Erreur! Erreur! Erreur!



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I. Point de départ A. Faits Dans le cadre de mon stage en responsabilité je suis en charge d une classe de Seconde, et le premier chapitre que nous avons traité portait sur les configurations du plan. Ce chapitre contient essentiellement des révisions, mais les élèves avaient malgré tout des difficultés à résoudre les exercices. Cela me semblait provenir du temps d adaptation nécessaire au retour des grandes vacances, mais lorsque j ai corrigé le premier devoir je me suis rendue compte que le problème était plus profond. Voici l extrait du premier exercice de ce devoir : ABC est un triangle rectangle en A, H le pied de la hauteur issue de A, I le milieu de [AB] et (IK) la perpendiculaire à (BC) passant par I. Données : AB = 8 cm,,aih = 60 QuickTime et un décompresseur TIFF (non compressé) sont requis pour visionner cette image. 1) Montrer que les triangles IBH et IAH sont isocèles. 4) Montrer que K est le milieu de [BH]

Très peu d élèves ont répondu de manière satisfaisante à la première question, ce qui je pense venait d un manque de connaissances car il fallait utiliser le théorème de la médiane. Mais ce qui m a surpris sont les tentatives d explications, par leur manque de rigueur dans le raisonnement. Par exemple : Alexandre : «IBH est isocèle car K est le milieu de (BH) et (KI) coupe l angle,hib donc KI=Erreur! HI et Erreur! IB donc AI=IB. IAH est isocèle car (AH) coupe (BC) perpendiculairement car c est sa hauteur et (IK) étant parallèle à (HA) et comme (HI) coupe chacun une perpendiculaire alors le triangle est isocèle et équilatéral car AI = IH = HA» Alexandra : «Je sais que IH = IA = IB. Donc : Un triangle est isocèle s il a deux côtés égaux. Donc dans le triangle IBH : IH = IB alors IBH est isocèle en I Et dans le triangle IAH : IA = IH alors IAH est isocèle en I.» Alexandre était surpris de ne pas avoir eu les points pour cette question, car il avait «écrit beaucoup de choses», mais les articulations du raisonnement qu il semble avoir ne sont ni claires ni justifiées. J ai noté dans l ensemble une mauvaise utilisation des mots «donc» et «car», qui dénote d un raisonnement «à l envers». Alexandra essaie de justifier le résultat en utilisant la conclusion comme hypothèse ( IA = IH = IB ). En revenant ensuite sur cet exercice elle m a dit qu elle savait que les longueurs IA, IH et IB étaient égales car elle les avaient mesurées. Pour la quatrième question, j attendais que les élèves citent la propriété selon laquelle les droites remarquables issues de I dans un triangle isocèle en I sont confondues. J ai été assez surprise de certaines réponses : Alexandra a utilisé les questions précédentes et le théorème de Pythagore pour calculer BH (qui vaut 48). Puis elle a écrit : «Comme BH = 6,9 cm et BK = Erreur! BH alors K est le milieu de (BH)» Marion : «K est le milieu de [BH] car la droite (IK) est la hauteur du triangle IHB, car elle passe par le sommet et coupe le côté opposé perpendiculairement. 2

