La filière automobile en Bourgogne



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Transcription:

Rapport de synthèse Rapport de synthèse La filière automobile en Bourgogne Diagnostic dans le cadre de la GPEC et de l anticipation des mutations économiques - Producteur - - Décembre 2010 -

Page 2

Sommaire Eléments de contexte...4 La démarche...6 Tendances mondiales et européennes de la filière automobile...7 L intérim...9 La filière automobile en Bourgogne et dans les territoires... 10 Recrutement, voies, critères et difficultés... 15 Formation et demande sociale... 19 Les métiers de la filière... 24 Conclusions - entre constats et enjeux... 26 Les enjeux de la filière automobile en Bourgogne... 27 Repères bibliographiques et annexes... 35 Page 3

Eléments de contexte En décembre 2009, la Région et la DIRECCTE décident de cofinancer une étude portant sur les métiers, emplois et compétences de la filière automobile en Bourgogne dans une optique territoriale. On parle alors de GPEC territorialisée. Le portage de cette étude a été confié au comité territorial de la charte automobile de Bourgogne, lequel a mandaté l UIMB pour gérer l appui technique auprès du prestataire retenu, à savoir le C2R Bourgogne. Cette étude a été lancée le 2 Février 2010. Le cahier des charges portait en résumé sur deux axes : Développer une connaissance partagée et dynamique des métiers, emplois et compétences ainsi que de leurs évolutions dans les zones d emploi bourguignonnes à partir des données existantes, afin de fournir des indicateurs actualisables. Compléter l observation par une analyse qualitative permettant d éclairer les décisions du comité territorial. Elargie à l ensemble de la Bourgogne, cette étude complémente celle réalisée par le cabinet AMNYOS en 2008 dans le département de la Nièvre. Ce travail, au-delà de son aspect assemblage et étude de données, a pris l aspect d une investigation de terrain. Une enquête par questionnaire auprès des entreprises désignées par le comité territorial et surtout la rencontre d une cinquantaine de dirigeants et de DRH d entreprises de toutes tailles, dans leurs territoires géographique et sectoriel. Ces investigations ont permis le recueil d éléments de connaissance dynamique, en temps réel, des pratiques développées par les acteurs de l entreprise dans la gestion des compétences, le tout recontextualisé dans l économie de leur territoire d implantation. En effet, afin d apporter des éléments d aide à la décision d actions aux partenaires Région, Etat, organisations syndicales et patronales des branches professionnelles, composantes du comité territorial, il était fondamental d obtenir des éléments de la réalité quotidienne. Les éléments recueillis portent ainsi sur les pratiques, actions, contraintes, facilités, représentations, valeurs et questionnements en matière de «ressources humaines» dans les entreprises elles-mêmes, dans leurs contextes territoriaux singuliers et très différents les uns des autres. L entrée choisie pour organiser cette investigation a été celle des modes de recrutement pratiqués par les entreprises. Page 4

Eléments de contexte (suite) Cette entrée nous est apparue en effet comme le moment économique où convergent les questions : De territoire De formation professionnelle D emploi De développement économique De développement des individus. le lien au «vivier» local de compétences. l attractivité. les partenariats territoriaux. les diplômes, la formation des salariés et des demandeurs d emploi.. la gestion des effectifs et des compétences. l attractivité des métiers... la performance liée aux compétences des acteurs et les impacts des fluctuations économiques.. les parcours et la gestion des compétences.. La VAE, le DIF,le CIF. Cette entrée par les modes de recrutement permet d éclairer plus efficacement les points de vue des décideurs et acteurs, car elle permet de connecter entre eux des éléments qui le sont rarement. On ne doit pas oublier que le but de cette commande est bien d identifier des leviers d action qui permettent à la fois de renforcer la compétitivité des entreprises de la filière, mais aussi le développement conjoint des personnes et des territoires de la région. On ne doit pas oublier non plus que cette étude s est déroulée sur fond de crise globale, affectant plus particulièrement la filière automobile à divers degrés selon les métiers et les entreprises. Mais les actions à envisager au-delà de celles déjà engagées ou à engager d ordre conjoncturel doivent aussi prendre en compte l aspect structurel sur le moyen et le plus long terme. Par exemple, et on le verra dans les pistes d actions : agir sur des besoins immédiats en compétences, développer l attractivité d un territoire, raviver l intérêt des jeunes pour un métier en tension, créer un vivier de jeunes qualifiés. Ces actions ne nécessitent ni les mêmes rythmes, ni les mêmes échéances ni les mêmes moyens. Par contre, elles peuvent être vues dans une optique de conjugaison des besoins économiques, des besoins des personnes et des besoins des territoires. Enfin, à propos de la démarche de travail adoptée par le C2R Bourgogne au cours de ces 9 mois, il est important de signaler deux points. D une part, la dernière phase de l étude, celle de l analyse, a fait l objet d une connexion avec les experts du cabinet AMNYOS. Leur étude portait sur la réalisation d un diagnostic territorial de la filière automobile dans la Nièvre dans un contexte de début de crise et avec le contexte singulier du Nivernais dans son activité automobile. Cette connexion a permis de coproduire une partie du diagnostic plus efficacement et ainsi de travailler sur presque trois ans d investigation. D autre part, fort de ce constat et de cette expérience, le C2R Bourgogne est renforcé dans sa conviction que le diagnostic commence réellement lors de sa restitution aux partenaires et ne peut s arrêter le jour de sa présentation. Entendons par là que l exploitation des données et paroles d acteurs recueillies doit faire l objet d un travail régulier et continu, permettant une démarche diagnostic-action-diagnostic, afin d adapter les actions décidées en fonction des rythmes: court, moyen, et long terme. Page 5

