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Newsletter Mars 2015 NEWSLETTER DROIT DU PATRIMOINE Martine Blanck Dap et l équipe Patrimoine du cabinet Lefèvre Pelletier & Associés vous propose de découvrir l actualité marquante du second semestre 2014 et du début de l année 2015 en droit et fiscalité du Patrimoine et vous souhaite une agréable lecture. 1. FOCUS : REFORME DU PAIEMENT DIFFERE ET FRACTIONNE DES DROITS D ENREGISTREMENT p. 2 2. ŒUVRE D ART ET VALEUR DU PARTAGE p. 4 2.1. Marché de l art et conséquences éventuelles de la vente aux enchères de biens reçus par succession en cas de lésion de plus du quart 3. PARTS ET ACTIONS DE SOCIETE p. 5 3.1. Le sort des stock-options en cas de dissolution d un régime communautaire 3.2. L époux associé commun en biens a seul qualité pour percevoir les dividendes auxquels les parts sociales communes lui donnent droit 4. ACTUALITE FISCALE DU PATRIMOINE p. 7 4.1. L abattement pour durée de détention applicable au dirigeant cédant sa société lors de son départ en retraite ne bénéficie qu au seul époux dirigeant et non à son conjoint 4.2. Nouveau rebondissement sur la qualification d une holding animatrice 4.3. Donation avant cession : la chronologie compte plus que jamais 4.4. Fiscalité des «management packages» 5. AGENDA 1 ER SEMESTRE 2015 p. 10 5.1. Avoirs non déclarés à l étranger : rappel du calendrier 5.2. Nouveautés fiscales au 1 er janvier 2015 5.3. Certificat successoral européen : publication du règlement d exécution n 1329/2014 en date du 9 décembre 2014 5.4. Fonds de dotation : fixation de la dotation initiale à 15.000 1

1. FOCUS: RÉFORME DU PAIEMENT DIFFÉRÉ ET FRACTIONNÉ DES DROITS D ENREGISTREMENT Décret n 2014-1565 du 22 décembre 2014 http://www.legifrance.gouv.fr/affichtexte.do?cidtexte=jorftext000029953820&categorielien=id Par décret du 22 décembre 2014, le gouvernement a réformé le régime des crédits de paiement des droits d enregistrement et de taxe de publicité foncière. La réforme, applicable à compter du 1 er janvier 2015, a des conséquences tant sur le taux mis en œuvre que sur l étalement du paiement. L objectif tel qu il résulte du rapport remis au Président la République est clair : aboutir à un taux plus «représentatif de la situation économique». Pourtant, et malgré l utilité du dispositif en matière successorale, le décret amorce la quasi disparition du paiement fractionné notamment pour les particuliers. Le Code Général des Impôts offre à tout héritier en contrepartie du versement d un intérêt, la possibilité de fractionner en plusieurs échéances le paiement des droits de succession, et lorsqu il s agit d une entreprise, de différer leur règlement. La consistance de l actif transmis importe peu, la seule condition étant de mettre en place des garanties en faveur du Trésor Public qui peuvent être constituées sur les biens successoraux. Aucun délai n'est fixé pour le dépôt de la demande de paiement fractionné ou différé ; celleci est toujours recevable, même après l'expiration du délai imparti pour souscrire la déclaration, et quel que soit le motif du retard. Elle ne peut toutefois porter que sur le montant principal des droits à l'exclusion des intérêts (0.4%) et pénalités de retard (10%) qui sont immédiatement exigibles. Largement ouverts, les régimes de crédit de paiement des droits présentaient en outre l avantage d être fixés au regard du taux d intérêt légal. Particulièrement faible ces dernières années, notamment en 2013 et 2014 où le taux était nul, l application du taux d intérêt légal entrainait l octroi de crédit sans paiement d intérêts au profit de l Etat. Or, le taux en vigueur à la date de la demande, même nul, s appliquait pour toute la durée du crédit sans être affecté par les évolutions ultérieures du taux d intérêt légal. Cette situation favorable aux contribuables a pris fin la veille de la publication de l arrêté fixant le taux de l intérêt légal pour 2015. Le décret n 2014-1565 du 22 décembre 2014 a réformé le régime du crédit de paiement des droits d enregistrement pour toute demande faite à compter du 1 er janvier 2015, sans considération de la date de décès. La faiblesse du taux d intérêt légal n incitait pas en effet à un paiement rapide des droits dus. Même en disposant de liquidités suffisantes permettant un paiement immédiat, l octroi d un crédit gratuit par l Etat pour plusieurs années demeurait avantageux. Surtout, le régime s avérait trop coûteux pour les finances publiques. 2

