Depuis le début de l année, nous avons été amenés à résoudre quelques équations fonctionnelles, c est à dire des équations dont l inconnue n était rien d autre qu une fonction. De la même façon, on s intéressera ici aux équations différentielles linéaires mettant en scène une combinaison linéaire d une fonction et de ses dérivées. Il est difficile d appréhender ce genre d équations, mais nous verrons comment résoudre ces équations dans des cas particuliers, et leur résolution vous permettra bien souvent de mieux comprendre l évolution d un système. 1 Généralités et structure des solutions 2 2 Cas particulier des équations différentielles linéaires du premier ordre 3 3 Cas particulier des équations différentielles linéaires du second ordre à coefficients constants 4 Liste non exhaustive des capacités attendues Connaître la notion d équations différentielles et d équations différentielles Enoncer le théorème de Cauchy-Lipschitz linéaire Connaître la structure des solutions d une équation différentielle Utiliser le calcul de primitives pour résoudre des EDL du premier ordre Déterminer une solution particulière par la méthode de variation de la constante Résoudre un problème de Cauchy du premier ordre Comprendre et utiliser le théorème de superposition Résoudre des EDL du second ordre à coefficients constants et à second membre classique Déterminer une solution particulière par la méthode de variation des constantes Résoudre un problème de Cauchy du second ordre (...)
1 Généralités et structure des solutions Dans tout ce chapitre, on pose K = R ou C, et pour toute fonction y à valeurs réelles ou complexes, on notera y (k) sa dérivée k-ième. Définition Soient n N et I un intervalle de R. On appelle équation différentielle linéaire d ordre n toute équation de la forme : a n(t)y (n) (t) +... + a 1 (t)y (t) + a 0 (t)y(t) = b(t) où pour tout i 0, n, a i et b désignent des fonctions continues sur I à valeurs dans K, et a n 0. On dit alors que : f : I K est solution de si f est de classe C n sur I telle que : t I, a n(t)f (n) (t) +... + a 1 (t)f (t) + a 0 (t)f(t) = b(t). f 1,..., f n sont des solutions indépendantes de si elles désignent des solutions telles que : (λ 1,..., λ n) K n, λ 1 f 1 +... + λ nf n = 0 λ 1 =... = λ n = 0 Remarques 1. Pour alléger les notations, on pourra aussi écrire : a n(t)y (n) +... + a 1 (t)y + a 0 (t)y = b(t). 2. En particulier, on a : a n 0. On en déduit par continuité de a n, qu il existe un intervalle J I tel que pour tout t J, a n(t) 0 et ainsi l équation pourra toujours être ramenée sous une forme résolue sur J : a n(t)y (n) (t) +... + a 1 (t)y (t) + a 0 (t)y(t) = b(t) y (n) (t) +... + a 1(t) a n(t) y (t) + a 0(t) a y(t) = b(t) n(t) a n(t) c est à dire une équation différentielle pour laquelle le premier coefficient est égal à 1. Exemple 1 On considère l équation différentielle linéaire d ordre 1 définie sur R par : y + ky = 0, avec k une constante réelle fixée. 1. Déterminer S l ensemble des solutions de cette équation. 2. En déduire l unique solution f S vérifiant f(0) = 1. Théorème 1 (structure des solutions). Soient n N et I un intervalle de R. On considère l équation différentielle linéaire d ordre n définie sur I par : y (n) + a n 1 (t)y (n 1) +... + a 1 (t)y + a 0 (t)y = b(t) où pour tout i 0, n 1, a i et b désignent des fonctions continues sur I à valeurs dans K. De plus, on note S l ensemble des solutions de sur I et S 0 l ensemble des solutions de l équation homogène associée : Alors, on a : y (n) + a n 1 (t)y (n 1) +... + a 1 (t)y + a 0 (t)y = 0 (E 0 ) (i) la fonction nulle est toujours solution de (E 0 ) et pour tout λ K et pour tout (f, g) S 2 0, λf + g S 0. (ii) S est vide ou bien il existe une solution particulière f p : I K de telle que : S = {f p + h, h S 0 } Pour le premier point, il suffit de vérifier que les fonctions données sont solutions. Pour le second point, on raisonne par disjonction des cas avant de procéder par double inclusion. Théorème 2 (de Cauchy-Lipschitz linéaire). Soient n N et I un intervalle de R. On considère une équation différentielle linéaire d ordre n définie sur I. On admet alors que pour tout (t 0, k 0,..., k n 1 ) I K n, il existe une unique solution f : I K de vérifiant les n conditions initiales : f(t 0 ) = k 0, f (t 0 ) = k 1,..., f (n 1) (t 0 ) = k n 1 Remarque Ce dernier théorème nous permet en fait de montrer que, d une part S n est jamais vide et que d autre part, S 0 possède une structure d espace vectoriel sur K de dimension n, c est à dire qu on pourra admettre pour le reste du chapitre, que S 0 est engendré par n solutions indépendantes, appelées aussi système fondamental de solutions et on notera : S 0 = V ect K (f 1,..., f n) 2
