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la FMC du généraliste vendredi 11 avril 2003 n 2244 cahier détachable VOISIN/PHANIE PATHOLOGIES EN QUESTIONS Attention aux excès de vitesse cardiaque! La fréquence cardiaque est un facteur de risque isolé de morbi-mortalité p. 8 Épidémie de pneumonie asiatique Les signes et la conduite à tenir en cas de suspicion de SRAS en médecine libérale. Situation au 3 avril 2003 p. 14 PRATIQUE EN IMAGES Poser une sonde nasale d oxygène Essentiellement indiqué chez les insuffisants respiratoires chroniques, le bon geste p. 10 CAS CLINIQUE L étrange M. K. chez le psy Comment ne pas tomber dans les pièges conscients ou inconscients de certains patients p. 12 ZAPPING p. 16 dossier Les fuites urinaires À chaque fuite urinaire son traitement. La bonne compréhension des mécanismes induisant les pertes urinaires aide à cerner le diagnostic. Elle est aussi la garante d une prise en charge adéquate. DR PASCALE NAUDIN-ROUSSELLE, sous la direction scientifique des PRS GÉRARD AMARENCO (service de rééducation neurologique et d explorations périnéales, hôpital Rothschild, Paris) et VINCENT DELMAS (service d urologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris) objectifs > Passer du symptôme aux étiologies : les différentes étapes de l examen clinique et paraclinique p. 2 > Traiter au plus juste des mécanismes en cause p. 5

dossier fmc les fuites urinaires Affiner le diagnostic La perte d urine après 65 ans est d origine multifactorielle : incontinence urinaire d effort, incontinence par impériosité, incontinence mixte, rétention urinaire avec mictions par regorgement. Il faut déterminer la part qui revient à chacune et dépister la (les) pathologie(s) responsable(s) de leur installation. Motricité vésicale L Deux types de fibres sympathiques partent de la moelle dorso-lombaire (D11 à L2). Celles innervant la vessie relâchent le détrusor (récepteurs bêta) et celles innervant le col vésical et le sphincter lisse de l urètre entraînent une contraction (récepteurs alpha). Les fibres parasympathiques (nerfs érecteurs) sont issues de la corne a perte involontaire d urine par le méat urétral, constituant un problème social ou d hygiène et pouvant être objectivement démontrée, définit l incontinence urinaire. Elle concerne entre 30 et 50 % des sujets de plus de 65 ans. La prévalence est supérieure chez la femme et s accroît avec l âge. Les mictions par regorgement dues à une rétention d urine sont exclues du cadre des incontinences urinaires. Elles sont néanmoins considérées dans la suite de ce texte, puisque c est la fuite urinaire, quel que soit son mécanisme, qui pousse le patient à consulter. latérale de la moelle (S2 à S4) : elles innervent la vessie et provoquent la contraction du détrusor. L innervation somatique (nerf honteux interne), seule innervation dépendante de la commande volontaire, est issue de la corne antérieure de la moelle (S2 à S4) : elle est destinée au sphincter strié de l urètre et aux muscles du plancher pelvien. GUILLAUME BLANCHET REPÈRES PHYSIOPATHOLOGIQUES : ESSENTIELS POUR COMPRENDRE La continence urinaire et la miction sont des fonctions qui nécessitent l intégrité de la vessie, de l urètre et des sphincters lisse et strié. > Une vessie de compliance normale doit être de grande capacité (350 à 450 cm3) sans que la pression intravésicale de remplissage soit trop élevée, et sans contraction indésirable qui pourrait entraîner sa vidange imprévue. Les forces de retenue sont assurées par les sphincters (col vésical, sphincter strié). Lors du remplissage, la pression vésicale reste basse et la pression urétrale est élevée. Lors de la miction, le gradient de pression urétro-vésicale s inverse. > L alternance des phases de continence et de miction résulte de la mise en jeu de réflexes neurologiques impliquant des centres médullaires et encéphaliques. L intégrité des voies d innervation est donc également un élément essentiel. L innervation végétative est de nature sympathique ( ) et parasympathique (p ). Le système intervient