Réforme du taux : A compter du 1 er janvier 2015, le taux d intérêt légal applicable dans le cadre des régimes de crédit de paiement des droits de mutation à titre gratuit est remplacé par le taux effectif moyen pratiqué par les établissements de crédit pour des prêts immobiliers à taux fixe consentis aux particuliers au cours du quatrième trimestre de l année précédant celle de la demande de paiement fractionné ou différé, réduit d un tiers. Pour les crédits sollicités en 2015, le taux est de 2,20%. Réforme des modalités de fractionnement : Le décret ne s est pas limité à la réforme du taux mais a également réduit la durée du fractionnement. Tout héritier a en effet la possibilité de fractionner en plusieurs échéances le règlement des droits à sa charge. La durée maximale du crédit, qui était de cinq ans portée à dix lorsque la moitié au moins de la succession était composée de biens non liquides, est réduite de un à trois ans selon les mêmes critères. La liste des biens non liquides a toutefois été étendue aux objets d antiquité, d art ou de collection. En revanche, les transmissions de parts ou actions de sociétés, y compris de holdings effectivement animatrices de leur groupe, bénéficient toujours d un traitement spécifique ouvrant droit à un crédit de paiement différé pendant cinq ans, puis fractionné sur une période de 10 ans, avec l application d un taux de faveur. La durée de fractionnement sur dix ans a été maintenue et le taux réduit applicable demeure fixé au tiers du taux général, soit à 0,70% en 2015 (sous réserve de transmission de plus de 10% du capital social). Remarque : Si l augmentation du taux rend encore plus attractif le régime applicable aux transmissions d entreprises lorsque la part de l héritier comprend plus de 10 % de la valeur de l entreprise ou du capital social, en revanche, les particuliers perdent tout intérêt à demander au Trésor Public un crédit de paiement des droits d enregistrement. Si les circonstances économiques justifiaient une mise à jour du taux effectif, une telle réduction de la durée d échelonnement s avère particulièrement sévère pour les héritiers. En outre, la date d entrée en vigueur du nouveau dispositif pour les demandes formées à compter du 1 er janvier 2015 sans égard à la date du décès, est injuste à l égard des contribuables qui auraient pu bénéficier des anciennes modalités de paiement fractionné mais qui ne l auraient pas demandé en temps utile. La réforme ne manquera pas enfin de poser des difficultés de paiement lorsque la succession recueille peu de liquidités alors que le marché immobilier est saturé. Plus que jamais, les particuliers se voient incités à anticiper la transmission de leur patrimoine et notamment à utiliser les abattements existants en faveur de leurs descendants (abattement de 100.000 euros sur les transmissions effectuées au profit des descendants, renouvelable tous les quinze ans). 3

Exemple : Pour une transmission en ligne directe après un décès survenu le 20 octobre 2014 d une succession composée de : Biens immobiliers : 600 000 Liquidités et avoirs bancaires divers : 100 000 soit un actif net de 700 000, avant application de l abattement de 100 000 par descendant, soit un actif taxable de 600 000 en présence d un unique héritier. Le montant des droits s élève à 122 962. *Hypothèse 1 : la demande de crédit de paiement des droits d enregistrement a été faite le 1 er décembre 2014 : Taux applicable : 0% Fractionnement sur dix années avec des échéances annuelles d un montant de 12 296. *Hypothèse 2 : la demande de crédit de paiement des droits d enregistrement a été faite le 1 er février 2015 : Taux applicable : 2,20% (soit 2 705 d intérêts au total) Fractionnement sur trois années avec des échéances annuelles d un montant de 41 889, intérêts inclus. 2. ŒUVRES D ART ET VALEUR DU PARTAGE 2.1 Marché de l art et conséquences éventuelles de la vente aux enchères de biens reçus par succession en cas de lésion de plus du quart CCass, Civ. 1ère, 22 octobre 2014, n 13-24227 http://www.legifrance.gouv.fr/affichjurijudi.do?oldaction=rechjurijudi&idtexte=juritext000029633 732&fastReqId=1511941288&fastPos=1 Deux sœurs partagent les successions confondues de leurs parents. L une d entre elles reçoit un tableau de l'ecole flamande intitulé «Les joies de l'hiver» évalué dans le partage à 22.867. L attributaire du tableau le vend ensuite douze mois plus tard aux enchères publiques au prix de 220.000. Sa sœur sollicite alors un complément de part successorale que la Cour d appel de Versailles lui refuse au motif que la lésion de plus du quart ne serait pas encourue compte tenu des frais d adjudication exposés par l attributaire du tableau. Cette dernière a en effet recueilli la somme nette de 167.332 au titre de la vente après déduction des frais d adjudication et d expertise justifiés à concurrence de 52.668. 4