La démarche L investigation du C2R Bourgogne s est déroulée en trois phases : analyse chiffrée, enquête par questionnaires, entretiens. Elle est basée sur une liste de 350 entreprises choisies par les partenaires bourguignons de la filière automobile : - ALLIZE PLASTURGIE - ANFA - Pôle Automobile Bourgogne - UIMB Ces entreprises constituent l échantillon de base sur lequel nous nous sommes appuyés pour réaliser les phases de questionnaires et d entretiens. Il est cependant impropre à donner une image quantitative réelle de la filière régionale pour deux raisons : - Le périmètre couvre très partiellement le secteur commerce et réparation automobile (CRA) puisque cet échantillon représente 3 800 salariés (à travers une sélection d établissements de 10 salariés et plus) pour un secteur qui en compte plus de 11 000 au total. - Le périmètre comptabilise l ensemble des salariés appartenant à des établissements sous-traitants de l automobile (travaillant de 1 % à 100 % pour la filière). La démarche initiale se situe donc à mi-chemin entre une étude basée sur une enquête exhaustive auprès des sous-traitants et une étude partielle, basée sur une sélection de codes de la nomenclature d activités française (NAF) 1. Ce compromis, nécessaire étant donné les contraintes temporelles et logistiques, conduit à une vision élargie de la filière automobile industrielle bourguignonne. Il surestime en effet les effectifs directement liés à la filière automobile industrielle en Bourgogne et sous-estime les effectifs du CRA. En conséquence, et afin de donner l image la plus fidèle possible de la filière automobile, nous avons choisi de nous détacher du périmètre initial de ces 350 établissements pour obtenir une meilleure compréhension des évolutions et du poids du secteur. En particulier, les chiffres publiés dans cette synthèse font référence à l ensemble du secteur «commerce et réparation automobile», soit 11 097 salariés en 2008. Le commerce et les équipementiers ne constituant pas une filière au sens propre, les chiffres et interprétations délivrés dans cette synthèse sont systématiquement séparés en deux sousensembles : - Le secteur commerce et réparation automobile. - La filière industrielle automobile (constructeurs, équipementiers, sous-traitants, fournisseurs). Sur les 350 questionnaires envoyés, 81 nous ont été retournés complétés. La répartition des répondants par taille d établissement, type d acteurs de la filière automobile et par territoire est assez fidèle à celle de la population-mère (les 350 entreprises fournies initialement). Ces questionnaires constituent une première approche de certains des thèmes centraux de cette étude, à savoir les recrutements (modes, critères ), l appréhension du diplôme, la connaissance des différents dispositifs (VAE, chômage partiel ). Certains de ces thèmes ont ensuite été approfondis via les entretiens de la troisième phase de l étude. Enfin, les 50 entretiens, réalisés sur l ensemble des territoires bourguignons, ont entre autres permis de rencontrer des responsables d entreprises (DRH et dirigeants) de grande taille, structurantes pour les territoires. Ils ont offert la possibilité d aborder différentes questions, dont celles des nouvelles compétences, de la diversification de l activité, de la perception du territoire, des conséquences de la crise Les extraits d entretien cités ici viennent renforcer les constats établis à partir de faits quantifiables. Ils ont par ailleurs l intérêt de présenter la «parole du terrain» à un instant donné, donc d appuyer cette étude sur la réalité quotidienne telle que la vivent les entreprises. Plus globalement, toutes les données présentées ici, qu elles soient chiffrées ou plus qualitatives, constituent autant d éclairages d une même réalité, sous des angles différents et complémentaires. 1 Cf. Éléments d une réflexion sur la filière automobile, n 15, novembre 2009. OREF Alsace. 22p. Page 6

Tendances mondiales et européennes de la filière automobile Au niveau mondial, la construction automobile est un secteur en croissance. Durant les 10 années précédant la crise, la production annuelle de véhicules dans le monde est passée de 53 millions à 73 millions en 2007. A la fin des années 1990, la demande mondiale explose portée par la croissance des pays émergents. L automobile n est donc pas le minitel ; l industrie automobile n est pas un secteur en déclin comme la photographie argentique. Il s agit d un secteur structurellement en croissance. Cependant, les marchés d Europe de l ouest, considérés comme «matures», sont caractérisés par une demande qui évolue peu. Les activités de production se déplacent donc vers les centres de demande émergents où investissent les grands constructeurs mondiaux. Ce phénomène de grande ampleur est relativement récent. Ainsi, en l espace de 10 ans, la part de la production en France des constructeurs Français est passée de 65 % en 1998 à 36 % en 2008. En volume, la production d automobiles en France chute véritablement depuis 2004. Celle des constructeurs français, en France, est en effet passée de 2,9 millions de véhicules en 2004 à 1,5 millions de véhicules en 2009 1. Les impacts de la crise bancaire n expliquent pas à eux seuls cette chute des volumes de production. En Europe, la filière automobile connaît en effet une réorganisation géographique importante des pays d Europe de l ouest (Europe des 15) vers les pays d Europe centrale et orientale (PECO), en particulier en Roumanie, Hongrie, Pologne et République Tchèque. Conséquence des décisions des constructeurs de localiser l activité en Europe centrale et dans les pays proches de l union européenne (Afrique du Nord), ce déplacement de la production devrait se poursuivre dans les 10 années à venir et entrainer dans son sillage une partie des activités de sous-traitance. Le dispositif industriel des constructeurs est désormais élargi à l ensemble de l Europe et piloté systématiquement par les coûts. En 2009, la production mondiale de véhicules chute de 10 millions d unités. En France, l industrie automobile très exposée à la conjoncture mondiale, est le secteur qui connaît la plus forte décroissance entre 2007 et 2009, avec une chute de 30 % de ses volumes de production 2. Partout dans les pays de la triade, des plans de relance sont mis en place par les pouvoirs publics, concrétisés par des primes à la casse pour soutenir la demande intérieure. Leur effet est immédiat : les ventes en France de voitures particulières de marques françaises atteignent en 2009 leur plus haut niveau depuis 2002. Mais comme nous l apprend l histoire économique récente, l effet de ces primes est ponctuel. La hausse des ventes, tirées par les primes mises en place sous les gouvernements Balladur et Jupé, est suivie d un effondrement en 1997 mais qui sera relayé à l époque par la hausse des exportations. La demande mondiale explose à la fin des années 1990 et les constructeurs français y répondent. L histoire se répète mais le contexte a changé. Si l effondrement des ventes est d ores-etdéjà visible en 2010, la hausse de la demande mondiale aura un impact bien moindre qu à l époque du fait de la réorganisation de la filière au niveau européen et mondial. En ce sens, le plan de départ à la retraite anticipée chez Renault, révélé par l actualité récente, est un nouvel indicateur des surcapacités de production des constructeurs français implantés en France. 1 http://www.ccfa.fr/img/pdf/fp3.pdf 2 Cf. Conseil d analyse stratégique, Novembre 2010. Page 7

