Séminaire Caisse des Dépôts TDTE n 6 saison 4



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Transcription:

Séminaire Caisse des Dépôts TDTE n 6 saison 4 Faut-il repenser l épargne retraite en France? Mardi 3 mars 2015 Intervenants : Jean Hervé Lorenzi, Titulaire de la Chaire TDTE Olivier Davanne, Economiste, auteur du rapport «Retraite et épargne» pour le Conseil d analyses économiques Jérôme Glachant, Professeur à l Université de Paris 1 Jean Berthon, Président de la FAIDER Audrey Desbonnet, Maître de conférences à l Université de Paris Dauphine Claire Loupias, Maître de conférences à l Université d Evry Val d Essonne Christian Carrega, Directeur général de Préfon Didier Folus, Professeur à l Université Paris Ouest-Nanterre La Défense et à l IFPASS Valéry Jost, Délégué général d APIGI Patrice Bonin, Vice-président de la Commission des assurances de Personnes de la FFSA L épargne retraite, collective ou individuelle, est quasi inexistante en France, contrairement à bien d autres pays. Le contrat social de 1945 compte pour beaucoup dans cette exclusivité du système par répartition. Les réformes paramétriques, souvent douloureuses, se sont montrées incapables par leur multiciplité d adapter ce régime au contexte actuel, en particulier à l allongement de la durée de la vie. Et s il fallait, une fois pour toute, introduire un deuxième pilier, un régime par capitalisation qui, hier très décrié, propose des solutions pour non seulement pérenniser les retraites, mais aussi garantir l égalité de traitement? Introduction Jean-Hervé Lorenzi Ce séminaire est le premier d un nouveau cycle, majeur pour la Chaire, consacré aux implications du vieillissement sur les politiques économiques et sociales. Des politiques qui doivent désormais s inscrire dans un nouveau pacte intergénérationnel. Le contrat social, élaboré par les philosophes des Lumières et repris par les sociaux-démocrates du 20 e siècle, 1

réconcilie d une certaine façon des classes sociales antagonistes autour d un pacte civique et social. L idée d un contrat entre générations est assez récente, apparaît au moment même où le contrat initial est remis en cause et dont la jeunesse se sent exclue. Ce séminaire est une première contribution pour bâtir un nouveau contrat intergénérationnel qui suppose aussi de mener une réflexion sur le début et la fin de la période de travail, sur la formation nécessaire à ces deux temporalités essentielles de l intégration, ainsi que sur les questions de santé. Où trouver les éléments clés d un nouveau contrat? Aujourd hui, la question est de savoir si la baisse des revenus des retraités, déjà inscrite dans la réforme de 1993, ouvre la voie à une vraie épargne retraite, obligatoire, loin de ce succédané qu est l assurance vie. Ce qui revient à imaginer un système qui permette d assurer les revenus des retraités pour les vingt à trente ans à venir. Olivier Davanne La spécificité française repose, en matière de retraite, sur le refus d une réforme systémique et sur une gestion à la marge permettant d éviter une réflexion bien plus large sur le bon niveau des retraites dans le PIB. Ne pas augmenter les cotisations, ce qui constitue un véritable consensus, entraîne la baisse progressive des droits et, par conséquent, la création de nombreux produits d épargne relevant d une capitalisation qui ne veut pas dire son nom. Or, la question de la quantité d épargne retraite nécessaire est à la fois d ordre normatif, ce que les ménages devraient épargner par sagesse compte tenu de l évolution du système de retraite par répartition, et d ordre positif, ce qu ils font en réalité. Une question difficile à résoudre tant que les paramètres ne sont pas stabilisés, sur l âge de départ à la retraite, par exemple, qui change profondément la donne sur le volume de l épargne à constituer. La hausse de l épargne retraite est prévisible, mais dans le contexte où le taux d intérêt sans risque est passé massivement en dessous du taux de croissance, la répartition semble être une option plus intéressante. Dans ce même contexte de taux très faible, le système par capitalisation engendre ipso facto toujours plus d épargne et des produits peu adaptés d un point de vue de pure gestion financière. Quant à une épargne retraite obligatoire, elle semble peu pertinente en France au regard des régimes complémentaires qui peuvent se charger d une «répartition provisionnée», comme c est le cas dans la fonction publique. Enfin, ce changement radical que sont des taux très faibles à 30 ans offre de vraies opportunités pour constituer cette épargne provisionnée et éviter ainsi de «faire payer» une génération. 2

