CONCEVOIR UN ATELIER CINÉMA

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1 PASSEURS D'IMAGES Formation des animateurs Auteur Michel Meyer Date CONCEVOIR UN ATELIER CINÉMA 14 décembre 2010, Maison de la Culture et des Loisirs, Gauchy Descriptif Comment et pourquoi mettre en place des ateliers de pratique audiovisuelle avec un jeune public? Introduction Nous sommes entourés d images : télévisuelles, sur nos écrans d ordinateur et parfois cinématographiques. Ces images qui viennent chez nous nous chercher créent un rapport quotidien, rassurant avec elles. Pour autant, avons-nous conscience de l effet qu elles produisent sur nous et avons-nous connaissance de leur mode de fabrication? Les jeunes, qui dans le cadre des ateliers, sont souvent des jeunes qui rêvent de cinéma et entretiennent un rapport de connivence avec la bande passante, sont-ils capables de voir derrière le miroir des images qu on leur sert, c est-à-dire au-delà? Non sûrement, sans un minimum d éducation que rien mieux qu un atelier théorique et surtout pratique peut leur apporter. Il ne s agira pas alors de démystifier mais plutôt d ancrer le mythe dans une réflexion, une pratique, un savoir-faire non pas magique mais artisanal, le support même de l art dans sa phase de fabrication, lorsqu il est porté par l inspiration et l imagination. Voilà pourquoi il peut être utile de faire des ateliers. A une petite échelle, avec de petits moyens, faire un petit film dans le cadre d un atelier permet de se rendre compte qu on est déjà en train de faire un film et permet de comprendre qu on ne fait jamais un film sans être influencé par son temps er son environnement. En passer par la pratique permet également de comprendre, de manière très conrèté et directe, qu un film se fabrique de bout en bout, des fondations aux finitions. Chaque film, par son sujet, son réalisateur, ses moyens, crée son propre système de fonctionnement. De même pour un atelier. Les objectifs d'un atelier cinéma La journée débute par un tour de table des participants qui, chacun à leur tour, répondent à la question de l objectif d un atelier cinéma. De ces témoignages, apportés par des animateurs ayant plus ou moins d expérience dans la mise en place d ateliers (certains n en ont jamais faits, d autres en font régulièrement depuis des années, avec ou sans l apport d intervenants extérieurs) sont ressortis les objectifs suivants : 1/5

2 - Pouvoir montrer aux élus ce qui est fait avec les jeunes, valoriser les activités d'une structure. - Contribuer à la socialisation de publics parfois à la marge ou demandeurs d asile ; donner une visibilité à des personnes qui sont souvent laissées pour compte ou dévalorisées. - Permettre l apprentissage du français, en plus de son enseignement scolaire, pour des étrangers primo-arrivants. - Valoriser les personnes et le groupe en donnant aux stagiaires l occasion de réaliser et d aboutir un projet, de sa conception jusqu à sa représentation publique, montrer qu'ils sont capables d avoir un projet et de l aboutir, valoriser la notion d'effort. - Favoriser le travail en groupe et la découverte commune. - Eduquer par un moyen artistique à des questions sociales ou sociétales, faire passer un message, favoriser les débats autour d'une thématique. - Leur permettre d acquérir une autonomie dans les choix et la conduite d un projet artistique. - Fournir un souvenir aux participants pour plus tard. - S'appuyer sur un média a priori proche des jeunes pour favoriser la mise en place de projets, notamment avec le public adolescent plus difficile à toucher par les structures. - Sensibiliser à l image, faire évoluer le rapport des jeunes à l'image, transmettre un vocabulaire spécifique et développer le sens critique. - Ne pas oublier la dimension artistique d un atelier cinéma : découvrir le cinéma comme un art à part entière ; expérimenter soi-même la création artistique, développer l'imaginaire, favoriser l'expression personnelle au travers d'une pratique artistique. Les professionnels qui s'investissent dans une démarche de transmission ont pour objectif l'éducation artistique aux images. Le but premier n'est pas de réaliser un film au sens professionnel du terme ; à tous égards, ce serait mentir que de prétendre arriver à ce résultat. La question de la réalisation d'un film est l objectif annoncé, ce qui motive toujours le groupe, mais il peut arriver que l on n arrive pas au bout. Et cela n'est pas forcément synonyme d'échec, car les objectifs essentiels d'un atelier semble plutôt porter sur d'autres critères (Cf ci-dessus). L'objectif est aussi d'ouvrir sur un art : prendre le cinéma, non pas comme un produit de consommation, mais comme un art qui exprime des sentiments, une pensée et qui fait partie d'une culture. Dans ce cas, la prise de conscience que le cinéma est un travail d équipe, qui demande organisation et écoute, et que c est le moyen d'expression d une sensibilité, permettra aux jeunes de regarder différemment les images qui les entourent. La mise en place d'un atelier : prendre en compte les contraintes Lorsque l on conçoit un atelier, on tient compte du public, de son âge, de sa motivation, de son nombre, on tient compte du temps, des moyens matériels et techniques dont on disposera. Cela ne sert à rien d être trop ambitieux et de se retrouver à la fin déçu. Mais a contrario, avec de l imagination et de la débrouillardise, bien des difficultés et des empêchements peuvent être contournés et résolus : un excès de prudence peut également être source de frustration, voire d ennui. Tout l enjeu de l élaboration d un atelier tient à cette juste mesure : réalisable mais sans que cela soit trop facile, formule qui au passage se rapporte également à la question de l écriture d une histoire. 2/5