Donc K est le milieu de [BH]» Alexandra et Marion ont utilisé des données qui sont vraies (calcul utilisant le théorème de Pythagore ou données de l énoncé), mais qui ne justifient en rien le résultat voulu. Là encore, la justification donnée par Alexandra de l affirmation BK = Erreur! BH est d ordre visuel, sur une figure qui n était pas à l échelle. Lorsque j ai demandé à Marion si une hauteur coupait forcément le côté opposé en milieu, elle m a répondu que non mais que dans ce cas c était vrai. B. D où vient mon étonnement J ai premièrement été très surprise par les justifications à l aide de mesures, relevant pour moi du niveau de primaire, et du manque de lien logique dans les «déductions» des élèves. Je pensais que les élèves arrivant au lycée étaient habitués à raisonner de manière logique et ne se fiaient certainement plus à des mesures pour justifier leurs résultats. Ma surprise a donc été grande lorsque je me suis aperçue que ce n était pas le cas. Lors de la correction en classe de ce devoir je me suis heurtée à l incompréhension de certains élèves quant aux démonstrations que je demandais, car ils ne percevaient pas la nécessité de justifier «ce qui se voit sur le dessin». D autre part j ai été surprise de constater en discutant avec eux que les élèves n avaient pas compris qu il fallait faire les démonstrations dans le cas général. Les données de l énoncé qu ils avaient exploité étaient visuelles, basées sur la figure fournie et non sur les explications qui l accompagnaient. C. Ma problématique La surprise que j ai ressentie lors de la correction de ce premier devoir (confirmée par la suite) m a fait prendre conscience du fait que les bases du raisonnement déductif n étaient pas acquises pour tous les élèves. Il m appartient donc de leur enseigner comment raisonner mathématiquement, et de trouver les moyens d y parvenir. II. Approfondissement de la question A. Recherches théoriques 3

1) Paradigmes géométriques Au premier abord, c est surtout le raisonnement à base de mesures sur une figure qui était le plus étonnant ; mais en faisant quelques recherches sur le statut de la figure, j ai mieux compris d où venait cette confusion de la part des élèves. Catherine HOUDEMENT et Alain KUZNIAK (Petit x n 51, p.5-21) ont mis en évidence l existence de différents paradigmes géométriques, c est-à-dire différents points de vue pouvant exister sur la géométrie et les représentations qui y sont utilisées. Ils dégagent ainsi trois paradigmes géométriques, que je vais présenter ici : La géométrie naturelle (GI) Ici la figure est la réalité et l objet d étude. Les démonstrations se font à l aide d instruments de mesure et sans utilisation de propriétés générales, en s appuyant sur des figures précises desquelles sont tirées les données utilisées. Ce paradigme est celui que l on rencontre en général à l école primaire, et il doit être enrichi lors de l enseignement au collège pour aboutir à un mode de raisonnement plus rigoureux, en géométrie axiomatique naturelle. Il se peut cependant que certains élèves n aient toujours pas acquis ce changement en classe de Seconde, comme cela semble être le cas pour certains de mes élèves. La géométrie axiomatique naturelle (GII) En géométrie axiomatique naturelle, la figure est désormais une représentation de la réalité. Elle permet de synthétiser et modéliser les données de l énoncé, et n a donc pas besoin d être précise si elle est codée. Les démonstrations se font par des déductions d après les données de l énoncé et les propriétés générales qui peuvent s y appliquer, ce qui à priori ne requiert pas l utilisation d une figure. Cette vision de la géométrie qui est acquise et naturelle pour moi, représente en fait une véritable rupture pour les élèves, qui doivent apprendre à appréhender un même objet (la figure) d une manière différente. Le passage en géométrie axiomatique naturelle doit être acquis pour tous les élèves au lycée si cela ne s est pas fait au collège. La géométrie axiomatique formaliste (GIII) 4

Ici la figure n est plus une représentation de la réalité mais plutôt un outil logique qui intervient comme une aide au raisonnement, sous forme de schéma par exemple. Les démonstrations sont uniquement basées sur des axiomes et les objets en présence ne peuvent pas être représentés la plupart du temps. La géométrie axiomatique formaliste n est pas utilisée dans l enseignement secondaire. D un point de vue didactique il est donc important d avoir conscience et de clarifier le type de géométrie dans lequel on se place, notamment dans le choix des données fournies par l énoncé. Il semble ensuite naturel de s intéresser à ce que l on attend vraiment des élèves, et pour cela analyser les étapes d un raisonnement dit rigoureux. 2) Intuition, Expérience et Raisonnement Pour Ferdinand GONSETH (La géométrie et le problème de l espace. 1955), le raisonnement en Mathématiques et en particulier en géométrie s articule autour de trois piliers : l intuition, l expérience et la déduction. Ces outils ne sont pas à envisager séparément mais plutôt en interaction les uns avec les autres. En effet, s il paraît évident qu un raisonnement rigoureux ne peut s appuyer uniquement sur l intuition, il est aussi difficile de s en passer totalement ou de ne pas utiliser l expérience de cas rencontrés auparavant. L intuition est fortement liée aux perceptions sensorielles, et en particulier à la figure. Elle occupe donc une place très importante en géométrie naturelle, où elle peut être vérifiée ou induite par l expérience à l aide de constructions. Mais elle n est pas à éliminer pour autant en géométrie axiomatique naturelle, où la déduction devient la seule manière rigoureuse de démontrer des vérités mathématiques. L intuition doit être utilisée pour guider le raisonnement, donner une première idée de ce qu il faut démontrer. C est pourquoi une figure précise peut être utile à la résolution de problèmes, même si par la suite il faudra utiliser des 5

