Droit comparé : Loi de finances françaises pour 2004
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- Jean-Claude Roberge
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1 Loi de finances pour 2004 et loi de finances rectificative de 2003 : principales dispositions fiscales Bernard PLAGNET Professeur à l Université des Sciences Sociales de Toulouse Malgré un contexte budgétaire difficile (le déficit est de 55 Milliards E), des réformes fiscales intéressantes sont contenues dans ces textes. I- FISCALITE PERSONNELLE Deux groupes de dispositions intéressent la fiscalité personnelle et l impôt sur le revenu et les droits d enregistrement. A- L impôt sur le revenu 1 ) de la baisse des taux Depuis plusieurs années, les lois de finances prévoient une baisse des taux de l impôt sur le revenu. La baisse de cette année est de 3 %. Techniquement, tous les taux des différentes tranches sont réduits de 3%. L impôt est donc moins lourd pour tous les contribuables, du moins pour ceux qui sont redevables de cet impôt (c est à dire à peu près la moitié des foyers fiscaux). Cette diminution avantage donc plutôt les revenus élevés; par ailleurs, foyers fiscaux supplémentaires deviendront non imposables, ce qui va encore accroître la concentration (déjà excessive) de l impôt sur le revenu. 2 ) Les revenus catégoriels a) Le nouveau régime des cotisations de retraite La question du financement des retraites est un des enjeux essentiels des prochaines années. Le législateur a donc réformé ce régime par une loi du 21 août 2003 et la loi de finances tire les conséquences de cette réforme. La loi de finances tire les conséquences de la réforme des retraites et, notamment, des dispositions de l article 111 de la loi du 21 août
2 Le régime fiscal est évidemment articulé sur le nouveau «paysage» des régimes de retraite. Il faut rappeler que les régimes de retraite comportent trois «piliers» : - les régimes de base ; - les régimes complémentaires obligatoires : désormais, ces régimes existeront, en principe, pour toutes les activités. Ces régimes existaient déjà pour les salariés du secteur privé (Arrco et Agirc pour les cadres) et pour la plupart des non-salariés. La loi du 21 août 2003 a complété ce système en instituant un régime complémentaire obligatoire pour les fonctionnaires (article 76) et un régime complémentaire obligatoire pour les professions industrielles et commerciales à l instar de ce qui existait déjà pour les artisans (article 81). - Les régimes supplémentaires : ils sont facultatifs ; Une des grandes innovations de la loi du 21 août 2003 a consisté à compléter ces régimes de retraite par répartition en prévoyant que toute personne a accès à un ou plusieurs produits d épargne, réservés à la retraite. Il s agit, au fond, d instituer des sortes de «fonds de pension à la française»; il en existait déjà, en fait, un mécanisme, celui de la Préfon, mais il était réservé aux fonctionnaires. Désormais, tout le monde pourra accéder à ces produits, soit dans un cadre privé - et c est le Plan d épargne retraite populaire -, soit dans le cadre professionnel - et c est la transformation de l actuel plan partenarial d épargne salariale volontaire (PPESV) en plan partenarial d épargne salariale volontaire pour la retraite (PPESVR) ; dans ce dernier cas, les fonds ne sont plus bloqués pendant 10 ans mais «jusqu au départ en retraite» (article L du Code du travail, modifié). On trouve donc deux «niveaux» de financement : les cotisations de retraites «traditionnelles» qui sont financées dans le cadre de l activité professionnelle et les versements réalisés à titre individuel dans le cadre des nouveaux produits d épargne (et de la Préfon). Il s ensuit, tout naturellement, sur le plan fiscal, la mise en place, à partir de 2004, d un régime de déductibilité unifié à deux niveaux pour toutes les catégories professionnelles. * les cotisations de retraites traditionnelles restent en principe déductibles des revenus professionnels, en totalité pour celles qui sont 244