La Cour de Cassation casse et annule dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 4 juillet 2013 par la Cour d'appel de Versailles en énonçant que «seul le prix d'adjudication devait être pris en considération pour le calcul de la lésion, à l'exclusion des honoraires de vente et d'expertise». C est donc une appréciation rigide de la valeur des biens successoraux à l époque du partage que la Cour de Cassation livre ici, vraisemblablement au nom de l égalité du partage mais sans égard à la préservation de la sécurité juridique des héritiers. D une part, la vente aux enchères publiques était intervenue plus d un an après le partage des successions, lui-même intervenu cinq ans après le dernier décès des parents, ce qui laisse penser que les héritières avaient rencontré des difficultés pour procéder au partage et que les valeurs n avaient probablement pas été réactualisées au fur et à mesure des discussions entre les ayants-droit en vue de parvenir au partage. D autre part, le caractère aléatoire des ventes aux enchères publiques et la particularité du marché de l art nécessitant l intervention d intermédiaires, devraient conduire à prendre en considération les frais obligatoirement exposés pour parvenir à la vente dans la mesure où en pratique l attributaire du tableau n aurait vraisemblablement pas pu le vendre à ce prix sans l intermédiaire d une maison de vente ni sans engager des honoraires pour y parvenir. Or, l attributaire du tableau a certes reçu en valeur des droits plus importants que ceux prévus à l acte de partage mais elle n a en définitive pas reçu dans son patrimoine des avoirs lésant sa sœur de plus du quart compte tenu des frais qu elle a nécessairement dû engager pour procéder à la vente du tableau (en l espèce 52.668 ). Cet arrêt illustre la rigidité de l application des règles de droit en matière de partage de successions dans certaines circonstances et invite les héritiers à la prudence dans leur prise de décision quant au sort des œuvres et des biens qu ils ont reçus de leurs ascendants, étant rappelé que l action en complément de part de l article 889 du Code civil se prescrit dans les deux ans du partage. 3. PARTS ET ACTIONS DE SOCIETE 3.1 Le sort des stock-options en cas de dissolution d un régime communautaire CCass. Civ. 1ère, 9 juillet 2014, n 13-15948 http://www.legifrance.gouv.fr/affichjurijudi.do?oldaction=rechjurijudi&idtexte=juritext00 0029241396&fastReqId=2109064642&fastPos=1 La Cour de Cassation a tranché : Si les droits résultants de l attribution pendant le mariage à un époux commun en biens d une option de souscription ou d achat d actions forment des propres par nature, les actions attribuées par l exercice de ces droits entrent dans la communauté lorsque l option est levée au cours du mariage. 5

En l espèce, un couple marié sous le régime légal de communauté se sépare. Le divorce est prononcé le 28 juin 2007 ; les effets du divorce ayant été fixés dans les rapports entre les époux à la date du 2 octobre 2002. Des «stock-options» qui avaient été attribués à l époux pendant le mariage avaient été levés pour certains antérieurement à la dissolution du régime matrimonial entre les époux et pour d autres, postérieurement. Par un arrêt du 19 décembre 2012, la Cour d appel de Paris avait considéré que «la valeur des stock-options attribués à M.X avant le 2 octobre 2002 et levés postérieurement à cette date entre en communauté, peu important leur période d exercice et l origine des fonds ayant financé l acquisition». La première chambre civile de la Cour de Cassation censure la solution de la Cour d appel et se prononce pour la première fois sur la qualification patrimoniale des stock-options au