscal éjà en place. Le recyclage u renement e la taxe permettrait ainsi l obtention un ouble iviene, un bénéfice économique s ajoutant au bénéfice environnemental. À la suite e Gouler [1994], le ébat sur la possibilité un ouble iviene, au sens fort, porte sur la question suivante : recycler le renement e la taxe environnementale, à recettes bugétaires inchangées, en abaissant le taux une taxe istorante existante conuit-il à un niveau e bien-être supérieur au niveau initial? La forme forte u ouble iviene est ainsi vérifiée si la taxe environnementale est moins istorante que les taxes istorantes existantes, autrement it si la taxe environnementale inuit un coût en bien-être plus faible qu'une taxe istorante e même renement. L évaluation e ce secon iviene est élicate car l existence un secon iviene épen e l amplitue respective e eux effets : l effet e recyclage u revenu, qui permet e réuire la charge excéentaire es impôts préexistants, et l effet interaction es taxes qui peut augmenter les coûts bruts en bien-être e la taxe environnementale. Mais, si l hypothèse e l existence un ouble iviene evait être vérifiée, quelle en est la conséquence en termes efficacité économique respective es instruments e politique environnementale? Clairement, l avantage que présente la taxe e procurer es recettes recyclables e façon à rechercher l obtention un ouble iviene, n est pas partagé par la norme, ni par les systèmes e permis émission négociables, à moins que ceux-ci ne soient venus initialement aux enchères. Enfin, il est nécessaire e relativiser cet avantage e la taxe ans tous les cas où la fiscalité environnementale est envisagée comme un moyen e moifier raicalement les comportements (lorsque les biens touchés ont es substituts moins polluants) car alors, sa vocation est e isparaître progressivement avec son assiette et l utilisation e son renement ne peut être que transitoire. 3.3.4 Incitation à frauer et coûts e contrôle Quel que soit l instrument utilisé, tous les résultats énoncés jusqu ici concernent un mone iéal où les émissions seraient parfaitement observées et mesurées par le régulateur, sans qu il y ait e istorsion ue à une mise en conformité insuffisante, ou à es fraues sur les niveaux émission. L observation es émissions est néanmoins souvent élicate et cette asymétrie information entre le pollueur et le régulateur fait naître une incitation à frauer, éviemment autant plus importante que la politique est coûteuse : onc sans oute plus forte ans le cas une taxe que ans le cas une norme ou un système e permis émission négociables. En effet, nous l avons vu, même si le prix Mireille Chiroleu-Assouline 15

marginal e l unité émissions est ientique, en l absence incertitue, pour les trois types instruments, le coût total n est pas le même. Un coût total plus fort peut exercer une pression subjective plus forte à l évitement e la politique. En outre, l existence imperfections e la concurrence sur le marché es permis émission négociables réuit l incitation à frauer par rapport à la taxe : en effet, ans le cas e la taxe, le pollueur qui omet e éclarer une unité e polluant, gagne le montant e la taxe unitaire, le gain étant le même ans le cas un marché e PEN parfaitement concurrentiel. Mais, si le pollueur exerce un pouvoir e monopsone, en réuisant sa emane e PEN, il fait iminuer le prix es permis sur le marché et le montant économisé est e plus en plus faible lorsque la fraue granit. Seules la mise en place e procéures e contrôle associées à es pénalités un montant unitaire au moins égal, en espérance (onc en tenant compte e la probabilité e étection e la fraue), à celui e la taxe ou u prix u permis sont susceptibles e réuire cette incitation à frauer et e rétablir l efficacité environnementale, au étriment e l efficacité économique. 3.4 Efficacité ynamique Pour parvenir à réuire ses émissions polluantes, une entreprise a, en règle générale, le choix entre réuire sa prouction, à technologie et nature es inputs inchangées, et maintenir le niveau e celle-ci en recourant à e nouvelles technologies moins polluantes. Ces nouvelles technologies peuvent consister en l ajonction e ispositifs e réuction es émissions en bout e chaîne, ou en-of-pipe (filtres) ou en es technologies intégrées (nouveaux processus e prouction plus propres). Chacun es instruments envisagés incite l entreprise polluante à réuire ses émissions et elle le fait en minimisant ses coûts, ce qui peut passer par l innovation environnementale. Mais, en outre, certains instruments ont la propriété exercer cette incitation e façon continue, en poussant l entreprise à épasser l objectif affiché e réuction e émissions : c est cette propriété qui est ésignée sous le nom efficacité ynamique. Même si cette efficacité pren sa source ans l incitation à innover, pour autant son appréciation ne peut pas se faire uniquement sur ce critère mais sur celui qui est utilisé constamment en économie u bien-être, celui e l efficacité au sens e Pareto, c est-à-ire e la maximisation u bien-être social. Ce critère englobe tous les critères partiels pertinents : Incitation à innover : bénéfice retiré par la firme innovatrice si elle s engage ans le éveloppement et l invention une nouvelle technologie Ampleur e l innovation : ifférence e taux émission entre la nouvelle et l ancienne technologie Incitation à aopter une innovation : supplément e profit procuré par l aoption e la nouvelle technologie Acceptabilité e la politique environnementale : profit es entreprises polluantes 16 Mireille Chiroleu-Assouline