Débat 1 : Quelle épargne retraite à l horizon de 20 ans? Jérôme Glachant L épargne retraite en France n a pas de vraie définition. C est, en réalité, une planification financière tout au long du cycle de vie, avec des phases de cumul et de décumul, cette épargne ne faisant pas l objet de transmission. Elle permet aussi de gérer des risques, le risque de longévité, de dépendance ou de chômage avant la retraite Enfin, elle s articule avec les pensions de la répartition. Quant aux chiffres, sur les 16 pays qui cumulent 36 000 milliards d encourt fin 2013, la France ne totalise que 171 milliards, avec un taux de couverture de 20%, trois millions de personnes concernées par des plans dits personnels et six millions par des plans dits professionnels. De manière agrégée, les régimes de retraite par répartition fournissent 98% des prestations, l épargne retraite 2%, une épargne qu il faut dissocier de l épargne patrimoniale ou de précaution. Cette épargne ne peut en aucun cas englober l assurance vie et le livret A, ce que certains se sont risqués à faire à partir de l enquête patrimoine de 2010 pour aboutir au chiffre 700 milliards d épargne retraite alors qu elle ne représente, individuelle et collective, que 20% du total. Élaborer une vraie épargne retraite revient à se poser la question de sa qualité et de sa quantité en tenant compte du contexte. Les réformes dites paramétriques ont ainsi, selon les dernières analyses du COR, un horizon plus stable, soit une baisse des taux de remplacement de l ordre de 10% à 15% à l horizon de 20 ans et une baisse du niveau des pensions par rapport aux revenus des actifs. Ce taux de remplacement est étroitement lié à la croissance économique, résultat de ce paradoxe français qui est d avoir indexé les retraites sur les prix et non sur les salaires. De ce fait, la richesse des pensions représente un actif acyclique. En cas de croissance, sa valeur n augmente pas et inversement. Si la valeur des droits à pension est réduite par les réformes successives et le risque associé accru, en vertu de cette sensibilité à la croissance, l épargne retraite, de précaution, devrait se développer. En prenant les 700 milliards actuels, il faudrait pour obtenir des prestations à hauteur de 10% des prestations données par le système général (soit 25 à 30 milliards) accumuler un capital supplémentaire de l ordre de 400 milliards. D autre part, ces mêmes réformes creusent des écarts entre les taux de remplacement et engendrent un besoin qui croît avec le niveau de revenu, une tendance destinée à se renforcer. Les contraintes macroéconomiques jouent aussi. La transition démographique des 20 prochaines années s accompagne d une croissance molle, ce qui rend le scénario médian du COR le plus réaliste et le système par répartition plus fragile. D autre part, le vieillissement est paradoxalement favorable à l inflation, avec une demande plus importante que l offre, ce qui n est pas sans incidences sur de nouveaux déséquilibres à venir. Enfin, choisir de reporter 3

