Les prix de transfert constituent un enjeu. expertise



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expertise e AVOCATS Hervé Bidaud Emmanuel Llinarès* Mise en place d une politique de prix de transfert et organisation d une fonction fiscale performante Cet article entend montrer comment une fonction fiscale performante peut permettre la mise en œuvre d une politique de prix de transfert efficace, comprise et assumée par l ensemble du groupe. Les prix de transfert constituent un enjeu important pour les multinationales. Par ailleurs, au plan fiscal, une bonne gestion des prix de transfert permet une allocation pertinente des ressources de l entreprise. Une gestion optimale des prix de transfert consiste, d une part, à sécuriser les risques liés à des redressements éventuels et, d autre part, à bénéficier de ce levier pour optimiser la charge globale d impôt du groupe. En règle générale, la responsabilité de la gestion fiscale des prix de transfert incombe à la fonction fiscale. FONCTION FISCALE PERFORMANTE Les objectifs d une fonction fiscale sont : la maîtrise des risques fiscaux et la maîtrise de la charge globale d impôt. Pour mettre en place une organisation performante, la fonction fiscale va nécessairement avoir besoin de faire partager ses objectifs, de faire adhérer les parties prenantes (tant les acteurs que les «clients») au principe de la mise en place de procédures, au contrôle effectif du respect de ces procédures et à la mesure de la performance tant des acteurs que «des clients». L organisation fiscale n est performante que si elle repose sur un consensus entre les acteurs et les «clients» de la fonction fiscale. Ce consensus doit porter sur les objectifs de la fonction, les procédures à mettre en place et les mesures de performances. Elle fait appel à des outils de reporting, connectés ou non au reporting de consolidation comptable. Les étapes de la mise en place d une fonction fiscale performante Un projet de cette sorte se déroule sur cinq grandes étapes, sur lesquelles il faut que se dégage un consensus entre les acteurs et les clients de la fonction fiscale. L étape préliminaire consiste à constituer le comité de pilotage représentatif des différentes parties prenantes pour être l instrument du consensus. Celui-ci est généralement composé de la personne responsable des affaires fiscales et du responsable de la consolidation pour les acteurs, d un consultant extérieur et pour les «clients», d un panachage de leaders d opinion représentatifs. Le choix de ce comité de pilotage FÉVRIER-MARS 2006 PAGE 52

Hervé Bidaud>E74 ASSOCIÉ DU CABINET D'AVOCATS HOGAN & HARTSON. Originaire du cabinet d'avocats Archibald International, Hervé Bidaud est désormais associé du cabinet d'avocats Hogan & Hartson. Titulaire d'une maîtrise de droit de Paris II Assas, du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, actuellement membre du barreau de Paris, Hervé Bidaud conseille des groupes français et étrangers pour leurs opérations d'investissement, en France et à l'étranger. Hervé Bidaud est l'auteur de plusieurs ouvrages : La Fonction juridique et l'entreprise et Le Guide des sociétés Holding en Europe (Collection ESKA). Auteur du chapitre «l'intégration fiscale» du Lamy Fiscal (Editions Lamy), il est également le directeur scientifique/l'auteur de Lamy Fiscalité des Opérations Internationales. *Emmanuel Llinarès, SENIOR CONSULTANT CHEZ NERA ECONOMIC CONSULTING (National Economic Research Associates), une filiale de Mercer Inc., une société du groupe Marsh & McLennan. Docteur en économie, spécialisé en prix de transfert, Emmanuel Llinarès avait été consultant économiste chez Arthur Andersen. est très important. Il aura pour mission de définir quelles personnes devront être interviewées et selon quelles modalités, et de valider, à chaque étape, les conclusions. Validation des besoins et des objectifs de la fonction fiscale A travers une série d interviews, sont identifiés: les besoins et les objectifs de la fonction fiscale exprimés par ses «acteurs» les fiscalistes, la direction de la consolidation «comptable», la fonction fiscale «cachée» (directions comptables dans les filiales, directions du développement...) ; les besoins et les objectifs de la fonction fiscale exprimés par ses «clients» direction générale, direction financière centrale et directions financières des filiales, directions de branche, etc. A l issue de ce diagnostic, se profilent les contours de ce que l on pourrait appeler la «Fonction fiscale minimale» sur laquelle le comité de pilotage doit se prononcer. Formaliser la mission de la fonction fiscale Cette étape a pour objectif de définir les priorités de la fonction fiscale, selon le degré de maturité et d encadrement des filiales étrangères. Empruntant à la démarche «Management par la qualité totale», la mission de la fonction fiscale pourra se traduire par la rédaction d une «charte qualité» et par sa diffusion auprès des différents acteurs et «clients» de la fonction fiscale. Elle est solennisée par la signature du responsable de la