Note d étonnement. Session du mercredi 16 juin 2010
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- Paul Lapierre
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1 Note d étonnement Session du mercredi 16 juin 2010 L IMPACT DE LA CRISE SUR LE PRIVATE EQUITY La crise a-t-elle modifié les comportements des sociétés de Private Equity? A-t-elle eu une influence sur leur façon de gérer leur portefeuille? Quelles mesures ont été mises en œuvre pour permettre aux sociétés sous LBO de mieux traverser la crise? Comment en tirer parti? PROBLÉMATIQUE Quel a été l impact de la crise sur l activité de Private Equity? La crise financière et économique a-telle modifié les conditions et les modes de fonctionnement des acteurs? Les sociétés sous LBO ontelles montré une plus grande fragilité que les autres ou au contraire ont-elles profité d une meilleure préparation? Quelles mesures ont été prises pour les protéger et leur permettre d attendre le rebond? IDÉES CLÉS La crise a-t-elle modifié les comportements des firmes de Private Equity? La crise a posé trois défis aux sociétés de capital investissement : Moins de ressources En Europe, 13 milliards d euros ont été levés en 2009 contre 80 milliards d euros en Plus de 50 % des opérations en 2009 ont aussi porté sur des montants inférieurs à un milliard d euros. 1 Cette baisse a diminué sensiblement la marge de manœuvre des sociétés, ainsi que leurs revenus. De nombreux acteurs ont en conséquence dû accepter de réduire la taille de leurs véhicules cela a été le cas de Permira, TPG, Candover ou PAI ou n ont pas atteint leur objectifs c est le cas de CD&R, et ont dû se résoudre à repousser la levée de nouveaux fonds. Par ailleurs, l allocation des assurances sur fonds de pension a été diminuée en raison du respect des critères prudentiels. Moins de dettes Si les niveaux d endettement avaient parfois été très excessifs, la crise y a en tout cas remédié : en Europe, les niveaux d endettement ont baissé de plus de 70 % en 2007, à 50 %, 40 % et même 0 %. Compte tenu de la part plus faible du levier mis en place, les performances intrinsèques des entreprises assurent dorénavant quasiment seules la rentabilité d un investissement. Cette situation demande de la part des investisseurs une analyse très fine des problématiques industrielles au cours des «due diligences», analyses que certains fonds avaient peut-être un peu mises de côté au cours des années fastes. 1 Source : Capital Finance 1
2 Moins de cibles Les acteurs sont confrontés à la concurrence des industriels qui peuvent plus facilement s aligner sur les prix des financiers dont les capacités d endettement ont été diminuées c est l exemple de Géoservices, spécialisé dans les services pétroliers, leader mondial du Mud- Logging, racheté par Schlumberger en mars dernier. De plus, compte tenu de la situation économique actuelle, certains fonds d investissement peuvent éprouver des difficultés à céder dans de bonnes conditions certains actifs à l heure où leurs limited partners demandent à voir leurs retours sur investissement. Si elles sont également touchées par la crise, les sociétés d investissement, ont la particularité d investir sur leurs fonds propres, et ont ainsi une plus grande capacité d adapter leur calendrier en fonction de la situation économique, par exemple en conservant les sociétés aussi longtemps qu une optimisation de la sortie le demandera. Les mastodontes américains ont de leur côté diversifié leurs activités dans l immobilier, la finance, l industrie ou les activités de conseil devenant de véritables conglomérats. Pour eux, la question va désormais porter sur la gestion dans le temps qui sera sans doute différente. Certains fonds, plus modestes et plus fragilisés par la crise, seront voués à disparaître. Si la taille des opérations a fortement chuté, le marché du LBO n est pas mort pour autant : Au 1 er trimestre de 2010, 9 milliards d euros ont été investis en Europe sous forme de LBO cela est loin du record de 2006 avec 180 milliards d euros sur l année, mais représente cependant 50 % de l ensemble des opérations ayant eu lieu au cours de En France, 187 