visa des articles 1401 du Code civil et L.225-183 du Code de commerce. Elle affirme le caractère propre par nature du droit d option et précise que seules les actions souscrites pendant le mariage ont le caractère d acquêts de communauté dont la valeur doit être intégrée à l actif de celle-ci. En revanche, les actions dont les options n ont pas été levées à la date de la dissolution de la communauté entre les époux, resteront propres à l époux attributaire, sans que la valeur du droit d option ne soit intégrée dans l indivision post-communautaire. Cette solution de la Haute juridiction protectrice des intérêts de l époux attributaire des stockoptions a le mérite de la simplicité puisqu elle met fin aux incertitudes doctrinales : seule la date de la levée d option doit être prise en compte pour déterminer la nature propre ou commune des actions ainsi attribuées à un époux, ce qui facilitera la liquidation des régimes de communauté en pareille situation. 3.2 L époux associé commun en biens a seul qualité pour percevoir les dividendes auxquels les parts sociales communes lui donnent droit CCass. Civ. 1ère, 5 novembre 2014, n 13-25820 http://www.legifrance.gouv.fr/affichjurijudi.do?oldaction=rechjurijudi&idtexte=juritext00 0029740891&fastReqId=1731459974&fastPos=1 Deux époux unis sous le régime de la communauté réduite aux acquêts avaient acquis des parts sociales au moyen de biens communs respectivement à concurrence de 200 parts pour l époux et 9.500 parts pour son épouse. Durant plusieurs années consécutives, les dividendes qui revenaient à l épouse au titre de ses parts sociales ont été versés au mari. Celle-ci a assigné la société et son conjoint en paiement de ces sommes. Dans son arrêt en date du 5 septembre 2013, la Cour d appel de Versailles déboute la demanderesse au visa des articles 1401 et 1421 du Code Civil en considérant que le mari était réputé avoir perçu les dividendes attachés aux titres de la société pour le compte de la communauté dès lors que chaque époux a le pouvoir d administrer seul les biens communs. La Cour de Cassation censure la décision rendue par la Cour d appel par arrêt en date du 5 novembre 2014 et précise au visa de l article 1832-2 du Code civil que l'associé a seul qualité pour percevoir les dividendes. Elle reproche en conséquence à la Cour d'appel de ne pas avoir recherché si l'épouse avait donné son accord pour que ces dividendes soient versés entre les mains de son conjoint. 6

Il en résulte que sous un régime de communauté, le versement de dividendes effectué sans l autorisation de l époux associé entre les mains de son conjoint ne libère pas valablement la société de sa créance envers l époux associé. Cet arrêt confirme une nouvelle fois la distinction entre le titre et la finance ; aussi, si la valeur des parts sociales est commune, le droit de percevoir les dividendes demeure personnel à l époux associé. 4. ACTUALITE FISCALE DU PATRIMOINE 4.1 L abattement pour durée de détention applicable au dirigeant cédant sa société lors de son départ en retraite ne bénéficie qu au seul époux dirigeant et non à son conjoint CE, 10 décembre 2014 ; n 371437 http://www.legifrance.gouv.fr/affichjuriadmin.do?oldaction=rechjuriadmin&idtexte=cetat EXT000029882501&fastReqId=1690312609&fastPos=1 Les gains nets réalisés par les dirigeants qui cèdent leur société à l occasion de leur départ en retraite bénéficient, sous certaines conditions, d une réduction de l assiette taxable par l application d un abattement spécifique selon leur durée de détention (article 150-O D ter du CGI). Le dispositif en vigueur jusqu au 31 décembre 2013 prévoyait ainsi l application d un abattement d un tiers par année de détention au-delà de la cinquième année de détention, de sorte qu au-delà de 8 années de détention, la plus-value de cession était totalement exonérée d impôt sur le revenu et seulement soumise aux prélèvements sociaux. Depuis le 1 er janvier 2014 et jusqu au 31 décembre 2017, cet abattement est remplacée par deux abattements : un abattement spécifique fixe de 500.000 et ensuite un abattement pour durée de détention renforcée (50 % pour une durée de détention de 1 à moins de 4 ans ; 65% pour une durée de détention de 4 à moins de 8 ans et 85 % au-delà de 8 ans). Figurent au rang des conditions ouvrant droit à l abattement notamment l exigence pour le