Chapitre 1 Dualité dans les espaces vectoriels K désigne un corps commutatif. I. Espace dual d un espace vectoriel - bases duales Définition.- Soit E un espace vectoriel sur K ; on appelle dual de E et on notera E vectoriel L(E, K) des applications linéaires de E dans K (ou formes linéaires sur E). l espace Remarque. Si dim E = n et si (e 1,..., e n ) est une base de E, donner f L(E, K) revient à donner a 1 = f(e 1 ),..., a n = f(e n ) et à poser : ( n ) (x 1,..., x n ) K n f x i e i = a 1 x 1 +... + a n x n. On a bien entendu dim E = dim E. Proposition et définition.- Soit E un espace vectoriel de dimension n sur K et soit (e 1,..., e n ) une base de E. Soit (e 1,..., e n) la famille d éléments de E définie par : (i, j) 1,..., n}, e 0 si i j i (e j ) = δ ij = 1 si i = j (symbole de Kronecker) Alors cette famille est une base de E. Elle est appelée base duale de la base (e 1,..., e n ). Démonstration Soit f E, soient λ 1,..., λ n dans K. On a : ( f = ) λ i e i j 1,..., n} f(e j ) = λ i e i (e j ) j 1,..., n} f(e j ) = λ j. On a donc, pour tout f E, une famille unique λ 1,..., λ n dans K tel que f = Attention! chaque e i dépend de toute la famille (e 1,..., e n ) et non seulement de e i. λ i e i. Remarque. 1) Si on considère l isomorphisme : E M(1 n, K) f [ f(e 1 ),..., f(e n ) ] = Matrice de f pour la base (e 1,..., e n ) de E, dans cet isomorphisme la base (e 1,..., e n) correspond à la base canonique de M(n 1, K). 2) Pour tout x E, on a x = x i e i avec (x 1,..., x n ) K n et j 1... n} e j (x) = x i e j (e i ) = x j. Donc e j est l application qui à x fait correspondre sa jième coordonnée dans la base (e 1,..., e n ). 1
3) Résumé des formules à connaître E espace vectoriel de base (e 1,..., e n ) et (e 1,..., e n) base duale. Alors on a : a) f E f = f(e i ) e i b) x E x = e i (x) e i Définition.- On appelle bidual de E et on notera E, l espace (E ) dual de E. Proposition.- Soit E un espace vectoriel sur K. Alors : 1) L application E E x x définie par : ϕ E x(ϕ) = ϕ(x) (canonique) est linéaire injective. 2) Si dim E est finie, l application précédente est un isomorphisme. Démonstration 1) Pour tout x E x fixé, l application x : E K est linéaire. ϕ ϕ(x) On a donc x E. 2) L application E E est linéaire. x x Montrons que son noyau est nul. Soit x E \ 0}, montrons que x 0 c est-à-dire il existe ϕ E tel que ϕ(x) 0. Il existe F sous espace vectoriel de E tel que E = Kx F. Soit ϕ L(E, K) définie par ϕ(λx + f) = λ pour tout λ K et f F. On a ϕ(x) = 1. 3) Si dim E est finie, on a dim E = dim E = dim E. Donc toute application linéaire injective de E dans E est bijective. Corollaire.- Soit E un espace vectoriel de dimension finie. Alors toute base de E duale d une et d une seule base de E. est la base Démonstration Soit (f 1,..., f n ) une base de E. Soit (e 1,..., e n ) une base de E. Alors (f 1,..., f n ) est la base duale de (e 1,..., e n ) si et seulement si on a : i, j f i (e j ) = δ i,j c est-à-dire ẽ j (f i ) = δ i,j, ce qui signifie que ẽ 1,..., ẽ n est la base de E duale de la base f 1,..., f n de E. Comme l application E E est un isomorphisme, si f 1,..., f n x x est la base duale de la base f 1,..., f n, on a i!e i E tel que ẽ i = f i. Alors (e 1,..., e n ) est une base de E et c est l unique solution. 2
