Cœur et VIH : que doit-on savoir?



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Transcription:

Cœur et VIH : que doit-on savoir? RÉSUMÉ : L infection par le virus de l immunodéficience humaine (VIH) est devenue dans les pays ayant accès au traitement antirétroviral hautement efficace disponible au milieu des années 90, une maladie chronique. C est ainsi que la morbi-mortalité de ces patients a diminué de façon spectaculaire dans les pays industrialisés. Parallèlement, des complications cardiométaboliques secondaires au traitement antirétroviral sont apparues, pouvant accélérer l athérosclérose et favoriser les événements coronaires aigus (infarctus du myocarde). Nous sommes passés de complications cardiovasculaires liées à l état d immunodépression (myocardite, péricardite) à des complications liées aux troubles cardiométaboliques secondaires à ce même traitement antirétroviral. Les causes cardiovasculaires sont devenues la 3 e cause de décès parmi les patients infectés par le VIH et traités. F. BOCCARA Service de Cardiologie, CHU St-Antoine, INSERM 938, Université Pierre et Marie Curie, PARIS. Epidémiologie Actuellement, 40 millions de personnes dans le monde sont infectées par le virus de l immunodéficience humaine (VIH). Depuis 1996, un traitement antirétroviral hautement efficace (HAART en anglais = Highly Active Anti Retroviral Therapy) est disponible dans les pays industrialisés faisant de cette infection grave une maladie chronique. Ce traitement antirétroviral comprend habituellement 3 molécules : 2 analogues nucléosidiques de la transcriptase inverse et une antiprotéase ou un non-analogue de la transcriptase inverse conduisant à une réduction spectaculaire de la morbimortalité liée à l infection par le VIH. De façon concomitante à l utilisation de ce traitement antirétroviral sont apparues des perturbations métaboliques (dyslipidémie, insulino-résistance, lipodystrophie) pouvant conduire à la survenue de complications cardiovasculaires aiguës, comprenant infarctus du myocarde, artériopathie des membres inférieurs et accident vasculaire cérébral au sein d une population âgée de moins de 50 ans. C est ainsi que ces complications sont devenues la 3 e cause de décès et le 4 e motif d hospitalisation des patients infectés par le VIH dans les pays industrialisés après les causes SIDA et infectieuses, carcinologiques et hépatiques [1]. En 25 ans d histoire d infection par le VIH, les complications cardiologiques liées à l état d immunodépression (myocardite, péricardite) ont laissé la place aux complications liées à une athérosclérose accélérée multifactorielle. Cardiomyopathies Avant l ère du traitement antirétroviral efficace, l incidence annuelle des cardiomyopathies au cours de l infection par le VIH était estimée à 15,9/1 000 [2]. Depuis l accès aux antirétroviraux, on note une nette diminution de cette incidence. Les myocardites infectieuses restent les causes les plus fréquentes de dysfonction systolique ventriculaire gauche aiguë chez les patients infectés par le VIH, le plus souvent immunodéprimés. De nombreux virus ont été mis en cause (Cytomégalovirus, Herpès virus, Coxsackie virus ) ainsi que le VIH lui-même qui pourrait, par le biais de la synthèse accrue

de cytokines (interleukines 1, 6, 10 et TNFα), provoquer des altérations cellulaires myocardiques. Les causes parasitaires : toxoplasmose ou aspergillose ne doivent pas être méconnues. De même que les déficits nutritionnels (vitamine B12, carnitine, sélénium) et les causes toxiques (toxicité mitochondriale des analogues nucléosidiques : zidovudine, stavudine, en particulier). Dans les pays en voie de développement, les cardiomyopathies liées au VIH sont fréquentes, le plus souvent corrélées à l état d immunosuppression et souvent associées à une péricardite tuberculeuse. Les tumeurs cardiaques sont plus fréquentes chez les patients infectés par le VIH comparativement à la population générale, en particulier le sarcome de Kaposi (atteinte cutanéo-muqueuse associée à une atteinte de l endocarde et du péricarde) et les lymphomes (non- Hodgkiniens type B, atteinte auriculaire droite, bloc de conduction). Péricardites L épanchement