Efficacité environnementale e la politique e régulation : réuction es émissions Le résultat essentiel an ce omaine est que clairement, les instruments économiques sont préférables à la norme, mais que l efficacité respective es instruments est contingente au egré imperfection e la concurrence u secteur polluant. 3.4.1 Secteur polluant en concurrence pure et parfaite Lorsque l objectif e épollution poursuivi est réalisé par l imposition une norme, les pollueurs n ont aucune incitation à épasser cette norme et à réaliser es réuctions supplémentaires e leurs émissions, en-ehors e l influence éventuelle e groupes e pression ou e préoccupations morales particulières à certaines entreprises. La taxe est en revanche ite ynamiquement efficace ans la mesure où elle exerce une incitation continue à l innovation. La figure 3 permet e mettre en évience cette propriété. Supposons que la mise au point e nouvelles technologies permette abaisser le coût marginal e épollution e Cm 2. Cm 1 à Coûts Norme Taxe D C B Cm 2 Innovation Cm 1 e e Émissions e Figure 3. Incitations à innover exercées par la taxe ou la norme. Leur comportement n est aucunement affecté par la présence une norme. Au contraire, en présence une taxe (pour un objectif ientique), il est rationnel pour le pollueur e profiter e l opportunité offerte par l innovation en exploitant le ifférentiel apparu entre le taux e taxe et le nouveau coût marginal e épollution : ses émissions iminuent alors ce qui lui permet e réaliser à la fois une économie en termes e coûts e épollution plus forte que ans le cas e la norme (aire B-D) et une économie sur le montant e la taxe qu il acquitte (aire C+D). Alors que la norme équivaut à une barrière qui ne sera pas volontairement franchie par les pollueurs, la régulation par les prix présente l avantage e les inciter continûment à l innovation afin e s efforcer e iminuer leurs coûts marginaux e épollution. Il est rationnel pour le pollueur e profiter e l opportunité offerte par l innovation en exploitant le ifférentiel apparu entre le taux e taxe et le nouveau coût marginal e épollution : ses émissions iminuent alors ce qui lui permet e Mireille Chiroleu-Assouline 17

réaliser à la fois une économie en termes e coûts e épollution plus forte que ans le cas e la norme et une économie sur le montant e la taxe qu il acquitte. Contrairement à la norme, la taxe exerce ainsi un effet permanent incitation à l innovation qui bénéficie non seulement aux pollueurs mais également à l ensemble e la société puisque les émissions iminuent. L efficacité ynamique résulte en une efficacité environnementale accrue. De façon analogue, la possibilité e vente e permis inutilisés agit comme une incitation permanente à l innovation technologique et à la iffusion es techniques ou es processus inustriels permettant aller au elà es exigences e qualité requises. En effet, au-elà e l efficacité ynamique émontrée par la taxe, l aoption es nouvelles techniques e épollution est également stimulée par la possibilité e tirer un revenu e la cession e l excéent e permis émission qu elle provoque. Malgré cela, les taxes procurent es incitations plus fortes que les permis émission négociables, si le régulateur est myope, car le prix es permis iminue au fur et à mesure e l aoption e la nouvelle technologie. Dans le cas où l innovation est prouite par une firme spécialisée qui exerce un pouvoir e marché, même transitoire (c est le cas le plus couramment observé, où l innovation est protégée par un brevet), l incitation à innover mais aussi la supériorité e la taxe sur les permis émission négociables sont autant plus fortes que ce pouvoir e marché est gran. En effet, la fonction e emane inverse e la firme innovante est plus élastique ans le cas e PEN que ans le cas e la taxe car, ès que es firmes aoptent la nouvelle technologie, le prix es permis émission négociables baisse, le monopoleur l anticipe et élève son prix pour l innovation, ce qui réuit l aoption. Le taux e iffusion e l innovation est onc plus faible avec les PEN qu avec la taxe (ce qui élève à nouveau le prix es PEN). Ainsi la taxe omine les permis émission négociables en cas engagement ex ante, parce que l innovateur ne peut pas influencer le taux e taxe tanis qu il peut affecter par son comportement le prix es permis. 3.4.2 Secteur polluant en concurrence imparfaite L imperfection e la concurrence ans le secteur polluant peut bouleverser ces résultats, en faveur es normes. La raison en est que l innovation environnementale, en réuisant les coûts, peut permettre aux entreprises polluantes augmenter leur prouction tout en réuisant leur taux émission. Les eux effets jouant en sens inverse, au total, la réuction e la pollution peut être plus faible qu en l absence innovation. Le critère e l incitation à innover joue alors en sens inverse u critère u bien-être social, si l augmentation u ommage étériore avantage le bien-être que l augmentation e l output ne l améliore. Enfin, ans le cas es permis émission négociables, chaque firme peut avoir un comportement stratégique tenant compte e sa position à la fois sur le marché es biens et sur celui es permis : 18 Mireille Chiroleu-Assouline

chacune sachant que l innovation profite à sa concurrente en abaissant le prix es permis, elle est moins incitée à innover. La comparaison e l efficacité es instruments e régulation environnementale est ainsi un problème aux multiples facettes. La supériorité souvent alléguée es instruments économiques sur les instruments réglementaires est générale sans être pourtant systématique, épenant en particulier es imperfections e l information ou e la concurrence. Mais l argument e l efficacité ne suffit pas toujours à imposer l utilisation un instrument là où es consiérations acceptabilité prévalent. Références Beaumais O., Chiroleu-Assouline M. [2002], Économie e l'environnement, Bréal, Paris. Chiroleu-Assouline M. [2001], Le ouble iviene Les moèles théoriques, Revue Française Économie, vol XVI, n 2, octobre 2001, pp. 119-147. Coase R.H. [1960], The Problem of Social Cost, Journal of Law an Economics, N 3. Gouler L.H. [1994], Environmental Taxation an the Double Divien : A Reaer's Guie, NBER Working Paper, n 4896. Pigou A. C. [1920], The Economics of Welfare, Macmillan, Lonres. Les fonements e l'analyse es externalités et l'introuction e la taxe pigouvienne. Weitzman M. [1974], Prices vs. Quantities, Review of Economic Stuies, vol. 41. Mireille Chiroleu-Assouline 19