DISSECTION AORTIQUE SANS DOULEUR A REVELATION NEUROLOGIQUE A PROPOS DE DEUX OBSERVATIONS

Documents pareils
La prise en charge de l AVC ischémique à l urgence

Votre guide des définitions des maladies graves de l Assurance maladies graves express

S o m m a i r e 1. Sémiologie 2. Thérapeutique

Épreuve d effort électrocardiographique

Les différentes maladies du coeur

Ischémie myocardique silencieuse (IMS) et Diabète.

Item : Souffle cardiaque chez l'enfant

ÉVALUATION DE LA PERSONNE ATTEINTE D HYPERTENSION ARTÉRIELLE

HTA et grossesse. Dr M. Saidi-Oliver chef de clinique-assistant CHU de Nice

Déficit neurologique récent. Dr N. Landragin CCA Neuro

Peut-on reconnaître une tumeur de bas-grade en imagerie conventionnelle? S. Foscolo, L. Taillandier, E. Schmitt, A.S. Rivierre, S. Bracard, CHU NANCY

Don d organes et mort cérébrale. Drs JL Frances & F Hervé Praticiens hospitaliers en réanimation polyvalente Hôpital Laennec, Quimper

Marchés des groupes à affinités

prise en charge médicale dans une unité de soins

Céphalées vues aux Urgences. Dominique VALADE Centre d Urgence des Céphalées Hôpital Lariboisière PARIS

Les céphalées aux urgences. G Demarquay Hôpital Croix-Rousse Service Neurologie

B06 - CAT devant une ischémie aiguë des membres inférieurs

Tronc Artériel Commun

Céphalées. 1- Mise au point sur la migraine 2- Quand s inquiéter face à une céphalée. APP du DENAISIS

UN PATIENT QUI REVIENT DE LOIN. Abdelmalek AZZOUZ GRCI 29/11/2012 Service de Cardiologie A2 CHU Mustapha. Alger Centre. Algérie

Prise en charge de l embolie pulmonaire

Définitions. PrioritéVie Enfant MC. Assurance contre le risque de maladie grave

INSUFFISANCE CARDIAQUE «AU FIL DES ANNEES»

Cas clinique n 1. Y-a-t-il plusieurs diagnostics possibles? Son HTA a t elle favorisé ce problème?

Sport et traumatisme crânien

MONITORING PÉRI-OPÉRATOIRE DE L'ISCHÉMIE CARDIAQUE. Dary Croft 9 mai 2013

Grossesse et HTA. J Potin. Service de Gynécologie-Obstétrique B Centre Olympe de Gouges CHU de Tours

La prise en charge de votre artérite des membres inférieurs

La Dysplasie Ventriculaire Droite Arythmogène

Les maladies valvulaires

Carte de soins et d urgence

Atelier N 2. Consultation de patientes porteuses d une maladie générale

Guide des définitions des maladies graves

PRISE EN CHARGE DES PRE ECLAMPSIES. Jérôme KOUTSOULIS. IADE DAR CHU Kremlin-Bicêtre. 94 Gérard CORSIA. PH DAR CHU Pitié-Salpétrière.

La maladie de Takayasu

Comment évaluer. la fonction contractile?

Le problème de la première ou nouvelle. céphalée. Il faudra avant tout :

La prise en charge de votre insuffisance cardiaque

Ville : Province : Code postal : Date de naissance : jour mois année Date de naissance : jour mois année

Définitions. PrioritéVie MC. Votre assurance contre le risque de maladie grave

PRINTEMPS MEDICAL DE BOURGOGNE ASSOCIATIONS ANTIAGREGANTS ET ANTICOAGULANTS : INDICATIONS ET CONTRE INDICATIONS

LES CEPHALEES I- INTRODUCTION

TRAUMATISME CRANIEN DE L ENFANT : conduite à tenir?

Assurance pour soldes pour carte de crédit TD

La migraine. Foramen ovale perméable. Infarctus cérébral (surtout chez la femme)

Réparation de la communication interauriculaire (CIA) Informations destinées aux patients

admission directe du patient en UNV ou en USINV

LITHIASE URINAIRE USAGER PRÉSENTANT UNE LITHIASE URINAIRE OC-091. Uroscan. Rx abdominal

MIEUX COMPRENDRE CE QU EST UN ACCIDENT VASCULAIRE CÉRÉBRAL AVC

Dr Pierre-François Lesault Hôpital Privé de l Estuaire Le Havre


MIGRAINES. Diagnostic. A rechercher aussi. Critères IHS de la migraine. Type d aura. Particularités chez l enfant. Paraclinique.