3 Il existe autant de conception d ateliers que d ateliers, de la même manière que chaque film et chaque tournage, est unique. En voici quelques exemples : - Atelier création cinématographique (court) Avec une classe de collège d une vingtaine d enfants, en 4 demi-journées, l objectif est d initier le groupe aux grandes étapes de la fabrication d un film. La première demi-journée est consacrée à la question de l écriture scénaristique. Je m appuie sur un film qui approche en durée et en ambition de ce qu il est possible pour la classe de réaliser. On regarde le film, on en fait l analyse structurale ; on pose simplement la question du personnage, de son objectif, de ses tentatives et de la résolution finale. Je leur demande ensuite de plancher en tenant compte du fait qu on n aura pas le temps de soritr du collège, qu ils seront les personnages du film, mais sans imposer de thème ni de sujet. Après 20 minutes, chaque petit groupe de 3 ou 4 élèves propose son histoire et on choisit la plus prometteuse et la plus adaptée aux contraintes. Grâce à la collaboration avec un enseignant, le travail d écriture se continue en mon absence et quand je reviens pour la deuxième demi-journée, on peut rapidement passer au découpage technique ; je leur apprends le vocabulaire de la taille des plans, des mouvements de caméra et on réfléchit ensemble à la façon de filmer l histoire. On choisit aussi les comédiens, les décors, on prévoit les accessoires. La troisième demi-journée est consacrée au tournage, la difficulté étant le grand nombre de participants (12 est un maximum, dans l idéal!) Après une rapide initiation au matériel, le tournage débute : à la caméra, au son, au clap, les enfants tournent au poste pour qu un maximum d entre eux ait pu manipuler au moins sur un plan le matériel. Le temps est très court et le nombre de plans qu on a le temps de tourner réduit. A la quatrième et dernière séance, on monte le film. La phase du montage est primordiale. C est le moment où progressivement le résultat apparaît, moment particulièrement gratifiant et qui justifie les étapes précédentes dans ce qu elles peuvent avoir de parfois fastidieuses et de répétitives. Si possible, quelques-uns manipulent. Sinon, sous leur direction, je manipule. A la fin, je grave une copie que je leur remets avant de partir. - Atelier images télévisuelles Avec un groupe d adolescents de ans, sur une durée de 4 demi-journées, l'objectif est de travailler sur la thématique des images tirées du réel à la télévision (et notamment des images des journaux télévisés). Nous commençons par des données théoriques pendant lesquelles on analyse ensemble des images de journaux télévisés : quels sujets sont privilégiés, pourquoi et comment sont-ils traités? Ces images, et les commentaires qui leur sont assortis, nous donnent-ils des clefs de réflexion ou nous imposent-ils un point de vue unique? S adressent-ils à notre intelligence ou à nos émotions? Le traitement de l information est-il très différent d une chaîne à l autre? Puis, à partir de la troisième séance, nous passons à l élaboration d un JT : les participants font des recherches sur internet, choisissent les sujets qu ils veulent traiter, élaborent le texte, définissent l ordre de passage puis enregistrent leur propre JT, sérieux ou décalé, en temps réel. Ce type d atelier nécessite davantage de préparation en amont puisque tout ce qui concerne l analyse doit être collecté et organisé en discours par l intervenant avant le début de l atelier. 3/5

