Construction de l'intégrale de Lebesgue



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Université d'artois Faculté des ciences Jean Perrin Mesure et Intégration (Licence 3 Mathématiques-Informatique) Daniel Li Construction de l'intégrale de Lebesgue 10 février 2011 La construction de l'intégrale de Lebesgue, par rapport à une mesure positive m, se fait en plusieurs étapes : on commence par dénir, ce qui est toujours possible, l'intégrale des fonctions étagées positives, puis celle des fonctions mesurables positives Ces fonctions seront intégrables, par rapport à la mesure m, si leur intégrale est nie Pour les fonctions mesurables à valeurs réelles, on dénit ensuite leur intégrabilité, puis, lorsqu'elles sont intégrables, leur intégrale, en utilisant leur parties positive et négative Il est important de garder en tête ce schéma de construction, car on aura souvent besoin de s'y référer, bon nombre de résultats concernant l'intégrale de Lebesgue devant se démontrer en revenant à cette construction Il est important aussi de se rappeler que, pour les fonctions mesurables positives, l'int grale a toujours un sens (bien qu'elle puisse être innie), et que l'on a de bons théorèmes de passage à la limite, faciles d'utilisation Dans tout ce chapitre, on xe un espace mesuré (, T, m) 1 Intégration des fonctions étagées positives Dénition 11 oit f : R + une fonction étagée positive, et soit : f = n a k 1I Ak sa représentation canonique : f() = {a 1,, a n }, avec a 1,, a n distincts, et A k = {f = a k } L' intégrale de f, ou plus précisément, l' intégrale de f sur par rapport à m, est dénie par : n f dm = a k m(a k ) 1

Autrement dit : f dm = n a k m({f = a k }) On note aussi cette intégrale : f dm = f(x) dm(x), parce que c'est souvent pratique, et pour des raisons historiques, bien que x soit une variable muette, qui n'inue pas sur la valeur de l'intégrale Remarque On a donc : 0 f dm +, et l'intégrale peut être innie : f dm = + si et seulement si il existe (au moins) un indice k tel que m(a k ) = +, avec a k 0 Cas particuliers 1) i f est constante, égale à a, avec a R +, alors f = a1i, et a dm = a m() En particulier, avec la convention 0 = 0, la fonction nulle a une intégrale égale à 0 Par contre, si a > 0, on a a dm < + si et seulement si m() < + 2) i f = 1I A est une fonction indicatrice, mesurable : A T, sa représentation canonique est : f = 1 1I A + 0 1I A c; donc : f dm = 1 m(a) + 0 m(a c ); or 0 m(a c ) = 0, que m(a c ) soit nie ou innie Donc : 1I A dm = m(a) 2

Notation On notera E + l'ensemble des fonctions étagées positives sur (, T ) Théorème 12 L'application f E + f dm R + est semi-linéaire, c'est-à-dire que si f, g E +, on a : a) (αf) dm = α f dm, α R + = [0, + [ ; b) (f + g) dm = f dm + g dm On dit aussi que l'intégrale est semi-linéaire sur E + Preuve a) Pour α = 0, c'est évident, car alors αf = 0, et on a vu que 0 dm = 0, parce que 0 f dm = 0, que f dm soit nie ou innie Lorsque α > 0, écrivons f() = {a 1,, a n }, avec a 1,, a n distincts Alors (αf)() = {αa 1,, αa n }, et les nombres αa 1,, αa n sont distincts ; donc : (αf) dm = = n (αa k ) m({αf = αa k }) n [ n ] (αa k ) m({f = a k }) = α a k m({f = a k } = α f dm b) Ecrivons : { f() = {a1,, a n }, avec a 1,, a n distincts, g() = {b 1,, b p }, avec b 1,, b p distincts Pour chaque k = 1,, n, les ensembles : {f = a k, g = b 1 },, {f = a k, g = b p } forment une partition mesurable de {f = a k } Donc : m({f = a k }) = p m({f = a k, g = b l }) ; l=1 d'où : n n p f dm = a k m({f = a k }) = a k m({f = a k, g = b l }) l=1 ymétriquement : p n g dm = b l m({f = a k, g = b l }) ; l=1 3