REPOUSSER LES LIMITES DE LA CHIRURGIE BARIATRIQUE DANS LES OBESITES MASSIVES AVEC COMORBIDITES

PATHOLOGIE CARDIO VASCULAIRE DES VOYAGEURS D. HOROVITZ

Définitions. MALADIES GRAVES Protection de base Protection de luxe. PROTECTION MULTIPLE pour enfant

Régime d Assurance Collective

Les Jeudis de l'europe

Incontinence anale du post-partum

o Anxiété o Dépression o Trouble de stress post-traumatique (TSPT) o Autre

URGENCES MEDICO- CHIRURGICALES. Dr Aline SANTIN S.A.U. Henri Mondor

Migraine et Abus de Médicaments

chronique La maladie rénale Un risque pour bon nombre de vos patients Document destiné aux professionnels de santé

La prise en charge de votre maladie, l accident vasculaire cérébral

Le VIH et votre cœur

neurogénétique Structures sensibles du crâne 11/02/10 Classification internationale des céphalées:2004

compaction ventriculaire gauche sur la fonction ventriculaire chez l adulte

prise en charge paramédicale dans une unité de soins

QUI PEUT CONTRACTER LA FA?

1- Parmi les affirmations suivantes, quelles sont les réponses vraies :

Le cliché thoracique

Bilan avant un marathon:

Assurance solde de carte de crédit BMO

Prise en charge du patient porteur d un dispositif implantable. Dr Philippe Gilbert Cardiologue CHU pavillon Enfant-Jésus

E04a - Héparines de bas poids moléculaire

Livret d information destiné au patient MIEUX COMPRENDRE LA FIBRILLATION ATRIALE ET SON TRAITEMENT

INSUFFISANCE CARDIAQUE DROITE Dr Dassier HEGP

Farzin Beygui Institut de Cardiologie CHU Pitié-Salpêtrière Paris, France. Probability of cardiovascular events. Mortalité CV

Déclaration médicale Prise d effet le 1 er octobre 2012

Nouveaux anticoagulants oraux : aspects pratiques

QUE SAVOIR SUR LA CHIRURGIE de FISTULE ANALE A LA CLINIQUE SAINT-PIERRE?

Protection de soldes Plus pour carte de crédit CUETS Financial

Hypertension artérielle. Des chiffres qui comptent

Le compte rendu de scanner et d IRM du cœur. DIU Imagerie CV 2007

Colette Franssen Département d Anesthésie Réanimation CHU Sart Tilman LIEGE

Leucémies de l enfant et de l adolescent

admission aux urgences

LES FACTEURS DE RISQUE

Fibrillation atriale chez le sujet âgé

Actualité sur la prise en charge de l arrêt cardiaque

Principales complications de la grossesse Hypertension artérielle gravidique Item 17 - Module 2

Migraine et céphalées de tension: diagnostic différentiel et enjeux thérapeutiques

Cardiopathies ischémiques

ALTO : des outils d information sur les pathologies thromboemboliques veineuses ou artérielles et leur traitement

Couverture applicable à votre ligne de crédit

Télé-expertise et surveillance médicale à domicile au service de la médecine générale :

LASER DOPPLER. Cependant elle n est pas encore utilisée en routine mais reste du domaine de la recherche et de l évaluation.

La prise en charge de votre cardiopathie valvulaire

Le reflux gastro-oesophagien (280) Professeur Jacques FOURNET Avril 2003

Compte rendu d hospitalisation hépatite C. À partir de la IIème année MG, IIIème années MD et Pharmacie

Transcription:

DISSECTION AORTIQUE SANS DOULEUR A REVELATION NEUROLOGIQUE A PROPOS DE DEUX OBSERVATIONS REULIAN le 27 Novembre 2009 à SAINT CHAMOND Dr François BALLEREAU Service des Urgences CHG de FIRMINY

INTRODUCTION Dissection aortique : 0.5 à 2.95 cas/100000/an Urgence médico-chirurgicale Taux de mortalité élevé Violente douleur thoracique en coup de poignard, migrante, avec sensation de mort imminente. Accompagnée de symptômes cardio-vasculaires : anisotension. Douleur présente dans 90% des cas. Sous diagnostiquée dans 28% des cas.