Exemples. Remarque : malgré cette proposition on peut montrer que, sauf (n = 2, K Z/ 2Z ) il n existe pas d isomorphisme canonique E E. 1) Soit E = M(n n, K). Si A E, soit ϕ A : E K on vérifie que l application E E est linéaire injective. M tr(am) A ϕ A On en déduit que pour tout ψ élément de E il existe A tel que ψ = ϕ A. 2) Soit (f 1, f 2, f 3 ) la base canonique de R 3 on pose : e 1 = (1, 1, 1) e 2 = (1, 0, 1) e 3 = (0, 2, 1). Alors (e 1, e 2, e 3 ) est une base de R 3 dont on veut déterminer la base duale. Si (x, y, z) = x 1 e 1 + x 2 e 2 + x 3 e 3 avec i 1, 2, 3}, x i R, on a : P x 1 x 2 x 3 x = y pour P = 1 1 0 1 0 2. z 1 1 1 D où : x = x 1 + x } 2 y = x 1 + 2x 3 z = x 1 + x 2 x 3 et x 3 = x z x 1 = y + 2x 2z x 2 = x + y + 2z e 1(x, y, z) = x 1 = (2f 1 f 2 2f 3 )(x, y, z) e 2(x, y, z) = x 2 e 3(x, y, z) = x 3 Si Q est la matrice de passage de (f 1, f 2, f 3 ) à (e 1, e 2, e 3) on a donc : Q = 2 1 1 1 1 0. 2 2 1 De façon générale on a : Proposition.- Soit E un espace vectoriel de dim n sur K de bases (f 1,..., f n ) et (e 1... e n ). Soit P = Pass ( (f i ), (e i ) ). Soit Q = Pass ( (f i ), (e i )). Alors on a Q = t P 1. Démonstration Posons : P 1 = ( a i,j ) i,j = Pass( (e i ), (f i ) ) Q = ( b i,j )i,j on a : n j 1,..., n} e j = b ij fi ou encore i 1... n} b ij = e j (f i ) j 1... n} f j = a ij e i ou encore i 1... n} a ij = e i (f j ) = b ji. 3
Remarque. Si on reprend l exemple précédent on vérifie que : 2 1 2 P 1 = 1 1 2 et Q = t P 1. 1 0 1 Proposition et définition. Soient E et F des espaces vectoriels sur K. Soit f L(E, F ). Pour tout ϕ F on pose ( t f)(ϕ) = ϕ f f ϕ E F K. Alors l application t f est une application linéaire de F dans E appelée application transposée de f (notée aussi parfois f ). Démonstration 1) ϕ F on a ϕ f E (composé d applications linéaires). Donc t f : F E. 2) t f est linéaire par définition des structures d espaces vectoriels de E et F. Remarque. L application L(E, F ) L(F, E ) est également linéaire. f t f Proposition. Soient E, F, G des espaces vectoriels sur K. Soient f L(E, F ), et g L(F, G) E f g F G G t g F E. t f Alors on a t (g f) = t f t g, t (1I E ) = 1I E Démonstration E f g F G ϕ K. Soit ϕ G. On a (t f t g ) (ϕ) = t f(ϕ g) = ϕ g f = t (g f) (ϕ). Proposition. Soient E et F des espaces vectoriels sur K et f L(E, F ). Soient (e 1,..., e n ) une base de E (f 1,..., f n ) une base de F A = Mat ( f, (e 1,..., e n ), (f 1,..., f n ) ) B = Mat (t f, (f1,..., fm), (e 1,..., e n) ) Alors on a B = t A. Démonstration Posons A = [a i,j ], B = [b ij ] on a : j 1... n} ( t f)(fj ) = b ij e i n [ j 1... n} fj f(ek ) ] = b kj k 1... n} ( et f(ek ) ) ( n ) = fj a ik f i f j = a jk. D où b kj = a jk. Remarque. Ceci permet de retrouver la proposition précédente : t (AB) = t B t A. 4
II. Orthogonalité Remarque. Soit un espace vectoriel sur K. On considère l application b : E E K (x, ϕ) ϕ(x). Cette application est bilinéaire, c est-à-dire : 1) Pour tout ϕ E fixé, l application : E K x b(x, ϕ) est linéaire (c est ϕ). 2) Pour tout x E fixé, l application : E K ϕ b(x, ϕ) est linéaire. Certaines propriétés qui suivent sont des propriétés générales des applications bilinéaires qu on retrouvera plus loin. On note parfois ϕ(x) = < x, ϕ > qui est une notation assez usuelle pour les applications bilinéaires. Définition. Avec les notations de la remarque 1) Soient x E et ϕ E. On dit que x et ϕ sont orthogonaux pour la dualité si on a : ϕ(x) = 0. 