donc : f dm + g dm = n l=1 p (a k + b l ) m({f = a k, g = b l }) D'autre part, pour tout c (f + g)(), notons : I c = {(k, l) {1,, n} {1,, p} ; a k + b l = c} On a : {f + g = c} = {f = a k, g = b l } (k,l) I c Or, pour (k, l) (k, l ), on a : {f = a k, g = b l } {f = a k, g = b l } = (le couple (f, g) ne peut pas prendre, au même point x, les valeurs diérentes (a k, b l ) et (a k, b l = ; donc : m({f + g = c}) = m({f = a k, g = b l }) (k,l) I c Par conséquent : (f + g) dm = c (f + g)()c {f + g = c} = [ ] c (f + g)()c m({f = a k, g = b l }) (k,l) I c = [ ] c (f + g)() (a k + b l ) m({f = a k, g = b l }) (k,l) I c = (a k + b l ) m({f = a k, g = b l }), 1 k n 1 l p car c (f+g)() I c = {1,, n} {1,, p} On obtient donc bien : (f + g) dm = et cela termine la preuve du théorème f dm + g dm, Corollaire 13 i f 1,, f n E + et α 1,, α n R +, on a : ( n ) α k f k dm = 4 n α k( ) f k dm

En particulier : ( n ) n α k 1I Ak dm = α k m(a k ) quelques soient les ensembles mesurables A 1,, A n T et quelques soient les nombres réels positifs α 1,, α n R + Il est important de noter que cette dernière égalité a lieu, même si la somme n α k1i Ak n'est pas la représentation canonique de la fonction étagée positive f = n α k1i Ak On n'a donc plus besoin, à partir de maintenant, d'utiliser la représentation canonique pour écrire l'intégrale de f En fait, cette représentation canonique nous a juste servi à montrer que l'expression n α km(a k ) ne dépend pas de la représentation de la fonction étagée positive f comme combinaison linéaire n α k1i Ak, à coecients positifs, de fonctions indicatrices mesurables Proposition 14 On a propriété de croissance suivante ; si f, g E +, alors : f g = f dm g dm Preuve i f, g E + et f g, alors g f E + ; donc son intégrale existe et (g f) dm [0, + ] Comme g = f + (g f), on obtient : g dm = f dm + (g f) dm f dm, en utilisant l'additivité de l'intégrale vu dans le théorème précédent Nous allons maintenant voir l'une des propriétés les plus importantes de l'intégrale de Lebesgue, que ne possède pas l'intégrale de Riemann : la propriété de limite croissante Elle est conséquence de la propriété de limite croissante des mesures positives, et est l'étape intermédiaire vers le Théorème de convergence monotone, l'une des propriétés les plus importantes de l'intégrale de Lebesgue, dont il est un cas particulier Théorème 15 (Propriété de limite croissante de l'intégrale) oit (f n ) n 1 une suite croissante de fonctions étagées positives, telle que f = lim f n soit aussi étagée positive Alors : ( ) ( ) lim f n dm = lim f n dm 5

Remarquons que si f n = 1I An, la croissance de la suite (f n ) n 1 se traduit par celle de (A n ) n 1, et comme la propriété du théorème s'écrit : ( m lim 1I A n = 1I lim, An ) lim 1I A n = lim m(a n) ; on retrouve ainsi la propriété de limite croissante pour la mesure positive m, qui apparaît donc comme un cas particulier du Théorème 15 (mais, comme on l'a dit, c'est à partir de ce cas particulier que l'on va montrer le Théorème 15) Preuve 1) Par la propriété de croissance, on a : f 1 dm f 2 dm f n dm f dm La suite ( f n dm ) n 1 est donc croissante ; elle a donc une limite, dans R +, et ( ) lim f n dm f dm 2) L'inégalité inverse résulte directement du lemme suivant Lemme 16 oit (f n ) n 1 une suite croissante de fonctions étagées positives, et soit g E + telle que g lim f n Alors : ( g dm lim ) f n dm Preuve Donnons-nous un nombre c tel que 0 < c < 1 oit, pour tout n 1 : (11) n = {f n c g} (le nombre c est destiné à nous laisser un peu de marge, en diminuant g) Comme la suite (f n ) n 1 est croissante, la suite ( n ) n 1 est, elle aussi, croissante De plus : lim n = En eet, pour tout x, on a : soit g(x) > 0, et alors g(x) > cg(x), donc lim f n > cg(x) ; il existe donc un entier n = n(x) 1 tel que f n (x) > cg(x), c'est-à-dire x n ; soit g(x) = 0, et dans ce cas x n, pour tout n 1 ; dans les deux cas x n 1 n 6