déductions à partir d axiomes pour arriver à une démonstration acceptable du point de vue mathématique. Le travail du professeur est d amener progressivement les élèves d un raisonnement intuitif à un raisonnement déductif, de manière à ce que ce nouveau mode de raisonnement leur paraisse plus satisfaisant qu une simple observation. B. Rapport d expériences 1) Stage à l étranger Dans le cadre de ma formation à l enseignement des Mathématiques en Anglais, j ai effectué cette année un stage de trois semaines dans un lycée à section bilingue en Hongrie. L enseignement y était dispensé en Anglais mais selon le programme officiel national, ce qui m a permis d observer les méthodes d enseignement des Mathématiques du système hongrois. Durant leur cursus scolaire, les élèves sont mis en présence des figures et des propriétés géométriques dès les premières années de l école primaire, et l approfondissement se fait progressivement au fur et à mesure des années. L observation des leçons données en lycée ne m a donc pas permis d assister à l introduction des notions proprement dites puisque les élèves les avaient déjà rencontrées auparavant, mais elle m a cependant permis de voir ce qui était exigé des élèves au lycée. Le programme pédagogique étant basé sur les compétences exigibles lors de l examen final, la plupart des cours consistaient en un enchaînement d exercices et d application de techniques. La géométrie telle qu elle est enseignée m a semblé être réduite à des formules permettant des calculs de longueurs ou des constructions, et n impliquant pas de raisonnement par déduction de la part des élèves. Voici l extrait d un devoir posé à des élèves de l équivalent d une classe de Troisième, lors de l étude des transformations du plan : 6

1. Soit ABC un triangle rectangle en A. La bissectrice de l angle droit coupe l hypoténuse en D. Construire l image du triangle ABC par la translation de vecteur,cd. 2. Construire un parallélogramme si l on connaît l intersection de ses diagonales et deux sommets consécutifs. Ces deux exercices sont des problèmes de construction et aucune justification n est demandée, ce qui peut laisser penser que les élèves n ont pas du tout à raisonner pour répondre aux questions. Mais si l on analyse les connaissances à mettre en œuvre pour réaliser ces constructions, on peut remarquer que les élèves ont néanmoins besoin de connaître les propriétés liées à ces transformations. La première question implique par exemple de savoir qu il faut tracer des parallèles et donc utiliser les notions d angles correspondants. La deuxième question demande de connaître les propriétés du parallélogramme, et de savoir que deux sommets non consécutifs sont les images l un de l autre par la symétrie centrale de centre O, où O est l intersection des diagonales. Ces propriétés ne sont pas explicitées mais doivent être connues et applicables par les élèves pour réaliser une construction précise. Ces exercices m ont donné l exemple d énoncés situés à priori en géométrie naturelle mais dont la résolution nécessite de se placer en géométrie axiomatique naturelle, et m a permis de réaliser qu il est possible de provoquer le raisonnement lors de la réalisation d une construction géométrique. 2) Stage de Pratique Accompagnée 7

