Fiche Histoire des Arts Les studios de Cinecitta : Histoire, Archéologie et Cinéma

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1 Fiche Histoire des Arts Les studios de Cinecitta : Histoire, Archéologie et Cinéma Contexte : Photos Lionel Sanchez Déambuler dans une ruelle romaine, accéder à un temple ou à une basilique, voir quel était le décor de la ville, la visite des studios de Cinecitta et de ses décors fournit au public un formidable outil pour mieux appréhender la civilisation romaine. Mais la visite de décors est-elle aussi pertinente qu une déambulation à travers un site archéologique classique, expliqué et commenté par un médiateur culturel? À travers cette problématique, la question du vocabulaire de l archéologie peut également être posée : quelles sont les différences entre restitution, reconstitution, reconstruction et évocation? Un décor de cinéma peut-il être considéré comme une forme d archéologie expérimentale? Objectif : Alors qu aujourd hui le cinéma a tendance à recourir de plus en plus aux effets spéciaux pour magnifier les grandes productions hollywoodiennes, il semble pertinent de s interroger sur la manière dont il est possible de tirer parti de ces décors impressionnants afin de se les réapproprier dans le cadre d un voyage ou d une séance de cours en classe.

2 Comprendre et connaître le site Les studios de Cinecitta à Rome Vue de la cour principale des studios Créé en 1937, en pleine époque fasciste, par le Directeur Général du Cinéma Italien de l époque, Luigi Freddi, le site de Cinecitta s étend au sud de Rome sur 40 hectares. Il comprend 22 studios d enregistrement de dimensions variables, mais tous équipés de matériel de haute technologie. A l époque, l idée était de construire le plus grand complexe cinématographique d Europe, capable de concurrencer Hollywood aux USA. Ce pari fut gagné puisque plus de 3000 films ont été tournés à Cinecitta et que parmi eux 90 ont été nominés pour les Oscars (47 ont remporté le trophée). De grands réalisateurs de l histoire du Cinéma ont tourné à Cinecitta dont Frederico Fellini, Francis Ford Coppola, Luchino Visconti et Martin Scorsese. Aujourd hui encore de grosses productions continuent à faire vivre les studios, comme par exemple «Gangs of New-York» de Martin Scorsese en 2002 avec Leonardo Di Caprio et Cameron Diaz. En 2004, le site est choisi pour accueillir le tournage de la série «Rome», produite par la chaine anglaise HBO. C est à cette occasion que furent érigés les prestigieux et impressionnants décors du forum romain et de ses rues adjacentes, qui sont aujourd hui le point d orgue de la visite des studios. Les décors des films étaient imaginés par des architectes ou des artistes des Beaux- Arts. Certains dessins des décors ont été conservés, de façon à illustrer pour le public les différentes étapes avant la réalisation définitive des décors. Une partie des décors de Gangs of New York (2002) et de Rome (2004). Photos Lionel Sanchez

3 Citations Coppola : «Cinecitta est pour moi comme les studios de cinéma que je connais le mieux, parce que, comme à Hollywood, c est un lieu où on peut faire des choses et on peut les faire bien». Fellini : «La première fois que j ai entendu ce nom «Cinecitta», j ai perçu que cette ville était celle où j aurais voulu habiter et qu elle ferait partie de ma vie. La ville des actrices, des divas. Une dimension, un rêve de battement de cœur». Site officiel des studios : Caméra Panavision. Eléments de décor d un triclinium utilisé pour Rome (2004). Vue générale des studios. Photos Lionel Sanchez