2) Soit A E, on pose A = ϕ E / a A ϕ(a) = 0 }. A est l orthogonal de A pour la dualité (noté aussi A ). Soit A E on notera A = x E / ϕ A ϕ(x) = 0}. Exemples. 1) E = R 4 ϕ E ϕ(x, y, z, t) = ax + by + cz + dt. A = (1, 0, 0, 0), (1, 2, 3, 4) }. ϕ A a = 0, 2b + 3c + 4d = 0. On remarque que A est un sous espace vectoriel de dimension 2 de E. 2) Soit ϕ E alors ϕ = Ker ϕ. Propriétés immédiates 1) Si A B E alors B A. 2) Si A E alors A (A ). 3) Si A E alors A = (Vect A) et A est un sous espace vectoriel de E. En particulier si F sous espace vectoriel de base e 1,..., e r de F, et ϕ E on a ϕ F i ϕ(e i ) = 0. 4) Si F et G sont des sous espaces vectoriels de E, alors on a : (F + G) = F G. 5) Si F est un sous espace vectoriel de E, alors on a : F = 0} F = E F = E F = 0}. 1 ) 2 ) 3 ) 4 ) : propriétés analogues pour E et ( ). Remarque. Les propriétés 1) 2) 3) 4) sont des propriétés qu on retrouvera pour les formes bilinéaires quelconques, et sont immédiates. 5
Démonstration de 5) a) Si F = 0} on a F = ϕ E / ϕ(0) = 0} = E. b) Si F 0}, soit x F \0} on a donc x 0 donc ϕ E tel que x(ϕ) = ϕ(x) 0. On a ϕ / F. Donc E F. c) Si F = E on a F = ϕ E / x E ϕ(x) = 0} = 0}. d) Si F E soit x E\F, soit G un supplémentaire de F Kx. On a E = F Kx G. Pour définir ϕ E il suffit de définir ses restrictions à F, G, Kx. On peut en particulier poser ϕ(λx) = λ pour tout λ K ; ϕ(f) = 0 f F. On obtient ϕ 0 ϕ F. Donc F 0}. Théorème.- On suppose E de dimension finie n. Soient F et G des sous espaces vectoriels supplémentaires de E. (On a donc E = F G). Alors on a : 1) E = F G. 2) dim F = n dim F dim G = n dim G. Démonstration Soient (e 1,..., e r ) une base de F, et (e r+1,..., e n ) une base de G. Soit (e 1,..., e n) la base de E duale de la base (e 1,...,, e n ) de E. Soit f E f = y i e i avec (y 1,..., y n ) K n. Alors on a : De même G + = vecte 1,..., e r}. f F j 1,..., r} f(e j ) = 0 j 1,..., r} y j = 0 f vect ( e r+1,..., e n). Exercice.- Montrer que la propriété 1) subsiste en dimension quelconque. Corollaire 1. E, on a : On suppose E de dimension finie n. Alors, si F est un sous espace vectoriel de dim F = dim E dim F. Démonstration On applique le théorème précédent à E et à son dual E. On obtient : dim F = n dim F avec F E car l application E E x x F = α E / ϕ F α(ϕ) = 0} = x / x E ϕ F ϕ(x) = 0} est bijective donc F = ( F) donc, comme l application est un isomorphisme, on a : dim F = dim F = n dim F. 6
Corollaire 2. On suppose E de dimension finie, et F sous espace vectoriel de E, on a : F = 0} F = E F = E F = 0}. Remarque. La première équivalence peut se démontrer directement en dimension quelconque ainsi que la partie directe de la seconde. Corollaire 3. On suppose E de dimension finie. 1) Si F est un sous espace vectoriel de E on a (F ) = F. Si F est un sous espace vectoriel de E on a ( F ) = F. 2) Si F et G sont des sous espaces vectoriels de E on a : F G G F (F G) = F + G. 3) Si F et G sont des sous espaces vectoriels de E on a : F G G F (F G) = F + G. Démonstration 1) On a F (F ) avec dim F = dim (F ) (démonstration analogue pour F). 