fonction fiscale et du directeur financier groupe. La charte qualité décrit les missions de la fonction fiscale qui résultent du consensus obtenu du comité de pilotage, ses principes d organisation (décentralisation ou non de la fonction fiscale, etc.), ses principes de fonctionnement (ses droits et ses obligations). Nous verrons dans la deuxième partie de cet article ce que pourraient être les missions de la fonction fiscale en matière de prix de transfert. La charte qualité s inscrit dans une démarche d amélioration permanente dans laquelle sa performance se mesure par rapport à ses propres objectifs et à la satisfaction de ses «clients». A cet égard, de par leur nature, les prix de transfert seront un élément privilégié du rapport entre la fonction fiscale et ses «clients» : à titre d exemple, la politique de prix de transfert est susceptible d impacter directement la mesure de la performance des filiales. La charte de qualité s accompagne d un guide de procédures qui reprend les objectifs de la fonction fiscale. Il s adapte aux priorités définies par le comité de pilotage et au degré de maturité et d encadrement de la filiale. En tout état de cause, le guide de procédures devrait reposer sur quatre piliers : Sécuriser l entreprise, objectif qui comprend trois volets : Organiser la prévention des risques. Identifier les risques. Maîtriser la gestion des risques. Optimiser la charge d impôt du groupe, objectif qui comprend trois volets : La détermination des taux effectifs d impôt courant La détermination du taux effectif d impôt dans les comptes consolidés La détermination d indicateurs pour les impôts non assis sur les résultats Il est impératif de connaître ces différents paramètres pour mettre en place et actualiser une politique de prix de transfert optimisante, grâce à des simulations de l impact de cette politique sur les taux effectifs d impôt courant et consolidé. Organiser le partage du savoir-faire. Cet objectif comprend trois volets : Un volet formation. Un volet brainstorming au sein de la fonction fiscale FÉVRIER-MARS 2006 PAGE 53

expertise e AVOCATS Un volet «faire savoir». L implication nécessaire des opérationnels dans la définition de la politique de prix de transfert favorisera l éclosion d une culture fiscale dans l entreprise. Mesurer les performances : cela doit se faire au regard de quatre critères : La gestion des risques L impact de la fiscalité sur la performance financière du groupe La satisfaction des «clients» de la fonction fiscale Le partage du savoir-faire. Définition d un outil de communication Cette étape consiste à proposer un outil de communication entre le groupe et les filiales, pour la maîtrise des risques, pour la gestion du taux effectif d impôt et pour le suivi des impôts non assis sur les résultats. Selon les objectifs fixés, cela peut être un outil de gestion autonome pour la direction fiscale ou cela peut être couplé avec le reporting de consolidation comptable avec de multiples variantes. Dans ce dernier cas, le reporting fiscal est connecté au reporting consolidé et doit permettre un aller et retour automatique entre l impôt courant et l impôt différé. Il permet de simuler les effets sur la charge d impôt dans les comptes consolidés de toute idée d optimisation du résultat fiscal, et réciproquement. Quel que soit l outil, il doit permettre de donner l information à la fonction fiscale sur le provisionnement des risques fiscaux, sur les taux effectifs d imposition et permettre le suivi des impôts non assis sur les résultats. Test de l outil de communication On testera, à cette occasion, si les instructions données dans le mode d emploi pour l alimentation du reporting fiscal sont pertinentes, et on mesurera le temps de traitement supplémentaire pour fournir l information fiscale demandée. A l issue de cette phase, on pourra être amené à redimensionner l outil de reporting. Cahier des charges de l outil informatique Cette étape consiste à établir le cahier des charges de l outil informatique à destination des informaticiens soit à adapter des logiciels existants aux spécificités du cahier des charges. REPÈRES HOGAN & HARTSON LLP Originaire de Washington DC, fondé en 1904, Hogan & Hartson LLP fait partie des 25 cabinets d'avocats les mieux implantés internationalement. Implantations (monde) : 23 bureaux, aux Etats-Unis, en Europe, en Asie et Amérique latine. Implantations (Europe) : Hogan & Hartson dispose de 9 bureaux (Berlin, Bruxelles, Budapest, Genève, Londres, Moscou, Munich, Paris, Varsovie) Effectifs : plus de 1 000 avocats DÉFINITION ET MISE EN PLACE D UNE POLITIQUE DE PRIX DE TRANSFERT La mise en place d une politique de prix de transfert doit tenir compte de la culture d entreprise et de l organisation de la fonction fiscale. Si la fonction fiscale n a pas été organisée de manière performante, la mise en place ou la mise à jour d une politique de prix de transfert va nécessiter d organiser ou de réorganiser cette fonction. La mise en place d une politique de prix de transfert ne pourra être fiscalement performante si l on