pendant la phase de remplissage en relâchant le détrusor (récepteurs bêta), et en contractant le col vésical et l urètre (récepteurs alpha). On en déduit le rôle des médicaments alphabloquants : relâchement du sphincter urétral, ce qui peut être un effet souhaitable en cas de rétention par obstacle prostatique, ou au contraire un effet délétère en cas d incontinence urinaire d effort par hypotonie urétrale. Le système p intervient pendant la miction, essentiellement en contractant le détrusor. D où l action des anticholinergiques, qui en inhibant les contractions détrusoriennes, soulagent les mictions impérieuses, mais peuvent occasionner une dysurie ou une rétention chez le patient prostatique. > L incontinence urinaire d effort survient au moment d un effort qui augmente la pression abdominale. Elle résulte de la conjonction de deux facteurs : hypermobilité du col vésical et de l urètre au moment de la poussée abdominale du fait d un soutien urétral insuffisant, et déficience du sphincter urétral (encore appelée insuffisance-hypotonie sphinctérienne). 2 numéro 2244 vendredi 11 avril 2003

Échelle de mesure du handicap urinaire (source : Anaes) Symptôme 0 1 2 3 4 Score Impériosité Absente Délai de sécurité : Délai de sécurité : Délai de sécurité : Délai de sécurité : Score mictionnelle 10 à 15 min ou caractère 5 à 10 min 2 à 5 min < 2 min impériositéimmédiatement pressant du fuite = besoin d uriner, sans fuite Fuite urinaire Absente < 1 fois par mois Plusieurs fois par mois Plusieurs fois Plusieurs fois/j par impériosité par semaine Fréquence Intervalle Intervalle de 1h30 à 2 h Intervalle = 1 h Intervalle = 1/2 h Intervalle < 1/2 h Score mictionnelle mictionnel pollakiurie = diurne > 2 h Fréquence 0-1 miction 2 mictions par nuit 3-4 mictions par nuit 5-6 mictions par nuit > 6 mictions mictionnelle par nuit par nuit nocturne Incontinence Absente Lors d efforts violents Lors d efforts moyens Lors d efforts faibles Au moindre Score fuite urinaire d effort (sport, course) (quinte de toux, rire (toux isolée, marche, changement effort = éternuement, accroupissement, de position soulèvement) mouvement brusque) Autre 0 Gouttes Paroxysme émotionnel, Enurésie Fuite permanente Score incontinence post-mictionnelles, énurésie 1 par semaine plusieurs par semaine goutte à goutte, autre = énurésie > 1 par mois énurésie 1 par jour Dysurie 0 Dysurie d attente Poussées abdominales, Poussées manuelles, Cathétérisme Score Rétention ou terminale jet haché miction prolongée, dysurie = sensation de résidu > L incontinence urinaire par impériosité (ou hyperactivité-instabilité-hyperréflexie vésicale) résulte de contractions vésicales involontaires non maîtrisables. > L incontinence urinaire mixte, très fréquente chez la femme, associe ces deux mécanismes. La miction par regorgement est l écoulement par débordement d une vessie en rétention chronique. Les effets de l âge sur l appareil vésico-sphinctérien sont détaillés dans l encadré page suivante. AFFIRMER LE TROUBLE URINAIRE ET ÉLIMINER LES CAUSES GRAVES Soigner l interrogatoire Outre les antécédents médicaux, chirurgicaux (chirurgie pelvienne) et obstétricaux, l entretien précise l ancienneté, l évolution et la typologie des symptômes. La fuite d effort survient sans besoin préalable lors d un effort qui élève la pression abdominale. La fuite par impériosité est précédée d une sensation d envie pressante, ou provoquée par des manœuvres telles que l immersion des mains dans l eau froide. La fuite par regorgement survient sans facteur déclenchant et sans besoin préalable. Cependant, il n est pas toujours aisé de distinguer dans les réponses du patient ce qui est attribuable à l une ou à l autre. «Sur le plan quantitatif, l échelle MHU (mesure du handicap urinaire) est utilisable en routine, indique le Pr Gérard Amarenco (Paris). Elle apporte une aide à l interrogatoire et permet d établir un score qui servira de référence par la suite. En outre, elle prend en compte d autres types de troubles urinaires.» > Le calendrier mictionnel, rempli par