3 légalement obligatoires et, pour les autres, dans la limite d un nouveau plafond défini par la loi de finances ; * les versements au PEIR et aux autres produits facultatifs d épargne individuelle viennent en déduction du revenu net global dans la limite d un plafond global, qui tient compte des cotisations précédemment déduites des revenus professionnels au titre des régimes qui ne sont pas légalement obligatoires. b) La réforme du régime des plus-values immobilières des particuliers Dans la situation actuelle existe un très grand nombre d exonérations qui réduisent sensiblement le champ d application de l imposition : c est ainsi que sur déclarations de plus-values immobilières déposées chaque année, seules donnent lieu à imposition effective. La loi de finances a pour objet de simplifier le régime en prévoyant, d une manière générale, l application d un taux unique de 16 % (plus les prélèvements sociaux de 10 %), identique à celui applicable aux plus-values de cessions de valeurs mobilières. De plus, ce prélèvement devra être acquitté au moment de la réalisation de la formalité de l enregistrement ou de la publicité foncière. Les principales exonérations subsistent et le total des plus-values imposables ne devrait donc guère varier. c) Institution d un régime des «impatriés» Cette mesure a pour objectif d encourager la venue en France de cadres de haut niveau. Dans ce but, la loi prévoit d exonérer d impôt sur le revenu les suppléments de rémunérations versées à des salariés appelés par une entreprise établie à l étranger à occuper un emploi dans une entreprise en France. B- Les droits d enregistrement La principale disposition concerne le régime des démembrements de propriété, c est à dire l évaluation de droit d usufruit et du droit de nue-propriété. Concrètement, le problème se pose essentiellement dans l hypothèse d une donation avec réserve d usufruit. En pratique, il s agit du cas de parents qui font une donation à leurs enfants mais qui 245
4 conservent l usufruit du bien, ce qui leur permet de percevoir les revenus. La donation porte donc sur le droit de nue-propriété et il s agit donc d évaluer la valeur de ce droit afin de calculer les droits de mutation à titre gratuit. L évaluation du droit est fonction, en fait, de l espérance de vie de l usufruitier : la valeur de la nue-propriété est en effet d autant plus importante que l espérance de récupérer l usufruit est proche. Cette évaluation se fait en fonction d un barème qui figure dans le Code général des impôts. Jusqu à présent, l application de ce barème était obligatoire pour les mutations à titre gratuit, mais il était simplement facultatif pour les mutations à titre onéreux. De plus, ce barème présentait un grave défaut : il datait de 1901, c est à dire d une époque où l espérance de vie était évidemment moindre que de nos jours. Concrètement l application du barème avait donc pour effet de «surévaluer» artificiellement la valeur de la nue-propriété (puisque l espérance de vie des usufruitiers était relativement faible). Le nouveau barème apporte deux séries de changements : - D une part, son application devient obligatoire également pour les mutations à titre onéreux ; - D autre part, son actualisation permet de réduire la valeur de la nuepropriété d environ 20%. Il est donc plus favorable aux contribuables. Mais, reprenant partiellement d une main ce qu elle donne de l autre, la loi de finances prévoit une diminution des réductions d impôt pour les donations consenties avec réserve d usufruit. II- FISCALITE DES ENTREPRISES A- L encouragement de la recherche Diverses dispositions tendent à l encouragement de l innovation et de la recherche. En effet, la France (et l Europe en général) ont pris beaucoup de retard en la matière, ce qui est incontestablement un handicap dans la compétition internationale. On peut citer deux séries de mesures correspondant à cet objectif : - La création du régime des «Jeunes entreprises innovantes» : il s agit des entreprises créées depuis moins de 8 ans et qui consacrent au moins 15 % de leurs dépenses à des dépenses de recherche. Elles seront 246