Lors de mon stage de pratique accompagnée en Collège, j ai eu l occasion d observer les cours et d enseigner dans une classe de Troisième. Durant la phase d observation, mon tuteur étudiait théorème de Thalès et de sa réciproque. J ai ainsi constaté que la figure était omniprésente lors de corrections d exercices ou du cours, mais qu elle servait simplement à illustrer des propriétés démontrées à l aide de théorèmes. L utilisation de couleurs sur des figures à main levée permettait de fixer les idées et d éviter les erreurs dans l application de ces théorèmes. J étais en charge de la séquence sur les fonctions linéaires. Cette notion est assez abstraite mais constitue la base de l enseignement des fonctions au Lycée. Il fallait donc s assurer que tous les élèves comprennent bien, en particulier les concepts de fonction et de représentation graphique. La préparation de cette séquence m a ainsi conduite à travailler le lien à faire entre un objet géométrique (la droite), et ce qu il peut représenter algébriquement parlant. Le lien entre algèbre et géométrie est constant lors de l étude de représentations graphiques, mais il faut du temps pour que les élèves le perçoivent et sachent l utiliser à bon escient. Les conseils de mon tuteur m ont guidée dans le travail de clarté, m obligeant notamment à mettre en évidence la droite en tant que représentation, et à illustrer visuellement chaque notion importante. Le travail effectué avec mon tuteur lors de ce stage m a permis de réaliser l importance de l aspect visuel pour la bonne compréhension des élèves, et de quelle manière la figure pouvait être utilisée pour faire progresser les élèves dans le travail Mathématique. III. Remédiation 8

A. Mes réflexions Les différentes informations que j ai pu récolter lors de ce travail préparatoire m ont permis d avoir quelques explications sur les raisons de mon étonnement premier, une meilleure compréhension du problème et des moyens de le résoudre. Tout d abord, prendre conscience de l existence de différents paradigmes géométriques m a permis de mieux comprendre la rupture qui semble poser problème aux élèves. Ils sont en effet habitués à travailler sur des figures précises en utilisant des informations visuelles, mais il leur est désormais demandé d en tirer des informations abstraites. Ceci leur est difficile car ils ne sont pas tout à fait à l aise avec l abstraction de manière générale, ce qui explique aussi qu ils préfèrent se contenter de conclusions basées sur l intuition et le visuel. Lors de la correction du devoir que j ai présenté en introduction, j ai entendu les élèves dire qu ils ne comprenaient pas pourquoi on leur demandait d expliquer quelque chose qui pouvait se voir ou se mesurer sur la figure. Cela m a donné à réfléchir sur la pertinence de l énoncé proposé, et sur le fait qu en fournissant la figure avec l énoncé, j avais induit un raisonnement en géométrie naturelle. À la suite de cette réflexion, mon premier instinct pour inciter les élèves à ne plus raisonner à partir de la figure était d en utiliser le moins possible, ne seraitce que pour leur montrer que l on pouvait s en passer pour mener un raisonnement à terme. J ai compris par la suite que cela augmentait l abstraction, et donc la difficulté, mais j ai aussi réalisé que la figure pouvait être utilisée pour obtenir un raisonnement rigoureux. En effet, l utilisation de la figure dans la recherche permet l étape intermédiaire mais cruciale de la conjecture. Si les phases de conjecture sont clairement 9

explicitées et toujours suivies de démonstrations, l aspect visuel et la clarté qu apporte la figure permettent d améliorer grandement la compréhension du problème. Il est donc important de laisser les élèves tracer leurs propres figures et en tirer des conclusions, mais il faut également leur donner les moyens de vérifier ces conclusions au moyen de déductions. Afin d éviter que les élèves perçoivent les démonstrations comme compliquées et inutiles, il me semble important qu elles soient toujours motivées. Il faut par exemple éviter de leur demander de démontrer des évidences ou des propriétés connues depuis longtemps, mais plutôt multiplier des exemples où l observation se trouve réfutée par la déduction. La réflexion ainsi provoquée permettra de remettre en cause la validité d arguments basés uniquement sur l observation et l intuition, et par suite d instaurer le raisonnement déductif comme seul moyen final de validation. C est dans cette optique que j ai entrepris de modifier mon enseignement, et mis en place quelques expérimentations sur ce thème. B. Propositions d expériences 10