2) F G G F et G F (F ) (G ) (démonstration analogue pour F et G. }}}} F G 3) Pour montrer qu on a (F G) = F + G, il est donc suffisant de montrer que F G = (F + G ). Or on a (F + G ) = (F ) (G ) = F G. Exercice.- Soient E et F des espaces vectoriels de dimensions finies sur K et f L(E, F ) a) Montrer que Ker t f = (Imf). b) En déduire en utilisant le théorème Im t f = (Ker f). III. Application aux hyperplans vectoriels Proposition.- Soit E un espace vectoriel sur K et soit H un sous espace vectoriel de E. Alors les 4 propriétés suivantes sont équivalentes : 1) dim(e/h) = 1. 2) a E \ H on a E = H Ka et H E. 3) a E \ H tel que E = H Ka. 4) ϕ E \ 0} tel que H = Ker ϕ. Si ces conditions sont réalisées on dit que H est un hyperplan de E et que ϕ = 0 est une équation de H. Les autres équations de H sont alors du type λϕ = 0 pour λ K \ 0}. Démonstration 1 = 2 Soit a E \ H, alors a = classe de a dans E/H est une base de E/H. On a donc : x E!λ K \ 0} tel que x = λ a soit x λa H. D où E = Ka H. 2 = 3. Immédiat. 3 = 4. ( Supposons E = H Ka alors!ϕ ) E tel que h H, ϕ(λa + h) = λ si λ K, h H. On a alors Ker ϕ = H. ϕ(h) = 0, ϕ(a) = 1. 7
4 = 1. On applique le théorème d isomorphisme à ϕ. On a : dim(e/h) = dim(e/kerϕ) = dim(imϕ). dim(imϕ) 1 car Imϕ K mais Imϕ 0 car ϕ 0 d où dim E/H = 1. Supposons maintenant les 4 conditions réalisées et soient ϕ et ψ des éléments de E \ 0} tel que H = Ker ϕ = Ker ψ. Soit a E \ H. Soit λ K \ 0} tel que ψ(a) = λϕ(a). Pour x E il existe µ K, h H tels que x = µa + h et donc : ψ(x) = µψ(a) + ψ(h) = µλϕ(a) ϕ(x) = µϕ(a) + ϕ(h) = µϕ(a) ψ(x) = λ ϕ(x). Remarques 1) La proposition est donnée en dimension quelconque. Si dim E est finie, alors (dim E/H = 1 H = dim E 1). 2) Soit (e 1,..., e n ) une base de E. Alors ϕ E \ 0} s exprime sous la forme : (x 1,..., x n ) K n ϕ(σx i e i ) = a 1 + + a n x n (avec i a i = f(e i )). Donc un hyperplan de E est donné par une équation du type : 3) Utilisation des déterminants a 1 x 1 + + a n x n = 0 avec (a 1,..., a n ) (0,..., 0). Soit (e 1,..., e n ) une base B de E. Soit (f 1,..., f n 1 ) une base de H. On note (a 1i,..., a ni ) les coordonnées de f i dans la base B. Soit x E de coordonnées (x 1,..., x n ). Alors on a : a 11... a 1n 1 x 1 x H det... a n1 a nn 1 x n = 0. On obtient bien, en développant le déterminant une équation de H du type : b 1 x 1 + + b n x n = 0. Exemple. Le plan vectoriel de R 3 passant par les points (1, 0, 0) et (1, 1, 1) a pour équation : 1 1 x 0 1 y 0 1 z = 0 y + z = 0. Proposition. Soit E un espace vectoriel de dimension n sur K. 1) Soient H 1,..., H p (p n) des hyperplans dont les équations sont données par ϕ 1,..., ϕ p formes indépendantes. Alors on a : dim(h 1... H p ) = n p. 2) L ensemble des hyperplans de E contenant H 1 H 2... H p est l ensemble des hyperplans dont une équation est obtenue par combinaison linéaire de ϕ 1,..., ϕ p. 3) Tout espace vectoriel de dimension n p peut s interprêter (de façon non unique) de la façon précédente. 8
