Agrégation interne de Mathématiques (et CAERPA) Session 2001 Première épreuve écrite
Partie I : Une identité remarquable Dans cette partie, k désigne un corps commutatif. On note k l ensemble des éléments non nuls de k et l on désigne par G l ensemble des bijections affines de k sur k. 1 ) Montrer que pour tout élément g de G il existe un unique élément a de k et un unique élément b de k tels que l on ait g(x) = ax + b pour tout x de k. Réciproquement, montrer que, pour tout élément a de k et tout élément b de k, l application x ax+b de k dans k appartient à G. 2 ) Établir que G est un sous-groupe du groupe des bijections de k sur k et que l application b qui à g G, de la forme x ax + b, associe la matrice M(g) = a un morphisme 0 1 est injectif du groupe G dans le groupe GL 2 (k). Calculer M(g 3 ) et M(g 1 ). 3 b ) Soit g G et M(g) = a À quelle condition l application g : k k a-t-elle un point 0 1. fixe unique? Calculer alors ce point fixe en termes de a et b. Dans la suite de cette partie I on fixe trois éléments g 1, g 2 et g 3 de G. On pose M(g i ) = a i b i 0 1 pour i = 1, 2, 3; on pose également g = g1 3 g2 3 g3 3 b et M(g) = a 0 1. 4 ) Calculer a en termes des a i, et calculer b sous la forme A 1 b 1 + A 2 b 2 + A 3 b 3, où A 1, A 2 et A 3 s expriment en termes de a 1, a 2, a 3. On suppose désormais, dans cette partie I, que g 1 g 2, g 2 g 3 et g 3 g 1 ont chacune un point fixe unique. On note α le point fixe de g 1 g 2, β le point fixe de g 2 g 3 et γ le point fixe de g 3 g 1. On pose ρ = a 1 a 2 a 3 et l on considère la quantité b = (1 a 1 a 2 )(1 a 2 a 3 )(1 a 3 a 1 )(α + ρβ + ρ 2 γ). 5 ) Calculer b sous la forme A 1 b 1 + A 2 b 2 + A 3 b 3, où A 1 = (1 a 2a 3 )A 1, A 2 = (1 a 3a 1 )A A 3 = (1 a 1a 2 )A 3, et où A 1, A 2 et A 3 s expriment en termes de a 1, a 2, a 3 et de ρ = a 1 a 2 a 3. 6 ) On suppose en outre, dans cette question, que l on a la relation ρ 2 + ρ + 1 = 0. Montrer que l on a A i = a 3 A i pour i = 1, 2, 3 et b = a 3 b. a 1 a 1 7 ) Si g 1 g 2 g 3 a un point fixe unique, établir que les conditions suivantes sont équivalentes : (i) g 3 1 g3 2 g3 3 = Id k ; (ii) ρ 2 + ρ + 1 = 0 et α + ρβ + ρ 2 γ = 0. 8 ) Dans cette question, on suppose le corps k de caractéristique 3. Montrer que les conditions suivantes sont équivalentes : (i) g 3 1 g3 2 g3 3 = Id k ; (ii) ρ = 1 et α + β + γ = 0. 2, 1
Partie II : Le théorème de Morley Soient un plan affine euclidien orienté, et E l espace vectoriel associé. Si u et v sont deux vecteurs non nuls de E, on se permettra d identifier l angle ( u, v ) et sa mesure, qui est un élément de R/2πZ. On pourra écrire ( u, v ) = α mod 2π pour dire que la mesure de l angle ( u, v ) est la classe dans R/2πZ du nombre réel α. De même si r est une rotation de E, on se permettra d identifier l angle de cette rotation avec sa mesure dans R/2πZ. Par droite de on entendra une droite affine. Si A et B sont deux points distincts de, (AB) désigne l unique droite passant par A et B. Si D et D sont deux droites de, on se permettra d identifier l angle ( D, D ) de ces deux droites et sa mesure, qui est un élément de R/πZ; comme plus haut, on pourra écrire ( D, D ) = α mod π. On rappelle que l application α 2α de R dans R induit un isomorphisme de groupes de R/πZ sur R/2πZ. Si α mod π est la mesure d un angle de droites de, alors 2α mod 2π est la mesure d un angle de rotation, ou de vecteurs. Dans cette partie on prend pour E l espace vectoriel réel C, muni du produit scalaire et de l orientation pour lesquels la base (1, i) est orthonormée directe. On prend pour l ensemble C vu comme espace affine sur lui-même. On considère également le groupe G de la partie I, pour le corps k = C, i.e. l ensemble des applications de C dans lui-même de la forme z az + b, avec a C et b C. 1 ) Parmi les isométries du plan affine euclidien C, lesquelles sont des éléments de G? Parmi les éléments de G, lesquels sont des isométries? 2 ) Soient α, β et γ trois points distincts de C. On dit qu ils forment un triangle équilatéral si les trois distances de α à β, de β à γ et de γ à α sont égales. Montrer que les conditions suivantes sont équivalentes : (i) α, β et γ forment un triangle équilatéral; (ii) il existe une racine cubique de l unité ρ dans C, différente de 1, telle que α+ρβ +ρ 2 γ = 0. 