ne dispose pas de procédure permettant de maîtriser les risques et la charge d impôt à travers des indicateurs tels que le taux effectif d impôt local (TEL), le taux effectif d impôt groupe (TEG), le taux effectif d impôt consolidé (TEC). En effet, la politique de prix de transfert a des incidences évidentes sur la reconnaissance des revenus dans chaque juridiction, les risques qui y sont associés (et donc la charge globale d impôt) et les mécanismes de mesures de performance au sein du groupe. La problématique des prix de transfert intègre à la fois des considérations d ordre opérationnel et fiscal. Les acteurs de la politique de prix de transfert auxquels on ajoutera les opérationnels sont nécessairement intéressés à ce que la fonction fiscale soit la plus performante possible. En effet, les opérationnels utilisent au jour le jour les prix de transfert dans le cadre de transactions intragroupe. L une de leurs préoccupations principales est donc de disposer systématiquement de principes clairs pour l établissement des termes et des conditions des transactions intragroupe. Les objectifs en matière de détermination d une politique de prix de transfert sont bien évidemment identiques aux objectifs de la fonction fiscale : la maîtrise des risques fiscaux et la maîtrise de la charge globale d impôt. Par ailleurs, le mana- FÉVRIER-MARS 2006 PAGE 54

gement souhaitera s assurer en ce qui concerne plus particulièrement les prix de transfert que les relations intragroupe sont bien cohérentes avec les objectifs stratégiques du groupe. Enfin, la tendance récente concernant les nouvelles normes comptables impose aussi une transparence accrue. Dans certains pays, la certification des comptes par les commissaires aux comptes nécessite de confirmer la nature de pleine concurrence des transactions intragroupe de la société (souvent par le biais de la préparation d une documentation en matière de prix de transfert). Les étapes de la mise en place d une politique de prix de transfert performante On peut considérer que la mise en place d une politique de prix de transfert fait intervenir cinq étapes clés : La collecte des informations L objectif est d être en mesure de disposer des informations sur les activités, les fonctions, les risques, les actifs des entités parties aux transactions intragroupe et les paramètres financiers nécessaires à l étude : Une grille d analyse des fonctions, des risques et des actifs (permettant de réaliser une cartographie fonctionnelle) Le montant des flux intragroupe Les principales lignes des comptes de résultats segmentés par grande catégorie d activité pour les flux intragroupe. Les contrats régissant les flux intragroupe. Les informations nécessaires seront principalement obtenues grâce à des entretiens avec les «managers» concernés (opérationnels et financiers du groupe) et grâce aux systèmes de reporting interne qui permettront d obtenir les données financières nécessaires. Cette étape doit permettre d élaborer au minimum une cartographie des flux intragroupe. Le diagnostic Cette étape analytique repose sur l utilisation des informations rassemblées à l issue de la première étape. Il s agira notamment de croiser les volumes d affaires et les rémunérations des principales fonctions, risques et actifs avec les obligations documentaires en matière de prix de transfert et l agressivité des autorités fiscales. Cela permettra de quantifier les risques liés à la politique prix de transfert actuelle et d identifier des opportunités. En outre, cette étape nécessite aussi l utilisation des outils caractéristiques de la définition d une politique de prix de transfert que sont l analyse des fonctions, des risques et des actifs et l analyse économique visant à déterminer les prix de pleine concurrence des transactions visées. Si une politique de prix de transfert est déjà en place, le groupe doit être en mesure, à l issue de cette étape, de définir les zones de risques de la politique ainsi que d identifier des opportunités. Cette étape se conclura par des propositions d aménagement et de redéfinition de la politique de prix de transfert. La présentation de plusieurs possibilités permettra une discussion et donc facilitera le processus de décision. Ainsi, un changement radical de la politique pourrait avoir pour avantage de minimiser la charge d impôts tout en maîtrisant les risques (ou vice versa) et pour inconvénient la difficulté de mise en œuvre. A contrario, une évolution de la politique actuelle pourrait avoir pour avantage la relative facilité de mise en œuvre et pour inconvénient un impact relativement pénalisant en matière de gestion de la charge globale d impôt. En l absence de politique de prix de transfert, le diagnostic aura pour principal objectif de proposer des politiques de prix de transfert. Cette phase doit aussi se conclure par la présentation de plusieurs politiques de prix de transfert. Chaque proposition inclura ainsi avantages et inconvénients permettant de faciliter la prise de décision. Processus de décision et choix d une politique de prix