2 Cas particulier des équations différentielles linéaires du premier ordre Propriété 3 (solution de l équation homogène par la méthode du facteur intégrant). Soit I un intervalle de R. On considère l équation différentielle linéaire d ordre 1 définie sur I par : y + a(t)y = b(t) où a et b désignent des fonctions continues sur I à valeurs dans K, et dont on note (E 0 ) l équation homogène associée. Alors, en notant A une primitive de a sur I, on a : S 0 = {f : t I λe A(t), λ K} = V ect K (e A(t) ) Il suffit de multiplier par le facteur intégrant e A(t) afin de reconnaître une dérivée usuelle. Remarque Le résultat nous donne des solutions à valeurs dans K = R ou C suivant que l on souhaite des solutions réelles ou complexes. Par exemple, si on ne cherche que des solutions à valeurs réelles, il suffira alors de restreindre l ensemble des solutions à : Exemple 2 On considère l équation différentielle : S 0 = V ect R (e A(t) ) (1 t 2 )y + 2ty = 2t Déterminer les solutions de l équation homogène associée sur des intervalles qu on précisera. Propriété 4 (recherche d une solution particulière par la méthode de variation de la constante). Soit I un intervalle de R. On considère l équation différentielle linéaire d ordre 1 définie sur I par : y + a(t)y = b(t) où a et b désignent des fonctions continues sur I à valeurs dans K, et dont on note (E 0 ) l équation homogène associée. Alors, il existe une solution particulière sous la forme f p(t) = λ(t)e A(t), et ainsi : S = {f : t I f p(t) + λe A(t), λ K} On cherche une solution particulière sous la forme donnée et on essaie d identifier λ (t) dans l équation différentielle. Pour déterminer l ensemble des solutions, on a donc besoin d une solution particulière f p : la méthode précédente ne sera pas systématique mais elle s appliquera quand aucune solution évidente ne se présentera. Exemple 3 Déterminer les solutions de l équation différentielle suivante sur des intervalles qu on précisera : (1 t 2 )y + 2ty = 2t Remarque Dans ce dernier cas, on aura donc un faisceau de solutions dépendant du choix de λ. Si on impose une condition initiale, on peut alors obtenir la valeur de λ correspondante : il existe ainsi une unique solution satisfaisant une condition initiale. On retrouve ici l unicité du théorème de Cauchy-Lipschitz. Théorème 5 (de superposition). Soit I un intervalle de R. On considère l équation différentielle linéaire d ordre 1 définie sur I par : n y + a(t)y = b k (t) k=1 où a, b 1,..., b n désignent des fonctions continues sur I à valeurs dans K, et dont on note (E 0 ) l équation homogène associée. Si de plus, pour tout k 1, n, f k désigne une solution sur I de l équation différentielle : y + a(t)y = b k (t), alors f p = n k=1 f k définit une solution particulière de sur I. On vérifie simplement que la fonction f p donnée est bien solution de. Remarque Ce théorème est très pratique, il nous donne un moyen de déterminer une solution particulière d une équation avec un second membre compliqué : il suffit en fait de déterminer des solutions particulières d équations différentielles plus simples à résoudre et de les ajouter. 3
3 Cas particulier des équations différentielles linéaires du second ordre à coefficients constants Propriété 6 (solution de l équation homogène dans C). Soit I un intervalle de R. On considère l équation différentielle linéaire d ordre 2 définie sur I par : ay + by + cy = d(t) où a, b, c C, a 0, d une fonction continue sur I à valeurs dans C, et dont on note (E 0 ) l équation homogène associée. Alors, en notant le discriminant de l équation caractéristique ar 2 + br + c = 0, il vient : si 0, alors l équation caractéristique possède deux solutions distinctes (r 1, r 2 ) C 2, et dans ce cas : S 0 = {f : t I λ 1 e r1t + λ 2 e r2t, λ 1, λ 2 C} = V ect C (e r1t, e r2t ) si = 0, alors l équation caractéristique possède une solution double r 0 C, et dans ce cas : S 0 = {f : t I (λ 1 t + λ 2 )e r0t, λ 1, λ 2 C} = V ect C (e r0t, te r0t ) Pour chacun des cas, on vérifiera que les fonctions proposées sont solutions de (E 0 ) et on conclura grâce à la dimension de S 0. Remarque Dans le cas particulier où a, b, c sont réels, on peut évidemment appliquer ce résultat