le patient ou son entourage, précise lui aussi l espacement des mictions et l horaire des fuites urinaires. Mais l intérêt de ce catalogue ne réside pas tant dans l aide au diagnostic que dans son rôle au cours de la rééducation comportementale. > L interrogatoire recherche l existence de troubles sensitifs au niveau du périnée ou des membres inférieurs, ainsi que l association à une incontinence fécale, éléments d orientation vers une origine neurologique. La brutalité d installation du trouble urinaire est également en faveur d une étiologie neurologique. On vérifie s il existe une constipation. Un principe important est de toujours s enquérir des traitements pris par le patient. On recherche essentiellement la prise d anticholinergiques (antidépresseurs tricycliques entre autres) et d antalgiques morphiniques, qui peuvent induire une rétention avec mictions par regorgement. Les alphabloquants (vasodilatateurs indiqués dans le déficit cognitif du sujet âgé) relâchent le sphincter urétral. numéro 2244 vendredi 11 avril 2003 3

dossier fmc les fuites urinaires Système de suspension vésicale de la femme 1 - Ligaments pubo-vésicaux 2 - Ligament vésico-utérin 3 - Ligament vésico-vaginal 4 - Fascia ombilico-prévésical 5 - Lame postérieure de la gaine allantoïdienne 6 - Ouraque, prolongeant en avant la gaine allantoïdienne Le plancher pelvien est l élément essentiel de soutènement dont le premier niveau se trouve à la jonction du col vésical de l urètre (S1), tandis que le fascia de Halban (S2) et le noyau fibreux central (S3) sont secondaires. À l examen clinique On recherche une éventuelle masse pelvienne, un globe vésical, une masse prostatique, un prolapsus (cystocèle, hystérocèle ou rectocèle). Le toucher rectal est indispensable et fournit à la fois des renseignements sur le tonus musculaire, la sensibilité périnéale et la motricité. La présence d un résidu post-mictionnel peut être objectivée par un sondage vésical rapide. Chez la femme âgée, un diagnostic différentiel est la fistule vésico-vaginale (postchirurgicale, radique), au cours de laquelle l urine s écoule par voie non urétrale. L examen neurologique général explore la sensibilité, la motricité et les réflexes des membres inférieurs, les troubles de la marche (syndrome extrapyramidal), les fonctions supérieures. Quels examens complémentaires? > Le premier d entre eux est l examen cyto-bactériologique des urines, indispensable si le trouble urinaire est d apparition récente ou devant l existence de signes irritatifs (impériosités). > Le bilan urodynamique étudie l équilibre fonctionnel vésico-sphinctérien par l enregistrement des ÂGE ET APPAREIL VÉSICO-SPHINCTÉRIEN Le vieillissement induit des modifications des structures de soutien musculaire et vésical, par l intermédiaire d anomalies du collagène. Chez la femme, la carence estrogénique post-ménopausique modifie la trophicité urétrovulvo-vaginale. Chez l homme, l augmentation de volume de la prostate peut constituer un obstacle à la vidange vésicale. Le vieillissement est par ailleurs responsable d une dysrégulation neuronale au niveau de l appareil vésicosphinctérien, à laquelle s ajoutent les effets sur l appareil urinaire de divers troubles neurologiques (Parkinson, AVC, sciatique ). De plus, le délai de sécurité urinaire est raccourci chez certains sujets âgés du fait de la réduction de la mobilité. Les fuites urinaires chez une personne de plus de 65 ans résultent toujours de l intrication de plusieurs facteurs. R. HODONOU pressions vésicale et urétrale (cysto-urétromanométrie) et par l étude du débit urinaire. Les paramètres considérés sont la pression vésicale de remplissage, la pression de clôture maximale urétrale (PCMU), la pression vésicale permictionnelle et la relation pression-débit. Cet examen doit être pratiqué d emblée en cas de signes de gravité (signes neurologiques) ou en cas d incontinence urinaire d installation brutale. En seconde intention, il a sa place après échec de la rééducation lors d une incontinence d effort, ou lorsqu une incontinence