MANIFESTATIONS SYSTEMIQUES DES INFECTIONS PAR LE VIRUS DE L HEPATITE C Dr. Fatma BOUSSEMA, Dr Lilia ROKBANI



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Transcription:

MANIFESTATIONS SYSTEMIQUES DES INFECTIONS PAR LE VIRUS DE L HEPATITE C Dr. Fatma BOUSSEMA, Dr Lilia ROKBANI Le virus C est associé à des manifestations extra-hépatiques d origine immunologique. Certaines sont prouvées par la biologie moléculaire comme la cryoglubulinémie mixte. D autres sont présumées auto-immunes : la production d auto-anticorps (facteurs antinucléaires, anticorps anti- LKM I ) est le plus souvent sans conséquence ; cependant d authentiques maladies auto-immunes comme les hépatites auto-immunes de types 1 ou 2, le syndrome de Sjôgren, le lichen plan et la thyroïdite auto-immune peuvent être associés à la maladie virale C. Certaines associations reposent seulement sur des données épidémiologiques comme la porphyrie cutanée tardive. L interféron α (INFa), traitement de base de l hépatite C chronique, est inducteur d auto-immunité et peut donc aggraver certaines de ces manifestations. Il est donc essentiel de savoir les identifier et les classer en fonction du mécanisme physiopathogénique établi ou potentiel. I ) Peut-on établir la fréquence des manifestations extra-hépatiques liées au VHC? Deux études prospectives ont tenté d établir la prévalence globale des anomalies immunologiques, cliniques et /ou biologiques engendrées par le virus C. L ensemble de ces manifestations est rapporté dans le tableau I. Les atteintes cliniques observées sont essentiellement cutanées et musculo-articulaires (15 à 20%). Les signes biologiques sont dominés par la cryoglobulinémie et la présence d auto-anticorps (facteurs anti-nucléaires, anticorps anti-cardiolipines, facteurs rhumatoïdes). La présence de ces auto-anticorps n est pas liée aux manifestations cliniques. Ainsi, les manifestations cliniques et biologiques extra hépatiques liées au virus C ont une grande fréquence lorsqu on les recherche systématiquement. Il est important d en préciser le retentissement clinique réel dans la prise en charge thérapeutique. Type de manifestations Prévalence globale des manifestations extrahépatiques Études Germivic (n=235) % Pawlotsky (n=61) % Arthralgies 22 - Xérostomie 16 - Xérophtalmie 12 - Myalgie 11 - Myalgies 10 - Neuropathies sensitives 10 - Syndrome de Raynaud 8 - Purpura 68 - cryoglobulinémie 43 21 Facteurs anti-nucléaires (FAN) 37 13 Ac anti-phospholipides 36 - Facteur rhumatoïde 14 43 Ac anti-thyroglobuline 4 Ac anti-muscle lisse 9 13 Ac anti-peroxydase 4 1 Ac anti-lkmi (liver kindney microsome) 0 3 Prévalence globale des Ac anti tissus 64 25 63

II) Étude analytique des manifestations extra-hépatiques : La classification des différentes manifestations extra-hépatiques est présentée dans le tableau II ; 1) Manifestations étayées par la biologie moléculaire et la virologie : Cryoglobulines et hépatite C : Les cryoglobulines retrouvées au cours de l infection virale C sont des cryoglobulinémies mixtes de type II ou III. Les cryoglobulines sont des immunoglobulines (Ig) ayant la particularité de précipiter à une température inférieure à 37 C. Les patients ayant des cryoglobulinémies mixtes dites «essentielles» sont infectés entre 50 et 80% par le VHC. Les patients infectés ont une prévalence de cryoglobulinémies de type II ou III variant de 36 à 54%. Le rôle direct du VHC dans la genèse de celles-ci est prouvé par la présence de fortes concentrations d acide ribonucléique et de protéines virales entières au sein du cryoprécipité. Des manifestations cliniques en rapport avec une cryoglobulinémie mixte dite «essentielle» sont présentes dans 10 à 25 % des cas avec, par ordre de fréquence croissante, des manifestations cutanées (purpura, ulcère, livedo, gangrène, syndrome de Raynaud) puis des neuropathies et glomérulonéphrites. Les lésions tissulaires observées ont un mécanisme physiopathologique mal connu : dépôt de complexes immuns ou de cryoglobulines dans les vaisseaux. Le développement d une cryoglobulinémie mixte dite essentielle est lié à la durée de l infection. A l exception de l Italie, où l on observe une prévalence élevée du génotype2, il n y a pas de lien entre présence d une cryoglobuline et génotype. Le