Tendances mondiales et européennes de la filière automobile (suite) Quels impacts sur l emploi en Bourgogne? Le contexte mondial et les stratégies des grands constructeurs produisent naturellement des effets sur les variations de l emploi en Bourgogne. Pour mesurer l évolution du volume d emploi dans l industrie automobile sur une période longue (ici de 1993 à 2009), il est nécessaire de s affranchir du périmètre large de l étude et de sélectionner une liste de codes spécifiques issus de la nomenclature d activités française (NAF) : Fabrication et rechapage de pneumatiques, Construction de véhicules automobiles, Fabrication de carrosserie, Fabrication d équipements automobiles. Les évolutions constatées en Bourgogne depuis le début des années 90 montrent que les variations d emplois dans les établissements équipementiers 1 (rang 1) sont déterminantes pour l emploi total de la filière. Les effectifs des équipementiers ont connu d abord une forte croissance, soutenue par la demande mondiale, passant de 2135 salariés en 1993 à 4192 en 2002. En baisse structurelle depuis 2006 et en chute depuis 2008, les effectifs de ces établissements de grande taille connaissent ensuite une diminution allant de 4192 salariés en 2002 à 2987 en 2009. Sans tenir compte de la crise, les effectifs des équipementiers sont véritablement en baisse depuis 2004. En 5 ans, les équipementiers bourguignons, localisés essentiellement dans la zone d emploi de Dijon et le département de la Nièvre, ont perdu 1100 emplois dont 400 entre 2008 et 2009. Cet ensemble est composé d établissements de grande taille, appartenant à des groupes dont les décisions sont souvent mal connues des décideurs locaux. Ils se caractérisent par une forte pression des donneurs d ordres sur les coûts et délais, pression qui ne devrait pas diminuer à court terme compte tenu de la concurrence des pays d Europe de l est. Les autres secteurs spécifiques de l industrie automobile connaissent des variations de moins grande ampleur : - La construction automobile (FPT à plus de 90 % sur deux sites) est même en croissance de 2005 à 2008. - La fabrication de pneumatiques (près de 2000 emplois sur deux sites) est remarquablement stable sur la période mais connait un léger fléchissement depuis 2006. 1 Dont JTEKT, VALEO, TRW, BENTELER. 10000 L'industrie automobile en Bourgogne : d'une crise à l'autre 9000 Total 8000 7000 effectifs salariés 6000 5000 4000 3000 2000 Fabrication et rechapage de pneumatiques Fabrication d'équipements automobiles 1000 0 Construction de véhicules automobiles Fabrication de carosserie 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 * Codes NAF spécifiques (hors sous-traitants et fournisseurs) Source : unistatis Page 8

L intérim L intérim : l ajustement aux fluctuations des carnets de commandes Il n est pas possible de caractériser de façon chiffrée le recours à l intérim par les entreprises retenues dans le périmètre de l investigation. Mais l étude des variations 2008-2009 dans les principaux secteurs relevant de la filière en Bourgogne illustre néanmoins très fortement le rôle de l intérim dans la gestion des emplois. Dans le secteur de la fabrication de carrosseries automobiles, on passe de 1263 intérimaires au premier trimestre 2008 à 281 au premier trimestre 2009. Dans celui de la fabrication d équipements automobiles, c est une diminution de 95% que l on constate soit un passage de 1139 intérimaires cumulés sur le premier trimestre 2008 à 53 sur la même période en 2009 (si on prend 2007-2009, on passe de 1437 à 53), la plus forte variation (- 96%) étant enregistrée par la fabrication de moules et modèles : 147 à 6. Si l on prend les variations annoncées au cours de cette période par certains soustraitants rencontrés, deux à trois entreprises bourguignonnes peuvent représenter à elles seules un peu plus du tiers de cette variation. L intérim représente donc toujours bien plus une variable d ajustement à l évolution des carnets de commande qu une nouvelle modalité de recrutement comme l idée circule ça et là. Certes, il s agit bien d observer et repérer dans un ensemble d intérimaires improprement appelé «vivier» ceux à qui les entreprises feront appel pour un CDD ou directement un CDI. «L intérim, c est la fluctuation de charge mais c est aussi la création du vivier» - Un équipementier de la zone d emploi de Dijon «On travaille avec des agences d intérim [ ] donc on a un vivier suffisant de gens qui veulent travailler chez nous. On a des intérimaires selon l activité.» - Un sous traitant de la zone d emploi de Chalon sur Saône «On a recours à l intérim occasionnellement, pour le remplacement d une personne en maladie» Un équipementier de la zone de Nevers En outre, et c est une rencontre avec un responsable d agence qui nous apporte ces éléments, l intérim est aussi pratiqué par certaines entreprises de maintenance et bureaux d étude sous-traitantes d entreprises industrielles lorsque les gros services de maintenance sont partiellement externalisés. Dans ces cas là, les gestionnaires d agence tentent de faire accomplir à leurs jeunes intérimaires des missions variées dans plusieurs secteurs, les rendant plus «polyvalents et expérimentés». Cette démarche semble porter certains fruits et mener à de l emploi stable. C est en ce sens que l intérim devient un mode d accès à l emploi plus durable. Page 9