par impériosités résiste ou récidive après traitement anticholinergique. Il est systématique avant traitement chirurgical de l incontinence. > L échographie prostatique et/ou pelvienne est utile si l on suspecte l existence d un résidu post-mictionnel ou d une pathologie urologique, ou pour vérifier l intégrité du haut appareil urinaire. > Les autres examens radiologiques ou endoscopiques sont pratiqués en fonction des éléments d orientation issus de l examen du patient. Principales causes de fuites urinaires après 65 ans Au terme de ce bilan clinique et paraclinique, un diagnostic étiologique peut être envisagé. > Chez la femme, l incontinence urinaire d effort s observe en post-ménopause ou en cas d antécédents d accouchements dystociques. L existence d un prolapsus donne plutôt une tendance à la rétention (effet «pelote» du prolapsus qui comprime le canal urétral). De même après chirurgie de l incontinence d effort. > Chez l homme, l hypertrophie de la prostate induit une rétention, mais c est la chirurgie prostatique qui est pourvoyeuse d incontinence urinaire : incontinence par impériosité après adénomectomie (la vessie continue à lutter alors que l obstacle a été levé), incontinence d effort après prostatectomie radicale par diminution de la longueur fonctionnelle de l urètre. Dans un cas comme dans l autre, l incontinence est rarement totale. > Dans tous les cas, les mictions impérieuses doivent faire évoquer une épine irritative vésicale : cause infectieuse, tumeur vésicale, obstruction. > Les autres causes d incontinence par impériosités sont les maladies du système nerveux, responsables de l apparition des «vessies neurologiques» : lésions médullaires, accidents vasculaires cérébraux (AVC), syndrome parkinsonien, syndrome de la queue de cheval (voir encadré page 6 ) > Chez le sujet âgé, une étiologie potentielle est le fécalome, responsable de mictions impérieuses ou de rétention. 4 numéro 2244 vendredi 11 avril 2003

Les ressources thérapeutiques Les indications thérapeutiques varient en fonction de l étiologie. La rééducation et la chirurgie s adressent à l incontinence d effort. Les impériosités mictionelles relèvent des anticholinergiques en première intention. INCONTINENCE D EFFORT : LA RÉÉDUCATION D ABORD, LA BANDELETTE EN RENFORT La prise en charge médicale Chez la femme, l application locale d estrogènes améliore la trophicité urétro-vulvo-vaginale et peut se révéler efficace. L arrêt des traitements inducteurs d hypotonie sphinctérienne (alphabloquants) est également recommandé. > Dans les deux sexes, et quelle que soit la cause de l incontinence d effort, la rééducation périnéosphinctérienne est instituée en première intention. L âge n est pas un facteur limitant de la rééducation, mais la motivation et les possibilités cognitives des patients sont déterminantes. Classiquement, la rééducation s exerce auprès d un kinésithérapeute et comporte plusieurs étapes. La phase d information permet au sujet de se familiariser avec l anatomie et la physiologie de l appareil urinaire. La seconde étape comporte des exercices de contraction des muscles releveurs de l anus et vise à la prise de conscience par le patient de son fonctionnement périnéal. Chez la femme, un travail manuel intravaginal est proposé, avec apprentissage du «verrouillage périnéal» avant la mise en situation d effort. Le biofeed-back instrumental ou verbal consiste à renvoyer au sujet un signal visuel ou sonore au moment de la contraction musculaire, de façon à renforcer la prise de conscience. «L électrostimulation fonctionnelle par sonde endocavitaire ou électrodes de surface, contre-indiquée en cas de port d un stimulateur cardiaque ou d un appareil de neuromodulation sacrée (voir page 7), n a pas fait l objet d études probantes», indique le Pr Amarenco. La dernière phase est la mise en situation d effort, au cours de laquelle le patient apprend à contracter ses muscles de manière anticipative. Dix à vingt séances sont habituellement prescrites. Actuellement, des travaux font état d une