INTRODUCTION 1/3 des patients révèlent leur pathologie par une complication de la dissection : Ischémie de membre 10-20% Ischémie rénale 15% Ischémie cardiaque 10% Ischémie cérébrale 5-15% Ischémie mésentérique 3% Lésion de l aorte ascendante: insuffisance aortique aiguë, péricardite et arrêt cardiaque

CLASSIFICATION

Cas clinique N 1N Présentation clinique : Homme de 51 ans Tableau neurologique : propos incohérents / obnubilation / flou visuel monoculaire droit / hémiparésie proportionnelle gauche Durée des symptômes : 3 heures Restitution ad integrum et amnésie de l épisode Pas de notion de douleur

Cas clinique N Cas clinique N 1 Antécédents : HTA non traitée HCT non traitée Tabagisme actif (30PA) Ethylisme chronique non compliqué Syndrome anxio-dépressif (1 TS) Examen clinique : Examen neurologique normal Douleur à la palpation du creux épigastrique Découverte d un souffle systolique d insuffisance aortique Absence d anisotension Pouls périphériques bien perçus

Cas clinique N 1N Examens complémentaires (1): Radiographie pulmonaire : cardiomégalie Electrocardiogramme (ECG) : absence de signes de nécrose ou de péricardite Biologie: polynucléose isolée (19000x10 9 /L leucocytes), absence d anomalies des enzymes cardiaques Echocardiographie Trans-Thoracique (ETT) : dilatation de l aorte ascendante avec image en double contours, insuffisance aortique de grade II

Cas clinique N 1N Examens complémentaires (2): Echocardiographie Trans-Oesophagienne (ETO) : dissection aortique de type I avec respect des artères coronaires. Scanner cérébral : absence de lésion ischémique ou hémorragique Scanner thoraco-abdomino-pelvien : dissection de l ensemble de l aorte jusqu aux artères iliaques primitives droite et gauche. Echo-doppler des troncs artériels supra-aortiques : effondrement du débit diastolique de la carotide interne droite sténose modérée en aval de la bifurcation carotidienne gauche disparition du débit diastolique de l artère carotide interne gauche.

Diagnostic : Cas clinique N 1N Dissection aortique de type I de De Bakey ou Type A de Stanford révélée par une complication neurologique à type d accident ischémique transitoire. Traitement : Intervention de Bentall et tube aorto-aortique pour remplacer les artères iliaques Evolution : Bonne à 12 mois sous traitement anti-hypertenseur, sevrage éthylique et tabagique Perdu de vue par la suite

Cas clinique N 2N Présentation clinique : Femme de 72 ans Hémiplégie gauche proportionnelle et globale Pas de trouble phasique ni de compréhension Déviation du regard et de la tête vers la droite Aggravation progressive => coma Pas de notion de douleur

Cas clinique N 2N Antécédents : Hypertension artérielle sous diurétique et IEC Tuberculose pulmonaire opérée Examen clinique : Asymétrie tensionnelle systolique de 2 points Diminution nette du pouls radial droit Découverte d un souffle systolique d insuffisance aortique Coma avec score de Glasgow à 3

Cas clinique N 2N Examens complémentaires (1): Radiographie pulmonaire : élargissement du médiastin en regard de l ombre aortique ECG : signe de nécrose inférieur (onde Q en DII, DIII, avf), signe d ischémie latérale (sous décalage de ST en V3, V4, V5) Biologie : élévation des enzymes cardiaques avec CPKmb à 70 à l entrée et 3300 U/L le lendemain et troponine I à 5 à l entrée et 56 µg/l le lendemain. ETT : Aorte ascendante initiale très dilatée (60 mm de diamètre), image de flap intimal antéro-postérieur sur l ensemble de la crosse de l aorte atteignant le tronc artériel brachio-céphalique (TABC), insuffisance aortique de grade II.

Cas clinique N 2N Examens complémentaires (2): ETO : voile intimal qui s étend de l origine de l aorte ascendante à la crosse et à l aorte descendante, image de thrombose partielle du faux chenal. Troncs coronaires non vus. Scanner cérébral : Réalisé à la phase initiale, n a pas montré de lésion ischémique ni hémorragique. N a pas été recontrôlé. Scanner thoraco-abdomino pelvien : non réalisé.

Diagnostic : Cas clinique N 2N Dissection aortique de type I de De Bakey ou Type A de Stanford révélée par une complication neurologique grave à type d accident vasculaire cérébral ischémique massif et compliqué d une nécrose cardiaque. Traitement : Traitement médical par mesures de réanimation. Evolution : Décès au 3ème jour de la prise en charge.