La filière automobile en Bourgogne et dans les territoires La Bourgogne, une région moyennement dépendante de l automobile Comme cela a été exprimé à plusieurs reprises, mesurer le poids de la filière automobile en termes de salariés, dans une région ou en France, est un exercice périlleux. A l heure actuelle, une seule étude régionale en Nord-Pas-de-Calais, basée sur une enquête exhaustive auprès des sous-traitants et délivrée par l INSEE, a mesuré la part de l activité de chaque sous-traitants liée à l automobile. Cette étude sur la filière automobile en Nord-Pas-de-Calais 1 fait ainsi état de 44 600 salariés dédiés à la filière sur 57 400 travaillant dans 319 unités de production, soit environ 8 % des postes de travail salariés de cette région fin 2008. A titre indicatif, la construction automobile est essentiellement concentrée dans 6 régions : Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Haute- Normandie, Franche-Comté, Lorraine et Alsace. Elle est en outre très peu présente dans les régions du sud de la France. En France, le nombre de salariés dédiés à la filière industrielle de l automobile est estimé dans une fourchette allant de 735 000 à 750 000 en 2007. Rapporté au champ des données utilisées dans l étude présente (DADS), cela équivaut à environ 3,5 % des salariés français travaillant directement ou indirectement pour la construction automobile 2. En comparaison, la Bourgogne dans son ensemble, est en moyenne plutôt moins dépendante de la filière automobile que les autres régions. Si l on rapporte les 16 473 salariés (cf. annexes) du périmètre «élargi» aux nombres de salariés retenus dans le champ des DADS, on obtient environ 3,2 % des salariés bourguignons travaillant dans la filière automobile. C est un poids équivalent à d autres secteurs industriels comme l agroalimentaire. C est deux fois moins que le secteur de la construction (7,2 %). Le secteur «commerce et réparation automobile» représente 2,3 % des salariés bourguignons en 2008, contre environ 2 % en France. Si les variations d emploi sont sensibles à la conjoncture (hausse du nombre de salariés de1998 à 2002), elles sont incomparables en termes d ampleur à celles observées dans le secteur industriel (cf. graphique). En outre, si l observation sur l ensemble de la région laisse transparaitre une relative stabilité des effectifs, l observation par territoire montre des variations extrêmement importantes (cf. annexes 2). Ces variations, dépendantes de la demande locale de service, ne sont corrélées qu imparfaitement avec l évolution totale de la population. Trois variables sont déterminantes pour expliquer ce paradoxe : l évolution des mobilités intrazones, la structure de la population active par âges et catégories socioprofessionnelles et les différentes modalités de transport offertes sur le territoire. L introduction de ces variables à un modèle formalisé permettrait de mettre en lumière les déterminants territoriaux de la possession de véhicule. 1 La filière automobile en Nord-Pas-de-Calais. Insee Nord-Pas-de-Calais. Profils, n 95, décembre 2009. 49 p. 2 10 % des emplois dans l automobile : un chiffre trompeur. Sylvain Barde; OFCE. Clair & net@ofce, 10 février 2009. 1p. Page 10

La filière automobile en Bourgogne et dans les territoires (suite) On sait par exemple que le taux de motorisation était plus élevé chez les cadres que chez les ouvriers en 1980 alors qu on constate l inverse aujourd hui. Ce taux varie également selon la taille des communes : de 93 % pour les communes rurales à 79 % pour les villes de plus de 100 000 habitants. En prenant en compte ces variables, il est possible d expliquer pourquoi lorsque la population totale de Dijon augmente, le nombre de salariés dans le secteur commerce et réparation évolue à la baisse. Pour 2/3 des zones d emploi cependant, on observe logiquement une corrélation positive entre l évolution de la population totale et l évolution des effectifs du CRA. Evolutions comparatives : secteurs industriels spécifiques et commerce/réparation 12000 11000 Commerce effectifs 10000 9000 8000 Industrie 7000 6000 5000 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 * Codes NAF spécifiques (hors sous-traitants et fournisseurs) Source : unistatis Page 11

La filière automobile en Bourgogne et dans les territoires (suite) Une activité concentrée localement Decize 1.8 % Chalon-sur-Saône Le Creusot 1.2 % 10.5 % 2.2 % Louhans Montceau-les- 2.6 % Mines 3.0 % Le Charolais Mâcon Répartition par zone d emploi des salariés. Sens 3.9 % travaillant chez les Plus de deux tiers des effectifs de Equipementiers, soustraitants, fournisseurs Joigny la filière industrielle automobile sont 6.9 % Châtillon-sur-Seine concentrés dans 5 territoires (sur Auxerre 0.0 % 11.1 % les 18 zones d emploi) : Dijon, Avallon 4.4 % Nevers, Auxerre, Le Charolais et Montbard Dijon 3.1 % Montceau-les-Mines. Cosne-Cours-sur-Loire 21.3 % 1.6 % Par ailleurs, le territoire peu peuplé Nevers de Decize est fortement dépendant Beaune 13.5 % Autun 1.2 % de la filière automobile (16 % des 0.1 % Chalon-sur-Saône Répartition Répartition des des salariés) par la présence de deux Decize Le Creusot salariés salariés par ZE par ZE 5.9 % 0.5 % 2.1 % Louhans établissements de taille important : Montceau-les-Mines 1.3 % > 21% 10.4 % [ 11%; 21% [ un équipementier de rang 1 Source statistique : Le Charolais [ 6% ; 11% [ DADS 2008 (Faurecia) et 1 sous-traitant Mâcon [ 3% ; 6% [ Source 10.7 % 2.0 % < 3% fabricant d articles en caoutchouc cartographique : (Anvis). Articque Enfin, la filière automobile industrielle est quasiment absente de certains territoires : les zones d emploi d Autun, du Creusot et de Châtillon-sur-Seine en sont en effet exemptes. La filière automobile est implantée dans des territoires aux caractéristiques différentes. Ces caractéristiques (attractivité du territoire, diversité du tissu industriel, structure de la population active) surdéterminent les conditions de recrutement des entreprises. Un focus sur les 5 principaux territoires d implantation de la filière industrielle doit permettre d apporter un premier éclairage pour l action territoriale. Répartition par zone d emploi des salariés. travaillant dans le Commerce et réparation automobile Poids du secteur dans l'ensemble des secteurs >21% [ 11% ; 21% [ [ 6% ; 11%[ [ 3% ; 6% [ <3% Sens 9.2 % Joigny 2.6 % Auxerre 10.9 % Nevers 8.5 % Source statistique : DADS 2008 Source cartographique : Articque Avallon 2.3 % Autun Châtillon-sur-Seine Montbard 2.1 % 0.8 % Beaune 5.2 % Dijon 22.1 % Cosne-Cours-sur- Loire 2.5 % 3.9 % 8.6 % La zone d emploi de Dijon Avec 3500 salariés chez les équipementiers et soustraitants fin 2008, la zone d emploi de Dijon rassemble plus d un emploi sur cinq de la filière automobile en Bourgogne pour la partie industrielle. La filière automobile représente 3 % des salariés du territoire, ce qui en fait virtuellement le plus gros secteur industriel. En conséquence, et malgré la taille et la grande diversité du tissu économique, Page 12