Il en résulte que, si g() = {b 1,, b p } (avec les b l distincts), alors, pour chaque l = 1,, p : [ ] lim {g = bl } n = {g = bl }, et donc : (12) m({g = b l }) = lim m( {g = b l } n ) Remarquons maintenant que, pour tout n 1 : (13) f n c g1i n En eet : si x n, alors f n (x) cg(x), par dénition de n ; si x / n, alors cg(x)1i n (x) = 0 f n (x) On a donc : ( ) (14) f n dm c g1in dm Mais : On peut donc écrire : (15) g 1I n = ( g1in ) (x) = { bl si g(x) = b l et x n 0 si x / n p b l 1I [{g=bl } n], l=1 et, bien que cela ne soit pas forcément la décomposition canonique de g1i n, on a, par le Corollaire 13 : ( ) p ( ) g 1In dm = b l 1I [{g=bl } n] dm = l=1 p b l m ( ) {g = b l } n l=1 p b l m({g = b l }), l=1 par la propriété de limite croissante de la mesure positive m Comme cette dernière somme est égale à g dm, il en résulte, grâce à (14), que l'on a : ( ) ( ) lim f n dm c g dm Comme c'est vrai pour tout c < 1, on obtient, en faisant tendre c vers 1 : ( ) lim f n dm g dm, ce qui achève la preuve du Lemme 16 7

2 Intégration des fonctions mesurables positives 21 Dénition et premières propriétés Commençons par remarquer la chose suivante Pour chaque fonction f étagée positive, on a, par la croissance de l'intégrale : g E + et g f = g dm f dm Comme f est elle-même dans E +, il en résulte que l'on a : { } (21) f dm = sup g dm ; g E + et g f Cette remarque va nous permettre de dénir l'intégrale pour toutes les fonctions mesurables positives Dénition 21 oit (, T, m) un espace mesuré et f : R + une fonction mesurable positive L' intégrale de f, sur, par rapport à m, est dénie par : { } f dm = sup g dm ; g E + et g f Il résulte de la remarque initiale que, pour f étagée positive, on obtient, via (21), la même valeur que celle dénie auparavant Notons que l'on a 0 f dm +, et que l'intégrale, étant dénie comme une borne supérieure, peut être innie, même si m() < + (cas pour lequel les fonctions étagées positives ont pourtant toutes une intégrale nie) Dénition 22 On dit que la fonction mesurable positive f : R + est intégrable, sur, par rapport à m, ou est m-intégrable si : f dm < + Bien sûr, la Dénition 21 est inexploitable telle quelle, et l'on se servira du théorème suivant Théorème 23 oit f : R + une fonction mesurable positive Alors, pour toute suite croissante (g n ) n 1 de fonctions étagées positives dont la limite est f, on a : f dm = lim g n dm 8

Remarques 1 Ce théorème est une nouvelle étape vers le Théorème de convergence monotone, dont il est à nouveau un cas particulier Par la suite, on pourra donc utiliser le Théorème de convergence monotone, quand ce dernier sera démontré, au lieu de celui-ci 2 D'après le Théorème fondamental d'approximation, il existe toujours une suite croissante de fonctions mesurables positives dont la limite est f ; ce théorème permet donc d'obtenir l'intégrale de f de façon explicite Il aurait bien sûr paru plus clair de prendre cette propriété comme dénition de l'intégrale de f, mais il aurait fallu vérier auparavant que la valeur obtenue ne dépendait pas de la suite (g n ) n 1 choisie Preuve Par dénition de l'intégrale, on a : g n dm f dm, n 1 ; donc : ( ) lim g n dm f dm Réciproquement, séparons, pour des questions d'écriture, deux cas i f dm < + Alors, par dénition de l'intégrale de f, pour tout ε > 0, il existe g E + telle que g f et : f dm g dm + ε Comme g f = lim g n, avec g, g n E +, le Lemme 16 dit que : ( g dm lim ) g n dm Donc : f dm lim g n dm + ε, et ainsi : f dm lim g n dm, puisque ε > 0 était quelconque i f dm = + Le raisonnement est le même Pour tout A > 0, il existe g E + telle que g f et g dm A Comme précédemment, le Lemme 16 donne : ( ) g dm lim g n dm, d'où : ( ) lim g n dm A, 9

et par conséquent : puisque A > 0 était arbitraire ( ) lim g n dm = + = f dm, La semi-linéarité et la croissance de l'intégrale pour les fonctions étagées positives reste vraie pour toutes les fonctions mesurables positives Théorème 24 Pour toutes fonctions mesurables positives f, g : R +, on a : 1) (αf) dm = α f dm, α R + ; 2) (f + g) dm = f dm + g dm ; 3) f g f dm g dm Preuve 1) Il existe, par le Théorème fondamental d'approximation, une suite croissante de fonctions étagées positives f n E + dont la limite est f Alors αf n E + et la suite (αf n ) n 1 est croissante et a pour limite αf On obtient donc, grâce au Théorème 23, en utilisant le Théorème 12 : [ (αf) dm = lim = α lim ] [ (αf n ) dm = lim α f n dm = α f dm ] f n dm 2) De même, il existe deux suites croissantes (f n ) n 1 et (g n ) n 1 de fonctions étagées positives dont la limite est f et g, respectivement Les fonctions f n + g n sont étagées positives et la suite (f n + g n ) n 1 est croissante et a pour limite f + g Donc, grâce aux Théorème 23 et Théorème 12 : [ ] (f + g) dm = lim (f n + g n ) dm = lim f n dm + lim = lim [ f n dm = 3) Par dénition : { g dm = sup ϕ dm ; ϕ E +, f n dm + f dm + } ϕ g i f = lim f n avec f n E +, on a f n f g, et donc, par dénition : f n dm 10 g dm, ] g n dm g dm