5 exonérées de l impôt sur les bénéfices pour leurs trois premiers exercices bénéficiaires. Elles bénéficieront également d une exonération d impôts locaux pendant 7 ans. - L élargissement du «crédit d impôt recherche». Ce crédit d impôt vient en diminution de l impôt sur les sociétés. Parmi les modifications, il faut signaler, notamment, celle qui permettra à une entreprise de bénéficier de ce crédit d impôt même si ses dépenses de recherche n augmentent pas par rapport à l année précédente (jusqu à présent, le crédit d impôt s appliquait seulement en cas d accroissement des dépenses de recherche d une année par rapport aux précédentes). B- Le report déficitaire illimité Jusqu à présent, les sociétés soumises à l impôt sur les sociétés pouvaient reporter leur déficit pendant une durée de 5 ans. Cependant, le report illimité était prévu pour une fraction de ces déficits, appelée les «amortissements réputés différés en période déficitaire» (ARD). Dorénavant, l ensemble des déficits sera reportable sans limitation de durée. Il s agit bien sûr d un réel assouplissement de la législation, qui aligne le régime français sur celui applicable dans de nombreux pays de l Union européenne. C- L amélioration du régime des transmissions à titre gratuit d entreprises On estime que la moitié des chefs d entreprise prendront leur retraite dans les dix prochaines années. Il faut donc prévoir et encourager les transmissions, notamment aux enfants. Une loi du 10 août avait fortement réduit les droits de donation applicables à ces transmissions. La loi de finances complète ce dispositif en prévoyant, notamment, que la plus-value résultant de cette transmission sera définitivement exonérée si le bénéficiaire de la transmission (héritier ou légataire) exploite l entreprise pendant une durée d au moins 5 ans. Compte tenu de ces mesures, on peut conclure que la fiscalité n est plus un réel obstacle aux transmissions d entreprises à titre gratuit. 247
6 D- La poursuite de l application du taux réduit de TVA aux travaux portant sur le logement Cette mesure avait été autorisée, à titre expérimental, par les autorités européennes. Cette autorisation est prolongée pour une période de deux ans. En revanche, les autorités européennes n ont pas autorisé la France à appliquer le taux réduit de la TVA aux services de restauration. III- La réforme du régime des distributions de dividendes La loi prévoit une réforme fondamentale : la suppression de l avoir fiscal et du précompte mobilier à compter du 1 er janvier Notre système était, en effet, coûteux, complexe, relativement atypique au sein de l Union européenne et d une compatibilité douteuse avec la réglementation européenne (ainsi, une procédure en cours contre le système finlandais, proche du notre, aurait pu grandement fragiliser notre dispositif). Le régime fiscal des dividendes perçus par les personnes physiques sera désormais le suivant. Deux abattements seront applicables: un abattement de 50% et l abattement général de 1220 et 2440 (contribuables soumis à imposition commune). On peut donc remarquer que seuls les bénéficiaires de dividendes élevés seront, en fait imposables. Ensuite, est institué un crédit d impôt égal à 50 % du montant brut des dividendes (avant l application des abattements), mais son montant est plafonné à 115 ou 230 (contribuables soumis à imposition commune). Ce crédit d impôt sera restitué aux contribuables non imposables à l impôt sur le revenu ; dés lors, pour ces contribuables, le nouveau régime est semblable au précédent puisqu ils percevaient déjà la restitution de l avoir fiscal. Or, le montant moyen des distributions de dividendes en France est de 300 (ce qui correspond à un crédit d impôt de 150 qui sera donc entièrement restituable aux non imposables puisque ce montant est inférieur au plafond cité ci-dessus. Le précompte mobilier est supprimé à compter de 2005, mais un prélèvement exceptionnel de 25 % sera appliqué en 2005 aux distributions qui auraient donné lieu auparavant à l application du précompte. Mais ce prélèvement sera remboursé aux sociétés durant les années 2006 à
7 IV- La réforme des intérêts de retard Les intérêts de retard sont applicables en cas de redressement lorsque la mauvaise foi du contribuable n est pas établie. Juridiquement, les intérêts de retard ne sont pas des pénalités, mais la compensation du retard de paiement. Cependant le taux annuel de ces intérêts - 9 % - est sensiblement plus élevé que les taux du marché. Ils sont donc «pénalisants» à défaut d être des «pénalités»! La loi de finances autorise donc l administration à consentir des remises gracieuses ou des modérations (éventuellement par la voie de la transaction) pour ces intérêts, bien qu ils ne soient pas des pénalités. On rappelle, en effet, qu en principe, les procédures gracieuses sont réservées aux pénalités. 249
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