Faire découvrir comment Dieu se révèle aux hommes à travers la Bible

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1 Pour se préparer à l exposition biblique de mars 2002, un cycle de six conférences : Rueil-Malmaison, 1 er octobre 2001 Faire découvrir comment Dieu se révèle aux hommes à travers la Bible I ère Partie L exposition biblique à laquelle vous vous préparez, mais que certains ont déjà visitée, s articule en deux parties : - la Bible et son environnement, - la manière dont elle a été reçue et transmise dans l'histoire. La première partie présente essentiellement l'objet biblique Dans une introduction développée, je tenterai de replacer l'écrit, l'objet biblique, dans la dynamique d'une parole ; ensuite, je présenterai le livre et quelques questions qu'il pose habituellement, avant de terminer par un échange avec vous. Le 22 octobre, j'essaierai de montrer comment le livre biblique nous redonne la parole. Ce plan éclaire le titre de nos deux premières conférences : La place de la Bible entre la parole reçue et la parole transmise. Nous irons ainsi de la Parole à la Parole en passant par le Livre, afin de replacer l'écrit dans la dynamique d'une parole De la Parole à la Parole par le Livre. C est un mouvement qui peut convenir pour d'autres productions littéraires que la Bible, mais il est essentiel afin de comprendre comment ce livre est considéré par les deux communautés de croyants qui s'y réfèrent : la communauté juive et la communauté chrétienne. La production littéraire ne tient sa valeur que parce qu'elle porte une parole : c'est un support, support indispensable mais qui renvoie à une parole. C est une thèse souvent mal reçue : Ne dit-on pas que les paroles s'envolent, les écrits restent...? D'autre part, les médias ne parlent-ils pas des religions du Livre lorsqu ils évoquent les religions juive, chrétienne et musulmane? Cette expression, facile, est-elle pertinente pour caractériser la foi judéo-chrétienne face à d'autres religions du monde? Elle vient du Coran où les Gens du Livre sont cités plus de 20 fois : c'est le point de vue du croyant musulman. Dans la cinquième sourate, il est fait état de trois "descentes" : celle de la Torah au Sinaï (verset 44), celle de l'evangile (verset 47), et celle du Coran qui englobe les autres Ecritures (verset 48). C'est un Ecrit qui est descendu, non une parole. La traduction du Coran n'est pas religieusement admise, alors que de telles traductions ont été admises dans le monde juif (Septante, Targumim) et dans le monde chrétien qui connaît tous les ans des nouvelles traductions Cela n'empêche pas de préférer les textes dans leur langue de composition, plutôt que dans celle de leur traduction. Pour les religions qui s appuient sur la Bible, il serait préférable de les qualifier de religions de la Parole. Vous connaissez le proverbe chinois qui évoque le doigt indiquant l'étoile : ne nous focalisons pas sur le doigt - le Livre -, mais regardons vers l'étoile qui donne sens à nos vie.

2 Page n 2/6 Nos traditions respectives insistent sur ce point : Ainsi, le judaïsme distingue-t-il la Torah sur la bouche (la Loi transmise oralement) et la Torah sur la main (le livre écrit), rappelant que, si Moïse a reçu les Tables des Dix Paroles, pendant quarante jours il a entendu les paroles qui permettent de les interpréter et qui ont été transmises oralement à ses successeurs. Quant à la tradition chrétienne, Paul écrivait : Il nous a rendu capables d'être ministres d'une alliance nouvelle, non de la lettre, mais de l'esprit; car la lettre tue, l'esprit vivifie (2Co 3,6) Nous servons sous le régime nouveau de l'esprit, et non plus sous le régime ancien de la lettre (Rm 7,6). Par Esprit, il faut comprendre souffle, la respiration qui permet la parole. Il ne s agit pas d opposer l'écrit et la parole qui vient du souffle, comme s'il fallait choisir pour éliminer soit l'écrit, soit la parole, mais prendre conscience de leur articulation mutuelle. L'écrit biblique permet d'entendre le message de Dieu, traduit dans la parole humaine d'un auteur qui est inspiré : il s agit moins un livre révélé, qu'un livre inspiré. Le croyant reconnaît dans l'écrit biblique une parole humaine qui traduit, interprète, un message de Dieu, alors que la Parole-même de Dieu demeure inaccessible. Le Livre permet de conserver ce qui est entendu de cette Parole inaccessible de Dieu pour que notre parole humaine puisse, aujourd'hui, traduire la Parole sous l'inspiration de l'esprit. Dans la production du Livre, sa conservation, sa transmission, ses traductions, son interprétation... le rôle de la communauté est essentielle sans qu il faille pour autant opposer l'apport personnel et