Démonstration 1) On a H 1... H p = ϕ 1... ϕ p = ( vect(ϕ 1,..., ϕ p ) ) de dimension n p. 2) Soit H un hyperplan d équation ϕ = 0. On a (H H 1... H p ) H (H 1... H p ) = vect(ϕ 1,..., ϕ p ) ϕ vect(ϕ 1,..., ϕ p ). 3) Soit W un sous espace vectoriel de dimension n p de E on a : W = (W ) et dim W = p W = vect(ψ 1,..., ψ p ) où ψ 1,..., ψ p sont des formes W = K 1... K p où K j est l hyperplan d équation ψ j = 0. indépendantes. Exemple Dans R 3 soit la droite D d équations : } 2x 1 + x 2 + x 3 = 0 x 1 + x 3 = 0 (on obtient 1 droite car les 2 formes sont indépendantes). Alors on a (1, 0, 0) / D ; on cherche l équation du plan contenant D et (1, 0, 0). les plans contenant D ont des équations de types : a(2x 1 + x 2 + x 3 ) + b(x 1 + x 3 ) = 0 (a, b) (0, 0). Un tel plan passe par D si a et b vérifient : 2a + b = 0. On obtient donc l équation x 2 x 3 = 0. Remarque. Si on considère la matrice A = [a ij ] du système d équations : a 11 x 1 + + a 1n x n = 0. a p1 x 1 + + a pn x n = 0 On obtient que l espace des solutions a pour dimension n l ou l est le rang de l espace engendré par les lignes de A. Ceci permet de retrouver, en utilisant la formule des dimensions sur l application linéaire définie par la matrice, que le rang de l espace des lignes de A est égal au rang de l espace engendré par les colonnes de A. Exercice.- Un hyperplan affine H de E est donné dans une base (e 1,..., e n ) par une équation du type a 1 x 1 + + a n x n + b = 0 avec a 1... a n b fixés dans K. (a 1,..., a n ) (0,..., 0). Adapter le théorème aux hyperplans affines. 9
IV. Application aux calculs d exponentielles de matrices On suppose dans le IV qu on a K = R ou C que A M(n n, K) est fixé et que m K[X], m unitaire, m scindé, de degré 1 tel que m(a) = 0. l On pose : m(x) = (X λ i ) si avec λ1,..., λ l deux à deux distincts dans K i 1... l} s i 1. Remarque. Pour qu on soit dans la situation précédente il faut que P A soit scindé dans K[X] (ce qui équivaut à m A scindé). On peut alors choisir m = m A ou m = P A ou tout multiple scindé de m A. Proposition 1.- Soient P K[X], Q K[X]. 1) Si on a i 1,..., l}, j 0,..., s i 1} P (j) (λ i ) = Q (j) (λ i ) alors on a P (A) = Q(A). 2) La réciproque est vraie dans le cas où m = m A. Démonstration On a : i 1,..., l} j 0,..., s i 1} (P Q) (j) (λ i ) = 0 i 1... l} (X λ i ) si divise P Q m divise (P Q). Proposition 2.- Soit E l espace vectoriel sur K des polynômes de degré d m, de K[X]. Alors l application φ : E K d m donnée par P E Q(P ) = ( ) P (j) (λ i ) i 1,...,l} j 0,...,s i 1} est un isormorphisme. Démonstration Remarquons qu on a bien l s i = d m. L application φ est évidemment linéaire, de plus elle est injective. En effet, en utilisant le raisonnement de la proposition 1, si φ(p ) = 0, alors m divise P, d où P = 0 car d P < d m. Comme on a dim E = dim K d m = λ m, elle est également surjective. Utilisation de la dualité Pour tout i 1,..., l} et j 0,..., s i 1} soit ϕ i,j : E K P P (j) (λ i ). Alors on a ϕ i,j E et ϕ ij / } i 1,..., l} = 0}. j 0,..., s i 1} On en déduit que ( ϕ i,j )i,j forme une base de E. On notera (P i,j ) la base de E duale de cette l s i 1 base. On a donc P E, P = P (j) (λ i ) P i,j. j=0 10