de transfert Le diagnostic aura mis en lumière les difficultés du système actuel en matière de prix de transfert (voire l absence de politique) et permettra aux managers du groupe de décider d une politique à mettre en œuvre. La politique de prix de transfert sera assise sur le processus de création de valeur, le fonctionnement du groupe et des filiales ou entités, l analyse des fonctions, des risques et des actifs et l analyse économique. Mise en œuvre La politique de prix de transfert étant définie, il s agit de la faire vivre au sein du groupe. Pour qu une politique fonctionne, cela implique qu elle soit comprise, admise et appliquée par toutes les parties prenantes. Cette mise en œuvre nécessite donc que les responsabilités la concernant soient clairement établies. La mise en œuvre de la politique de prix de transfert va repo- FÉVRIER-MARS 2006 PAGE 55

expertise e AVOCATS ser sur une analyse économique pertinente validée par les opérationnels et conforme aux objectifs de gestion des risques et de gestion de la charge globale d impôt. Cette étape est probablement la plus importante. Une politique de prix de transfert conforme au principe de pleine concurrence mais mal mise en œuvre ne sera pas de pleine concurrence et présentera des risques élevés. Le risque en matière de prix de transfert ne s évalue qu à l aune de la mise en œuvre de la politique. La définition d une organisation, de procédures et de systèmes de remontées d information tels que décrits dans la première partie de cet article est l investissement minimal permettant une mise en œuvre fiscalement efficace de la politique de prix de transfert. Documentation La documentation sur les prix de transfert, qui synthétise les étapes nécessaires à la conception de la politique prix de transfert, est un des éléments clés de la gestion des prix de transfert. La documentation sur les prix de transfert ne se limite pas à la mise en forme des étapes précédentes. En effet, une documentation sur les prix de transfert doit contenir une analyse du secteur industriel et du groupe, une analyse détaillée des fonctions, des risques et des actifs des entités en question, et les analyses économiques (en gardant en mémoire que ces analyses ont pour objectif premier d être mises à la disposition des autorités fiscales compétentes). Cet outil sera ensuite régulièrement mis à jour afin de tenir compte des évolutions du groupe. La gestion des prix de transfert : description de deux profils types d organisation La responsabilité de la gestion des prix de transfert au sein d une entreprise peut être organisée selon différents modèles. Afin de schématiser, on peut opposer deux scénarios : la gestion des prix de transfert décentralisée, principalement le fait des opérationnels (business units) d une part, et la gestion des prix de transfert centralisée et concentrée au niveau du siège d autre part. Ces deux modes de fonctionnement distincts sont des organisations théoriques types, ce qui signifie que la plupart des multinationales fonctionneront quelque part entre ces deux extrêmes. Le choix de fonctionnement doit avant tout tenir compte de l organisation du groupe : la gestion centralisée est plutôt adaptée aux groupes dont les fonctions centrales ont un rôle moteur. La gestion décentralisée est plutôt adaptée aux groupes où le rôle du siège est avant tout la coordination des différentes activités du groupe. Quel que soit le fonctionnement choisi, la fonction fiscale est un acteur majeur. Nous décrivons ce que pourraient être son rôle et ses responsabilités dans chacun de ces modes d organisation type. Le modèle décentralisé Dans ce mode d organisation, les opérationnels et les financiers des business units sont en charge de structurer, suivre et de s assurer de la conformité de la politique de prix de transfert aux réglementations en vigueur. Il n y a donc pas nécessairement d équipe de prix de transfert clairement identifiée au sein de la fonction fiscale ou ailleurs, ce qui n est pas contradictoire avec le fait que le groupe dispose de spécialistes en la matière. Les décisions relatives aux prix de transfert n échappent pour autant pas à la fonction fiscale. En effet, la fonction fiscale joue nécessairement le rôle de conseil interne concernant la politique de prix de transfert. Les responsabilités des étapes clés décrites cidessus sont partagées entre différents acteurs en fonction de la structure du groupe. Le diagnostic, la définition et la mise en œuvre de la politique de prix de transfert sont de la responsabilité des opérations concernées avec la participation systématique de la direction fiscale. Ce type d organisation est plutôt adapté aux groupes naturellement décentralisés tels que ceux résultant d acquisitions dans divers secteurs industriels où il y a peu de transactions entre les différentes activités du groupe. Son principal avantage est qu il facilite l appropriation du mécanisme des prix de transfert par les opérationnels, qui sont par ailleurs les principales sources des informations nécessaires à la définition et la mise en place d une politique de prix de transfert. Les inconvénients de ce système sont liés d une part, au risque que les politiques de prix de transfert manquent de cohérence du point de vue du groupe et que d autre part, la gestion fiscale des prix de transfert ne puisse être suffisamment planifiée. FÉVRIER-MARS 2006 PAGE 56