La filière automobile en Bourgogne et dans les territoires (suite) l impact des variations de l activité automobile sur l emploi direct et indirect de Sens 2 % la zone n est pas neutre. - Ces variations d emploi Joigny 8 % touchent en particulier les Auxerre «fabricants d équipements 4 % automobiles». De 889 salariés Cosne-Cours-sur-Loire en 1993, le nombre de salariés 2 % des équipementiers de rang 1 de ce territoire atteint un pic en 2006 avec 1545 salariés pour diminuer ensuite jusqu à 1267 salariés en 2009. En outre, ce secteur se caractérise par un taux de recours élevé au personnel intérimaire. On dénombre plus de 200 intérimaires en moyenne par mois en 2007 pour ce sous-secteur. Ce recours est quasiment nul au premier trimestre 2009. Nevers 5 % Decize 16 % Avallon 6 % Châtillon-sur-Seine 0 % Montbard 4 % Autun 0 % Le-Charolais 12 % Beaune 1 % Dijon 3 % Chalon-sur-Saône Le Creusot Montceau-les-Mines 8 % Source statistique : DADS 2008 Source cartographique : Articque - La population salariée de cette zone comprend une part importante de cadres administratifs, techniques et commerciaux et ingénieurs (11,3 %). - La pyramide des âges est proche de celle de l ensemble de la filière avec une part légèrement plus élevée pour les 55 ans et plus (12 % contre 10,3 %). La zone d emploi de Nevers La zone d emploi de Nevers compte 2220 salariés répartis dans 3 grands ensembles : l automobile de compétition, la fabrication d équipements automobiles, la sous-traitance de rang 2 et plus. - Avec 11 % de cadres administratifs, techniques et commerciaux et ingénieurs, les entreprises de ce territoire recherchent une main d œuvre à forte valeur ajoutée pour les activités de recherche et développement. On compte près de 230 ingénieurs sur ce territoire soit 8,5 % des salariés de la filière. 1 % Mâcon 1 % 1 % Poids des salariés. travaillant chez les Equipementiers, soustraitants, fournisseurs dans l ensemble des secteurs Louhans 2 % Poids du secteur dans l'ensemble des secteurs >12% [ 8% ; 12% [ [ 4.4 %; 8% [ [ 2.2% ; 4.4 %[ [ 1% ; 2.2% [ <1% - Les ouvriers qualifiés sont nombreux (42,5%), la part des ouvriers non qualifiés est faible. - Les entreprises de ce territoire, dont la population totale diminue depuis une vingtaine d années, rencontrent des problèmes d attractivité pour les publics jeunes et très qualifiés. La zone d emploi d Auxerre Environ 1830 salariés travaillent en 2008 dans les établissements équipementiers et soustraitants de ce territoire. - La population salariée est vieillissante avec 13,3 % de 55 ans et plus dans la filière automobile en 2008. - Le niveau de qualification est inférieur à l ensemble de la filière : 16 % d ouvriers nonqualifiés (10 % Bourgogne), seulement 6,4 % de cadres et ingénieurs et seulement 6,4 % de techniciens. -La part importante du secteur «fabrication de carrosseries automobiles et de remorques» induit un fort recours au personnel intérimaire. Page 13

La filière automobile en Bourgogne et dans les territoires (suite) Les zones d emploi de Montceau-les- Mines et du Charolais Ces deux territoires limitrophes du sud de la Saône-et-Loire sont peu attractifs et perdent régulièrement de la population depuis une trentaine d années. Ils forment un espace géographique où la densité de population décroit fortement, mais dont l emploi est concentré dans des établissements industriels de grande taille de la filière automobile : - Une unité de production de moteur à Bourbon- Lancy comptant environ 1570 salariés fin 2009 (société Fiat Powertrain Technologies) - Une usine de fabrication de pneumatiques à Blanzy comptant environ 1350 salariés fin 2009 (Manufacture Française Des Pneumatiques Michelin) Ces 2 établissements, d implantation historique, s inscrivent tous les deux dans une stratégie mondiale et manifestent une sensibilité moindre à la conjoncture nationale en comparaison des équipementiers. Le site de Fiat connait même une croissance de son activité depuis 2006. L implantation de ces établissements est déterminante : ils représentent pour ces deux territoires environ 8 % de l emploi total hors intérim. Cela fait de Montceau-les-Mines le territoire bourguignon où on observe la plus grande concentration salariale dans un seul établissement industriel. L impact sur l emploi local, indirect et induit, est évident. A titre d exemple, en comptabilisant les familles des salariés et les sous-traitants proches, l INSEE estime à 6 200 le nombre de personnes concernées en 2006 par l activité de FPT à Bourbon-Lancy et dans les communes voisines de l Allier 1. La zone d influence de FPT est vaste : selon l Insee «sa zone de recrutement dépasse les limites du Charolais et même celles du département de la Saône-et-Loire. Un tiers de ses salariés résident dans l Allier, notamment dans les communes voisines ou celles situées le long de la RN79 et 10 % résident dans la Nièvre.» 1 L économie du Charolais structurée par l emploi industriel. Insee Bourgogne. Insee Bourgogne Dimensions, n 155, Janvier 2010. 8p. A l exception des territoires de la Nièvre, qui ont fait l objet d un diagnostic spécifique, les zones d emploi de Dijon, Auxerre, Montceau-les-Mines et le Charolais constituent des priorités d analyse complémentaire étant donné leur poids et leurs caractéristiques. Page 14

