Mars 2013 POSITION DE LA CGPME SUR LE PROJET DE LOI RELATIF A LA SÉCURISATION DE L EMPLOI DEPOSÉ SUR LE BUREAU DE L ASSEMBLÉE NATIONALE, NOTAMMENT SOUS L ANGLE DE LA CORRESPONDANCE AVEC L ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU 11 JANVIER 2013 Aux yeux de la CGPME, l objectif fondamental à rechercher pour le projet de loi est la transcription la plus fidèle possible à l Accord National Interprofessionnel du 11 Janvier 2013. C est dans cette optique qu elle formule les observations suivantes : La transcription est très proche de l Accord du 11 Janvier 2013 sur plusieurs points. C est le cas notamment en ce qui concerne des articles de l Accord qui avaient été «inspirés» par la CGPME : / Article 17 (article 17 de l ANI) : création pour l employeur d un délai d un an pour «se conformer aux obligations récurrentes d information et de consultation du comité d entreprise» et allongement de 45 jours à 90 jours du délai maximum pour la tenue du 1 er tour des élections des délégués du personnel et du comité d entreprise une fois les effectifs requis atteints en application des dispositions du code du travail. / Article 18 (article 22 de l ANI) : recours direct, c est-à-dire sans obligation d accord de branche étendu ou d entreprise, au contrat de travail intermittent pour les entreprises de moins de 50 salariés de certaines branches professionnelles (fixées par arrêté) (1). / Article 16 : (article 25 de l ANI) : en cas de litige sur la régularité du licenciement, possibilité lors de la phase de conciliation (devant la juridiction prud homale) de prévoir en cas d accord entre l employeur et le salarié le versement d une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé en fonction d un barème fixé par décret, tenant compte de l ancienneté du salarié. (1) L ANI visait trois branches professionnelles :. la branche professionnelle du commerce des articles de sport et équipements de loisirs ;. la branche professionnelle des organismes de formation ;. la branche professionnelle des chocolatiers confiseurs. Direction des Affaires Sociales Page 1
(article 26 de l ANI) : réduction des délais de prescription accordés à un salarié lorsqu il engage une action en justice portant sur l exécution ou la rupture du contrat de travail (délai désormais limité à 24 mois) ou les salaires (délai désormais limité à 36 mois). [Toutefois, un dispositif transitoire est prévu pour les procédures en cours.] / Article 7 (article 4b de l ANI) : possibilité de minorer (2) les taux des contributions (d assurance chômage) «en fonction de la nature du contrat de travail, de sa durée, du motif de recours à ce type de contrat, de l âge du salarié ou de la taille de l entreprise». Ceci permet de mettre en œuvre la suppression totale des cotisations d assurance chômage pendant 4 mois dans les entreprises de moins de 50 salariés (3 mois pour les autres entreprises) en cas d embauche d un jeune de moins de 26 ans en CDI, dès lors que le contrat se poursuit au-delà de la période d essai. / Article 4 (article 12 de l ANI) : Cet article prévoit, pour les entreprises de moins de 300 salariés, les thèmes des informations figurant dans la nouvelle base de données économiques et sociales mise à la disposition du comité d entreprise et des délégués syndicaux. Par rapport à l avant-projet de loi, le texte précise que «le contenu (des informations) est déterminé en Conseil d Etat et peut varier selon que l entreprise compte plus ou moins de 300 salariés». Cela paraît plus proche des dispositions de l ANI dans lequel il était indiqué que le contenu devait être adapté (au sens de la simplification) pour les entreprises de moins de 300 salariés. / De plus, dans l exposé des motifs il est précisé que l article 9 (de l Accord National Interprofessionnel du 11 Janvier 2013) sur le développement de la Préparation Opérationnelle à l Emploi «aura des suites opérationnelles par conventionnement avec Pôle emploi». Par contre, la transcription suscite de vives interrogations en ce qui concerne d autres points: / Article 1 (article 1 de l ANI) : généralisation de la couverture collective obligatoire des salariés en matière de remboursements complémentaires de frais de santé. La construction de l article du projet de loi est différente à certains égards de celle de l article correspondant de l ANI. Le projet de loi définit en effet (nouvel article L. 911-7 du Code de la Sécurité Sociale) un «socle minimal» pour ce qui est de la couverture collective obligatoire des salariés en matière de remboursements complémentaires de frais de santé. (2) ou de majorer Direction des Affaires Sociales Page 2