sa consommation à demain pose la question du taux d intérêt et sa faiblesse, celle du niveau de l épargne. Parler d épargne retraite, c est tout d abord partir du besoin d épargne retraite des ménages français et de son hétérogénéité. C est aussi gérer les risques de pensions, leur coût, dont l Etat n a pas la vocation à devenir la garantie, privilégier la cotisation définie sur la prestation définie. C est, enfin, partir de l existant où se mêlent assurance vie et immobilier, et développer de vrais plans d épargne retraite. Le dernier principe est de s inspirer des expériences étrangères, comme par un effet de rattrapage, pour élaborer des dispositifs adaptés aux individus et à leur manque de rationalité. La solution passe aussi par l ouverture de plusieurs fronts : l épargne retraite individuelle, professionnelle, les formules d abondements employeur/employé/ Etat, les choix d intermédiaires privés comme c est le cas au Royaume Uni, l épargne collective sur l exemple de la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) qui illustre la capacité à évoluer, peut-être vers un système par points. Jean Berthon Quelques remarques. L immobilier n est pas un produit d épargne retraite en soi, mais il peut être utilisé comme tel, d où la nécessité de monétiser une partie du patrimoine détenu par les retraités pour leur permettre de maintenir un taux de remplacement correct par rapport au dernier salaire perçu. Ce taux varie beaucoup selon les catégories socioprofessionnelles, qui s est quelque peu effondré pour les classes moyennes et les cadres supérieurs. Pour en revenir à l épargne retraite, la FAIDER a mené une enquête en 2011 auprès de l ensemble de ses membres sur les motifs invoqués par les particuliers pour ouvrir un compte d assurance vie. Se constituer un capital en vue de la retraite devançait la fiscalité, ce qui promet à ce type de contrat un bel avenir. Il est possible d évaluer son taux de pénétration en reprenant l enquête «patrimoine» de l INSEE de 2010 où 41% des ménages disent détenir un contrat d assurance vie. Ce qui est à comparer à des contrats très ciblés, les contrats Madelin dont les taux de pénétration sont élevés, contrairement aux produits individuels, de 8,5% pour le PERCO, de 8,3% pour le PERP, de 5,6% pour le PEP. Le concept à retenir est celui des droits acquis à retraite, c est-à-dire la richesse des pensions. Or, il serait plus intéressant de faire référence à l open system qui intègre les contributions et les prestations à venir pour l ensemble des régimes de retraites, soit la population existante et à venir. Enfin, le taux d actualisation à retenir pose un véritable problème. Sur la base de 6000 milliards de richesses des pensions, un point de taux représente 20% de variation, soit 1000 milliards. Ce qui est exorbitant. 4

Il reste à justifier l injustifiable. La richesse des pensions est un actif acyclique, avec un bêta proche de zéro, voire négatif, ce qui invite à investir dans des actions. Or, souscrire dans des actifs à risques est impensable pour les futurs retraités, ce qui suppose une information adaptée. Débat 2 : Allongement de l espérance de vie et horizon potentiel de l épargne en France Audrey Desbonnet Quelles sont les conséquences de l allongement de l espérance de vie sur le comportement d épargne en France et sur le montant comme la durée potentielle de celle-ci? Le cadre théorique de l étude prend en compte l espérance de vie en 2015 et 2035, mais aussi la structure par âge de la population. Ce modèle est celui du cycle de vie, dans lequel figurent le régime de retraite par répartition et le système d assurance-chômage, ce qui permet de capter les différents motifs d épargne, de précaution, de cycle de vie et de transmission. Le modèle distingue sept catégories socioprofessionnelles (artisans/commerçants, chefs d entreprise, cadres supérieures/professions libérales, cadres moyens, professions intermédiaires, employés et ouvriers qualifiés et employés non qualifiés) dont les revenus varient sur le marché du travail et selon l âge, calcule un taux de chômage de 10% et suppose que les agents ne prennent leur retraite en 2015 pas avant 62 ans. L agent détermine sa consommation et son épargne de façon à lisser sa consommation sur son horizon de vie, mais aussi pour répondre à son désir de léguer à son descendant. Ce modèle étalonne deux paramètres, le taux de préférence pour le présent et le degré d altruisme des agents vis-à-vis de leurs descendants. Le premier est évalué à 1,4% et le second à 1,35%. Quant aux matrices qui décrivent les transitions sur le marché du travail, elles donnent un taux de chômage de 10%. Claire Loupias L exercice est de comparer la situation de 2015 à trois situations possibles en 2035. Celles-ci ont en commun la hausse de l espérance de vie, un ratio de dépendance démographique de 66% des plus de 60 ans sur les 15-59 ans. Face à ce ratio, soit les cotisations de retraites augmentent, soit les taux de remplacement diminuent, soit l âge de départ à la retraite recule. Si, dans la réalité, c est un mixte des trois qui prévaut, ce découpage permet de clarifier trois cas «polaires». 5