Le modèle centralisé Positionnement de la fonction prix de transfert L organisation centralisée repose sur une gestion des prix de transfert qui est de la responsabilité principale de la fonction fiscale. Dans ce type d organisation, l équipe prix de transfert qui peut se composer de membres de la fonction fiscale voire de financiers et de contrôleurs de gestion du siège est l élément moteur de la structuration et de la gestion des prix de transfert. Son implication est donc forte dans chacune des cinq étapes décrites ci-dessus. Nous préciserons son rôle et ses responsabilités en fonction de ses deux objectifs: la maîtrise du risque fiscal et la maîtrise de la charge globale d impôt. Equipe prix de transfert et maîtrise de la charge globale d impôt L équipe prix de transfert est une force de proposition auprès des opérationnels et du management du groupe concernant les aspects relatifs à la gestion de la charge globale d impôt. Dans ce cadre, les étapes analytiques nécessaires à toute forme de planification en matière de prix de transfert (collecte des informations et diagnostic) sont sous sa responsabilité. Ce travail analytique se fera avec l aide et les ressources des autres départements concernés du groupe et avec l aide d experts externes. Ensuite, l équipe prix de transfert participera aux discussions relatives à la sélection d une politique de prix de transfert, au minimum en tant que conseil interne dont l aval sera indispensable. Enfin, elle sera responsable de la mise en œuvre de la politique choisie par le biais notamment de la mise en place de procédures adaptées et de suivi des informations. L équipe prix de transfert s appuiera aussi sur les outils de reporting afin de présenter des politiques de prix de transfert fiscalement optimales dont elle aura au préalable simulé les impacts. Equipe prix de transfert et maîtrise du risque fiscal La matérialisation d un risque fiscal en matière de prix de transfert peut avoir deux origines : une politique de prix de transfert mal conçue (et donc non conforme au principe de pleine concurrence) et/ou une politique de prix de transfert inadéquatement mise en œuvre. Dans un schéma centralisé, la mise en œuvre de la politique de prix de transfert relève de la responsabilité des départements opérationnels concernés qui, par leurs pratiques quotidiennes, mettent en œuvre la politique. Le rôle de l équipe prix de transfert sera de déterminer les procédures de maîtrise et de suivi des risques nécessaires à la mise en œuvre de la politique de prix de transfert. Les outils de reporting décrit dans la première section de cet article lui seront particulièrement indispensables pour identifier rapidement et précisément les risques éventuels. L équipe prix de transfert est responsable des éléments de conformité. Cela ne signifie pas pour autant que l équipe prix de transfert gère l intégralité des problématiques. Il est rarement possible par exemple qu elle puisse réaliser l ensemble des documentations sur les prix de transfert du groupe. Elle devra pour cela utiliser les ressources internes et/ou externes. En tout état de cause, les aspects documentaires, les contrats intragroupe et les décisions importantes en matière de prix de transfert se feront systématiquement avec sa participation et son aval. Enfin, l équipe prix de transfert sera aussi responsable de la définition de la stratégie à mettre en œuvre dans le cadre des contrôles fiscaux et sera impliquée dans la gestion du contrôle fiscal par la revue préalable voire la rédaction de toute communication avec les autorités fiscales. L avantage de ce type d organisation, naturellement adapté aux groupes dans lesquels le siège occupe un rôle dépassant celui de la simple coordination et où les transactions intragroupe représentent des enjeux significatifs, est qu il facilite la mise en œuvre de politiques fiscales conformes avec les objectifs du groupe. On veillera à ce que ce modèle n aboutisse pas à la mise en place de politiques de prix de transfert purement fiscales, ne tenant pas suffisamment compte des responsabilités et des mécanismes de création de valeur au sein du groupe. Pour les entreprises, la gestion des prix de transfert nécessite à la fois la capacité à mettre en œuvre une politique conforme aux réglementations en vigueur et l assurance de sa mise en œuvre et de son suivi. Une organisation claire des responsabilités en matière de prix de transfert au sein de la fonction fiscale et dans le groupe est essentielle afin de pouvoir gérer au mieux ces enjeux. La mise en place d une fonction fiscale performante aura été un préalable essentiel à toute volonté de définir une politique de prix de transfert fiscalement pertinente. FÉVRIER-MARS 2006 PAGE 57