pour tout n 1 Il en résulte, grâce au Théorème 23, que : f dm = lim f n dm g dm, et cela termine la preuve du Théorème 24 Notons que pour prouver la croissance, on ne peut pas utiliser (g f), comme on l'a fait pour la Proposition 14, car f et g peuvent prendre la valeur + au même endroit (et donc (g f) ne sera pas dénie) Remarque Il est à noter que le 1) du théorème reste vrai si α = + On verra cela à la n de la section suivante, comme conséquence du Théorème de convergence monotone 22 Le Théorème de convergence monotone Nous en arrivons maintenant au (tant annoncé!) Théorème de convergence monotone, qui, insistons, est l'un des résultats les plus utiles sur l'intégrale de Lebesgue, de par sa simplicité d'utilisation Théorème 25 (Théorème de convergence monotone) Pour toute suite CROIANTE de fonctions f n : R + mesurables POITIVE, on a : ( ) ( ) lim f n dm = lim f n dm Preuve 1) On sait que f = lim f n est mesurable, et positive Par le Théorème 24, 3), la suite ( f n dm ) n 1 est croissante et est majorée par f dm, puisque f n f pour tout n 1 ; on a donc : lim ( ) f n dm f dm 2) Réciproquement, pour chaque n 1, il existe, par le Théorème fondamental d'approximation, une suite croissante (f n,k )) k 1 de fonctions étagées positives f n,k ) E +, qui tend vers f n On va construire une suite croissante (g k ) k 1 de fonctions étagées positives telles que lim k g k = f et g k f k pour tout k 1 cela donnera le résultat puisque le Théorème 23 donne : f dm = lim k g k dm et que g k dm f k dm, puisque g k f k ; on obtient donc nalement : f dm lim f k dm, k 11

a) Posons, pour tout k 1 : g k = sup f n,k = max{f 1,k, f 2,k,, f k,k } n k Chaque g k est étagée (elle est mesurable et ne prend qu'un nombre ni de valeurs) et positive g 1 g 2 g k f 1,1 f 1,2 f 1,k f 1,k+1 f 1 f 2,1 f 2,2 f 2,k f 2,k+1 f 2 f k,1 f k,2 f k,k f k,k+1 f k f n,1 f n,2 f n,k f n,k+1 f n De plus, comme : on a, pour tout k 1 : f n,k f n,k+1, n, k 1, f g k = max{f 1,k, f 2,k,, f k,k } max{f 1,k+1, f 2,k+1,, f k,k+1 } max{f 1,k+1, f 2,k+1,, f k,k+1, f k+1,k+1 } = g k+1, et la la suite (g k ) k 1 est donc croissante b) On a g k f k, car, pour tout n 1 : f n,k f n g k = max{f 1,k, f 2,k,, f k,k } max{f 1, f 2,, f k } = f k, puisque le suite (f j ) j 1 est croissante c) On a lim k g k = f En eet, comme g k f k pour tout k 1, on a : lim g k lim f k = f k k D'autre part, par dénition de g k : f n,k g k pour n k ; donc, pour chaque n 1 xé : f n = lim f n,k lim g k, k k et donc : f = lim f n lim k g k Cela achève la preuve du Théorème de convergence monotone 12

Lorsque l'on applique ce théorème aux sommes partielles d'une série des fonctions mesurables positives, qui forment donc une suite croissante, on obtient la version du Théorème de convergence monotone pour les séries à termes positifs, particulèrement pratique, puisque seule la positivité (en plus de la mesurabilité) est requise Corollaire 26 Pour toute série n 1 u n de fonctions mesurables positives u n : R +, on a : ( ) ( u n dm = n=1 n=1 ) u n dm Pour nir cette section, montrons que la propriété (α f) dm = α f dm reste vraie si α = +, pour toute f : R + mesurable positive En eet, grâce au Théorème de convergence monotone, on a : (+ f) dm = lim (n f) dm = lim (n f) dm ( ) = lim n f dm = (+ ) f dm 23 Cas de la mesure de comptage Une fonction α: N R dénie sur N s'identie à une suite α = (α k ) k 1 de nombres réels On ne suppose pas qu'elle prend la valeur + car, dans ce cas, ce n'est pas intéressantpour la mesure de comptage sur N (on pourrait bien sûr aussi prendre N au lieu de N ), on a : Proposition 27 i c est la mesure de comptage sur N, alors, pour toute suite α = (α k ) k 1 de nombres réels positifs, on a : N α dc = α k Ainsi la suite à termes positifs α est c-intégrable si et seulement si cette série est (absolument) convergente La théorie de l'intégrale de Lebesgue englobe donc celle des séries (à termes positifs, pour l'instant) En appliquant le corollaire du Théorème de convergence monotone pour les séries à termes positifs dans ce cas, on obtient : Corollaire 28 Pour toute suite double de nombres réels positifs α n,k 0, on a : ( ) ( α n,k = α n,k ) n=1 n=1 13