Le résultat est une hausse des cotisations de 6,8% ou un taux de remplacement diminué de 18 points ou un recul de l âge de la retraite à 68 ans. Ces trois cas ont des conséquences différentes sur la croissance et l évolution de la richesse financière. Seul le scénario d un allongement de la durée du travail peut aller dans le sens d une augmentation de la consommation, sans augmentation de la richesse. La hausse des cotisations ne joue qu en faveur d une stagnation de cette même richesse financière des agents et, dans le cas où le taux de remplacement baisse, les agents sont incités à épargner au détriment de la consommation. Le modèle reproduit l hétérogénéité de la situation des agents. Un quart des 40 ans n a aucune richesse financière et présente des niveaux moyens de richesse dont la médiane est très éloignée du niveau moyen. De nombreux individus n ont quasiment rien dans tous les types de scénarios étudiés. Les inégalités de patrimoine et de consommation dans tous les scénarios étudiés ont des conséquences sur les inégalités qui ne sont pas celles que l on attendait. L allongement de la durée du travail augmente les inégalités dans la mesure où il n est plus indispensable d épargner plus. Seuls les plus riches continuent à constituer de la richesse financière. L avenir de l épargne, en fonction de l allongement de la vie active, est censé se déformer. C est là la question de «l horizon potentiel» ou le calcul de la richesse financière de l agent, en fonction de son parcours de vie. C est une information décisive pour évaluer le temps maximum de la longévité de cette épargne sans la mobiliser. Dans le modèle présenté, l agent renouvelle son épargne tous les ans. Si près de 50% n ont presque rien à 40 ans, les autres souhaitent la garder le plus longtemps possible. Augmenter les cotisations ne représente pas de déformation quant à l horizon potentiel de l épargne, au contraire de la diminution du taux de remplacement qui impacte la durée épargne ou de l allongement de la durée des cotisations qui, selon les cas et les âges, peut augmenter ou diminuer cette même durée. Christian Carrega L épargne retraite n est pas pensée comme un sujet personnel. La majorité des agents font encore confiance au pacte de 1945, ce qui est un peu moins vrai pour les jeunes générations. Le Préfon, fonds de pension pour les fonctionnaires créé il y a 50 ans, ne réunit aujourd hui que 15 milliards d euros, avec un peu moins de 400 000 souscripteurs. La part de l épargne retraite reste très faible au regard de l assurance vie qui est un contrat destiné à la transmission, ou du livret A. On peut parler d irrationalité des agents, due à l action des assureurs depuis 50 ans et à ce tropisme bien français selon lequel l Etat est là pour trouver des solutions. Les fonctionnaires, affiliés ou non, sont de gros épargnants : 40% épargnent 500 euros par mois. Mais, depuis un an, les mesures prises ont brouillé la vision qu ils avaient sur le montant de leur retraite à venir. Sachant qu ils vont avoir 20 points à compenser, ils reconnaissent que leur épargne est insuffisante pour obtenir un niveau de rente élevé. Il y a là 6