dirigeant de détenir de manière continue un pourcentage minimal des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux (au moins 25 %), directement ou par l intermédiaire du groupe familial (son conjoint, leurs descendants ou ascendants ou leur frères et sœurs) au cours des cinq années précédant la cession. Bien que la condition du pourcentage de détention puisse être remplie par l intermédiaire notamment du conjoint du dirigeant, le Conseil d Etat a rappelé dans son arrêt en date du 10 décembre 2014 que pour bénéficier de l abattement de l article 150-O D ter, les conditions relatives à la personne du cédant (en l espèce, la condition relative aux fonctions de direction) s apprécient au niveau de chaque conjoint pris isolément dès lors qu il s agit de mesures dérogatoires devant donc être interprétées strictement. 7

Seul le conjoint ayant effectivement exercé des fonctions de direction dans la société dont les titres sont cédés et devant cesser toutes fonctions dans cette même société dans l année suivant la cession, peut par conséquent bénéficier de l abattement. La circonstance que les époux soient mariés sous un régime de communauté et que le prix de cession des titres sociaux (communs) soit appréhendé par la communauté, ou que l article 6 du CGI soumette les couples mariés à une imposition commune au titre des revenus demeure indifférente. Peut être une incitation fiscale à associer son conjoint à la direction de la société avant son départ en retraite? 4.2 Nouveau rebondissement sur la qualification d une holding animatrice Tribunal de grande instance Paris, 11 décembre 2014 n 13/06937et n 13/06939 Pour le tribunal de grande instance de Paris, la société holding qui anime effectivement ses filiales dont elle a le contrôle effectif peut détenir une participation minoritaire d une société non animée sans perdre sa qualification de holding animatrice. Les enjeux d une clarification de la notion de holding animatrice s apprécient aujourd hui à la lumière des nombreux régimes fiscaux de faveur qui en dépendent : transmissions d entreprises avec conclusions de Pactes Dutreil, exonération d ISF, réductions d impôt au titre des souscriptions au capital des PME etc. Cependant, en l absence de définition claire de la notion, l administration fiscale n hésite pas à fonder ses chefs de redressements sur l exigence d une animation effective de l ensemble des participations de la société holding. Cette appréciation stricte par l administration fiscale a pour conséquence de disqualifier le statut de holding animatrice de certaines sociétés en holding pure et d entrainer ainsi la perte du régime de faveur. En l espèce, un contribuable avait exclu partiellement de l assiette de l ISF la valeur des titres logés dans une holding en application de l exonération d ISF des biens professionnels. Par une proposition de rectification, l administration fiscale a remis en cause l exonération partielle des titres en raison du caractère non animateur de la société. Le Tribunal de grande instance de Paris a, par deux jugements en date du 11 décembre 2014, annulé la décision de refus d exonération partielle des titres de la société au titre de l ISF sur le fondement des articles 885 N et suivants du CGI. Il considère que «le seul fait pour une société dont l activité principale est l animation effective de l ensemble de ses filiales sous contrôle effectif, de posséder également une participation minoritaire dans une société dont elle n assure pas l animation, n est pas de nature à remettre en cause sa qualité de holding animatrice.» Ces décisions ayant été rendues en première instance, leur portée devra être confirmée par les Hautes juridictions afin de mettre fin à l appréciation stricte de l administration fiscale de la notion de holding animatrice, sachant que le Tribunal administratif de Paris a également pris position en faveur d un maintien de la qualification de holding animatrice en ce cas (TA Paris, 30 janvier 2014 n 1218996). Tant que les incertitudes demeurent, il reste essentiel de formaliser toutes les preuves du caractère d animatrice de la holding pour se prémunir d une éventuelle disqualification que l administration fiscale entendrait établir au soutien d une proposition de rectification. 8