On peut bien sûr démontrer la Proposition 27 directement, mais il est plus intéressant de faire autrement Voyons d'abord ce qui se passe pour une mesure de Dirac Proposition 29 oit un ensemble, non vide, et a Pour toute fonction positive f : R +, on a, pour la mesure de Dirac δ a en a : f dδ a = f(a) Intégrer par rapport à la mesure de Dirac en a revient à prendre la valeur de la fonction en a C'est vrai aussi si f peut prendre la valeur +, mais ce cas est sans intérêt Preuve de la Proposition 29 1) upposons d'abord que f = 1I A, avec A Alors, d'une part : { 1 si a A f dδ a = δ a (A) = 0 si a / A; et d'autre part : f(a) = 1I A (a) = { 1 si a A 0 si a / A On a bien f dδ a = f(a) 2) i f = n c k1i Ak est une fonction étagée positive, la semi-linéarité de l'intégrale donne, en utilisant le cas 1) : f dδ a = n c k 1I Ak dδ a = n c k 1I Ak (a) = f(a) 3) Maintenant, si f est (mesurable) positive quelconque, il existe une suite croissante de fonctions étagées positives f n dont la limite est f En utilisant le Théorème de convergence monotone et le cas 2), on a : ce qui achève la preuve f dδ a = lim f n dδ a = lim f n(a) = f(a), Pour prouver la Proposition 27, il reste juste à remarquer que c = n=1 δ n, et à utiliser le lemme suivant Lemme 210 oit (, T ) un espace mesurable et (m n ) n 1 une suite de mesures positives sur (, T ) Alors, si m = n=1 m n, on a, pour toute fonction f : R + mesurable positive : f dm = n=1 f dm n 14

Notons que, en prenant m N+1 = m N+2 = = 0, le lemme est aussi vrai pour une suite nie de mesures positives Preuve 1) Montrons-le d'abord pour f étagée positive, ce qui est immédiat ; en eet : a) si f est la fonction indicatrice f = 1I A d'un ensemble mesurable A, on a, par dénition : f dm = 1I A dm = m(a) = m n (A) = n=1 n=1 1I A dm n = n=1 f dm n, b) et cela reste vrai si f est étagée positive, par la semi-linéarité des intégrales 2) Pour f mesurable positive arbitraire, il existe une suite croissante (f n ) n 1 de fonctions étagées positives, dont la limite est f a) Considérons d'abord une somme de deux mesures positives m 1 et m 2, et posons µ = m 1 + m 2 Alors, grâce au Théorème de convergence monotone pour les mesures µ, m 1 et m 2, et en utilisant le cas 1) pour les f n : ( f dµ = lim f n dµ = lim = lim f n dm 1 + lim = f dm 1 + f dm 2 ) f n dm 1 + f n dm 2 f n dm 2 b) Cela reste vrai pour une somme nie µ = m 1 + + m n de mesures positives, par récurrence c) Pour m = m k Ecrivons, pour tout n 1, m n = k=n+1 m k ; alors, en utilisant 2), puisque m = m 1 + + m n + m n et f dm n 0 : f dm = n ( ) f dm k + f dm n Comme c'est vrai pour tout n 1, on obtient : f dm ( f dm k ) n ( f dm k ) Inversement, pour toute fonction étagée positive g f, on a, en utilisant 1) : g dm = g dm k 15