une vraie perte de confiance, le constat que des efforts supplémentaires sont impossibles. Une étude de notre organisme montre que les jeunes retraités de la fonction publique sont 95% à penser qu une rente de 250 euros par mois est nécessaire, ce qui reste un montant faible. Mais l écart de consommation entre ceux qui détiennent un contrat Préfon et les autres, joue sur les sorties, l aide financière aux proches et, plus important, sur les soins dentaires. Penser la retraite, c est penser des revenus réguliers et non un capital qui ne peut répondre au défi de l allongement de la vie. Il y a une vraie pédagogie de la rente à faire, en prenant l espérance de vie à partir de 60 ans, comme une réforme fiscale en faveur de l épargne retraite, du long terme. L Etat se prémunirait là de risques sociaux bien réels. Debat 3 : Proposition d un cadre de développement d une retraite par répartition Didier Folus Partir du besoin des retraités futurs, de leur intérêt, c est aussi leur permettre d être exposés à la croissance économique. Les actifs financiers, soit la capitalisation, sont un moyen d atteindre ce but, un moyen qui vient en complément, et non en opposition, à la répartition. La répartition représente presque 100% du mécanisme actuel d épargne retraite obligatoire. Or il existe des risques et des coûts associés à ce système. Le régime par répartition semble a priori relativement simple. D un côté, ce sont des retraites futures à verser, des provisions techniques, des engagements écrits sur des prestations déterminées à l avance selon des paramètres qui évoluent au cours du temps. De l autre, ce sont des cotisations d un montant au moins égal à celui des prestations, voire un peu plus avec un «fonds de réserve des retraites». En réalité, ce système est bien plus compliqué. En effet, une partie des provisions techniques n est pas comptabilisée, qui concerne les fonctionnaires ou agents publics, ce qui interdit une vision d ensemble. Quant aux cotisations, elles sont depuis longtemps insuffisantes, un manque comblé par des impôts affectés (CSG ) ou non affectés, faisant des cotisants actuels et des contribuables les créanciers de ce système. Sur les fonds propres de ce régime, l histoire débute en 1945-1946 avec le premier apport initial pour verser les premières pensions à des travailleurs qui n avaient jamais cotisé. Un apport financé par une dette. Le système fonctionne ainsi toujours à BFR (besoin en fonds de roulement) positif, ce qui est contraire au bon fonctionnement d un mécanisme d assurance. Ce dispositif est donc très difficile à évaluer, n est pas neutre actuariellement et 7

induit des coûts, la perte de confiance comme la nécessité de poser des garanties publiques, inscrites dans la Constitution de 1958. Ces risques et ces coûts se traduisent par la volatilité d un certain nombre d indicateurs. Le solde, l écart entre les recettes et les dépenses, de la Caisse nationale d assurance vieillesse varie, par exemple, d une année sur l autre, ce qui devrait inquiéter ses affiliés. D autre part, tous les travaux pour évaluer les droits à la retraite à un instant donné, en termes de stock, montent aussi une volatilité, une dépendance très importante au taux d actualisation. Dans ce sens, les risques associés à la répartition et à la capitalisation ne sont pas aussi différents qu on le dit. Cette instabilité a un coût. Un coût public car la part des cotisations n a cessé de diminuer en net, aujourd hui au ¾, et le système de s éloigner de son équilibre actuariel, dépendant ainsi de plus en plus du contribuable. Elle a un aussi un coût privé que sont les difficultés d évaluation. Le COR annonce une baisse relative des pensions, autour de 20%, entre les revenus des retraités futurs et ceux des salariés futurs à l horizon de 2040, une baisse que l on peut compenser en augmentant d un quart les cotisations ou en repoussant à 70 ans l âge légal du départ à la retraite à horizon 2060. Des ajustements qui sont douloureux. La solution serait d introduire une part de capitalisation, ce qui permettrait au système d être moins vulnérable, de ne plus dépendre des mêmes accidents économiques au même moment. Elle ouvre aussi la possibilité de passer outre les frontières nationales, ce qu interdit un système par répartition, et d exposer chacun à la croissance mondiale. Enfin, la transition pourrait se faire avec un système à 90% en répartition et à 10% en capitalisation. Elle a un coût important, mais la période de taux bas permet d emprunter pour acheter des actifs risqués. Introduire de la capitalisation dans système permet de redistribuer, via des dividendes, les fruits du travail de ceux qui travaillent plus longtemps. Ce qui évite, comme on l a vu, les inégalités accrues engendrées par l augmentation de la durée du travail. Valery Jost Le régime par répartition a la force d exister de façon massive, de redistribuer une rente sans avoir à craindre son ennemi qu est l inflation, de bénéficier de vrais leviers que sont les abaques du COR. La difficulté est de faire évoluer ce système, en sachant que l arbitrage entre capitalisation et répartition n est pas du ressort de l individu, mais de la société. La capitalisation apporte la souplesse dont le régime par répartition a besoin et s avère indispensable, en termes de complément de revenus, pour un système qui ne peut augmenter ses cotisations. La capitalisation collective, via les entreprises, existe avec l article 83. La capitalisation individuelle représente 24 milliards d euros pour le Madelin, 12 milliards pour le Perp. C est un début. Sur des produits comme l assurance vie, sortir une rente relève 8