l'apport communautaire qui sont complémentaires. Nous avons intitulé notre propos De la Parole à la Parole par le Livre, pour souligner que le Livre est incontournable : où serait la parole s'il n'y avait plus d'écrit? Où serait la Parole de Dieu s'il n'y avait la Bible? Dans trois semaines, à partir du livre nous retournerons à la Parole ; aujourd'hui nous nous attachons à l'objet biblique, au Livre. Le Livre, la Bible: La Bible est le résultat d'une composition au cours de l'histoire. Dans la culture occidentale, christianisée, on partage la Bible en deux parties : les textes de la communauté juive, auxquels la communauté chrétienne a ajouté des textes de juifs reconnaissant Jésus de Nazareth comme le Messie qui doit venir. D'où l'expression "les deux Testaments", appelés respectivement Ancien et Nouveau, inscrivant une séparation littéraire qui a engendré d'autres séparations plus tragiques. Testament? Bien que signifiant à l origine témoignage, ce terme renvoie aujourd hui à un contexte mortuaire. Paul, cité plus haut, parle d Alliance Nouvelle : le contexte matrimonial est probablement plus parlant aujourd hui. On pourrait définir la Bible comme le livre des Alliances successives : en effet, Paul pensant aux juifs écrit aux Romains (9,4) : Mes frères à qui appartiennent l'adoption filiale, la gloire, les alliances. Fait-il alors référence à l'alliance avec Adam, puis avec Noé, Abraham, Moïse, réaffirmée au temps d'esdras et, pour les chrétiens, au temps de Jésus? Pour qu'il y ait successions d'alliances, faudrait-il une succession de divorces? Parlons plutôt du livre de l'alliance toujours renouvelée et "jamais révoquée". La Bible est le long récit d'une histoire d'amour, avec les bons et les mauvais moments, entre un peuple et son Dieu. Tel est le regard d'un croyant, mais le contexte de la production d'une oeuvre littéraire permet au lecteur, même incroyant, de mieux en percevoir l'esprit. C est le livre d'une parole donnée et reçue, comme celle qui fonde un couple.

3 Page n 3/6 La bible de la communauté chrétienne comprend et prolonge la bible juive. Aujourd'hui, notre propos concerne la bible juive qui fait aussi partie de la bible chrétienne. L efflorescence chrétienne, nourrie de l'écriture juive, fera l objet des séances 3 et 4. L'origine du mot éclaire l objet : Essayons de remonter la piste du mot la Bible. Il vient du latin biblia, féminin singulier. Mais le vocabulaire chrétien est surtout d'origine grecque (eucharistie, baptême, prêtre, diacre, Christ, mystère, église etc...) latinisé et parfois germanisé (church-kirche-kerk). Ainsi pour biblia : le singulier latin cache le grec "biblia" neutre pluriel, les livres. La Bible est un livre pluriel. C'est une série de livres, une bibliothèque qui forme une unité littéraire, une parole unique qui se déploie dans des écrits diversifiés, diversifiés quant au style (poétique, historique, prophétique, lettre on parle alors de "genres littéraires"), quant aux époques de leur production (étalée sur 10 siècles?), quant aux destinataires visés (on ne s'adresse pas à des ennemis, comme à la fiancée du Cantique), sans oublier les aléas d'une retranscription manuelle de textes à travers des siècles. Ceci vaut pour les écrits propres aux chrétiens. Aussi convient-il de lire la bible avec circonspection (en regardant autour) : non pas avec méfiance, mais avec intelligence. Il ne s agit pas d être un grand savant, mais de faire usage de l'intelligence du cœur, en lisant entre les lignes, en reliant les textes les uns aux autres. Une lecture sans distance est une lecture fondamentale, qui peut provoquer le fondamentalisme. Sauf à avoir une grande habitude de lecture biblique, cette lecture fondamentale est notre première lecture. Si la lecture n'est pas reprise, éclairée par d'autres apports - qui peuvent être de la Bible elle-même - on risque d'adhérer à l'écrit, au texte, sans discernement, de rester collé à l'écrit. La seule parole produite sera alors une parole répétitrice, et non une parole vivifiante. L'autre résultat d'une lecture fondamentaliste est à l'inverse : ne plus coller à l'écrit biblique et le fuir, le considérer comme inintéressant pour vivre (qu est-ce que toutes ces histoires!). La Bible est une et plurielle à la fois : c'est sa complexité et aussi sa richesse. Les livres : combien? Le Canon des Ecritures D'emblée, le nombre de livres pose problème. La tradition juive dénombre trente-six titres dont trois sont en deux volumes (Samuel, Rois et Chroniques) ; ils sont écrits en hébreu, avec quelques passages en araméen. La "canonicité" de certaines écritures juives n'a été admise que vers 150 de notre ère, et seuls ne furent retenus que les écrits