Recrutements : voies, critères et difficultés 1 - Opérateur public, réseaux et connaissances : des voies de recrutements privilégiées En matière de modes de recrutement, les possibilités sont multiples. Pour les entreprises de la filière automobile, la préférence va sans conteste à Pôle emploi et aux réseaux et connaissances. En effet, les réseaux et connaissances, qu ils soient ceux des chefs d entreprises ou ceux des salariés, sont vus comme un gage de qualité des candidatures. Ainsi, le recrutement via les réseaux apparaît comme un moyen, à terme, de réduire le turn-over en présélectionnant les salariés potentiels. Néanmoins, au cours des entretiens, plusieurs entreprises ont indiqué que plus le poste à pourvoir était qualifié, moins Pôle emploi leur paraissait en mesure de satisfaire leurs besoins. Le recours aux médias, notamment la presse spécialisée, prend alors le relai, particulièrement pour le recrutement des cadres. 2 - Expérience et comportement: des critères qui comptent lors des recrutements Si ce sont l expérience et le comportement qui priment sur le diplôme, des spécificités existent selon le secteur: filière industrielle automobile ou commerce réparation. Dans les entreprises du commerce réparation automobile C est à l expérience que les entreprises du CRA semblent accorder le plus d importance lors des recrutements des bas niveaux de qualification. Ces entreprises recherchentelles plus l opérationnalité immédiate que le diplôme? Est-ce à associer directement aux métiers du secteur et à leur technicité? Dans la filière industrielle automobile Pour leur part, les équipementiers/ sous-traitants privilégient davantage le comportement lors du recrutement des ouvriers non qualifiés. Les chefs d entreprise rencontrés évoquent la valeur travail, des candidats motivés voire passionnés par leur travail «On a toujours eu du mal à trouver des gens qui nous conviennent à nous, avec l amour de la mécanique» - Un équipementier de la zone d emploi de Dijon Les chefs d entreprises recherchent-ils plus la fiabilité, c est-à-dire des salariés motivés, ponctuels, en mesure de s intégrer et de travailler en équipe? Dans la filière automobile, globalement Pour ce qui est des qualifications supérieures (OQ, OHQ, ETAM), l expérience est privilégiée au comportement et surtout au diplôme. Là encore, il semble que les répondants recherchent avant tout une capacité immédiate à assumer une charge de travail, sans temps d adaptation important, des salariés maîtrisant la technicité de leur métier et capables de la mettre immédiatement en œuvre dans le cadre de l activité de l entreprise. «Pour les recrutements, on n a pas de d exigence de diplôme, on cherche plutôt des personnes avec 10 ans d expérience.» Un équipementier de la zone de Decize Pour autant, au cours des entretiens, les chefs d entreprise rencontrés annoncent des délais d apprentissage du poste de plus en plus allongés, au-fur-et-mesure que le niveau de qualification augmente. Ce chef d entreprise de la zone d emploi sénonaise explique par exemple qu un technicien met en moyenne 3 à 6 mois à s adapter au sein de son entreprise alors qu un cadre mettra jusqu à un an. Il faut Page 15

Recrutements : voies, critères et difficultés (suite) voir ici les métiers à fort effet d apprentissage interne, l expérience permettant la montée en compétences des salariés. A noter, pour les ETAM, cadres et ingénieurs, ce sont également l expérience et le comportement qui sont avant tout recherchés et non le diplôme, comme on aurait pu s y attendre notamment pour les ingénieurs. La tendance globale à privilégier expérience et comportement lors des recrutements se retrouve à travers les réponses obtenues au cours des entretiens : un répondant sur deux affirme ne pas avoir d exigence en termes de diplôme minimum lorsqu il recrute en production ; cette proportion s élève à deuxtiers des répondants pour les recrutements de salariés de l encadrement. Pour le formuler autrement, le diplôme minimum exigé lors d un recrutement n est pas l un des critères premiers de sélection, d autant moins que le poste à pourvoir est qualifié. Au final, il faut retenir que le savoir-faire, les compétences et l opérationnalité priment sur le diplôme, donc sur les savoirs plus théoriques. Cela pose la question de la reconnaissance des compétences, qui passe essentiellement, notamment en France, par la certification et donc dans une certaine mesure le diplôme. Le recours aux CQP et à la VAE est-il suffisant pour la reconnaissance des compétences des salariés non-diplômés? 3 - La promotion interne, voie privilégiée pour pourvoir les postes d encadrement intermédiaire A travers les entretiens, ce constat sur la promotion interne se retrouve via les discours tenus sur l évolution des salariés non-diplômés. Près des ¾ des entretiens exploitables sur cette question révèlent une véritable possibilité d évolution pour un non-diplômé au sein de l entreprise, souvent à la condition d une formation, que les chefs d entreprise rencontrés se disent volontiers prêts à financer. Dans la même veine, ¾ des interviewés indiquent que la promotion interne existe au sein de leur entreprise. Elle est vue comme un moyen de gagner du temps en termes d adaptation du salarié à son poste, à l entreprise et à l environnement de cette dernière. La promotion interne fidélise les salariés, les valorise et reconnaît la qualité de leur travail. Elle semble être la voie privilégiée pour les postes d encadrement intermédiaire. «Pour les encadrements/métiers intermédiaires on est sur la promotion [ ] On privilégie les promotions internes, c est une volonté du groupe Nous avons un système de formation interne très efficace, mais nous travaillons aussi avec la Région qui a une approche très innovante sur le terrain» - Un sous-traitant de la zone d emploi du Charolais 4 - Des difficultés de recrutement liées aux territoires, aux métiers et au secteur Les difficultés de recrutement exprimées par les chefs d entreprise relèvent essentiellement de problèmes d attractivité: du territoire, du métier ou du secteur. Le caractère plutôt rural de certains territoires peut être un obstacle aux recrutements. Cet inconvénient se renforce d autant plus que les entreprises recherchent des candidats hautement qualifiés, autrement dit des ingénieurs et cadres ou encore des salariés détenant des compétences particulièrement rares. «Faire venir la matière grise dans la Nièvre, c est pas facile [ ]. Je galère, mais je suis pas le seul sur le technopôle» - Un sous-traitant dans la zone d emploi de Nevers Page 16