1) Première expérience Ma première expérience s est déroulée en demi groupe, lors de la correction d un devoir. Voici l énoncé de l une des questions : Soient un triangle ABC et son cercle circonscrit. La bissectrice de l angle,bac coupe (BC) en D et le cercle en E. QuickTime et un décompresseur TIFF (non compressé) sont requis pour visionner cette image. Ecrire tous les angles de la figure qui sont égaux et justifier chaque affirmation. Pour corriger cette question j ai réuni plusieurs réponses d élèves (justes et fausses) pour discuter ensemble des angles qui étaient effectivement égaux. La figure telle qu elle était donnée pouvait laisser croire que le triangle ABC était isocèle en A, ce qui avait donné lieu à des réponses non justifiables (par exemple que les angles,abc et,bea étaient égaux). J ai choisi de revenir sur cette question tout d abord par le débat entre élèves, pour qu ils essaient de justifier leurs affirmations, et à l issue de ce débat j ai tracé une figure ayant un aspect différent mais vérifiant tout de même les données de l énoncé. Le but était de réfléchir avec les élèves sur la validité de cette figure dans le cadre de l énoncé, afin de montrer que la figure fournie n était qu une représentation particulière d un triangle quelconque. 11

2) Deuxième expérience Voici un exercice que j ai proposé à mes élèves lors de révisions de géométrie, après l étude des équations de droites : Calculer l aire de la surface coloriée. QuickTime et un décompresseur TIFF (LZW) sont requis pour visionner cette image. Le point E n appartient ni à la droite (AC) ni à la droite (BD), ce qui n apparaît pas à l œil nu. En demandant aux élèves de trouver plusieurs manières de calculer cette aire, l exercice leur est apparu comme un réinvestissement des formules d aire. Le but était de faire utiliser aux élèves en binôme chacun une méthode différente puis de comparer leurs résultats, en veillant à ce que l un des deux utilise dans son calcul le fait que ABC et BCD soient des triangles inclus dans la partie coloriée, ce qui est faux en réalité. L intérêt était de confronter les élèves à une contradiction, de les faire réfléchir à la cause de cette erreur puis de décider ensemble du résultat correct. 12

IV. Compte-rendu des expériences A. Expérience 1 Afin d amener le débat, l une des affirmations que je proposais de discuter était :,BEA =,ABC (ce qui n est vrai que si le triangle ABC est isocèle en A). Quasiment tous les élèves étaient d accord pour dire que les angles étaient égaux mais toutes les justifications étaient de l ordre du visuel et de la mesure. Je demandai alors ce qui dans l énoncé permettait d être certain de cette affirmation, et en même temps je traçai une figure au tableau sur laquelle les angles n étaient visiblement pas égaux. Les élèves ont réagi en disant que sur la figure que je leur proposais les angles n étaient pas égaux, mais que sur la figure de l énoncé ils l étaient. Je m attendais à cette réaction, et leur demandai alors si ma figure était malgré tout conforme à l énoncé. Voici quelques réponses qui m ont été données : «Non parce que ce ne sont pas les mêmes points» «Oui parce que la droite est quand même la bissectrice de l angle en A» Il a été finalement décidé que ma figure était aussi conforme à l énoncé, et je redemandai donc s il était désormais possible de décider si les angles étaient égaux ou non. Assez étonnamment, certains élèves ont quand même répondu qu ils étaient égaux puisque sur la figure du sujet ils l étaient. Ils n avaient pas compris le caractère général de la question qui était posée, et j essayai d y remédier en isolant la figure des données écrites de l énoncé. Je reformulai la question posée pour mettre en évidence la généralité : «Dans un triangle ABC, si la bissectrice issue de A coupe le cercle circonscrit au triangle en un point E, les angles,bea et,abc sont-ils toujours égaux?» Les élèves avaient maintenant compris que ce n était pas toujours vrai mais, avant cette explication, ils n avaient pas compris qu il fallait donner une réponse pour n importe quel triangle et se sont sentis «piégés». 13