presque de la fiction, en particulier dans un environnement de taux faibles, qui conduit les assureurs à réduire leur promesse. Ces nouveaux contrats interdisent les erreurs systématiques, faites jusque-là par pessimisme, sur la longévité, erreurs que les taux bas empêchent de corriger. Ils bénéficient aussi d une fiscalité vertueuse dans la mesure où elle n encourage pas à la rente qui se forme sur des fonds euros Or, l enjeu pour la retraite passe par l investissement en actions. Le contrat euro-croissance montre la voie, à savoir rendre compatible une garantie de rente avec un investissement diversifié et un horizon très lointain. Mais l épargne retraite coûte cher. Investir 10 000 euros revient à obtenir une rente annuelle de 400 euros. Les régimes de retraites complémentaires sont bien plus avantageux. C est une raison de plus de faire coexister ces deux régimes, c est deux cultures, avec leurs atouts et leurs faiblesses pour réformer le système actuel. Conclusion Patrice Bonin La question est d augmenter les actifs financiers pour assurer un taux de remplacement acceptable, ce que les cotisations n autorisent plus. Malheureusement, la réglementation européenne sur les assurances, Solavabilité, est adverse à une gestion sur le long terme.. La question de la rente est centrale car la rente représente le salaire du retraité. Une première remarque est de ne pas opposer les produits. Le Perco, par exemple, n est pas un produit destiné à la retraite mais à une épargne sur le moyen terme. Il faut aujourd hui travailler avec l existant, l ensemble et la hiérarchie des produits de retraite pour toutes les cibles de population et ne pas opposer non plus l individuel et le collectif. Les enjeux financiers à atteindre sont tels qu un seul acteur ne peut y suffire. L enjeu est que le citoyen s approprie ce sujet. Pour ce faire, il faut un cadre stable avec des règles pérennes, ce qui n est pas le cas, laisser la communication travailler sur les dispositifs existants au lieu d en inventer de nouveaux, privilégier la portabilité des droits dans un univers de carrière qui n est plus linéaire. Enfin, il faut réinventer la rente. Celle du 19ème siècle a vécu. La distribution des besoins est loin d être linéaire dans le temps. Les personnes restent dans un cycle économique relativement actif jusqu à 72 ans environ, puis entrent dans une période plus sédentaire où la nourriture et le logement représentent les deux critères de consommation. Enfin, la fin de vie est marquée par des besoins accrus en termes de santé ou de dépendance. Il faut aménager la distribution des revenus de rente, une technologie que maîtrisent les assureurs et qui permet de garder ces espaces de liberté. 9

Jérôme Glachant Le pragmatisme s impose. Ce qui revient à analyser pour l ensemble des contrats existants, individuels ou collectifs, les obstacles à leur développement. Pourquoi le contrat 83 se développe moins vite que le Perco, pourquoi privilégier le second? Au lieu de discuter sur l assurance vie et sur Solvabilité 2, pourquoi ne pas engager un vrai travail sur l épargne retraite? Le statu quo est désormais intenable. Un produit de type article 83 représente une piste intéressante car les choix se font dans l entreprise. L épargne retraite a besoin du collectif pour exister véritablement. Dans le cas contraire, ce sont toujours les mêmes qui seront à l oeuvre, ceux qui n en n ont pas vraiment besoin. 10