Mais g dm k f dm k pour tout k 1 ; donc : g dm f dm k En prenant la borne supérieure sur toutes les g E + telles que g f, on obtient : f dm f dm k, ce qui termine la preuve 24 Le lemme de Fatou Bien que d'une utilisation très courante, le Théorème de convergence monotone nécessite quand même d'avoir une suite croissante (f n ) n 1 de fonctions mesurables positives Lorsque la suite (f n ) n 1 n'est plus croissante, et même si elle converge, on ne garde plus en général de propriété d'interversion des limites et des intégrales On garde toutefois une inégalité Théorème 211 (Lemme de Fatou) Pour toute suite de fonctions mesurables positives f n : R +, on a : ( ) ( ) lim inf f n dm lim inf f n dm Preuve Pour tout p n, on a inf k n f k f p ; donc : ( ) inf f k dm f p dm, p n, k n et donc : ( ) ( ) inf f k dm inf f p dm k n p n La suite de fonctions mesurables positives g n = inf k n f k étant croissante, on peut utiliser, pour cette suite (g n ) n 1, le Théorème de convergence monotone : ( ) lim inf f n dm = lim ce qui donne le Lemme de Fatou [ ( lim inf [ ( inf p n k n f k )] [ ( dm = lim )] ( f p dm = lim inf ) ] dm ) f n dm, inf k n f k Notons que cette inégalité n'est en général pas une égalité, même si la suite (f n ) n 1 converge 16

Exemple Prenons = [0, 1], muni de sa tribu borélienne et de la mesure de Lebesgue Considérons f n = n 1I ]0,1/n] Alors (f n ) n 1 converge vers 0 sur [0, 1], tandis que [0,1] f n dλ = n λ(]0, 1/n]) = 1 On peut modier un peu l'exemple en posant : { n 1I]0,1/n] si n est pair f n = 2n 1I ]0,1/n] si n est impair On a : Donc : [0,1] { n λ(]0, 1/n]) = 1 si n est pair f n dλ = 2n λ(]0, 1/n]) = 2 si n est impair ( ) lim inf f n dλ = 1, [0,1] alors que f n (x) 0 pour tout x [0, 1], et donc [0,1] ( lim inf f ) n dm = 0 3 Fonctions intégrables réelles ou complexes 31 Fonctions réelles Dénition 31 oit f : R une fonction mesurable On dit que f est m-intégrable sur si sa valeur absolue f : R + est m-intégrable, c'està-dire : f dm < + Notons que la mesurabilité fait partie de l'intégrabilité Notons aussi que la dénition signie que, pour f : R mesurable, sa m-intégrabilité équivaut à celle de f On a immédiatement, comme conséquence de la croissance de l'intégrale des fonctions mesurables positives ce critère très utile : Proposition 32 i f et g : R sont mesurables et si g f, alors la m-intégrabilité de f entraîne la m-intégrabilité de g Il montre que, pour une fonction mesurable, c'est la taille (la grandeur) de f qui gère son intégrabilité 17

An de pouvoir dénir l'intégrale de f, rappelons, que pour toute fonction mesurable f : R, on a déni : f + = max(f, 0) et f = max( f, 0) ; ce sont des fonctions mesurables positives et l'on a : f = f + f et f = f + + f Il résulte de la dénition et de la Proposition 32 que l'on a : Corollaire 33 La fonction mesurable f : R est m-intégrable si et seulement si f + et f sont m-intégrables Preuve i f est m-intégrable, alors f l'est ; donc f + et f le sont aussi, par la Proposition 32 Inversement, si f + et f sont m-intégrables, alors : f dm = f + dm + f dm < +, et donc f est m-intégrable On peut alors dénir l'intégrale de f Dénition 34 oit f : R une fonction m-intégrable on intégrale, sur, par rapport à m, est dénie par : f dm = f + dm f dm Cela a bien un sens, puisque chacune des deux intégrales f + dm et f dm est nie On notera qu'il faut d'abord savoir que f est intégrable avant de pouvoir parler de son intégrale (ce qui n'est pas le cas pour les fonctions positives : leur intégrale existe toujours, bien qu'elle puisse être + ) Remarque importante Il faut aussi noter que, si cette dénition servira dans les parties théoriques concernant l'intégrabilité, en pratique, c'est-à-dire lorsque l'on a des fonctions écrites explicitement, ce n'est pas comme cela que l'on calcule l'intégrale de f On verra plus loin que, pour les fonctions continues par morceaux sur un intervalle de R, l'intégrale coïncide avec celle de Riemann (ou avec les intégrales généralisées absolument convergentes) et que ce sont les techniques vues pour l'intégrale de Riemann (primitives, changement de variable, intégration par parties, etc) qui servent L'inégalité suivante a une preuve très simple, mais comme elle sert très souvent, on l'a élevée au rang de théorème 18