péricardique asymptomatique était très fréquent (prévalence 11 % par an) avant l ère du traitement antirétroviral efficace. La survie était là encore diminuée de moitié en cas de péricardite. Dans 1/3 des cas, l atteinte péricardique est associée à une atteinte myocardique. Tous les agents infectieux ont été mis en cause, notamment, dans les pays en voie de développement, la tuberculose. Celle-ci est aujourd hui la 1 re cause de péricardite aiguë chez les sujets infectés par le VIH. Le traitement de la péricardite tuberculeuse chez le sujet infecté par le VIH associe traitement antituberculeux et corticoïdes qui diminuent la mortalité. Depuis l avènement du traitement antirétroviral, l incidence de la péricardite a considérablement diminué. Endocardites infectieuses L infection par le VIH est un facteur indépendant de risque d endocardite infectieuse chez les sujets infectés et toxicomanes. A l inverse, l infection par le VIH en dehors de cette population particulière ne semble pas être un facteur de risque d endocardite. Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) L incidence de l HTAP avant l ère du traitement antirétroviral a été évaluée à 0,5 %, ce qui est bien plus important que dans la population générale (1/200 000). Il n y a pas de relation établie avec l état d immunodépression (taux de CD4 ou stade de l infection). Sa physiopathologie reste complexe (rôle du VIH, des cytokines, endothéline, système HLA, human herpès virus 8 ). Sa prévalence actuelle n a pas été modifiée depuis l avènement du traitement antirétroviral [3]. Le traitement de l HTAP comprend, comme dans la population générale, les inhibiteurs calciques, diurétiques, anticoagulants et analogues de la prostacycline. Un traitement par le bosentan (antagoniste des récepteurs à l endothéline) a été proposé dans le traitement de l HTAP chez le sujet infecté par le VIH et semble prometteur. Vascularites De nombreuses atteintes vasculaires inflammatoires ont été décrites au cours de l infection par le VIH (périartérite noueuse, purpura d Henoch-Schönlein, Kawasaki-like syndrome et syndrome de Takayasu). Certains patients au stade SIDA peuvent avoir une présentation clinique proche de celle du lupus érythémateux disséminé (vascularite, arthralgies, myalgies) associée à la présence d anticorps antinucléaires et d anticoagulant circulant type lupique. Risque cardiovasculaire accru L identification relativement récente d un surrisque cardiovasculaire probablement lié à la conjugaison de divers facteurs de risque dont le tabagisme et les troubles métaboliques (glucido-lipidiques) dans une population vieillissante fait craindre une augmentation de la prévalence des événements cardiovasculaires, en particulier coronaires aigus, chez les patients infectés par le VIH dans les années à venir. Il est donc indispensable que le risque cardiovasculaire de chaque patient soit évalué avant l initiation et pendant la durée d un traitement antirétroviral comme au cours de toute maladie chronique, en particulier inflammatoire. Kaplan RC et al. [4] aux Etats-Unis ont montré que les patients infectés par le VIH présentaient une prévalence plus élevée de tabagisme actif, dyslipidémie, consommation alcoolique et toxicomanie comparativement à des sujets non infectés du même âge, alors que le niveau socio-économique était plus faible. C est ainsi que 17 % des sujets infectés par le VIH dans cette étude présentent de façon significative un risque de Framingham de présenter un IDM à 10 ans supérieur ou égal à 25 % comparé à 11 % dans le groupe témoin non VIH. En France, il semble bien que le risque cardiovasculaire des sujets infectés par le VIH soit plus important que celui de la population générale. Il existe deux fois plus de patients séropositifs présentant un risque élevé (> 20 %) de présenter un IDM. Maladie coronaire dans la population VIH Les premiers cas cliniques isolés d infarctus du myocarde chez des patients traités par antiprotéases ont été rapportés en 1998 chez des sujets fumeurs, dyslipidémiques de moins