4 Cabane protohistorique reconstituée par l archéologie expérimentale sur le site archéologique de Ruscino (Pyrénées Orientales, 2011). Photos Lionel Sanchez Suggestions de Pistes de travail Les studios de Cinecitta à Rome Problématique et objectifs À l occasion de la visite des studios de Cinecitta, la question du vocabulaire de l archéologie peut être posée : quelle sont les différences entre restitution, reconstitution, reconstruction et évocation? Un décor de cinéma peut-il être considéré comme une forme d archéologie expérimentale? Grâce au voyage organisé par la CNARELA, nous vous proposons quelques pistes de réflexions sur cette problématique, qui peut être abordée de manière transversale en étudiant des œuvres cinématographiques dans le cadre de l Histoire des Arts (exemple avec le péplum). Un peu de vocabulaire L archéologie expérimentale est une discipline scientifique qui tente de reproduire des matériaux, des constructions, des gestes, des recettes à partir de l étude des vestiges archéologiques mis au jour pendant la fouille. Même si les premières expérimentations sont difficilement datables, le développement de cette activité comme discipline scientifique faisant partie à part entière de l archéologie est relativement récent. L un des premiers à promouvoir les expérimentations est le préhistorien François Bordes : ses expérimentations dans le domaine de la taille de la pierre vont considérablement élargir le champ de connaissance lié à cette activité. C est dans les années que vont aussi apparaitre les premiers parcs archéologiques, dans lesquels l expérimentation s impose rapidement comme un outil scientifique mais également comme un argument commercial (exemple de l Archéodrome de Beaune, en Bourgogne).

5 Toutefois, bien que l esprit qui anime les archéologues spécialistes de cette discipline reste totalement guidé par la méthode et la rigueur de la science, plusieurs limites viennent nuancer la pratique et l apport des expérimentations. Les hypothèses des archéologues s appuient en effet à la fois sur l état du vestige retrouvé au moment de sa découverte et sur son stade d évolution à l époque de son abandon : sa connaissance en est donc relativement lacunaire et très fragmentée. Parfois, il arrive que les matériaux et les techniques employés au moment de l expérimentation ne soient pas tout à fait les mêmes qu à l époque étudiée et les conditions climatiques peuvent aussi impacter la procédure d expérimentation. La restitution Restitution d un combat de gladiateurs Par l association ACTA. www,acta-archeo.com Sur les chantiers de fouilles, les archéologues retrouvent des pierres, des briques, des tuiles, des céramiques, des ossements, A partir de ces vestiges, ils vont essayer de restituer le bâtiment d origine. La restitution en archéologie consiste donc à émettre des hypothèses sur l état premier d un objet matériel (bâtiment, ) ou immatériel (mode de vie, techniques de combats pour les gladiateurs ) au travers de plans ou de maquettes. A partir de l étude des vestiges, la restitution du passé comporte nécessairement une part d interprétation de la part des archéologues. La reconstitution Sur un site archéologique, il arrive fréquemment que l on retrouve des milliers de morceaux de poteries ou des fragments de murs endommagés par le temps. La reconstitution consiste à replacer après étude et en position pertinente les éléments dispersés dont un monument est composé. Cela s apparente à de la restauration. Cette discipline se définit comme l ensemble des actions visant à interrompre le processus de détérioration d une œuvre bâtie par l Homme (architecture ou mobilier), témoignant de l histoire humaine. La restauration consiste aussi à consolider, conserver et parfois rétablir cette œuvre dans sa configuration d origine ou à un moment donné de son histoire.

6 La reconstruction La reconstruction consiste à bâtir un édifice en remplacement d un autre connu, pour le même usage. Il s agit donc d une reproduction qui peut se passer des éléments authentiques. Il existe plusieurs raisons pour expliquer une reconstruction. Les exemples les plus connus concernent par exemple les grottes préhistoriques. Afin de préserver les peintures originales et éviter leur dégradation à cause de l activité humaine, la grotte de Lascaux a, par exemple, été reconstruite juste à côté du site originel afin que les visiteurs pussent admirer les œuvres créées par les hommes de la préhistoire, il y a ans. Il est alors possible de parler de «fac-similé», terme français dont l étymologie latine indique bien l usage qui en est fait. Construction du fac-similé de la grotte Chauvet. Photo La construction Une autre forme d expérimentation archéologique peut être trouvée dans la construction. Elle est menée sans référence à un vestige précis mais elle permet d analyser et de comprendre les techniques et les savoirfaire de l époque étudiée. Château de Guédelon : exemple de construction. Photo Lionel Sanchez