Théorème 35 Pour toute fonction m-intégrable f : R, on a : f dm f dm Preuve On a : f dm = f + dm f dm f + dm + f dm = (f + + f ) dm = f dm Notation On notera LR 1(, T, m), ou plus simplement L R 1 (m), et même L 1 (m) quand il n'y a pas d'ambiguïté sur l'ensemble des scalaires, l'ensemble de toutes les fonctions f : R qui sont m-intégrables On fera attention que l'on ne prend que les fonctions à valeurs dans R, et pas dans R (mais on verra au chapitre suivant que, de toute façon, si f : R est m-intégrable, alors elle est m-presque partout nie ; on peut donc la remplacer par une fonction f : R m-intégrable et qui a la même intégrale) Théorème 36 Pour les opérations usuelles, LR 1 (m) est un espace vectoriel réel, et l'intégrale : LR 1 (m) R f f dm est une forme linéaire positive sur L 1 R (m) En d'autres termes : 1 i f L 1 (m) et a R, alors af L 1 (m) et : (af) dm = a f dm ; 2 i f, g L 1 (m), alors (f + g) L 1 (m) et : (f + g) dm = f dm + g dm ; 3 i f, g L 1 (m), alors : f g = f dm g dm Preuve Notons que L 1 (m) est contenu dans l'espace vectoriel de toutes les fonctions mesurables de dans R, et qu'il contient évidemment la fonction nulle 19

1 On a, puisque a 0 et f est mesurable positive : af dm = a f dm < + ; donc af est intégrable L'égalité est évidente si a = 0 Pour a > 0, on a (af) + = af + et (af) = af ; donc : (af) dm = = a (af) + dm f + dm a (af) dm = f dm = a f dm i a < 0, alors (af) + = ( a)f et (af) = ( a)f + ; donc : (af) dm = [( a)f ] dm [( a)f + ] dm = ( a) f dm ( a) f + dm = a 2 On a : f + g dm ( f + g ) dm = (af + ) dm (af ) dm f dm f dm + g dm < + ; donc f + g est intégrable D'autre part, on a f + g = (f + g) + (f + g) et aussi f + g = (f + f ) + (g + g ) ; donc : (f + g) + + f + + g = (f + g) + f + + g + ; d'où, puisque toutes les fonctions écrites sont mesurables positives : (f +g) + dm+ f + dm+ g dm = (f +g) dm+ f + dm+ g + dm Comme toutes ces intégrales sont nies, on peut faire des soustractions, et l'on obtient : (f +g) + dm (f +g) dm = f + dm+ g + dm f + dm g dm, soit : (f + g) dm = f dm + g dm 3 Puisque f g, la fonction g f est mesurable positive ; on a donc (g f) dm 0 Mais (g f) est aussi intégrable, par 1 et 2 ; donc : 0 (g f) dm = g dm f dm, et f dm g dm Remarque Il résulte de la preuve de 2, que l'on a (f + g) + f + + g + ; il faut faire attention qu'il n'y a pas égalité en général, comme on s'en convaincra sur des exemples simples 20

32 Fonctions à valeurs complexes On copie pratiquement mot pour mot ce qui a été dit dans le cas réel Remarquons d'abord que si f : C est mesurable, alors f est mesurable, comme composée de f : C avec la fonction continue, donc borélienne : z C z R + Dénition 37 oit f : C une fonction à valeurs complexes On dit qu'elle est m-intégrable, sur, ou qu'elle est intégrable sur par rapport à m si elle est mesurable et si son module est intégrable : f dm < + On a immédiatement : Proposition 38 i f et g : C sont mesurables et si g f, alors la m-intégrabilité de f entraîne la m-intégrabilité de g Pour dénir l'intégrale, remarquons que l'on a : Proposition 39 oit f : C une fonction mesurable à valeurs complexes Alors f est m-intégrable si et seulement si les deux fonctions Re f : R et Im f : R sont m-intégrables Preuve Il sut d'utiliser les inégalités Re f f et Im f f, d'une part, et f Re f + Im f, d'autre part Dénition 310 i f : C est m-intégrable, on dénit son intégrale par : f dm = Re f dm + i Im f dm On notera, puisque Re f dm et Im f dm sont réelles, que, par dénition : ( ) ( ) Re f dm = Re f dm et Im f dm = Im f dm Notation On note L 1 C (, T, m), ou plus simplement L 1 C (m), voire L 1 (m) si le corps des scalaires est bien identié, l'ensemble des fonctions m-intégrables f : C 21

Théorème 311 LC 1 (m) est un espace vectoriel complexe, et l'intégrale : L 1 C (m) C f f dm est une forme linéaire complexe sur L 1 C (m) Preuve 1 oit a C et f LC 1 (m) On a : af dm = a f dm < + ; donc af LC 1(m) Pour voir l'égalité (af) dm = a f dm, écrivons a = α+iβ, avec α, β R, et f = u + iv, avec u = Re f et v = Im f On a : [ ] (af) dm = (αu βv) + i(αv + βu) dm = (αu βv) dm + i (αv + βu) dm [ ] [ ] = α u dm + i v dm + iβ u dm + i v dm = α f dm + iβ f dm = a f dm 2 i f et g LC 1 (m), alors f + g est mesurable et : f + g dm ( f + g ) dm = f dm + g dm < +, donc f + g LC 1 (m) De plus : (f + g) dm = Re (f + g) dm + i Im (f + g) dm = (Re f + Re g) dm + i (Im f + Im g) dm ( ) = Re f dm + Re g dm + i Im f dm + Im g dm = f dm + g dm Théorème 312 i f : C est m-intégrable, on a : f dm f dm 22