opérations ont eu lieu en 2009, contre 277 en 2008, et aucune au-delà de 500 millions d euros. Depuis début 2010 des opérations significatives ont eu lieu par exemple le rachat de Spotless pour 600 millions d euros, celui de Sebia pour 800 millions d euros 3, la prise de participation de 33 % dans Gras Savoye pour 500 millions d euros ou encore le rachat de Sperian Protection. De nombreuses opérations sont aujourd hui en préparation : des optimisations de portefeuilles de conglomérats, des sorties de fonds Enfin, les banques augmentent chaque jour la taille de leurs prises fermes dans les financements ces prises sont passées de 15 millions d euros il y a quelques mois à environ 50 millions d euros aujourd hui. Mais les banques restent très sélectives sur la qualité des actifs financés ; elles ont aussi ont significativement durci les conditions de financement : leverage de 4.2x en 2009 comparable à ceux de ; minimum equity autour de 50 %, voire plus ; marge senior à bps 5 contre bps avant la crise (x2) ; mise en place de protections vis-à-vis des procédures de sauvegarde (mise en garantie du financement des titres du holding d acquisition et de la société cible) pour éviter certaines situations vécues par les créanciers en Pour autant il est très peu probable de voir revenir des opérations LBO du type de celles connues en 2007, mais c est aux sociétés de capital investissement d être capables d investir en modifiant leurs modes de financement. La finance est un moyen et non une fin : 2 Source : Dealogic 3 La plus grosse opération depuis l automne Source : LCD 5 Point de base : 0.01 % 2
3 Le métier d actionnaire professionnel peut utiliser la finance comme une aide dans la réalisation des opérations, mais ne saurait s appuyer uniquement sur des montages financiers pour créer de la valeur. C est la capacité à investir dans des entreprises performantes, et ce dans de bonnes conditions, et à accompagner son développement qui est l essence du métier d actionnaire professionnel. De même l actionnaire professionnel privilégie toujours la sortie qui a du sens pour l entreprise. Eurazeo existe depuis 1882 ; ce sont seulement ses méthodes d investissement qui évoluent. Dans la crise, l entreprise s est efforcée de respecter 3 règles fondamentales : 1. ne pas mettre de dette structurelle sur la dette ; 2. répartir intelligemment ses actifs 10 à 15 % maximum par situation ; 3. savoir faire tourner ses actifs et lutter contre la léthargie naturelle qui s installe. L essence du métier d actionnaire professionnel est la capacité à investir dans des entreprises performantes et à accompagner leur développement. La crise a-t-elle eu une influence sur la façon dont les firmes de Private Equity gérent leur portefeuille? Les firmes de Private Equity n ont pas, pour la plupart, fondamentalement modifié leur mode de gestion, mais elles ont renforcé leur modèle (hands-on ou hands-off). Des diagnostics ont été réalisés : crash cases, suivi des covenants, projections de trésorerie, risques de contrepartie (créances clients), couverture assurance, cartographie des risques, revue régulière des objectifs, etc. Des plans d action ont été activés, notamment pour réduire les coûts d exploitation et optimiser le financement. «Better safe than sorry» Les sociétés tentent de profiter des moindres fenêtres d opportunités pour se refinancer, même à un coût plus élevé Allongement des durées de détention Les sociétés d investissement estiment que cette crise a fait perdre deux ans à leur portefeuille, mais toutes les entreprises n ont pas été touchées de la même façon ; toutes les sociétés de Private Equity n ont pas la même capacité d adapter leur calendrier de rotation des actifs (fonds vs. sociétés d investissement). Relations avec le management et management packages Dans un tiers des cas, les fonds ont modifié leur gestion du management : elles sont notamment passées d un modèle «coach» à un modèle interventionniste. Dans d autres cas les fonds, de peur de tomber dans la gestion de fait, se sont brusquement retirés de la gestion. Certains dirigeants d entreprises en difficulté ont dû lâcher les rênes ; c est le cas dans Monier / PAI, ou Navimo / Duke Street, soit environ 10 % des cas de figure. Les tensions liées à des management packages sont cependant restées minoritaires : 25 % des cas selon les dirigeants, 10 % selon les fonds, ces derniers ayant eu des positions dures dans 5 % seulement des cas. 6 6 Source : Étude OC&C / Newsbridge auprès d un panel de fonds et de dirigeants, mai