7 L évocation L évocation est une interprétation, à partir des sources, de l esthétique d un objet historique. L aspect visuel est ici privilégié et il a pour but premier de stimuler la sensibilité et l imaginaire du public. Ruelle de la Rome antique à Cinecitta. Selon vous, à quelle catégorie appartiennent les décors de Rome aux studios de Cinecitta? Pourquoi? Comment les artistes qui les ont conçus ont-ils pu travailler afin que leur aspect s approche le plus possible de celui de la réalité archéologique de l urbanisme des villes romaines? Faire en sorte que les élèves répondent à ces questions est un objectif pédagogique qui leur permet d appréhender les différentes caractéristiques méthodologiques de l archéologie expérimentale dans ce qu elle a de plus complexe et de plus problématique. Photos Lionel Sanchez

8 1. Pour prolonger : le forum romain au cinéma Les évocations des grands monuments romains sont nombreuses et les péplums nous en donnent souvent de très beaux exemples. On ne compte plus le nombre de productions où l on voit s affronter gladiateurs où conducteurs de chars. Pourtant, il est un lieu essentiel de la vie de Rome qui est lui aussi présenté dans plusieurs films. Il s agit du forum romain. Le décor des studios de Cinecitta est sur ce point particulièrement remarquable. Si beaucoup de vues cinématographiques n offrent que peu de plans large du cœur de la Rome antique, le film d Anthony Mann La chute de l empire romain (1963) se distingue par la majesté et la taille du décor qui sert de cadre au forum romanum. Conçu par les décorateurs Veniero Colosanti et John Moore, ce décor figure parmi les plus grands jamais bâtis pour un film. La construction de ce forum de 437 mètres de long sur 251 de large commença sur un terrain de 27 hectares à Las Matas, près de Madrid, le 10 octobre ouvriers ont passé sept mois à ériger 601 colonnes, 350 statues et 27 bâtiments de taille réelle, la partie la plus haute du décor étant le temple de Jupiter dont la statue équestre, située sur le toit, culminait à plus de 86 mètres de haut. Si l essentiel de l action du film est censée se dérouler sous le règne de Commode, qui régna de 180 à 192, les décorateurs ont reconstitué le forum dans son état du IVe s., en s inspirant de la maquette d'italo Gismondi (1937) qui se trouve au Musée de la Civilisation romaine, à Rome (E.U.R,). Le spectateur attentif identifie sans peine la basilique Julia, les Rostres, mais aussi l'arc de Septime Sévère qui ne sera construi à cet endroit que dix ans plus tard,,, Une piste de travail en classe avec les élèves peut s organiser autour de la projection d extraits de la Chute de l empire romain (ou de captures d écran). Après avoir fait analyser les images du décor et identifier les principaux monuments représentés dans le film, l enseignant peut envisager de confronter ces représentations du forum aux vestiges archéologiques et aux restitutions proposées par les archéologues, Cela permettra aux élèves d apprendre à lire un plan, d identifier les différents monuments par leur aspect et leur organisation dans l espace puis à émettre des hypothèses quant aux modalités d exécution des restitutions. C est un travail qui peut aussi être réalisé en amont ou après une découverte physique du site,

9 La chute de l empire romain, Anthony Mann, 1963 Titre original : The Fall of the Roman Empire Réalisation : Anthony Mann Scénario : Ben Barzman, Basilio Franchina, Philip Yordan Décors et costumes : Veniero Colasanti, John Moore Photographie : Robert Krasker Montage : Robert Lawrence Musique : Dimitri Tiomkin Production : Samuel Bronston Production associée : Michal Waszynski, Jaime Prades Société de distribution : Paramount Pictures Pays d'origine : États-Unis Langue de tournage : anglais Genre : péplum, drame, Film historique Durée : 188 minutes Dates de sortie : 24 mars 1964 (Royaume-Uni) Sophia Loren : Antonia Stephen Boyd : Livius Alec Guinness : Marc Aurèle James Mason : Timonides Christopher Plummer : Commode Anthony Quayle : Verulus John Ireland : Bellomar Omar Sharif : Sohaemus Plan large sur le décor du forum romain d après le film.