Preuve Elle est un peu plus compliquée que dans le cas réel ; on ne peut se contenter de prendre les parties réelle et imaginaire : on perdrait un facteur 2 L'inégalité est évidente si f dm = 0 inon, soit θ l'argument du nombre complexe non nul I = f dm i r = I, on a I = r eiθ, et donc : I = r = e iθ I = e iθ f dm = e iθ f dm, puisque l'intégrale est une forme linéaire complexe Mais cette intégrale, étant égale à I, est un nombre réel (positif) ; donc : ( ) I = e iθ f dm = Re e iθ [ ( f dm = Re e iθ f )] dm Re ( e iθ f ) dm, puisque la fonction Re ( e iθ f ) est réelle Comme Re ( e iθ f ) e iθ f = f, on obtient bien I f dm 4 Comparaison avec l'intégrale de Riemann 41 Cas d'un intervalle compact Il s'avère que dans ce cas, toute fonction Riemann-intégrable (à condition de la supposer mesurable) est intégrable par rapport à la mesure de Lebesgue Théorème 41 Toute fonction borélienne f : [a, b] R qui est Riemannintégrable est intégrable sur [a, b] par rapport à la mesure de Lebesgue De plus, les deux intégrales sont égales : [a,b] f dλ = b a f(x) dx Par contre, on a vu que la fonction 1I Q [a,b] n'est pas Riemann-intégrable sur [a, b], alors qu'elle est λ-intégrable, puisque i nt [a,b] 1I Q [a,b] dλ = λ(q [a, b]) λ(q) = 0 < + On notera que le théorème s'applique en particulier si f est continue, ou plus généralement continue par morceaux Il en résulte que, pour ces fonctions, et pour la mesure de Lebesgue, on peut utiliser toutes les techniques vues pour le calcul des intégrales de Riemann : utilisation de primitives, lorsque f est continue, via le Théorème fondamental du Calcul Intégral, changement de variable, intégration par parties, etc 23

Preuve Tout d'abord, puisque f est Riemann-intégrable, elle est, par hypothèse, bornée Comme elle est supposée mesurable, et que la mesure de Lebesgue de l'intervalle compact [a, b] λ([a, b]) = b a est nie, f est λ-intégrable Pour l'égalité des intégrales, on peut supposer f positive ; en eet, si f est Riemann-intégrable, alors f aussi, et il en est de même de f + = 1 2 ( f + f) et f = 1 2 ( f f) i on a l'égalité des intégrales, de Riemann et par rapport à λ, pour les fonctions positives f + et f, on l'aura pour f = f + f upposons donc f Riemann-intégrable positive Il existe alors une suite croissante de fonctions positives en escalier g n, n 1, et une suite décroissante de fonctions, positives, en escalier h n, n 1 telles que g n f h n pour tout n 1, et : (41) R b a ( f(x) dx = lim R b a ) ( g n (x) dx = lim R b a ) h n (x) dx, où l'on a noté provisoirement avec un R les intégrales de Riemann, pour plus de clarté D'autre part, si l'on note : g = lim g n et h = lim h n, le Théorème de convergence monotone (appliqué aux suites positives croissantes (g n ) n 1 et (h 1 h n ) n 1 ) donne : (42) lim g n dλ = g dλ et lim h n dλ = h dλ [a,b] [a,b] Le point essentiel est maintenant que les fonctions en escalier ϕ = J j=1 c j1i Ij sont en particulier des fonctions étagées, et que leur intégrale de Riemann est égale à leur intégrale par rapport à la mesure de Lebesgue : (43) R b a ϕ(x) dx = J c j (b j a j ) = j=1 [a,b] J c j l(i j ) = j=1 [a,b] [a,b] ϕ dλ, si I j est d'extrémités a j et b j, car la mesure de Lebesgue de l'intervalle I j est λ(i j ) = (b j a j ) On obtient donc, en combinant (41), (42), et (43) : (44) [a,b] g dλ = [a,b] h dλ = R b a f(x) dx Cela prouve, puisque g et h sont mesurables positives, qu'elles sont λ-intégrables sur [a, b] Mais, comme g f h, on a : g dλ f dλ h dλ ; [a,b] [a,b] 24 [a,b]