rédigés en hébreu (ou en araméen). Ce choix résulte peut-être d'une réaction contre les écritures retenues par la première communauté chrétienne. Celle-ci se développant hors de Palestine, dans le monde grec, avait adopté la bible juive déjà traduite en grec avant notre ère, appelée la Septante (LXX). D autres écrits d'origine juive, mais écrits directement en grec, ont été également introduits dans la Bible chrétienne. Cette dernière contient donc les trente-six livres écrits en hébreu et traduits en grec, plus sept livres écrits directement en grec, ou dont l'original hébreu avait été perdu : Judith, Tobit, les deux livres des Maccabées, Baruch, Sagesse et Siracide appelé aussi l'ecclésiastique. A propos de celui-ci, il est intéressant de noter que l'on en a retrouvé les deux-tiers en hébreu, en 1896, dans la synagogue du Vieux Caire. On les désigne sous le nom de deutérocanoniques - deuxième canon des Ecritures : d'abord le canon hébraïque, ensuite le canon grec. La bible juive contient trente-six titres; la bible chrétienne (sans les écrits spécifiquement chrétiens au nombre de vingt-sept) contient quarante-trois titres.

4 Page n 4/6 Une précision : quand je parle de bible chrétienne, il s agit de la bible de la première communauté chrétienne conservée dans l'orthodoxie et le catholicisme. Luther, lors de la Réforme, n'a retenu que les trente-six titres de la bible en hébreu. Les communautés protestantes ne reconnaissent pas les sept titres des écrits conservés en grec qu'elles appellent apocryphes au lieu de deutérocanoniques. Ceci explique la différence de classement que l'on trouve dans nos bibles actuelles : Certaines, comme la TOB, bible oecuménique, ou la bible protestante de Segond, commencent par le canon juif, auquel on ajoute -ou non- les deutérocanoniques, ou apocryphes D'autres, comme la bible de Jérusalem ou Osty, suivent le classement ancien du canon grec. Le classement selon le canon juif. La Bible constitue une véritable bibliothèque que l on peut répartir sur trois étagères. Cette répartition est déjà suggérée dans l'évangile de Luc, quand deux disciples, le soir de Pâques, retournent vers le village d'emmaüs avant de revenir à Jérusalem : Il faut que s'accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes (Luc 24,44). Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire? Et commençant pas Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Ecritures ce qui le concernait (Luc 24,27). La première étagère, celle qui domine, comprend les cinq livres de Moïse, ou Pentateuque ; il s'agit de la Torah, la Loi, ou plutôt l Enseignement : en effet, le mot "loi" vient du grec "nomos", alors que "torah" vient d'une racine hébraïque signifiant "enseigner". Cette première étagère est repérée avec la lettre "T" qui commence le mot Torah. La deuxième étagère, les Prophètes qui sont partagés en deux séries : - les premiers prophètes, que nous appelons habituellement livres historiques (Josué, Juges, Samuel, Rois), présentant l'histoire des prophètes Nathan, Elie, Elisée ; - les derniers prophètes, eux-mêmes rassemblés, selon la longueur de leurs écrits, en trois grands prophètes (Isaïe, Jérémie, Ezéchiel... mais pas Daniel) et douze petits (Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Agée, Zacharie, Malachie). Comme Prophètes se dit en hébreu Nevi'im après l'étagère T comme Torah se trouve l'étagère "N" comme Nevi'im. La troisième étagère est celle des Ecrits : Luc parlait en effet de Moïse, des Prophètes et des Ecritures, plus précisément des Psaumes. Ces autres Ecrits comprennent : les Psaumes, Job, Proverbes, Ruth, le Cantique, Qohéleth (l'ecclésiaste), les Lamentations dites de Jérémie, Esther, Daniel, Esdras, Néhémie, et les deux volumes du livre des Chroniques. Parmi ces autres écrits, cinq tiennent une place particulière, les megillot, les rouleaux, les livres lus lors de fêtes juives : le Cantique à Pesah-Pâque, Ruth à Shavuot-Pentecôte, les Lamentations au souvenir de la destruction du Temple le 9 Ab (mois lunaire situé en juillet-août), Qohelet à Sukkot-Tentes, Esther à Pourim, un mois avant Pâque. Ecrits se disant en hébreu Ketuvim, la troisième étagère portera la lettre "K". Dans la communauté juive, depuis le Talmud (traité Sanhedrin 101,a), cette bible-bibliothèque est nommée selon l acrostiche formée par ces trois étagères Torah, Nevi'im, Ketuvim, soit TaNaKh : le TaNaKh. Les traductions à l'intérieur des communautés juives: Après Alexandre le Grand, la culture grecque se répand : à Alexandrie, en Egypte, une forte communauté juive ne parlait plus couramment l'hébreu, ni même l'araméen que l'on parlait en Palestine depuis le retour d'exil, vers 550 avant notre ère.