bonne efficacité de l autorééducation dans le cadre d une prise en charge incluant l utilisation d un catalogue mictionnel. Le patient, après avoir pointé les périodes mictionnelles et les épisodes de fuites, apprend à programmer les horaires de ses mictions. L autorééducation comprend des exercices de contraction, à raison de trois séances quotidiennes de quinze minutes chacune, en alternant six secondes de contraction et dix ou quinze secondes de repos. Il n est pas utile d utiliser une sonde intravaginale ou des cônes intravaginaux. Un point important : le «pipi-stop» est formellement contre-indiqué. Il fait courir le risque en effet de faire apparaître une dyssynergie fonctionnelle, de gêner la vidange complète de la vessie, voire de générer un reflux vésico-urétéral. Le recours à la chirurgie L échec de la rééducation ou la récidive de l incontinence urinaire conduisent à recourir à la chirurgie. «Quoi qu il en soit, la rééducation aura contribué à préparer le petit bassin à l acte chirurgical», souligne le Pr Vincent Delmas (Paris). > Aujourd hui, les techniques de soutènement sous-urétral (ou frondes sous-urétrales) ont supplanté chez la femme les techniques de soutènement cervical (colposuspension de Burch). Le principe du soutènement sous-urétral repose sur la mise en place d une bandelette sous le tiers moyen de l urètre, en regard du sphincter strié. Cela permet d agir sur les deux mécanismes de l incontinence urinaire d effort : hypermobilité du col vésical à l effort et insuffisance sphinctérienne. La bandelette, en effet, bloque l hypermobilité du col et donne un appui au sphincter strié, rendant sa contraction plus efficace. Des femmes qui auraient été candidates au sphincter artificiel il y a dix ans peuvent aujourd hui bénéficier du soutènement sous-urétral. > L intervention TVT (Tension-free Vaginal Tape), mini-invasive, utilise la voie vaginale pour passer derrière la symphyse pubienne et placer la bandelette. Elle se pratique sous rachianesthésie, dure une vingtaine de minutes et nécessite vingt-quatre heures d hospitalisation. > Une technique plus récente (2001), dérivée du TVT, consiste à passer d un trou obturateur à l autre après avoir pratiqué une incision punctiforme en dehors des grandes lèvres. C est l intervention TOT (Trans Obturator Tape) qui présente l avantage par rapport au TVT de rester en région périnéale, réduisant ainsi le Le sphincter artificiel Il n est plus indiqué que lorsque le sphincter strié est totalement déficient. C est une chirurgie lourde, qui consiste à placer un anneau gonflable autour de l urètre, manipulable par l intermédiaire d une valve placée dans une bourse ou une grande lèvre. numéro 2244 vendredi 11 avril 2003 5

dossier fmc les fuites urinaires LABO ETHICON GYNECARE LABO ETHICON GYNECARE l intervention tvt L opération consiste à mettre en place par voie vaginale une bandelette de Prolène d un centimètre de large, en soutènement sans tension sous la partie antérieure de l urètre. risque de perforation vésicale, intestinale ou vasculaire. Il est possible de coupler dans le même temps opératoire cure de prolapsus et soutènement sous-urétral. Évaluation de la chirurgie L intervention TVT s est révélée à cinq ans aussi efficace que les anciennes techniques de soutènement cervical. On peut espérer une guérison de l incontinence dans 90 % des cas si le sphincter strié est normal (hypermobilité du col isolée), et dans 75 % des cas si le sphincter est faible. La patiente doit éviter le port de charges lourdes durant quatre semaines. > Le suivi postopératoire revient au médecin traitant, qui s assure en particulier de l absence de dysurie. Une bandelette trop serrée, en effet, peut constituer un obstacle à l écoulement de l urine, voire aboutir à la rétention (une fois sur vingt). > Si une dysurie s installe, et si elle n est pas liée à l œdème postopératoire ou à un éventuel hématome, elle sera probablement définitive. Il faut donc prévoir la section de la bandelette, sans pour autant ôter le matériel. Ce geste suffit