traitement de la cryoglobulinémie, qu elle soit responsable de signes cliniques ou non, est le traitement classique de l hépatite chronique C. L efficacité de l interféron dans le traitement de la cryoglobulinémie mixte dite «essentielle» est une preuve du rôle pathogénique direct du virus C dans cette affection. Des études contrôlées ont prouvé l efficacité de l interféron dans plus de 50% des cas portant sur la vascularite cutanée, la fonction rénale et la protéinurie, le tout s accompagnant d une baisse de la virémie, de la concentration de la cryoglobuline et du facteur rhumatoïde. Aucune étude n a retrouvé d amélioration des symptômes neurologiques sous interféron. Cependant, seulement 10% des patients ont des rémissions à long terme après l arrêt du traitement. Enfin, la rechute peut se traduire par une exacerbation des symptômes. Le nombre de réponses soutenues semble amélioré par l utilisation de doses plus élevées d interféron ou par l utilisation d une bithérapie interféron-ribavirine. Il est lié aux facteurs virologiques pronostiques classiques (génotype, charge virale). La ribavirine en monothérapie peut être efficace sur les signes cliniques de cryoglobulinémie mixte dite «essentielle» mais sans réponse soutenue. La cryoglobuline constituerait un complexe antigène-anticorps spécifique du VHC avec IgM à activité facteur rhumatoïde visant à «éliminer» le virus. Comme l expansion monoclonale ou polyclonale des lymphocytes B est responsable de la production de cryoglobuline, la cryoglobulinémie mixte dite «essentielle» peut être considérée comme un désordre lymphoprolifératif. La durée plus longue de la maladie observée chez les patients avec ce type de cryoglobulinémie correspond à une stimulation répétée prolongée du système immunitaire. Glomérulonéphrites : Les glomérulonéphrites membrano-prolifératives rapportées au cours de l infection par le VHC sont le plus souvent des complications de la cryoglobulinémie mixte dite «essentielle» de type II (90% des cas). Le traitement en est donc l interféron. En diminuant la réplication virale et la concentration de cryoglobulinémie, on peut entraîner une amélioration ou une disparition de la protéinurie. Là encore, les rechutes sont fréquentes à l arrêt du traitement et la réponse de l atteinte rénale est étroitement liée à la réponse virologique à long terme. La rechute peut se solder par un rebond de la maladie rénale. Peu de cas traités sont actuellement publiés ; la bithérapie par interféron et ribavirine serait à évaluer. 64

Périartérites noueuses : L infection chronique à VHC peut être associée à des vascularites atteignant les vaisseaux de petit calibre comme dans la cryoglobulinémie mixte dite «essentielle» et de moyen calibre comme dans la périartérite noueuse. La prévalence des anticorps anti-vhc dans la PAN est de 5 à 12 %. Les patients porteurs d une PAN associée au VHC sont caractérisés par une atteinte cutanée et neurologique sévère (neuropathie sensitivo-motrice multifocale). Le traitement est identique au traitement de référence des périartérites noueuses associées au virus de l hépatite B : corticothérapie initiale, échanges plasmatiques et interféron avec une efficacité spectaculaire sur les quelques malades traités. Lymphopathies : L association infection par le VHC et lymphome malin non hodgkinien de type B a été rapportée chez les patients porteurs de cryoglobulinémie mixte dite «essentielle» de type II ou non et semble liée à une durée prolongée de la maladie. Une prévalence élevée (jusqu à 13%) a été observée essentiellement en Italie mais n est pas confortée par d autres études. Cette relation semble exister avec d autres syndromes lymphoprolifératifs de type B (leucémie lymphoïde chronique, maladie de Waldentrom ) et n est pas du tout retrouvée avec des syndromes lymphoprolifératifs de type T. ainsi, il existe un lien physiopathologique et épidémiologique entre syndrome lymphoprolifératif de type B et maladie virale C, mais les études italiennes sont les seules à retrouver une prévalence aussi élevée. Classification des manifestations extrahépatiques liées au VHC Type de manifestation Lien direct avec le virus Autoimmune Lien épidémiologique Degré d association Cryoglobuline X +++ Glomérulonéphrite X +++ Périartérite