Les suites numériques

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Transcription:

Chapitre 1 Les suites numériques Les suites numériques apparaissent dès que l homme a eu recours à des méthodes itératives de calcul. On en retrouve dès l Antiquité dans les travaux d Archimède pour des calculs d aire et de volume ou pour obtenir des valeurs approchées du nombre π, ou 2 avec Héron d Alexandrie et l algorithme de Babylone. C est aussi à cette période que l on assistera aux balbutiements du raisonnement par récurrence. C est à partir du 17 e siècle que l on s intéressera de manière plus précise à la notion de convergence et que l on exposera précisément le procédé de raisonnement par récurrence, procédé de démonstration devenu incontournable en mathématiques.

Je révise et je me perfectionne I. Quelques rappels Comme son nom l indique, cette partie ne contient que des rappels. On ne redémontrera aucun des résultats qui y seront énoncés. 1) Définition Définition d une suite numérique réelle Une suite numérique réelle est une fonction définie sur N, ousurn privé de ses premiers termes, et à valeurs dans R. Onnote: u : N R n u(n) =u n. u sera également notée (u n ) n k (k N) ou, plus simplement (u n ) ; u n s appelle le terme général de la suite ou le terme de rang n (ou d indice n). Remarque 1.1 (i) À partir de maintenant, on dira «suite» pour «suite numérique réelle». (ii) Quitte à renuméroter les termes de la suite et pour simplifier les énoncés des résultats, on considérera des suites définies à partir du rang 0. Toutefois, on gardera à l esprit que toutes les suites ne sont pas forcément toutes définies à partir du rang 0. Focus 1.2 On donne ici les deux méthodes les plus courantes pour définir une suite. (1) Suite définie par une formule explicite qui dépend de n : u n = f(n) On considère la suite de terme général u n = 1 n 2 +1. Comme pour tout n N, n 2 +1 > 0 alors, pour tout n N, u n existe. Donc la suite (u n ) est définie à partir du rang 0. 8 Chapitre 1 3

Si l on considère la fonction f définie sur R par f(x) = 1 x 2 +1 alors : pour tout n N, u n = f(n). (2) Suite définie par une formule de récurrence : u n+1 = f(u n ) On considère la suite dont le terme général vérifie u n+1 = 1 u 2 n +1. Si l on considère la fonction f précédente alors : pour tout n N, u n+1 = f(u n ). Comme la fonction f est définie sur R alors la suite (u n ) est bien définie : on peut calculer l image de n importe quel terme de la suite (u n ) par la fonction f. Pour calculer les termes de la suite (u n ), on devra également connaître la valeur du premier terme de la suite. On sera très prudent avec les suites définies par récurrence : si f est définie sur une partie D de R alors, pour que (u n ) soit correctement définie, on devra vérifier que, pour tout n N, u n D. 2) Suites arithmétiques et géométriques a) Les suites arithmétiques Définition d une suite arithmétique Une suite (u n ) est arithmétique si, et seulement si, il existe un réel r tel que, pour tout n N, u n+1 = u n + r. r s appelle la raison de la suite. Proposition 1.3 Soit (u n ) une suite arithmétique de raison r. Alors : pour tout n N, pour tout k N, u n = u k +(n k)r. Remarque 1.4 Ce dernier résultat permet de passer de la formule de définition par récurrence à une formule explicite du terme général. 4 Chapitre 1 9Les suites numériques

1 Proposition 1.5 La somme des termes consécutifs d une suite arithmétique est donnée par la relation : (premier terme + dernier terme) nombre de termes S =. 2 Plus particulièrement, on a : pour tout n N, n k =0+1+ + n = k=0 b) Les suites géométriques Définition d une suite géométrique n(n +1). 2 Une suite (u n ) est géométrique si, et seulement si, il existe un réel non nul q telque,pourtoutn N, u n+1 = qu n. q s appelle la raison de la suite. Proposition 1.6 Soit (u n ) une suite arithmétique de raison q. Alors : pour tout n N, pour tout k N, u n = u k q n k. Remarque 1.7 Ce dernier résultat permet de passer de la formule de définition par récurrence à une formule explicite du terme général. Proposition 1.8 La somme des termes consécutifs d une suite géométrique de raison q 1est donnée par la relation : S = premier terme 1 q nombre de termes. 1 q Plus particulièrement, on a : pour tout n N, n k=0 q k =1+q + + q n = 1 q n+1. 1 q Chapitre 1 5 10

II. La démonstration par récurrence On considère une propriété que l on note P n qui dépend d un entier naturel n et l on veut vérifier qu elle est vraie pour tout n N, n n 0 où n 0 N. Si l on a de la chance, on pourra la démontrer directement. Dans le cas contraire, il faudrait procéder à une infinité de vérifications, ce qui n est pas envisageable. Pour palier ce problème, on aura recours à un axiome : le principe de récurrence. Pour l expliquer, prenons l exemple d un escalier (que l on suppose infini) et on veut démontrer que l on peut le monter. On vérifie dans un premier temps que l on peut mettre le pied sur la première marche de l escalier. Puis, si l on peut passer d une marche quelconque à la suivante, cela signifie que l on a pu gravir toutes les marches qui précédent et que l on pourra gravir toutes la marches qui suivent. Au final, on pourra gravir tout l escalier. Axiome 1.9 On reprend la propriété P n où n N, n n 0. Les suites numériques Étape 1 On montre que la propriété est vraie pour un entier naturel n 0. C est l initialisation. Étape 2 On montre que, si la propriété est vraie pour un entier n n 0 quelconque alors elle est vraie au rang n+1 suivant. On dit que la propriété P n est héréditaire. Étape 3 Les étapes 1 et 2 ont permis de montrer que la propriété est vraie au départ (pour n = n 0 ) et est héréditaire (P n P n+1 ) alors, pour tout entier n n 0, la propriété P n est vraie. C est la conclusion. Focus 1.10 La démonstration par récurrence vue en terminale est une méthode de démonstration qu il est impératif de maîtriser. Pour chaque raisonnement, on écrira très clairement la propriété de récurrence ainsi que les trois étapes : l initialisation, l hérédité et la conclusion. 6 Chapitre 1 11