généralement à libérer l urètre, et le soutènement reste suffisant pour éviter la réapparition de l incontinence. > Les impériosités de novo peuvent s observer également en postopératoire, et imposent elles aussi de sectionner la bandelette. Si la bandelette, au contraire, n a pas été assez serrée, il est possible d en placer une seconde. L Anaes (Agence nationale d accréditation et d évaluation en santé) conseille par ailleurs de réaliser des études complémentaires avec suivi annuel des patientes opérées par TVT. «Il s agit d une technique récente, et on ignore encore l effet d un contact prolongé entre canal urétral et matériel prothétique (migration du matériel, fibrose, infections)», précise le Pr Delmas. Peu d indications chirurgicales chez l homme L incontinence urinaire d effort après chirurgie prostatique n est pas curable par la technique de soutènement sous-urétral, mais répond bien à la rééducation périnéale. IMPÉRIOSITÉS : DU TRAITEMENT MÉDICAL AU PACE-MAKER VÉSICAL Le traitement médical La prise en charge médicamenteuse de l incontinence par impériosité repose sur les anticholinergiques. Le produit de référence est l oxybutynine, dont l instauration doit se faire progressivement et à demi-dose après 65 ans. > Les effets secondaires (sécheresse de la bouche, Comprendre les vessies neurologiques Il existe deux types de comportements vésicaux au cours des maladies neurologiques. La vessie «hyperactive» est le siège de contractions réflexes non inhibées par le contrôle suprasacré ou encéphalique. C est en quelque sorte une vessie livrée à elle-même, qui s observe plutôt au décours de lésions médullaires suprasacrées (traumatismes, SEP, mais aussi myélopathie cervicarthrosique du sujet âgé) ou encéphaliques (AVC sylviens ou frontaux, tumeur cérébrale, SEP). S y associe parfois une mauvaise relaxation sphinctérienne, responsable de rétention. Cette dyssynergie vésico-sphinctérienne est responsable à la fois de fuites par impériosité et de mictions par regorgement. La vessie «hypoactive», à l inverse, est atone et se manifeste par une rétention. Elle s observe le plus souvent en cas de pathologie médullaire basse : hernie discale lombaire, syndrome de la queue de cheval, canal lombaire étroit, traumatisme et tumeur en dessous de D12-L1 (repère osseux), chirurgie pelvienne élargie détruisant l innervation vésicale, neuropathie périphérique ou diabétique. La maladie de Parkinson donne lieu à des fuites par hyperactivité vésicale (deux tiers des patients) aussi bien que par hypoactivité vésicale (un tiers). À noter que les termes de vessie «centrale» ou «automatique» et de vessie «périphérique» ou «autonome» ne sont plus utilisés. Les fuites urinaires au cours des démences relèvent davantage d un trouble du comportement mictionnel (mictions inappropriées) que d une véritable incontinence. Le risque principal en cas de vessie neurologique est l atteinte du haut appareil, ce qui justifie une prise en charge spécialisée. Le traitement repose sur la prescription d anticholinergiques en cas de mictions impérieuses, et sur la rééducation vésicale. Le patient apprend la technique de l autosondage, fondamentale pour protéger les reins, ou celle de la percussion suspubienne. La neurostimulation sacrée est indiquée en cas d échappement au traitement médical, sous réserve de l intégrité de l arc réflexe, c est-à-dire à l exclusion des lésions neurologiques périphériques. Dans un proche avenir, les injections intradétrusoriennes de toxine botulinique auront une place entre traitement médical et neuromodulation. Cette méthode fait encore l objet d études de phases II et III, mais elle est capable de supprimer l hyperactivité vésicale pendant une durée de huit mois. Les techniques de sphinctérotomie ou d incision du col vésical, qui rendent le patient incontinent, sont exceptionnellement pratiquées lorsqu il existe un sphincter strié hyperactif sous une vessie neurologique, et ce dans le but de protéger le haut appareil. 6 numéro 2244 vendredi 11 avril 2003