noueuse X +++ Lymphome X + Thyroïdite X ± Syndrome de Sjogren X ++ Lichen plan X ± Purpura thrombopénique idiopathique X + Porphyrie cutanée tardive X + 2) Manifestations présumées auto-immunes : Certains antigènes viraux du VHC pourraient sensibiliser les cellules immunitaires, soit en déclenchant le processus immun, soit par homologie avec les antigènes de l hôte, soit par mimétisme moléculaire. Maladies auto-immunes et marqueurs VHC faussement positifs : Des réactions faussement positives avec les tests ELISA de première génération ont été observées chez les patients atteints de maladie auto-immune, corrélées à l hypergamma-globulinémie. La fréquence de ces faux positifs a diminué avec les tests ELISA de 2è puis 3è génération mais non totalement. En pratique, un test de confirmation RIBA (recombinant immunoblot assay) ou mieux une amplification génomique PCR (polymerase chain reaction) permet de résoudre ces faux positifs. 65

Infection par le VHC et auto-anticorps isolés sans maladie générale : Une prévalence élevée d auto-anticorps a été décrite au cours de la maladie virale C (facteurs anti-nucléaire, anti-muscle lisse, anti-lkmi, anti-cardiolipines ) (tableau I). le plus souvent, ces anticorps sont non spécifiques : les facteurs anti-nucléaires ont un aspect moucheté sans activité anti- ADN ou anti-ena, les anticorps anti-muscle lisse n ont pas de spécificité anti-actine. Ils sont par ailleurs retrouvés au cours d autres hépatopathies chroniques. Les anticorps anti-lkmi sont plus spécifiques du virus C, ils n ont pas de rôle pathogène particulier. Les anticorps anti-cardiolipines sont présents avec une grande fréquence et ne s accompagnent pas de manifestations thrombotiques. Infection par le VHC et maladies auto-immunes : La distinction entre auto-anticorps associés à la maladie virale C et maladie auto-immune associée à une infection virale C n est pas toujours aussi simple. Cette distinction est, cependant, d autant plus importante que le traitement par interféron peut exacerber une maladie auto-immune et que l effet du traitement immunosuppresseur sur la maladie virale C n est pas dénué de risques. Un exemple de problème pratique classique est la distinction entre une hépatite auto-immune de type 1 ou 2, associée à une infection virale C et d une hépatite chronique C associée à une autoimmunité biologique non spécifique. Un certain nombre de critères cliniques et biologiques peuvent permettre un choix thérapeutique. Chez une femme jeune présentant des manifestations extrahépatiques auto-immunes avec une élévation de l ALAT (alanine aminotranférase) sérique, un titre élevé d auto-anticorps, des arguments histologiques tels qu une importante nécrose parcellaire, des lésions hépatiques lobulaires, un infiltrat inflammatoire intense avec plasmocytes, le traitement immuno-supresseur est efficace et l interféron délétère. A l inverse, chez les patients plus âgés, de sexe masculin sans manifestation extrahépatique auto-immune, avec un titre d auto-anticorps faible, l utilisation de l interféron peut être tentée. La distinction n est pas aussi souvent caricaturale, une hépatite chronique C pouvant s associer dans certains cas à des titres élevés d auto-anticorps anti-lkm1 sans qu il ait d hépatite auto-immune. Au moindre doute, un traitement d épreuve par corticothérapie paraît justifié. Anomalies thyroidiennes : La présence d anomalies thyroidiennes (Ac antithyroglobuline et antimicrosomes), d hypothyroîdies, de goitres multinodulaires a été retrouvée dans 12% des cas d hépatite chronique C non traitée et uniquement chez les femmes. Les dernières études ne les retrouvent pas plus fréquemment que dans la population générale. En revanche, la révélation ou l induction d une dysthyroîdie chez des malades traités par l interféron n est pas controversée : thyroîdites auto-immunes, hypo-ou hyperthyroîdies sans autoanticorps, apparition d auto- anticorps sans manifestation clinique. Le risque chez une femme ayant des anticorps antithyroîdiens à titre élevé de développer une dysthyroîdie sous interféron est de l ordre de 60 %, de 6 semaines à 12 mois après le début du traitement, voire quelques mois après l arrêt de celui ci. En pratique, il serait recommandé de doser la TSH et les Ac antithyroperoxydase