Recrutements : voies, critères et difficultés (suite) Le problème d attractivité du territoire peut s expliquer par différents facteurs, cumulés ou non. - Il peut renvoyer aux possibilités limitées pour le conjoint ou la conjointe du salarié recruté de trouver un emploi «Je pense que c est plus la possibilité du bassin d emploi qui permettrait au conjoint de trouver. C est clairement un frein. L un de mes cadres aurait déplacé sa famille si sa femme avait pu trouver du travail dans la région.» - Un sous-traitant dans la zone d emploi de Sens Cet interviewé explique par ailleurs que sur les huit chefs de service et directeur que compte son entreprise (180 salariés sur le site), trois, lui-même compris, habitent à plus de 200 km de l entreprise et font les allersretours toutes les semaines, principalement du fait de la difficulté pour le conjoint/la conjointe de trouver un emploi à proximité de cette entreprise. - Il peut faire écho aux services (loisirs, commerces, université ) dont le développement sur le territoire ne correspond pas aux habitudes et/ou attentes des salariés recrutés (absence de commerce de loisirs, culture, de cinéma, absence de salle de spectacle ) «Ici on est loin de tous les grands centres, on est isolés, ce qui nous rend pas attractif On a du mal à faire descendre un ingénieur avec sa famille Ceux qu on a eus sont restés maximum 4 ou 5 ans après ils sont partis ailleurs Ce n est pas un problème salarial car on a une politique de rétention des personnes par le salaire C est un problème culturel. C est la particularité de notre site planté là en milieu rural loin de Dijon et Nevers.» - Un sous-traitant dans la zone d emploi du Charolais - Il peut refléter l isolement de l entreprise qui n a pas ou très peu d homologues faisant appel à des compétences identiques à proximité. Cet isolement -dû à l absence pure et simple de concurrents ou à leur fermeture progressive, notamment en conséquence de la crise- entraine une forte diminution du vivier constitué par la main-d œuvre de la concurrence. «Y a plus de concurrence, donc y a plus ce vivier de gens qui changent. Avant, on voyait ça. Y avait des gens qui en avaient marre et qui voulaient changer. Et puis voilà. Bon, maintenant, y a plus. Bon, y a eu toute cette génération qui est partie à la retraite, là, en quelques années, pareil. Au moins 20 % dans les entreprises. [ ] Pis y a pas mal de boutiques qu arrêtent Kodak c était un vivier phénoménal, Hoover Moi quand j ai démarré y a 20 ans, j embauchais des gens qui venaient que de chez Hoover, qui faisaient partie des vagues de licenciements de chez Hoover. Je les ai gardés tous ces gens-là. Maintenant, ils sont tous à la retraite.» - Un sous-traitant dans la zone d emploi de Beaune. Il peut aussi traduire l éloignement entre l entreprise et les centres de formation proposant des formations en lien avec l activité de l entreprise. C est du moins l une des raisons à leurs difficultés de recrutement avancées par deux chefs d entreprises rencontrés pour une interview, l un dans la zone d emploi de Beaune, l autre dans celle de Tonnerre. Doit-on craindre que les difficultés de recrutements, liées aux problèmes d attractivité des territoires, désorganisent l activité de l entreprise? L un des interviewés indique par exemple que ses derniers recrutements de cadres lui ont pris entre 5 et 18 mois et qu en attendant «on se débrouille comme on peut». Un autre explique préférer refuser des commandes faute de maind œuvre pour les honorer que de recruter quelqu un sans expérience. Page 17

Recrutements : voies, critères et difficultés (suite) Par ailleurs, les entreprises sont moins exigeantes en termes de diplôme, d expérience lors des recrutements. Le faible potentiel de main d œuvre les contraint-elles à revoir leurs exigences à la baisse? Une autre dimension des problèmes d attractivité renvoie aux métiers et à leur image. Les métiers de l industrie automobile, voire même plus largement de l industrie en général, n ont effectivement pas forcément une image «positive» auprès du grand public, ce qui engendre un déficit de «vocation», donc de formés notamment et de main-d œuvre plus largement. Dans certains territoires dont l économie est tournée vers d autres secteurs, cette image de secteur qui n embauche plus augmente les difficultés. Ce déficit d image peut aller jusqu à engendrer un surcoût pour l entreprise. Plusieurs interviewés disent en effet avoir été amenés à mettre en place une participation aux frais d essence pour inciter des salariés à venir travailler dans leur entreprise. Zoom sur les territoires à faible potentiel de main-d œuvre Le territoire peut avoir une influence sur les voies de recrutement utilisées par les entreprises. Certaines zones d emploi comptent un potentiel de main-d œuvre moins important (moins d actifs, moins de jeunes), telles les zones d emploi de Decize, Montceau-les-Mines De plus, même dans des zones d emploi telles que celles de Dijon, Chalon sur Saône, des entreprises sont implantées dans des territoires ruraux et isolés. Dans ces territoires «isolés», nous observons que le recours à Pôle emploi est plus marqué. Les réseaux de connaissance y sont-ils moins développés? Page 18