4 Quelles mesures mettre en œuvre pour permettre aux sociétés sous LBO de mieux traverser la crise? L expérience de la crise a montré que jusqu ici, sauf exceptions, les entreprises sous LBO ne sont pas fondamentalement plus fragiles que les autres face à la crise. Selon l enquête AFIC-OpinionWay 7, 77 % des LBO n ont pas eu à faire face à des covenants non respectés et sur les 23 % n ayant pas respectés leur covenants, seules 2 % n ont pas été à même de renégocier l échéancier de leur dette. Sur les entreprises sous LBO concernées par l enquête, seules 14 ont aujourd hui disparu. Il y a cependant quelques exemples de reprises par les banques (Monier, CPI ). La crise a néanmoins demandé une plus grande vigilance vis-à-vis des covenants et de la liquidité des entreprises. La culture du «cash», et non uniquement du «résultat» a été stimulée dans les participations. Pour le reste, les plans d action décidés ne sont pas spécifiques aux entreprises sous LBO, mais leur rapidité de mise en place est directement liée à la qualité de l actionnaire professionnel présent au capital de ces entreprises. Ces plans ont concerné des réductions de coûts : l optimisation du réseau et de la supply chain chez Rexel ; la diminution des coûts de structures dans les hôtels et des coûts de logistique chez Accor ; l optimisation des stocks/fournisseurs et de la réallocation clients/centres chez Elis ; l optimisation de la flotte chez Europcar... Des financements plus flexibles et plus adaptés aux besoins ont été recherchés. La finesse d analyse de l actionnaire professionnel se reconnaît dans sa capacité à ne jamais mettre en danger les capacités de l entreprise et à ne pas réaliser des coupes excessives et irréfléchies qui auraient pour conséquence de fragiliser l entreprise sur son marché ou de la vider de sa substance. Comment tirer parti de la crise? La crise, chacun en conviendra, est l occasion de réaliser des acquisitions à bon prix. L attitude correcte est cependant d éviter les retournements. Elle permet aussi de développer de nouveaux modes d investissement. Eurazeo Croissance s est spécialisée sur des investissements davantage réduits jusqu à 50 millions d euros, mais plus nombreux et offrant des opportunités de croissance dans les sociétés. La filiale investit en réalité dans des PME déjà connues d Eurazeo Oberthur, Cegid, Ipsos. L apport est évidemment financier, mais aussi managérial puisqu il inclut les bonnes pratiques des grandes sociétés, tant au niveau des connaissances financières, que de l organisation, du reporting ou des ressources humaines. L optimisation des sociétés sera un plus au moment de la reprise. La crise a certainement permis de travailler encore plus en profondeur les modèles d affaires, les structures de coûts et d investissement des participations. 7 AFIC-OpinionWay, France, novembre
5 CONCLUSION D un côté, il y a des fonds qui sont toujours dans l ardente obligation de travailler et des investisseurs qui restent attirés par le Private Equity, dont la performance sur le long terme reste supérieure aux marchés actions, obligataire et monétaire. De l autre côté se tient l industrie, qui sera de plus en plus portée par les fondamentaux mondiaux, la raréfaction des énergies fossiles et le développement des énergies nouvelles, l urbanisation croissante, la demande pour une santé renforcée, etc. Des secteurs sur lesquels la France dispose d atouts considérables tant en matière d enseignement que de recherche ou d innovation Aucune raison donc que l histoire ne s arrête, même après quelques inconfortables soubresauts. Martine LE BEC rédactrice en chef adjointe de la revue Prospective Stratégique & rapporteur du Club Nouveaux Repères 5
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