Cette discussion a permis de clarifier ce que j attendais d eux dans leurs démonstrations, et lors de la correction des angles suivants l erreur n a pas été reproduite. B. Expérience 2 En demandant aux élèves de me donner à l oral toutes les manières qui permettaient de calculer cette aire, les deux méthodes qui ont été proposées étaient : - Ajouter les aires de triangles ABE, BEC et CED. - Calculer l aire du trapèze ABCD, puis lui ôter l aire du triangle AED. Je me trouvai donc face à un imprévu car ces deux méthodes étaient correctes, mais mon but dans cet exercice était qu ils utilisent une autre méthode (à savoir ajouter les aires des «triangles» ABC et BCD, puis ôter l aire du triangle BCE), les conduisant à un résultat différent. J ai donc dû demander aux élèves de trouver une troisième méthode, puis de l utiliser pour le calcul de l aire. Les résultats ainsi trouvés étaient différents, le résultat obtenu par la troisième méthode étant de 24 unités d aire, tandis que l autre donnait une aire de 23. La méthode par addition des aires des triangles ABE, BEC et CED n avait pas abouti car les élèves n avaient pas accès aux longueurs des hauteurs. Après avoir vérifié les calculs mis en œuvre dans les deux méthodes, nous avons débattu pour savoir quelle était alors la réponse correcte. La plupart pensaient intuitivement que la deuxième méthode contenait un «piège», mais il leur était difficile d expliquer pourquoi. Afin de les guider dans la recherche de l erreur, je suggérai alors d identifier les segments qui délimitaient la partie coloriée puis de vérifier qu ils s agissaient bien des segments utilisés dans le calcul de l aire. Les élèves ont remarqué qu ils avaient utilisé les longueurs AC et BD au lieu de AE et ED mais n ont pas eu l idée de vérifier que les points A, E, C et respectivement B, E, D étaient bien alignés. Lorsque je suggérai la possibilité qu ils ne le soient pas, leur réaction a été de placer une règle sur la figure, et m ont affirmé qu ils étaient bien alignés. 14

J ai demandé s il y avait d autres données précises qui permettaient s en assurer, et ils ont alors pensé à utiliser les coordonnées pour s apercevoir que les points n étaient en fait pas alignés. Cette justification a convaincu les élèves qui avaient précédemment utilisé leur règle et ils ont pris conscience des erreurs qui peuvent être induites en ne se fiant qu aux instruments de mesure. J ai remarqué lors de cette expérience à quel point cette remise en cause de l alignement était fondamentale et difficile à imaginer pour les élèves, ce qui explique le rôle important que j ai dû jouer dans ce processus. Par la suite, ce type de remise en cause est venu plus naturellement lorsque les élèves étaient confrontés à une incohérence induite par des mesures. J ai aussi pu constater que la preuve par déduction suffisait à les convaincre, donc je pense qu en multipliant ce type d exercices les élèves seraient en mesure d acquérir une méthode de résolution plus rigoureuse. 15

V. Conclusion La rédaction de ce mémoire et le travail réalisé au cours de cette année m ont permis de prendre conscience de difficultés de perception que je n avais pas soupçonnées, notamment sur le statut de la figure. Par le moyen du dialogue et d exercices permettant de remettre en question les résultats intuitifs, il a cependant été possible pour les élèves de mieux comprendre l intérêt du raisonnement déductif. Quelques difficultés de mise en œuvre subsistent néanmoins, car il est toujours plus simple d observer que de raisonner.il me semble qu un travail constant et régulier tout au long de l année amènera les élèves à une systématisation de cette pratique, et à l acquisition d une expérience qui réduira ces difficultés. Ce travail de remise en question du visuel par la déduction permet non seulement de toucher du doigt ce que sont réellement les Mathématiques, mais aussi de développer l esprit critique des élèves ; ce qui est un aspect essentiel de l éducation en général. 16

BIBLIOGRAPHIE : HOUDEMENT Catherine, KUZNIAK Alain : Géométrie et paradigmes géométriques. Petit x. 1998-1999. n 51. p. 5-21 GONSETH Ferdinand : La géométrie et le problème de l espace Lausanne, Editions du Griffon, 1955 17

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