5 Page n 5/6 On dit que le pharaon d'egypte, Ptolémée II ( ), voulut rassembler dans une grande bibliothèque tous les écrits des peuples connus, bibliothèque pillée plus tard par César. Il demanda à la communauté juive de traduire en grec ses Ecrits. L'histoire de cette traduction, histoire qui inclut des éléments légendaires, nous est parvenue dans un ouvrage disponible en français : La lettre d'aristée. D après ce texte, 72 juifs - on dira plus tard 70 - traduisirent, indépendamment les uns des autres pendant 72 jours et, miracle (selon Saint-Irénée), toutes les traductions étaient identiques! En rapport avec cette histoire, on donna à la traduction le nom de Septante LXX ; ce chiffre peut aussi se référer symboliquement aux 70 nations païennes recensées dans la Bible. La Septante serait alors la Bible traduite pour les 70 peuples païens, c est-à-dire non-juifs. La traduction a dû être d'abord celle de la Torah, à laquelle s'ajoutèrent plus tard les traductions des autres écrits juifs dont certains n'ont pas été retenus dans le canon juif, et plus tard encore on ajouta des écrits directement rédigés en grec. Parler de la Septante aujourd'hui, c'est parler de la traduction en grec de la Bible juive augmentée d'écrits de la tradition juive rédigés en grec. Son classement se répartit sur quatre étagères : le Pentateuque, les livres historiques, les livres poétiques et de sagesse, enfin les prophètes (quatre grands avec Daniel) et les douze petits. Cette traduction fut révisée par Aquila, Théodotion et Symmaque (en 165). La Septante a servi de base de traduction pour les juifs d'éthiopie, en guèze. D'autres traductions furent faites dans la langue populaire des juifs de Palestine après le retour de Babylone vers 540. Ces traductions en araméen s'appellent targums : nous en reparlerons la prochaine fois. La traduction en syriaque est également proche de l'araméen,. La bible devint alors un objet d'études pour les chrétiens : Origène a mis en six colonnes (d'où le nom d'hexaples) les versions en hébreu, en hébreu transcrit en lettres grecques, les traductions d Aquila, de Symmaque et de Théodotion, ainsi que la Septante. Après le grec, le latin devint en occident la langue commune. Jérôme se rendit sur place, à Bethléem, pour traduire en latin la Bible à partir de l'hébreu (aidé par des rabbins juifs et par les hexaples d'origène). Ce texte révisait d'autres traductions latines plus anciennes : comme il était dans la langue couramment parlée, la langue vulgaire, ce texte prit le nom de Vulgate. Tout n'est pas de Jérôme : des disciples achevèrent son oeuvre. Nous sommes autour de l'an 400. Le plan de la Vulgate est celui de la Septante : ce texte est devenu le texte officiel de l'eglise latine. L'exposition vous présentera l'histoire de l'écrit biblique et de ses premières traductions. La transmission par manuscrits : Il reste une autre question qui a son importance, la fidélité de la transmission par manuscrit : Si l'on se concentre sur le Livre, plus que sur la Parole inspirée, la fidélité de la retranscription manuelle à partir de l'original devient fondamentale. Par contre, si l'on se concentre sur la Parole inspirée, la transmission dans des recopiages successifs se doit d'être la plus fidèle possible au message-même plutôt qu'à l'écrit. Deux points sont alors à souligner : l'original et les recopiages sur manuscrits. L'original : Actuellement, on ne connaît aucun original d'un des trente-six ou quarante-trois livres de la Bible juive, pas plus des vingt-sept livres spécifiquement chrétiens. D'ailleurs, certains livres furent écrits par couches successives, parfois sur des siècles. L'exemple le plus facile à comprendre est celui de la Genèse : on y lit successivement deux récits de création qui disent la même chose quant à l'essentiel (le message) mais à travers des paroles inspirées différentes. De même pour le récit de la sortie d'egypte, voire les prophètes Isaïe, Osée etc... Il faut donc considérer que l'original est le livre tel qu'il a été accepté par la communauté juive, dès 450 avant notre ère pour le Pentateuque, plus tard pour les prophètes.