1 Exemple 1.11 On considère la suite (u n ) définie par : pour tout n N, u n+1 = u n +5 et u 0 =1. Démontrons par récurrence que, pour tout n N, u n 3. Pour tout n N, onposep n la propriété : «u n 3». Initialisation :pourn =0, u 0 =1 3. DoncP 0 est vraie. Hérédité : supposons avoir trouvé un entier naturel n pour lequel P n est vraie. Démontrons que P n+1 est vraie. D après P n,onau n 3. Or: u n 3 u n +5 8 u n +5 8 car. est croissante. Comme 8 3, onabienu n+1 3. Donc P n+1 est vraie. Conclusion : d après le principe de récurrence, on a bien : pour tout n N, u n 3. III. Comportement global d une suite 1) Suites monotones Définition de suites monotones Soit (u n ) une suite. (i) La suite (u n ) est strictement croissante si, et seulement si, on a : pour tout n N, u n <u n+1. (ii) La suite (u n ) est strictement décroissante si, et seulement si, on a : pour tout n N, u n >u n+1. (iii) La suite (u n ) est strictement monotone si, et seulement si, elle est strictement croissante ou strictement décroissante. (iv) La suite (u n ) est constante si, et seulement si, on a : pour tout n N, u n = u n+1. Chapitre 1 7 12

Remarque 1.12 Dans le cas où la suite est simplement croissante ou décroissante, on remplacera les inégalités strictes (<) par des inégalités larges ( ). Focus 1.13 De manière générale, pour déterminer la monotonie d une suite, on étudie le signe de la différence u n+1 u n pour tout n N. Une suite dont le signe de la différence u n+1 u n ne serait pas constant sera dite non monotone. Dans le cas où la suite est définie par une formule explicite en fonction de n de la forme u n = f(n) où f est une fonction définie sur [0; + [, on pourra étudier le sens de variations de la fonction f : (i) si f est (strictement) croissante sur [0; + [ alors (u n ) est (strictement) croissante ; (ii) si f est (strictement) décroissante sur [0; + [ alors (u n ) est (strictement) décroissante. La réciproque de ce résultat est fausse. On en donne un contre-exemple ci-dessous. Les suites numériques Soit f la fonction définie sur [0; + [ par : f(x) =x 2E(x) où E désigne la fonction partie entière. On définira correctement cette fonction dans le chapitre «Continuité» mais on retiendra le principe premier de cette fonction : pour tout n N et tout x [n; n +1[, E(x) =n. On a alors : pour tout n N et tout x [n; n +1[, f(x) =x 2n. Cela signifie que sur chaque intervalle [n; n +1[, f est une fonction affine strictement croissante. Si l on considère maintenant la suite définie par : pour tout n N, u n = f(n), alors, pour tout n N, ona: u n = f(n) = n 2E(n) = n 2n = n. 8 Chapitre 1 13

1 (u n ) est alors une suite arithmétique de raison 1 < 0 ; elle est donc strictement décroissante. Proposition 1.14 Soit (u n ) une suite arithmétique de raison r. (i) (u n ) est strictement croissante si, et seulement si, r>0. (ii) (u n ) est strictement décroissante si, et seulement si, r<0. (iii) (u n ) est constante si, et seulement si, r =0. Preuve Le résultat ci-dessus découle directement de l équivalence suivante : (u n ) est une suite arithmétique de raison r pour tout n N, u n+1 u n = r. Proposition 1.15 Soit (u n ) unesuitegéométriquederaisonq 0et de premier terme u 0 > 0. (i) (u n ) est strictement croissante si, et seulement si, q>1. (ii) (u n ) est strictement décroissante si, et seulement si, 0 <q<1. (iii) (u n ) est constante si, et seulement si, q =1. (iv) (u n ) n est pas monotone si, et seulement si, q<0. Preuve Soit n N. Ona: u n+1 u n = u 0 q n+1 u 0 q n = u 0 q n (q 1). Comme u 0 > 0 alors le signe de u n+1 u n dépend du signe de q n (q 1). (i) et (ii) On suppose que q>0. Ona: q 1 > 0 q>1 et q n > 0 q>0. Donc : u n+1 u n > 0 q>1 et u n+1 u n < 0 0 <q<1. Donc : pour tout n N, u n+1 u n > 0 q>1 et u n+1 u n < 0 0 <q<1. On en déduit les cas (i) et (ii). (iii) On suppose que q<0. Remarquons que, dans ce cas, q n n a pas un signe constant. En effet, lorsque q<0, q n > 0 si n est pair et q n < 0 si n est impair. Chapitre 1 9 14