4 - Atelier création cinématographique (long) L'objectif est le même que le premier atelier décrit, mais la contrainte du temps n'est pas du tout la même : atelier sur plusieurs mois, permettant un travail plus abouti sur l'écriture du projet et sur la découverte d'autres films permettant d'affiner le regard sur les images. Ecriture et analyse cohabitent : comment les cinéastes ont-ils traité du même sujet? On visionnera des extraits de film, on fera une initiation plus spécifique et poussée à l écriture scénaristique puisque le temps le permet, découpage technique plus détaillé, recherche et fabrication de décors, travail sur le jeu des comédiens, constitution de l équipe, tournage sur 2 à 3 jours, et montage pendant 2 à 3 jours C est ce qui approche le plus d un vrai tournage. Dans tous les cas, la contrainte peut être productrice d idées. Il ne faut donc pas hésiter à poser un cadre. Trop de liberté peut nuire à l inspiration. On peut par exemple : s'imposer une contrainte de genre : film documentaire, cinéma d'animation, genre policier, fantastique, horreur, etc. une contrainte de forme : ne filmer que des plans Lumière (plans séquence fixes d'une minute à la manière des premières images cinématographiques filmées par les frères Lumière : ce qui est l'occasion d'initier à l'histoire du cinéma et ce qui permet déjà, de manière très simple et rapide si l'on a peu de temps, de se poser les questions de cadre, de choix du sujet, de lumière, etc., questions essentielles à toute création audiovisuelle), réaliser un film sans faire apparaître de visage (contraintes qu on trouve souvent dans les ateliers en milieu carcéral), imaginer un film à partir d objets (par exemple, réaliser des auto-portraits à partir d'objets personnels), etc. jouer sur les genres cinématographiques en en étudiant les codes et en les pastichant éventuellement. atelier doublage sonore : s'appuyer sur des images existantes et en faire l'habillage sonore (bruitage, doublage voix, création musicale), ce qui permet de travailler spécifiquement sur le domaine du son au cinéma, en étudiant par exemple les différents métiers liés à ce domaine et en prenant conscience de l'importance de la bande-son dans la construction du sens et des émotions dans un film. atelier film à trou : quand un groupe semble ne pas avoir trop d'idées d'histoires, on peut trouver des contraintes permettant de faciliter l'émergence d'idées : par exemple, prendre une scène d'un film et imaginer la suite. atelier lettre filmée : une correspondance entre deux groupes par l'intermédiaire de petits films Valorisation des ateliers Il semble important de penser en amont à une valorisation du travail réalisé par les jeunes durant leur atelier. Cette valorisation peut passer par la projection du film réalisé, si film il y a. Cette projection peut éventuellement s'organiser en lien avec les salles de cinéma, en première partie d'une séance de cinéma spéciale par exemple. Mais il semble également important de valoriser tout le travail ayant permis d'aboutir à ce résultat : cela peut passer par une exposition de photographies prises lors de l'atelier, par la présentation du scénario écrit, du storyboard et autres traces de création. Il peut être aussi intéressant de tenir un carnet de bord de l atelier, avec photos, dessins, storyboard, découpage technique, etc. 4/5

5 En fonction de ce qui a été dit, les participants au stage ont précisé ou élaboré un projet d atelier et exposé aux autres leurs idées, leurs intentions, les contraintes qu ils ont imaginées. Conclusion En conclusion, j insiste sur le fait que tout, dans la conduite d un atelier, n est que question de sensibilité et de plaisir. Faire du cinéma, c est jouer à créer des mondes et pour citer le réalisateur américain Samuel Fuller qui joue son propre rôle dans Pierrot le fou de Jean-Luc Godard, répondant à la question du personnage interprété par Jean-Paul Belmondo : Qu est-ce que le cinema? Un film, c est comme un champ de bataille. Amour. Haine. Action. Violence. Mort. En un mot émotion. répond-il. Reste à concevoir et à offrir aux jeunes un terrain propice 5/5