de 45 ans. Les différentes études épidémiologiques [5-10] ont montré que l incidence de l IDM est plus élevée dans la population VIH que dans la population générale. En ce qui concerne le traitement antirétroviral, il est maintenant admis que la durée d exposition au traitement, et en particulier aux antiprotéases, est responsable d un surrisque d IDM. Dans l étude DAD publiée en 2007 [10], l hypercholestérolémie (RR : 1,26 ; IC 95 % : 1,19-1,35 ; p < 0,001), l hypertriglycéridémie (RR : 1,58 ; IC 95 % : 1,43-1,75 ; p < 0,001), la présence d un diabète (RR : 1,86 ; IC 95 % : 1,32-2,65 ; p < 0,001) étaient aussi des facteurs indépendants de risque d IDM, de même que l âge, le sexe et le tabagisme. DAD a montré que toute année d exposition supplémentaire aux antiprotéases augmentait le risque d IDM de 16 % (RR : 1,16 ; IC 95 % : 1,10-1,23), après ajustement sur les facteurs de risque traditionnels d IDM. Si l on ajuste encore sur les paramètres lipidiques, ce risque diminue à 10 % par année supplémentaire et reste significatif (RR : 1,10 ; IC 95 % : 1,04-1,18) soulignant l impact probable direct du traitement par antiprotéases. L étude française rapportée par Mary-Krause et al. [9] décrit l incidence des IDM dans une cohorte de 19 000 patients sous traitement antirétroviral comportant une antiprotéase. La cohorte a été divisée en trois groupes en fonction de la durée du traitement par antiprotéases : < 18 mois (groupe 1) : 23 IDM ; de 18 à 29 mois (groupe 2) : 18 IDM ; > 30 mois (groupe 3) : 13 IDM. L incidence est de 0,89, 1,92 et de 3,47 pour 1 000 patients-années respectivement. Une augmentation de l incidence des IDM a été observée dans cette population de patients infectés par le VIH sous antiprotéases, avec un risque relatif multiplié par 1,7 pour le groupe 2 (IC 95 % : 1,0-2,7) et par 3,1 pour le groupe 3 (IC 95 % : 2,0-6,3) comparativement au groupe 1. Cette augmentation d incidence est donc associée à la durée d exposition aux antiprotéases. Traitement antirétroviral Dyslipidémie ( HDLc, LDLc, VLDL, TG) Insulino-résistance Diminution adiponectine Hyperactivité du système rénine angiotensine Stress oxydant activé Dysfonction endothéliale Toxicité mitochondriale Accélération athérosclérose Facteurs de risque classiques Vieillissement de la population infectée VIH Tabagisme, dyslipidémie, diabète, HTA accru DAD [5] a aussi montré que le risque de survenue d IDM chez les patients traités par antirétroviraux était supérieur au risque prédit par l équation de Framingham. A l inverse, chez les patients ne recevant pas d antirétroviraux le nombre d IDM observé était inférieur à celui prédit par l équation de Framingham (3 comparés à 7,6). L étude SMART [11] a comparé deux stratégies thérapeutiques chez le sujet infecté par le VIH sous antirétroviraux ; soit un traitement antirétroviral continu ayant comme objectif une charge virale du VIH indétectable, soit un traitement discontinu (vacances thérapeutiques). Elle a été arrêtée avant sa fin prévue en raison d un plus grand nombre d événements cliniques cardiovasculaires (ischémiques et autres), rénaux et hépatiques dans le groupe traitement discontinu soulignant le rôle probable de l immunité et du virus dans la genèse des événements athérothrombotiques. Plusieurs hypothèses physiopathologiques ont été soulevées en ce qui concerne l accélération de l athérosclérose coronaire chez les patients infectés par le VIH sous traitement antirétroviral (fig. 1). Peu d études [12-15] ont évalué le pronostic de la maladie coronaire chez le patient infecté par le VIH en comparaison à la population générale. Il semble dans ces séries à faible effectif (20 à 50 patients) que l atteinte en termes de nombre de vaisseaux atteints, d extension et de sévérité de la maladie coronaire soit identique dans les deux populations, avec une prévalence plus importante de l atteinte monotronculaire, ce qui est habituel chez les patients de moins de 45 ans présentant un IDM. Matetzky et al. [12] ont montré VIH lui-même HypoHDLémie Activation du facteur tissulaire Hyperactivité immune (lymphocyte T, chémokines) Hyperactivité inflammatoire (TNFα, IL6) Rôle des co-infections? : hépatites virales B ou C FIG.1:Hypothèses physiopathologiques de l accélération de l athérosclérose chez le patient infecté par le VIH sous antirétroviraux.