10 La chute de l empire romain, Anthony Mann, 1963 Forum romain : temple de Vesta, arc de triomphe d Auguste, vicus Tuscus et, à l arrière, escalier du temple des Dioscures. Forum romain : temple de Jupiter sur le Capitole et vue partielle du temple du divin Vespasien.

11 La chute de l empire romain, Anthony Mann, 1963 Salle du trône (Aula Regia). Louve du Capitole (XIIème XIIIème av. J.-C.; Photo Lionel Sanchez). En quoi la statue du film est-elle différente de l œuvre originale? Pourquoi?

12 Restitutions et vestiges documents iconographiques Le forum romain sur la maquette d I. Gismondi ( ), Rome, musée de la civilisation romaine Le forum aujourd hui et sa représentation sur un relief de l arc de Constantin (IVème siècle). Photos Lionel Sanchez

13 La représentation du forum romain sur les «anaglyphes de Trajan». Ce grand relief, exposé dans la curie du forum romain avec son «jumeau», présente une scène d alimenta : des prêts de faible intérêt sont accordés par l empereur aux paysans afin que le produit de ces remises puisse permettre d élever des enfants pauvres. La scène se déroule à l extérieur, sur le forum romain, dont nous avons ici l une des rares représentations antiques (avec le relief de l arc de Constantin). On peut reconnaitre sur cette sculpture, de gauche à droite : la tribune des rostres de César divinisé (au premier plan, sur laquelle se tient un homme debout). Dans l arrière plan, on distingue nettement l arc d Auguste (aujourd hui détruit), le temple de Castor et Pollux, l espace du vicus Tuscus.Les arcades que l on voit ensuite sont celles de la façade de la basilica Julia et devant, au premier plan, on voit l empereur assis sur la tribune des rostres. La représentation du forum romain sur l arc de Constantin : une «photographie» du IVème siècle. Ce bas-relief de l arc de Constantin représente une vue générale du forum romain en direction du Capitole. De gauche à droite, il est possible de voir les arches de la basilique de Jules César, l arc de triomphe de Tibère (détruit), la tribune des Rostres et les 3 arches de l arc de triomphe de Septime Sévère. Photos Lionel Sanchez

14 Forum romain plan général du site Source Google

15 RESSOURCES PEDAGOGIQUES EN LIEN AVEC LE SITE Sur Cinecitta Sites : Vidéos : Sur le péplum : Site : Livres : Péplum : L Antiquité spectacle /sous la direction de Hélène Lafont-Couturier, Fage éditions, 2012, 152 p. (catalogue de l exposition du musée gallo-romain de Fourvières à Lyon ) Publication du musée gallo-romain à Lyon. Claude Aziza, Le péplum, un mauvais genre,2009 Klincksieck. Claude Aziza, Guide de l'antiquité Imaginaire, Belles Lettres, 2008, nouvelle édition à paraître le 22 octobre Revues :

16 Quelques références textuelles : Sur le forum : L ARELAL (Lyon) a publié un riche recueil de textes variés concernant le forum. Contact : lca@arelal.fr Pour travailler sur La chute de l Empire romain (à rapprocher éventuellement du film Gladiator) : consulter la Vie de Marc Aurèle et la Vie de Commode dans l Histoire Auguste. Exemples : La mort de Marc Aurèle au chapitre XXVIII traduction Auguste/Marcus/Marcus28.html Vie de Commode : a/com.shtml traduction Auguste/Commode/Index.html