3 ) Soient D et D deux droites concourantes de C. Notons s D et s D les symétries orthogonales par rapport à D et D respectivement. Donner le centre et l angle de la rotation s D s D en termes de D et D (on se contentera d énoncer le résultat). ( ( ( Dans la suite du problème on fixe trois points A, B et C non alignés de C. On note a, b, c les angles de de droites respectifs (AB), (AC)), (BC), (BA)) et (CA), (CB)) ; on note aussi h 1 la rotation de centre A et d angle 2a, h 2 la rotation de centre B et d angle 2b et h 3 la rotation de centre C et d angle 2c. 4 ) Montrer que h 1 h 2 h 3 = Id C (on pourra s appuyer sur la question 3 ). 2
On choisit des droites A et A passant par A et vérifiant la condition ( A) : ( A ) les angles de droites ((AB), A ), ( A, A ) et ( A, (AC)) sont égaux. On note a l angle de droites ((AB), A ) et g 1 la rotation de centre A et d angle 2a. On choisit de même des droites B et B passant par B et vérifiant la condition ( B) : ( B ) les angles de droites ((BC), B ), ( B, B ) et ( B, (BA)) sont égaux. On note b l angle de droites ((BC), B ) et g 2 la rotation de centre B et d angle 2b. On choisit enfin des droites C et C passant par C et vérifiant la condition ( C) : ( C ) les angles de droites ((CA), C ), ( C, C ) et ( C, (CB)) sont égaux. On note c l angle de droites ((CA), C ) et g 3 la rotation de centre C et d angle 2c. 5 ) Montrer que la transformation g 1 g 2 a un unique point fixe α, et identifier α en termes des droites A, A, B et B (on pourra s appuyer sur la question II.3 ). On notera β et γ les points fixes de g 2 g 3 et g 3 g 1 respectivement. 6 ) Établir que les points α, β et γ sont distincts. 7 ) À l aide de la partie I, montrer que si g 1 g 2 g 3 a un point fixe unique, alors α, β et γ forment un triangle équilatéral (théorème de F. Morley, 1860 1937). Les points A, B et C restant fixés, on appelle trisection du triangle ABC un choix de droites A, A (passant par A), B, B (passant par B), C, C (passant par C) qui vérifient les conditions ( A ), ( B ), ( C ) et qui sont telles que g 1 g 2 g 3 ait un point fixe unique. 8 ) Montrer qu il existe 18 trisections possibles du triangle ABC. Chaque trisection du triangle ABC mène, par la question II. 7, à un triangle équilatéral αβγ, qu on appelle triangle de Morley de la trisection. Partie III : Triangles de Morley intérieurs On garde le cadre de la partie II mais on suppose désormais que le triangle ABC est direct, i.e. que la base ( AB, AC) de E est directe. 1 ) Montrer que ( BC, BA) et ( CA, CB) sont des bases directes de E. La mesure d un angle de vecteurs (ou de rotation) de est un élément de R/2πZ. Il existe donc un unique nombre réel δ de l intervalle ] π, π] tel que cette mesure soit δ mod 2π. On dira que ce nombre réel δ est la mesure principale de l angle. 2 ) Soit M un point de distinct de A. Montrer que les conditions suivantes sont équivalentes : (i) ( AB, AM ) est une base directe de E ; (ii) la mesure principale de l angle de vecteurs ( AB, AM ) appartient à ]0, π[. 3
3 ) Soit M un point de distinct de A. Notons µ et ν les coordonnées de AM dans la base ( AB, AC) et notons θ A, a 0 les mesures principales respectives des angles ( AB, AM ) et ( AB, AC). Prouver que les conditions suivantes sont équivalentes : (i) µ > 0 et ν > 0 ; (ii) 0 < θ A < a 0. On dit qu un point M est intérieur au triangle ABC s il est barycentre à coefficients strictement positifs de A, B et C. 4 ) Soit M un point de distinct de A et B. Notons θ A, a 0, θ B, b 0 les mesures principales respectives de ( AB, AM ), ( AB, AC), ( BC, BM ) et ( BC, BA). Établir que les conditions suivantes sont équivalentes : (i) M est intérieur au triangle ABC ; (ii) 0 < θ A < a 0 et 0 < θ B < b 0. 5 ) On suppose que le triangle ABC est acutangle, c est-à-dire que les mesures principales a 0, b 0, c 0 de ( AB, AC), ( BC, BA) et ( CA, CB) appartiennent toutes à ]0, π 2 [. Montrer qu il existe une et une seule trisection du triangle ABC telle que le triangle de Morley associé αβγ ait ses sommets intérieurs au triangle ABC. 6 ) Si a 0 = π 2 ou a 0 > π 2, combien de trisections du triangle ABC mènent-elles à un triangle de Morley associé αβγ de sommets intérieurs au triangle ABC? 4