6 Page n 6/6 Les recopiages sur manuscrits. Pendant des siècles, il a fallu compter avec les copistes et les fautes inhérentes à cette technique de reproduction manuelle ; de plus, les mots n'étaient pas toujours séparés les uns des autres. Le texte hébreu actuellement reçu dans les communautés juives s'appelle le texte massorétique ; on dit que les massorètes ont encadré le texte de telle manière qu'il soit protégé. Ce texte a été fixé seulement en 930 de notre ère. Le plus ancien manuscrit est celui dit du Caire (835), puis celui d'alep, en Syrie daté de 930, en partie perdu. Le plus ancien manuscrit complet date du 1009, c'est le manuscrit de Léningrad. Pourquoi n'a-t-on pas de manuscrits plus anciens (à part ceux de Qûmran)? Avant que les massorètes ne fixent le texte, il y avait plusieurs familles de manuscrits. Afin de garder l'unicité du texte, quand le texte massorétique a été adopté dans toutes les communautés juives, avec les encouragements de Maïmonide mort en 1204, tous les autres manuscrits ont été détruits. La découverte des manuscrits de la Mer Morte en 1947 a permis de connaître un texte de dix à onze siècles antérieur au texte massorétique. Les textes bibliques de Qûmran sont naturellement plus proches du texte grec de la Septante, puisqu'ils sont presque contemporains. A Qûmran, on a trouvé en partie, ou au complet comme le fameux rouleau d'isaïe, tous les livres bibliques sauf celui d'esther. Les variantes entre les écrits de Qûmran et ceux du texte massorétique, dix siècles plus tard, ne sont pas significatives quant au message qui est donné. Pour les exégètes, ces variantes de détail sont autant d'occasions de recherches et de productions d'articles. Pas seulement pour les exégètes mais aussi pour des journalistes qui cherchent souvent le scoop : ce n'est pas toujours scientifiquement sérieux, mais cela a l'avantage de faire parler de la Bible. A la synagogue, le rouleau de la Torah qui est utilisé pour la lecture liturgique doit être écrit à la main sur un parchemin. Un rouleau "dé-sacralisé" devrait vous être présenté dans l'exposition. Comment être sûr qu'il reproduit l'original du IX ème ou X ème siècle de notre ère? Pour ce faire, il y a naturellement la relecture, mais cela ne suffit pas. D'autres techniques permettent de garantir la fidélité du copiste. Par exemple, on compte les lettres de la Torah : celles-ci étant de nombre impair, le milieu des lettres de la Torah est un Wav, au Lévitique 11, 42. On compte aussi les mots de la Torah : le milieu des mots se trouve au Lévitique 10,16 : Moïse chercha, et chercha encore, le bouc pour le sacrifice... Relire, compter les mots et les lettres pour être sûr de n'avoir rien oublié : voilà pourquoi depuis dix siècles le texte massorétique de la Torah est bien recopié, encore aujourd'hui à la main, pour la liturgie synagogale. * * * Avec ce verset 16 du chapitre 10 du Lévitique, au coeur de la Torah, nous sommes invités, comme Moïse, à chercher et à chercher encore... Voilà bien la fonction du Livre, de l'écrit biblique : nous forcer à chercher, seul ou en groupe, c'est-à-dire à ouvrir notre parole pour que la Parole de Dieu, reçue et conservée comme une perle précieuse dans les mots humains de la Bible et jusque dans les lettres, redevienne en nous parole pour le monde d'aujourd'hui. Comment le livre, qui vient d'une parole, redeviendra-t-il parole? Ce sera pour le 22 octobre Père Pierre Hoffmann Vicaire épiscopal au diocèse de Versailles Délégué aux relations avec le judaïsme et au dialogue interreligieux