Ce «socle minimal», qui sera précisé par décret, va constituer le cadre des négociations qui s ouvriront avant le 1 er Juin 2013 dans les branches professionnelles où n existe pas cette couverture au profit des salariés. C est aussi ce «socle minimal» qui encadrera le dispositif de couverture que devront mettre en place pour leurs salariés les entreprises non couvertes par un accord de branche professionnelle ; cette mise en place se faisant soit par accord d entreprise, soit par décision unilatérale de l employeur. L ANI, lui, définissait un «panier de soins» qui était utilisable par les seules entreprises non couvertes par un accord de branche professionnelle ou un accord d entreprise et qui devaient donc procéder par décision unilatérale de l employeur. Avec cette construction, il y a un risque que les dispositions du décret ne correspondent pas aux dispositions de l ANI en ce qui concerne le contenu détaillé de la couverture offerte aux salariés, même si l exposé des motifs du projet de loi (qui n a pas de valeur juridique contraignante) indique que les principes seront précisés par décret «en déclinant l Accord National Interprofessionnel». Dès lors, le décret sur le contenu du «socle minimal» devra faire l objet d une véritable concertation, approfondie. Sur un autre élément, le texte présenté au Conseil des Ministres semble, par rapport à l avant-projet de loi, se rapprocher quelque peu de l ANI. En effet, il précise que «l employeur assure au minimum la moitié du financement de la couverture» alors que dans l avant-projet de loi, le niveau de la participation de l employeur (et du salarié) devait être fixé dans le décret, avec toutes les incertitudes liées à la mécanique du décret. Il y a là au moins un repère. S agissant des possibilités de désignation ou de recommandation des organismes assureurs dans le cadre des négociations de branches professionnelles, le projet de loi apparaît ambigü et même contradictoire. En effet, dans la première partie de l article 1 er, il est précisé que «la négociation (de branche professionnelle) examine en particulier les conditions, notamment tarifaires, dans lesquelles les entreprises peuvent retenir le ou les organismes assureurs de leur choix» tout en précisant «sans méconnaître l objectif de couverture de l ensemble des salariés des entreprises de leur branche». On peut avoir l impression que le cadre est fixé dans l accord de branche professionnelle mais que ce sont les entreprises et elles seules qui choisissent les organismes assureurs. Par contre, dans la deuxième partie de l article 1er, l article L. 912-1 du Code de la Sécurité Sociale (désormais complété) précise : «lorsque les accords professionnels ou interprofessionnels prévoient la possibilité de mutualisation du risque ou recommandent, sans valeur contraignante, aux entreprises d adhérer, pour la couverture des risques qu ils organisent, à un ou plusieurs organismes». Direction des Affaires Sociales Page 3
Au surplus, l exposé des motifs du projet de loi (qui n a, répétons-le, pas de valeur juridique contraignante) évoque à propos de cet article du Code (modifié) «le cas où une branche choisirait d identifier un ou plusieurs organismes, sous la forme d une désignation s imposant à ses entreprises ou d une recommandation». Devant ces données contradictoires ou à tout le moins ambigües, une clarification s impose. Qu a voulu exactement l Exécutif? Par contre, les délais, notamment en ce qui concerne la date butoir pour l obligation de mise en œuvre de la couverture - 1 er Janvier 2016 -, figurent bien dans le projet de loi. En tout état de cause, la CGPME considère que sur cet article, comme sur les autres, le projet de loi doit être aussi proche que possible de l Accord National Interprofessionnel du 11 Janvier 2013. En conséquence, elle défend l idée que le projet de loi doit permettre de faire