Ce qu il faut retenir Le moins de couches possible à l hôpital À ne pas faire : mettre des couches aux personnes institutionnalisées ou placer une sonde urinaire à demeure. D autres solutions existent pour préserver l autonomie des patients et leur permettre de garder une bonne image corporelle. troubles visuels, constipation, dysurie, troubles cognitifs) et les contre-indications (glaucome, troubles urétro-prostatiques, occlusion intestinale, myasthénie) peuvent limiter l emploi de cette classe médicamenteuse. «La toltérodine et le chlorure de trospium sont des produits plus récents mais non remboursés. Le chlorure de trospium ne passe pas la barrière hémato-encéphalique, souligne le Pr Amarenco, ce qui pourrait en faire un produit de première intention chez les personnes âgées. À l avenir, une nouvelle molécule, la duloxétine, pourrait trouver sa place dans le traitement de l incontinence urinaire mixte.» > La rééducation périnéale est indiquée en seconde intention après échec des anticholinergiques. Elle permet de développer le réflexe périnéo-détrusorien inhibiteur (la contraction du périnée inhibe l impériosité liée à la contraction vésicale). La neuromodulation sacrée Cette technique consiste à stimuler la racine S3 par un courant électrique continu. On pense que le nerf ainsi saturé se trouve dans l incapacité d adresser des décharges intempestives à la vessie. Ce traitement a amélioré la prise en charge des incontinences par impériosité résistantes aux anticholinergiques et à la rééducation, y compris en cas de vessie neurologique hyperactive. «Il est indiqué également en cas de pollakiurie et d impériosité sans incontinence», ajoute le Pr Delmas. Un test de stimulation est d abord réalisé pendant huit jours, avec implantation provisoire d une électrode au niveau de S3 reliée à un boîtier externe. Durant cette période, le sujet remplit un catalogue mictionnel. Si l essai est concluant, l implantation définitive est réalisée sous anesthésie générale (stimulateur placé au niveau de la fesse). Trois jours d hospitalisation sont nécessaires. Ce pace-maker vésical n interfère pas avec un éventuel stimulateur cardiaque. Si une IRM pelvienne s avère nécessaire par la suite, il faudra désactiver la pile ou tenir compte de l existence d artéfacts sur les clichés. La rééducation par électrostimulation fonctionnelle est formellement contre-indiquée aux porteurs d un tel système. > 30 à 50 % des sujets âgés de plus de 65 ans souffrent d incontinence urinaire. La prévalence est supérieure chez la femme et s accroît avec l âge. > On distingue trois symptomatologies : l incontinence urinaire d effort, l incontinence par impériosité et l incontinence mixte. Leurs mécanismes sont multiples, presque toujours intriqués, indispensables à décortiquer avant de proposer une prise en charge. Les causes neurologiques doivent faire l objet d une attention particulière. > Le premier examen complémentaire à effectuer est cyto-bactériologique. Le bilan urodynamique est proposé d emblée en cas de signes neurologiques ou d installation brutale du symptôme. Il intervient après échec de la rééducation ou du traitement médicamenteux. > Les indications thérapeutiques varient en fonction de l étiologie. La rééducation et la chirurgie s adressent à l incontinence d effort. Les impériosités mictionnelles relèvent des anticholinergiques en première intention. Sources «Bilans et techniques de rééducation périnéo-sphinctérienne pour le traitement de l incontinence urinaire chez la femme à l exclusion des affections neurologiques», Anaes, février 2000. «Évaluation du TVT (Tension-free Vaginal Tape) dans l incontinence urinaire d effort féminine», Anaes, mars 2002. «Anatomie fonctionnelle et sémiologie de la vessie», Buzelin J.-M., Rev. Prat., 2002 ; 52 : 17-22. «Troubles de la continence urinaire et de la miction», Chartier-Kastler E., Rev. Prat., 2002 ; 52 : 43-8. «Ce qui a changé dans le traitement de l incontinence urinaire féminine», Jacquetin B., Conc. Méd., 2003 ; 125(1) : 22-4. www.vidalpronet.com numéro 2244 vendredi 11 avril 2003 7