4.3 Donation avant cession : la chronologie compte plus que jamais CE, 8e et 3e sous-section, 19 novembre 2014, n 370564 http://www.legifrance.gouv.fr/affichjuriadmin.do?oldaction=rechjuriadmin&idtexte=cetat EXT000029781221&fastReqId=173511385&fastPos=1 Pour la Haute juridiction, une donation-partage réalisée par acte authentique antérieurement à la cession rend incontestable l opération et interdit par conséquent la remise en cause par l administration fiscale d une opération de donation-cession dès lors que le fait générateur de la plus-value due au titre de l article 150-0 A du Code général des impôts est établi par acte authentique. Les juges semblent confirmer par cet arrêt que la chronologie des opérations est difficilement contestable. Déjà, par un arrêt du 28 mai 2014, le Conseil d Etat rejetait le caractère abusif de l opération invoqué par l administration fiscale dans l hypothèse où une promesse de vente assortie de conditions suspensives était intervenue préalablement à la donation en retenant, pour dater la cession, la date de paiement effectif du prix après la levée des conditions. Le fait générateur de l impôt de plus-value doit donc impérativement être postérieur à la transmission à titre gratuit. La dépossession par les donateurs doit en outre être véritable : le comité de l abus de droit fiscal, en séance du 29 janvier 2015, a disqualifié une opération par laquelle deux contribuables avaient donné à leurs enfants mineurs des parts de SCI, en relevant que les parents donateurs avaient prélevé sur les comptes des enfants le prix de cession pour le virer notamment sur un compte joint ouvert au nom des parents. Le comité a en l espèce retenu que la donation était dépourvue d intention libérale et devait être regardée comme étant fictive. Les contribuables désireux de purger l impôt de plus-value par la mise en œuvre d une opération de donation-cession devront donc demeurer prudents tant s agissant de la chronologie de l opération que de sa rectitude juridique, puisque «donner et retenir ne vaut». 4.4 Fiscalité des «management packages» CE, 3e et 8e sous-section, 26 septembre 2014, n 365573 http://www.legifrance.gouv.fr/affichjuriadmin.do?oldaction=rechjuriadmin&idtexte=cetat EXT000029504218&fastReqId=1709122944&fastPos=1 Le Conseil d Etat s est prononcé pour la première fois sur la fiscalité des «management packages» qui permettent aux dirigeants d accéder de façon préférentielle au capital et de percevoir ainsi des bénéfices. L administration s était révélée hostile à la qualification de plus-value de cession de valeurs mobilières en cas de ventes d actions dont l attribution était liée à des conditions d exercice de fonctions de direction, estimant qu il s agissait d un intéressement taxable au titre des traitements et salaires. Le Conseil d Etat confirme la position de l administration fiscale selon laquelle le prix de cession pour le dirigeant ne constitue pas un gain en capital mais a vocation à être inclus dans le revenu imposable. 9

L incidence de cette qualification est limitée depuis le 1 er janvier 2013 dès lors que les plus-values de cession sont dorénavant imposées au barème progressif de l impôt sur le revenu, et non plus à un taux proportionnel. Toutefois, s agissant de revenus, aucun abattement pour durée de détention ne pourra être applicable. Les sociétés souhaitant avantager leurs dirigeants sans alourdir leurs charges fiscales pourront envisager des alternatives aux «management packages» à commencer par la souscription d actions de préférence assorties de modalités adaptées. Notamment, il pourrait être envisagé d assortir ces actions de certaines restrictions en termes de droit de vote ou de droits pécuniaires en en modulant éventuellement la durée. 5. AGENDA 1ER SEMESTRE 2015 5.1 Avoirs non déclarés à l étranger : rappel du calendrier http://www.impots.gouv.fr/portal/deploiement/p1/fichedescriptive_7304/fichedescriptive_7304.p df Par circulaire en date du 10 décembre 2013 publiée par la DGFIP, le ministre du Budget a précisé les modalités de régularisation des avoirs à l étranger non déclarés. Les contribuables ayant transmis une lettre d intention avant le 10 décembre 2014 et souhaitant bénéficier du dispositif de régularisation doivent déposer l ensemble des déclarations rectificatives et répondre aux demandes de justifications de l Administration, au plus tard le 31 mars 2015 (lorsque la lettre a été envoyée