figurer, notamment dans les accords de branche, une clause de «recommandation». / Article 4 : Cet article prévoit la création d une information-consultation du comité d entreprise (donc à partir de 50 salariés) sur «l utilisation par l entreprise du crédit d impôt compétitivité emploi» ; les sommes reçues par l entreprise au titre de ce crédit d impôt étant «retracées» dans la nouvelle base de données économiques et sociales (mentionnée précédemment). De plus, une procédure très lourde est prévue (possibilité de demande d explication à l employeur, établissement, en fonction de la réponse, d un rapport, possibilité de saisir le conseil d administration ou de surveillance lorsqu ils existent, ). Il prévoit aussi la création, dans les entreprises de moins de 50 salariés, d une information-consultation des délégués du personnel (donc à partir de 11 salariés) sur les «conditions d utilisation du crédit d impôt compétitivité emploi». Ces deux mécanismes d information-consultation ne figuraient pas dans l Accord du 11 Janvier 2013. Il serait hautement souhaitable que ce dispositif d information-consultation soit allégé en ce qui concerne les entreprises ayant 50 salariés et plus et supprimé dans les entreprises ayant entre 11 et 49 salariés compris. Il risque en effet, particulièrement dans les petites entreprises, d alourdir gravement la mise en œuvre du crédit d impôt compétitivité emploi dont on sait l importance pour les entreprises françaises, notamment TPE/PME. Direction des Affaires Sociales Page 4
/ Article 10 (article 15 de l ANI) : Cet article introduit dans le Code du Travail le dispositif de mobilité interne prévu dans l ANI, dispositif qui doit être mis en place dans le cadre d une négociation. Deux remarques doivent être faites à l égard des dispositions du projet de loi sur ce point : - Sur le champ d application, si l on suit le déroulement logique des articles du Code du Travail, la négociation (obligatoire) portant sur cette mobilité interne ne concerne que les entreprises de 300 salariés et plus, comme cela a d ailleurs été confirmé par le représentant de la Direction Générale du Travail lors de la réunion du Conseil National de l Emploi tenue le 20 Février dernier. Toutefois, le projet de loi présenté au Conseil des Ministres n ayant pas apporté sur ce point de précisions par rapport à l avant-projet de loi, il existe toujours une ambiguïté qu il serait souhaitable de lever complètement. - Sur la caractérisation du licenciement du salarié refusant l application du dispositif de mobilité interne issu de l accord négocié, une différence majeure existe par rapport à l ANI. En effet, dans le projet de loi, le licenciement «repose sur un motif économique» et «est prononcé selon les modalités d un licenciement individuel pour motif économique» alors que dans l ANI le licenciement était un licenciement pour motif personnel. Cette nouvelle règle créerait un alourdissement des procédures et aurait même un caractère absurde puisque pour déplacer quelqu un, même pour des distances très courtes, il faudrait, en cas de refus du salarié, s engager dans la procédure de licenciement individuel pour motif économique. / Article 12 (article 18 de l ANI) : Les dispositions de l article 12 du projet de loi permettent de donner un cadre juridique «officiel» aux accords de maintien dans l emploi prévus dans l ANI. Toutefois, en cas de refus du salarié concerné par les dispositions d un accord de ce type, le licenciement devra «reposer sur un motif économique et être prononcé selon les modalités d un licenciement individuel pour motif économique et ouvrir droit aux mesures d accompagnement que doit prévoir l accord». Ceci est différent des dispositions de l ANI qui prévoyaient qu «en cas de refus du salarié, la rupture du contrat de travail du salarié concerné par les dispositions de l accord s analysait en un licenciement économique dont la cause réelle et sérieuse était attestée par l accord et que l entreprise était exonérée de l ensemble des obligations légales et conventionnelles qui auraient résulté d un licenciement collectif pour motif économique». En ce qui concerne ce dernier point, il apparaît donc nécessaire de revenir à la rédaction de l ANI. Direction des Affaires Sociales Page 5