DISCUSSION I) MANIFESTATIONS NEUROLOGIQUES DES DISSECTIONS AORTIQUES Rapportées dans 17 à 40% des cas. Révélatrices dans 8 à 33% des cas. Difficulté du recueil sémiologique, possibilité de manifestations transitoires. Dissection ou occlusion d une branche de l aorte à visée cérébrale, médullaire ou périphérique. Quatre grand types ; Accidents ischémiques cérébraux Encéphalopathie anoxique Ischémies médullaires Ischémies nerveuses périphériques

DISCUSSION Accidents ischémiques cérébraux : 1ère complication neurologique des dissection aortiques : entre 3 et 30% Plus souvent durables Transformation hémorragique fréquente Prédominant à droite Dissection type A Oblitération TSA (notamment carotide primitive) mais dans 30% autre cause comme embolie artério-artérielle

DISCUSSION Encéphalopathie anoxique : Syncope la plus fréquente : 20% Unique ou précède un déficit neurologique Multifactorielle : réponse vagale exagérée, hypotension secondaire à la rupture aortique, hypoperfusion cérébrale, activation des barorécepteurs aortiques. Autres troubles de conscience : obnubilation, coma, crises convulsives.

DISCUSSION Ischémies médullaires : Myélopathies durables, parfois transitoires, rarement progressives Type B Paraplégie ou paraparésie flasque Ischémie de la moëlle thoracique moyenne ou basse

DISCUSSION Ischémies nerveuses périphériques : Surtout membres inférieurs Sensitive > motrice Ischémie ou compression d un nerf ou d un plexus nerveux Début brutale, paroxysme en quelques minutes Sévérité : abolition ROT et souffrance axonale à l électromyogramme.

DISCUSSION II) Etiologies : 2 causes principales : anomalie structurale de la média et l HTA Surtout patient âgé et aorte descendante Maladie du tissu conjonctif (Marfan, Elhers Danlos) : sujet jeune et aorte ascendante (AIC) Autres : certaines aortites (Takayashu, Behçet, Horton, syphilis), grossesse, toxicomanie (cocaïne, amphétamines)

DISCUSSION III) Diagnostic (1) : Urgence : risque de décès augmente de 1 à 2% par heure Sa confirmation (démonstration d un double chenal séparé par un flap intimal) repose sur 3 examens: échographie transoesophagienne (ETO): première intention, lit du malade, spécificité imparfaite, échographiste dépendant. Imagerie par résonance magnétique (IRM): sensibilité et spécificité 100%, disponibilité? Scanner hélicoïdal: moins sensible que ETO et IRM mais très fiable, accessibilité. 2 types de situation clinique: Manifestations neurologiques s associant à une douleur thoracique : le diagnostic est évoqué rapidement Choix des explorations dépend de la disponibilité locale

III) Diagnostic (2): DISCUSSION Manifestations neurologiques sans douleur : recherche d éléments cliniques suggestifs : Abolition d un pouls Asymétrie tensionnelle Souffle d insuffisance aortique non connu Modification de la silhouette aortique sur la RP Recherche éléments para-cliniques suggestifs: En cas d AIC, l écho-doppler cervical peut montrer une sténose, une occlusion ou dissection de l artère carotide primitive. En cas d ischémie médullaire, l IRM permet non seulement de détecter la zone d ischémie, mais aussi de voir la dissection aortique en regard.

DISCUSSION IV)Enjeux pronostiques et thérapeutiques : Facteur prédictif des manifestations neurologiques Selon l IRAD, les manifestations neurologiques des dissections aortiques de type A ne constituent pas à elles seules un facteur de risque de mortalité. Les facteurs de risques de mortalité pré-opératoires sont: Age > 70ans (OR 4.21) ATCD de chirurgie cardiaque (OR 4.21) Hypotension artérielle / état de choc (OR 3.23) Migration de la douleur (OR 2.42) Déficit d un pouls (OR 1.75) Ischémie myocardique (OR 1.76)

CONCLUSION Dissection aortique : 1/3 de manifestations neurologiques 10% sans douleur troubles de conscience ou de communication = diagnostique difficile. Intérêt des symptômes suggestifs clinique ou paraclinique : cf nos observations. Les manifestations neurologiques des dissections aortique de type A ne constituent pas une contreindication formelle à la chirurgie vasculaire.

CONCLUSION Aux vues de la grande fréquence des accidents vasculaires cérébraux et à l heure du développement des traitements thrombolytiques par voie intra-veineuse, ne pas mésestimer un accident ischémique cérébral révélateur d une dissection aortique qui contre indique l utilisation de telles thérapeutiques.