qu il existait après un IDM plus de risque de récidive ischémique ou de resténose coronaire clinique chez le patient infecté par le VIH que chez le non-vih. En cas d angioplastie sans stent, Hsue et al. [13] ont montré que la resténose clinique était plus fréquente chez le sujet infecté. Dans cette étude dont l effectif était faible, cette différence disparaissait après implantation d un stent. Nous avons mené une étude prospective en France intitulée PACS (Prognosis of Acute Coronary Syndrome in HIV-infected patients) et les premiers résultats après un suivi d 1 an montrent un risque de récidive de syndrome coronaire aigu et de nouvelle angioplastie urgente plus fréquent chez les sujets infectés par le VIH par rapport aux sujets contrôles. Le suivi total de l étude a été de 3 ans et les résultats seront disponibles avant la fin de l année 2010. POINTS FORTS En l absence de traitement antirétroviral efficace, les complications cardiovasculaires sont dominées par la myocardite avec un pronostic sombre. Le risque cardiovasculaire des sujets infectés par le VIH et traités par antiprotéases est augmenté par rapport à la population générale. Le risque d IDM est deux fois plus important que dans la population générale. Le risque d IDM est augmenté proportionnellement à la durée d exposition aux antiprotéases. Les interactions avec les antiprotéases sont nombreuses et en particulier avec certaines statines (cytochrome P450 3A4). Il existe des recommandations dans la population infectée par le VIH concernant la prise en charge en prévention primaire et secondaire [16, 17]. Cellesci ne diffèrent pas de la population générale mais soulignent le rôle indépendant du virus VIH et du danger potentiel des interactions entre hypolipémiants et antiprotéases. En effet, une attention particulière doit être portée chez les patients infectés par le VIH car plusieurs statines sont contreindiquées en raison de l interaction avec le cytochrome P-450 3A4 et le traitement par antiprotéase [18] (tableau I). Certaines statines (simvastatine et atorvastatine) voient leur taux plasmatique augmenté avec un risque accru de rhabdomyolyse. Il est donc actuellement conseillé de traiter une dyslipidémie chez les patients infectés par le VIH et sous antiprotéases par la pravastatine, la fluvastatine ou la rosuvastatine (la plus puissante) car ces statines ne sont pas métabolisées par le CYP450 3A4. L atorvastatine peut être utilisée à sa dose la plus faible de 10 mg/j avec beaucoup de Classe d antirétroviral Molécules précaution (dosages des CPK rapprochés). La place des fibrates reste entière en cas d hypertriglycéridémie menaçante pour diminuer le risque de pancréatite aiguë. Enfin, il est nécessaire de réaliser le sevrage tabagique en cas d accumulation des facteurs de risque cardiovasculaire car il semble bien que le cocktail tabac et antiprotéase soit explosif d autant plus que s y associe une dyslipidémie. Conclusion Il est maintenant indispensable que les médecins prenant en charge les patients infectés par le VIH prennent en compte le surrisque cardiovasculaire polyfactoriel de leurs patients. L efficacité immuno-virologique reste toujours le 1 er objectif du praticien, en partenariat étroit avec le cardiologue. Ils doivent mettre en place une stratégie de réduction du risque cardiovasculaire. Cette stratégie doit s appuyer sur l identification et la prise en charge des facteurs de risque classi- Interaction avec molécule cardiologique Analogue non- Efavirenz (Sustiva) Warfarine ucléosidiques de la Névirapine (Viramune) Inhibiteurs calciques transcriptase inverse Bêtabloquants Quinidine Inhibiteur de protéase Ritonavir (Norvir) Toutes les molécules Saquinavir métabolisées par le (Invirase, Fortovase) Cytochrome P450 3A4 : Amprénavir amiodarone, lidocaïne, (Agénérase, Telzir) quinidine, warfarine, Indinavir (Crixivan) simvastatine, atorvastatine, Nelfinavir (Viracept) inhibiteurs calciques, Tipranavir bêtabloquants, sildenafil, ciclosporine, tacrolimus Antibiotique Triméthoprime/ Toutes les molécules sulfaméthoxazole (Bactrim) métabolisées par le cytochrome P450 3A4 Allongement QT TABLEAU I: Principaux médicaments cardiologiques interagissant avec le traitement antirétroviral anti- VIH.