avant le 30 juin 2014) ou le 30 mai 2015 (lorsque la lettre a été envoyée après le 30 juin 2014). Dans le cas où la lettre d intention aurait été déposée après le 10 décembre 2014, un délai de six mois est accordé au contribuable pour compléter son dossier. Après ces délais, le bénéfice des minorations de pénalités sera perdu. Un formulaire (n 3911-5D) a été mis en ligne pour favoriser le traitement des demandes et doit systématiquement accompagner celles-ci. 5.2 Nouveautés fiscales au 1er janvier 2015 http://www.legifrance.gouv.fr/affichtexte.do?cidtexte=jorftext000029988857&categorie Lien=id Respectant son engagement d abaisser les charges fiscales des ménages à revenus modestes, le Gouvernement a, dans la loi de finances pour 2015, supprimé la première tranche d imposition de 5,5%. Le taux de la première tranche d imposition est fixé à 14% et le seuil d imposition est abaissé de 11.991 à 9.690. Autre mesure intéressant la fiscalité du patrimoine, l article 4 de la loi de finances aligne le régime fiscal et social des plus-values immobilières des terrains à bâtir sur celui des propriétés bâties en vigueur depuis le 1 er septembre 2013. L exonération au titre de l impôt sur le revenu est désormais acquise, dans tous les cas de plus-values immobilières, à 10

compter de 22 ans de détention. Par ailleurs, l abattement exceptionnel de 25% applicable aux plus-values immobilières est prolongé pour les cessions intervenant entre le 1 er janvier 2015 et le 31 décembre 2016. S agissant des non-résidents, les plus-values réalisées à compter du 1 er janvier 2015 résultant de la cession de biens immobiliers situés en France, de droits portant sur de tels biens et de parts, d actions ou d autres droits dans des sociétés à prépondérance immobilière, sont soumises au prélèvement prévu à l article 244 bis A, IIIe du CGI au taux de 19%. Dans le cadre de la procédure d infraction ouverte contre la France sur la conformité au droit européen de l extension de la CSG et de la CRDS aux revenus immobiliers perçus par les non-résidents, la CJUE, saisie par le Conseil d Etat, vient de condamner la France par une décision du 26 février 2015 : les revenus du patrimoine des non-résidents ne peuvent pas être soumis aux contributions sociales françaises. Par conséquent, les nonrésidents qui souhaitent contester leur assujettissement sont invités à initier une réclamation contentieuse auprès des services compétents. 5.3 Certificat successoral européen : publication du règlement d exécution n 1329/2014 en date du 9 décembre 2014 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/txt/?uri=uriserv:oj.l_.2014.359.01.0030.01.fra A quelques semaines de l entrée en application du règlement successions du 17 aout 2015, la Commission européenne vient de publier un règlement intégrant le modèle officiel du Certificat Successoral Européen (CSE) et six annexes. Le CSE constitue l un des points essentiels de la réforme du droit international des successions. Ce certificat authentique permettra aux héritiers de justifier de leur qualité successorale au sein des Etats contractants de manière simplifiée et harmonisée et confèrera force probante aux éléments dont il atteste, établis en fonction de la loi applicable à la succession. 5.4 Fonds de dotation : fixation de la dotation initiale à 15.000 http://legifrance.gouv.fr/affichtexte.do?cidtexte=jorftext000030137632&fastpos=3&fast ReqId=1974272112&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte Destinés à favoriser les opérations de mécénat, les fonds de dotation créés en 2008 ont connu un vif succès, avec plus de 1900 fonds créés. Un tel engouement a fait craindre des utilisations à des seules fins d optimisation fiscale, aussi la loi du 31 juillet 2014 (n 2014-856) a-t-elle prévu d imposer une dotation minimale. Le décret d application du 22 janvier 2015 exige ainsi une dotation initiale d un montant de 15.000 au moins versée obligatoirement en numéraire. Ce minimum, qui n est applicable qu à la création du fonds, est sanctionné par la suspension du fonds et éventuellement, par sa dissolution judiciaire. 11

Martine Blanck Dap Avocat, associé Email: mblanckdap@lpalaw.com Tél: +33 (0)1 53 93 30 18 Virginie Martel Avocat Email: vmartel@lpalaw.com Tél: +33 (0)1 53 93 30 00 Anne Deldalle Avocat Email: adeldalle@lpalaw.com Tél: +33 (0)1 53 93 30 00 12