de sorte que : si > 0, alors S 0 = V ect C (e r1t, e r2t ) et on pourra en extraire les solutions à valeurs réelles : V ect R (e r1t, e r2t ). si = 0, alors S 0 = V ect C (e r0t, te r0t ) et on pourra en extraire les solutions à valeurs réelles : V ect R (e r0t, te r0t ). si < 0, alors on a deux racines complexes conjuguées r 1 = α + iβ, r 2 = r 1 de sorte que : S 0 = V ect C (e αt e iβt, e αt e iβt ) = V ect C (e αt cos(βt), e αt sin(βt)) Et ainsi, on pourra encore en extraire les solutions à valeurs réelles : S 0 = V ect R (e αt cos(βt), e αt sin(βt)) Exemple 4 Déterminer les solutions à valeurs réelles de l équation homogène donnée : 1. y 4y + 3y = 0 2. y 2y + y = 0 3. y + y + y = 0 Propriété 7 (recherche d une solution particulière par la méthode de variation des constantes). Soit I un intervalle de R. On considère l équation différentielle linéaire d ordre 2 définie sur I par : ay + by + cy = d(t) où a, b, c K, a 0, d une fonction continue sur I à valeurs dans K, et dont on note (E 0 ) l équation homogène associée. Alors, il existe une solution particulière sous la forme f p(t) = λ 1 (t)f 1 (t) + λ 2 (t)f 2 (t), avec λ 1, λ 2 des fonctions telles que λ 1 (t)f 1(t) + λ 2 (t)f 2(t) = 0, et ainsi : S = {f : t I f p(t) + λ 1 f 1 (t) + λ 2 f 2 (t), λ 1, λ 2 K} On cherche une solution particulière sous la forme donnée afin d obtenir un système de deux équations en λ 1 (t) et λ 2 (t) et dont on vérifiera l existence de solutions par le déterminant associé. Pour déterminer l ensemble des solutions, on a donc besoin d une solution particulière f p : la méthode précédente ne sera pas systématique mais elle s appliquera quand aucune solution évidente ne se présentera. Exemple 5 Déterminer les solutions à valeurs réelles de l équation différentielle : y y = 4te t. Remarque Dans ce dernier cas, on aura donc autant de solutions que de choix des paramètres λ 1 et λ 2. Si on impose deux conditions initiales, on peut alors obtenir les valeurs correspondantes : il existe ainsi une unique solution satisfaisant ces conditions initiales. On retrouve ici l unicité du théorème de Cauchy-Lipschitz. 4
La plupart du temps, on évitera de rechercher une solution particulière par la méthode de variation des constantes et on préfèrera observer le second membre pour voir s il n existe pas de solution évidente... Bien entendu, on pourra encore faire appel au théorème de superposition mais il faudra apprendre à reconnaître la forme d une solution particulière. Concrètement, si le second membre est de la forme P (t)e mt, alors on peut trouver une solution particulière sous la forme f p(t) = Q(t)e mt avec Q un polynôme à coefficients dans K. Malheureusement, il faudra adapter le degré du polynôme cherché en fonction de le valeur de m et ainsi : deg(q) = deg(p ), si m n est pas solution de l équation caractéristique ar 2 + br + c = 0 ; deg(q) = deg(p ) + 1, si m est une solution simple de l équation caractéristique ar 2 + br + c = 0 ; deg(q) = deg(p ) + 2, si m est solution double de l équation caractéristique ar 2 + br + c = 0. Exemple 6 1. Déterminer les solutions à valeurs réelles de l équation différentielle : y 3y + 2y = t 2 e t (E 1 ). 2. Déterminer les solutions à valeurs réelles de l équation différentielle : y 2y + y = e t cos(2t) (E 2 ). Remarque Dans votre cours de physique, vous serez amené à résoudre de nombreuses équations différentielles et leurs solutions vous permettront de décrire l évolution du système étudié. Si les notations utilisées peuvent être un peu différentes, le principe reste le même et on retiendra ces deux exemples très courants : le système nous donne une équation du premier ordre de la forme y + ay = E, alors S 0 = V ect R (e at ) et si E désigne une constante, on a : S = {f : t λe at + E a, λ R} Généralement, ce sont les conditions initiales qui vous permettront de déterminer λ. le système nous donne une équation du second ordre de la forme y + ay + by = E, alors le discriminant nous donne la solution de l équation homogène associé : > 0 (régime apériodique) S 0 = V ect R (e r1t, e r2t ) = 0 (régime critique) S 0 = V ect R (e r0t, te r0t ) < 0 (régime pseudo-périodique) S 0 = V ect R (e αt cos(βt), e αt sin(βt)) et ainsi, avec E constante, on a : S = {f : t λe r1t +µe r2t + E b, λ, µ R} ou {f : t (λt+µ)er0t + E b, λ, µ R} ou {f : t eαt (λ cos(βt)+µ sin(βt))+ E, λ, µ R} b Généralement, ce sont les conditions initiales qui vous permettront de déterminer λ et µ. 5