ques et en particulier l aide au sevrage tabagique. De même, l utilisation de drogues illicites et surtout de la cocaïne ne doit pas être négligée. Enfin, d autres études sont nécessaires pour identifier de façon incontestable le VIH comme un facteur indépendant de risque de maladie cardiovasculaire. Bibliographie 01. KWONG GPS, AZRA CG, RODE RA et al. Comparison of the risks of atherosclerotic events versus death from others causes associated with antiretroviral use. AIDS, 2006 ; 20 : 1 942-50. 02. SUDANO I, SPIEKER LE, NOLL G et al. Cardiovascular disease in HIV infection. Am Heart J, 2006 ; 151 : 1 147-55. 03. SITBON O, LASCOUX-COMBE C, DELFRAISSY JF et al. Prevalence of HIV-related pulmonary arterial hypertension in the current antiretroviral therapy era. Am J Respir Crit Care Med, 2008 ; 177 : 108-13. 04. KAPLAN RC, KINGSLEY LA, SHARRETT AR et al. Ten-year predicted coronary heart disease risk in HIV-infected men and women. Clin Infect Dis, 2007 ; 45 : 1 074-81. 05. FRIIS-MOLLER N, SABIN CA, WEBER R et al. Data Collection on Adverse Events of Anti-HIV Drugs (DAD) Study Group. Combination antiretroviral therapy and the risk of myocardial infarction. N Engl J Med, 2003 ; 349 : 1993-2003. 06. HOLMBERG SD, MOORMAN AC, WILLIAMSON JM et al. HIV Outpatient Study (HOPS) investigators. Protease inhibitors and cardiovascular outcomes in patients with HIV-1. Lancet, 2002 ; 360 : 1 747-8. 07. BOZZETTE SA, AKE CF, TAM HK et al. Cardiovascular and cerebrovascular events in patients treated for human immunodeficiency virus infection. N Engl J Med, 2003 ; 348 : 702-10. 08. KLEIN D, HURLEY LB, QUESENBERRY CP et al. Do protease inhibitors increase the risk for coronary heart disease in patients with HIV-1 infection? J Acquir Immune Defic Synd, 2002 ; 30 : 471-7. 09. MARY-KRAUSE M, COTTE L, SIMON A et al. And the Clinical Epidemiology Group from the French Hospital Database. Increased risk of myocardial infarction with duration of protease inhibitor therapy in HIV-infected men. AIDS, 2003 ; 17 : 2 479-86. 10. DAD Study Group, FRIIS-MOLLER N, REISS P, SABIN CA et al. Class of antiretroviral drugs and the risk of myocardial infarction. N Engl J Med, 2007 ; 356 : 1 723-35. 11. Strategies for Management of Antiretroviral Therapy (SMART) Study Group, EL- SADR WM, LUNDGREN JD, NEATON JD et al. CD4+ count-guided interruption of antiretroviral treatment. N Engl J Med, 2006 ; 355 : 2 283-96. 12. MATETZKY S, DOMINGO M, KAR S et al. Acute myocardial infarction in human immunodeficiency virus-infected patients. Arch Intern Med, 2003; 163: 457-60. 13. HSUE PY, GIRI K, ERICKSON S et al. Clinical features of acute coronary syndromes in patients with human immunodeficiency virus infection. Circulation, 2004 ; 109 : 316-9. 14. AMBROSE JA, GOULD RB, KURIAN DC et al. Frequency of and outcome of acute coronary syndromes in patients with human immunodeficiency virus infection. Am J Cardiol, 2003 ; 92 : 301-3. 15. BOCCARA F, TEIGER E, COHEN A et al. Percutaneous coronary intervention in HIV infected patients. immediate results and long term prognosis. Heart, 2006 ; 92 : 543-4. 16. DUBE MP, STEIN JH, ABERG JA et al. Adult AIDS clinical Trials group cardiovascular subcommittee. Guidelines for the evaluation and management of dyslipidemia in human immunodeficiency virus (HIV)- infected adults receiving antiretroviral therapy : recommendations of the HIV Medical Association of the Infectious Disease Society of America and the Adult AIDS Clinical Trials Group. Clin Infect Dis, 2003 ; 37 : 613-27. 17. YENI P. Prise en charge des personnes infectées par le VIH. Recommandations du groupe d experts. Complications associées au VIH et aux traitements antirétroviraux. Chapitre 7. Rapport 2008 sous la direction du Pr Yeni. Ministère de la Santé, Editions Médecine-Sciences Flammarion. 2008. L auteur a déclaré ne pas avoir de conflit d intérêt concernant les données publiées dans cet article.