avant tout traitement par interféron. Syndrome de Sjôgren : Dans le syndrome de Gougerot- Sjôgren «primitif», la prévalence de la séropositivité VHC varie de 10 à 14 % et est supérieure à celle observée dans la population générale. Dans une population de patients atteints d hépatite chronique C, Haddad et al retrouvent une prévalence élevée de sialadénite lymphocytaire de grade III ou IV de Chisholm. En revanche, Pawlotsky et al ne retrouvent dans les glandes salivaires de ces patients qu un infiltrat minime périvasculaire, les grades III et IV n étant retrouvés que dans 14 % des cas. Pour tous les auteurs, le syndrome de Gougerot-Sjôgren associé au virus C a un profil original par la prédominance du syndrome sec buccal, l absence de manifestations multisystémiques habituelles retrouvées au cours du syndrome et l absence d auto-anticorps anti-ssa ou anti-ssb. 66

Purpura thrombopénique idiopathique : PTI En cas d hépatite C, une thrombopénie modérée est présente dans 41 % des cas. Elle est principalement liée à l évolution fibrosante de la maladie. Chez les patients atteints de PTI, la prévalence de l infection par le virus C varie entre 10 et 25 %. Peu de cas de PTI, souvent sévères ont été décrits dans la littérature en association avec le virus C. Ils présentent une grande difficulté thérapeutique. La ribavirine associée ou non à l interféron a une efficacité spectaculaire. Lichen plan : Le lichen plan est une dermatose prurigineuse faisant intervenir une réaction lymphocytotoxique dirigée contre les cellules basales de l épiderme. Chez les patients atteints de lichen plan, la prévalence de l infection virale C varie de 14 à 28 %. Ces études sont controversées. L effet de l interféron sur le lichen est très variable : aggravation, parfois aussi disparition. En pratique, il est légitime de proposer une sérologie VHC chez des patients ayant un lichen plan, en particulier buccal. Ces patients seront étroitement surveillés sous interféron. 3) Manifestations suggérées par l épidémiologie : Porphyries cutanées tardives :PCT La PCT est une affection du métabolisme des porphyrines due à une diminution de l activité enzymatique de l uroporphyrinogène décarboxylase. Elle est révélée par des manifestations cutanées. La PCT est dite sporadique (ou type I) si l uroporphyrinogène décarboxylase est seulement déficient dans le foie, et familiale (ou de type 2) si le déficit est ubiquitaire. Cette porphyrie est associée souvent à une hépatopathie. Un certain nombre de facteurs déclenchants sont bien connus : éthylisme, prise de certains médicaments et certaines affections virales. Le VHC pourrait être un facteur déclenchant prédominant. Dans les PCT sporadiques en Europe du Sud, une prévalence de plus de 76 % de patients séropositifs pour le VHC est retrouvée. Fargion et al suggèrent que l action du virus C serait liée à une diminution des concentrations d uroporphyrinogène décarboxylase observée même chez des patients n ayant pas de signe clinique de PCT. En pratique, il serait licite de demander une sérologie C au même titre qu une sérologie VIH et des facteurs reconnus comme déclenchants. Conclusion : Le virus C est associé à de nombreuses manifestations extrahépatiques. Il est nécessaire de les identifier pour la prise en charge thérapeutique de ces patients Certaines sont directement liées au virus. Le traitement est alors dépendant de la maîtrise de la virémie comme pour la cryoglobulinémie mixte et ses atteintes en particulier rénales et cutanées. Les autres sont immunologiques : purpura thrombopénique, syndrome de Sjôgren, thyroîdites et posent un problème de prise en charge thérapeutique. D autres, enfin, sont des anomalies immunitaires non spécifiques (induction d autoautocorps) mais peuvent poser un problème diagnostique différentiel difficile avec une authentique maladie auto-immune associée au VHC. Ces manifestations peuvent parfois être révélatrices du portage viral. Il n existe aucune corrélation entre ces manifestations et le degré de gravité de l atteinte hépatique. La liste des manifestations liées au virus C n est pas close et seules des études prospectives et systématiques portant sur un nombre élevé de malades, pourrait nous permettre de les identifier de façon exhaustive. 67