Proposition 3.- Soit f : D K une fonction donnée par une série entière : f(x) = α k (x µ) k, k=0 avec k αk K µ D D = disque ouvert de convergence de f. On suppose i, λ i D. Soit R l unique polynôme de E tel que : Alors on a R(A) = lim N i, j R (j) (λ i ) = f (j) (λ i ). N α k (A µ I ) k. k=0 Démonstration Soit N N. On pose : N f N (X) = α k (X µ) k K[X] k=0 R N (X) = i,j f (j) N (λ i) P i,j K[X]. a) i, j on a f (j) N (λ i) = R (j) N (λ i) d où f N (A) = R N (A) d après la proposition 1. b) N R N (A) = f (j) N (λ i)p i,j (A). i,j On sait que comme λ i D, et par propriété des séries entières on a : i, j lim f (j) N (λ i) = f (j) (λ i ). N On obtient donc : lim R N(A) = R(A). C est-à-dire N lim f N (A) = R(A). N Corollaire 1. Soit R l unique polynôme de E tel que : Alors on a : exp(a) = R(A). i, j i 1,..., l}, j 0,..., s i 1} R (j) (λ i ) = e λi. Exemples. [ ] 0 1 1 ) On pose A 1 =. On veut calculer exp A 2 3 1. Le polynôme caractéristique de A 1 est m(x) = (X + 1)(X + 2). Soit R(X) = a 0 + a 1 X tel que : R( 1) = e 1 soit a 0 a 1 = e 1 R( 2) = e 2 soit a 0 2a 1. On obtient a 0 = 2a 1 e 2, a 1 = e 1 e 2 et exp(a 1 ) = (2a 1 e 2 )I + (e 1 e 2 )A 1. 2 ) Soit A 2 = 3 1 1 2 0 1. On vérifie que le polynôme caractéristique de A 2 est 1 1 2 m(x) = (2 X) 2 (1 X) (c est aussi le polynôme minimal de A 2 car A 2 n est pas diagonalisable). Soit R(X) = a 0 + a 1 X + a 2 X 2 R[X] tel que : R(1) = e soit a 0 + a 1 + a 2 = e R(2) = e 2 R (2) = e 2 soit a 0 + 2a 1 + 4a 2 = e 2 soit a 1 + 4a 2 = e 2. 11
On obtient : d où : a 0 = 4e e 2, a 1 = e 2 4e, a 2 = e exp(a 2 ) = (4e e 2 )I + (e 2 4e)A 2 + ea 2 2. Corollaire 2. Soit t R \ 0}. Alors on a : exp(ta) = C 0 (t) + C 1 (t)a +... + C u (t)a u (u = degré m 1) avec C 0 (t),..., C u (t) des scalaires (dépendant de t) vérifiant la relation : i 1,..., l} e λit = C 0 (t) + C 1 (t)λ i +... + C u (t)λ u i j 0,..., s i 1} t j e λit = j!c j (t) +... + u(u 1)... (u j + 1)C u (t)λ u j i. Remarque. 1) On est amené à calculer de telles exponentielles pour résoudre des systèmes différentiels. 2) Les relations sont en fait faciles à retenir. Tout se passe comme si partant de la relation : e λit = C 0 (t) +... + C u λ u i on dérivait successivement par rapport à λ i. Commençons en reprenant les exemples. 3) Calcul de exp(ta 1 ). exp(ta 1 ) = C 0 (t)i + C 1 (t)a 1 e t = C 0 (t) C 1 (t) e 2t = C 0 (t) 2C 1 (t) d où C 1 (t) = e t e 2t et C 0 (t) = 2e t e 2t et exp(ta 1 ) = (2e t e 2t )I + (e t e 2t )A 1. 4) Calcul de exp(ta 2 ) m(x) = (x 2) 2 (x 1) exp(ta 2 ) = C 0 (t)i + C 1 (t)a 2 + C 2 (t)a 2 2 on a : = C 0 (t) + C 1 (t) + C 2 (t) e 2t = C 0 (t) + 2C 1 (t) + 4C 2 (t) e t te 2t = C 1 (t) + 4C 2 (t). On obtient : C 0 (t) = 4e t + (2t 3)e 2t C 1 (t) = 4e t + (4 3t)e 2t C 2 (t) = e t + e 2t (t 1) puis exp(ta 2 ) = C 0 (t)i + C 1 (t)a 2 + C 2 (t)a 2 2. Démontrons maintenant la propriété. Démonstration du Corollaire On pose m t (x) = dérivons la relation e λt = C 0 (t) + λc 1 (t) + λ 2 C 2 (A) par rapport à λ. On obtient te λt = C 1 (t) + 2λC 2 (t) puis remplaçons λ par 2 Supposons t R \ 0} fixé. On a l (x tλ i ) si. On applique à ta le corollaire 1. On a exp(ta) = R t (ta) avec R t (x) = a 0 (t) + a 1 (t)x +... + a u (t)x u E vérifiant : i, j R (j) t (tλ i ) = exp(λ i t). On a : i, j R (j) i (x) = j! a j (t) +... + u(u 1)... (u j + 1)a u (t)x u j on a exp(ta) = a 0 (t)i + a 1 (t)ta +... + a u (t) t u A u Les relations soit i, j l (ta tλ i ) si = 0. = C 0 (t)i + C 1 (t)a +... + C u (t)a u en posant i C i (t) = t i a i (t). R (j) i (tλ i t) = exp(λ i t) peuvent s écrire : t j exp(λ i t) = j! t j a j (t) +... + u(u 1)... (u j + 1)t u a u (t)λ u j i t j exp(λ i j) = j! C j (t) +... + u(u 1)... (u j + 1)C u (t)λ u j i. 12