Formation et demande sociale I. Commerce et réparation automobile : des formations du CAP au BTS, bien réparties sur les territoires et qui attirent les jeunes 1 - Une bonne distribution en Bourgogne Chaque grand centre urbain est doté, directement ou dans sa périphérie, d un organisme, lycée des métiers et/ou CFA, dispensant des formations aux métiers pouvant s exercer dans le commerce réparation automobile : Dijon, Chalon-sur-Saône, Mâcon, Nevers, Marzy, Auxerre et Joigny. «Les formations des lycées des métiers sont mieux adaptées aux attentes des entreprises que dans les établissements inter-professionnels» une concession dans la zone d emploi de Beaune 2 - Moins d apprentis mais plus de lycéens : des effectifs formés stables Les effectifs en formation paraissent stables depuis quelques années : si l apprentissage domine (55% des formés) ce sont toutefois les effectifs en statut scolaire qui progressent, compensant ainsi la baisse du nombre d apprentis observée. La maintenance automobile : une filière qui attire des jeunes de plus en plus motivés La filière offre des formations du niveau V au niveau III, ce qui semble répondre à la demande des entreprises. La tendance vers le renforcement et le développement des formations de niveau IV (réforme du Bac Pro en 3 ans) permettra-t-elle de répondre à la nécessaire évolution due à l accroissement de la technicité dans les métiers de l automobile? Dans le domaine de la réparation automobile, c est la maintenance qui attire le plus les jeunes : CAP et Bac Pro maintenance de véhicules automobiles sont des formations fortement demandées chaque année. La carrosserie, quant à elle, continue d attirer des jeunes dans ses formations mais paraît en perte de vitesse en termes de demande sociale. Pour attirer et fidéliser les jeunes dans les formations de la réparation automobile, la Branche a activé différents dispositifs: forums, travail sur l orientation, découverte professionnelle 3 heures ou 6 heures, formations de maîtres d apprentissage et tuteurs, «Il y a une dizaine d années, vous étiez pas bon à l école, on vous envoyait en mécanique. Depuis 4-5 ans, on sent les jeunes vraiment accrochés et motivés par leur métier.» - Une concession dans la zone d emploi de Nevers 3 - Une insertion qui souffre de la conjoncture Globalement, les anciens lycéens s insèrent moins facilement dans la vie active que les apprentis. De plus, les jeunes diplômés sortis en juin 2008 arrivent sur le marché du travail dans une période peu favorable. Des lycéens qui s insèrent moins facilement mais décrochent plus de CDI Ainsi, les anciens lycéens diplômés dans une spécialité du commerce réparation automobile subissent de plein fouet la crise: à peine 41 % d entre eux ont décroché un emploi 7 mois après leur sortie de formation (contre près de 45 % tous domaines de formations confondus). Mais l élévation du niveau de formation reste un atout considérable dans l insertion : respectivement, du niveau V au niveau III, le taux d insertion varie de 25 % à 75 %. Cependant, pour nuancer ces constats, il faut noter que les jeunes diplômés qui s insèrent Page 19

Formation et demande sociale (suite) signent plus souvent un CDI : 53 % contre 41 % tous domaines confondus. L apprentissage semble mener plus facilement à l emploi même s il est moins durable Six apprentis diplômés du CRA sur dix sont en emploi 7 mois après leur sortie de formation, soit une insertion conforme à l ensemble des apprentis. A nouveau, le niveau de diplôme joue un rôle considérable dans l insertion des jeunes. Les niveaux IV et III atteignent un taux d insertion avoisinant les 80 % alors que le niveau V dépasse à peine les 50%. A noter, les anciens apprentis diplômés du CRA décrochent moins de CDI que l ensemble des apprentis (63% contre 66%). Globalement, les rémunérations sont conformes à celles observées pour l ensemble des diplômés, anciens apprentis ou lycéens. 4 - Un contexte économique peu propice aux contrats en alternance rattachés (ex: Peugeot, Volkswagen ), les salariés du commerce réparation automobile peuvent être soumis à des obligations de formations. Elles sont alors de plusieurs types : - les stages liés à la spécificité d un modèle de véhicule. Ils concernent 3 domaines : les pièces détachées, la mécanique automobile et le commercial. -les stages obligatoires (et modules d actualisation) liés aux habilitations et aux normes (exemple de la climatisation). - les stages liés à l hygiène et à la sécurité. En 2009, dans les établissements de 10 salariés et plus, ce sont les formations commerce vente qui ont dominé (42 % des salariés formés), suivies de très près par celles à la mécanique auto et moteurs (30 % des formés). La tendance est inverse dans les petits établissements mais ce sont une fois encore ces deux domaines qui arrivent en pôle position. Globalement, le développement des compétences des salariés du commerce et de la réparation automobile passe largement par les formations constructeurs. Les contrats de professionnalisation sont en diminution en 2009 (44 contrats signés contre 84 en 2008). Cette baisse s explique notamment par la non reconduction de deux groupes homogènes d actions collectives qui visaient des CQP (en 2008, avaient été mis en place un groupe pour les carrossiers peintres dans la Nièvre et un groupe pour la vente dans l Yonne). Cette baisse peut également s expliquer par la frilosité des chefs d entreprise à recruter un jeune en contrat de professionnalisation du fait de la crise économique. 5 - Des salariés formés non seulement au commerce et à la vente mais aussi à l évolution des moteurs et de la mécanique Pour des raisons de démarche qualité et/ou de contraintes imposées par le réseau des constructeurs auxquels ils peuvent être Page 20 Quid de la formation des salariés des établissements multimarques? A noter, les petits établissements, non concernés par notre démarche de diagnostic, sont avant tout multimarques. 6 - Vers un accroissement du nombre de demandeurs d emploi formés à un niveau V La formation des demandeurs d emploi permet non seulement à des chômeurs de renforcer ou d acquérir une qualification ou de se professionnaliser pour un retour rapide à l emploi, mais aussi de répondre à un besoin à très court terme de main d œuvre qualifiée dans les entreprises. Ces trois dernières années, le nombre de demandeurs d emploi formés à des spécialités du commerce réparation automobile ont progressé de 27 %. En effet, alors que les formations de niveau IV diminuent d un tiers, celles de niveau V ont quasi doublé depuis 2007. Les entreprises ont-elles plus un besoin d opérationnalité sur la mécanique et la carrosserie que de techniciens?