Événements neurologiques sous anti TNFα: association fortuite? E. Bertolini, C. Sordet, RM. Javier, J. Sibilia, JL. Kuntz Service de Rhumatologie de Strasbourg
Observation clinique 1 Mme M. 47 ans, PR séronégative Après 11 mois d étanercept + méthotrexate trouble sensitif des membres inférieurs (niveau sensitif L1 L2) LCR: synthèse intrathécale d immunoglobulines
Observation clinique 1 Arrêt d étanercept Perfusions de méthylprednisolone Évolution favorable puis une récidive 5 mois plus tard SEP DE FORME RÉMITTENTE selon critères de McDonald Introduction de l interféron bêta (Avonex ) T1 Gadolinium
Observation clinique 2 Mme D. 51 ans, PR séropositive Après 5 mois d adalimumab sans méthotrexate (prednisone + méloxicam) hypoesthésie thermo algique de l hémithorax droit, puis hypoesthésie du MI gauche et dysurie LCR : 8 GB, DOC positive Anticorps anti NMO : négatif PES : retard de latence bilatéral des tracés corticaux pour les territoires des MI en faveur d atteinte lemniscale centrale
Observation clinique 2 IRM médullaire T1 Gadolinium, T2: lésions au niveau C5 D1, D5 et du cône terminal
Observation clinique 2 Arrêt d adalimumab Perfusions de méthylprednisolone Évolution clinique et radiologique favorable MYÉLITE AIGUË
Observation clinique 3 Mme W. 47 ans, PR séropositive, antécédent de migraines cataméniales Après 20 mois d adalimumab (+ méthotrexate et prednisone) crises convulsives puis déficit sensitivo moteur de l hémicorps droit d aggravation progressive LCR: protéinorachie à 0.52 g/l, synthèse d IgG intrathécale PES et EEG perturbés
Observation clinique 3 Arrêt d adalimumab Perfusions de méthylprednisolone Évolution défavorable SEP DE FORME PROGRESSIVE?
Observation clinique 4 M R. 43 ans, PR séropositive, antécédent de choc anaphylactique sous infliximab Après 9 mois d étanercept (+ prednisone, rofécoxib et paracétamol codéine) déficit moteur et dysesthésie du MI droit et MS droit, syndrome pyramidal des MI LCR : normal
Observation clinique 4 Arrêt d étanercept Perfusions de méthylprednisolone Évolution favorable IRM médullaire (STIR, T2): hyper signaux des cordons antérieurs de C2 à C5 MYÉLITE AIGUË
Observation clinique 5 Mme M. 47 ans, SPA HLA B27 négatif, antécédent de HTA et de méningiome cérébelleux Après 6 mois d infliximab (+ naproxène) céphalée, acouphènes, dysesthésies, syndrome méningé, vertiges LCR : 35 GB présence d anticorps anti cochlée PEA : atteinte rétrocochléaire de l oreille gauche et surdité mixte (transmission et cochléaire) de l oreille droite audiogramme tonal et IRM de l oreille interne : normaux IRM cérébrale: pas de lésion de la substance blanche ÉVOLUTION : favorable MÉNINGITE ASEPTIQUE avec ATTEINTE COCHLÉAIRE
Observation clinique 6 Mme A. 43 ans, PR séropositive, antécédent de HTA Après 26 mois d adalimumab (+ prednisone, indométacine et tramadol) hémiparésie droite, trouble aphasique et confusion, syndrome méningé LCR: protéinorachie 1.21 g/l, GB 164/mm³, DOC positive EEG: décharge paroxystique bilatérale IRM et angio IRM cérébrale: pas de lésion significative ÉVOLUTION : récupération en 12h, traitements anti BK et antiviral arrêtés 10 jours plus tard BAV bilatérale avec diplopie intermittente
Observation clinique 6 Angiofluorographie rétinienne: œdème papillaire bilatéral en faveur d une neuropathie inflammatoire Présence d anticorps anti rétine (23 kda, Recoverine) ÉVOLUTION : favorable MÉNINGO ENCÉPHALITE avec ATTEINTE RÉTINIENNE
Les deux cas de méningite aseptique 2 cas de méningite avec auto anticorps connus pour être associés à des pathologies auto immunes: anticorps anti cochlée : surdités brusques auto immunes [1] anticorps anti recoverine : rétinopathies auto immunes [2] Tableau clinique s apparentant à un syndrome de Vogt Koyanagi Harada? Présence des anticorps anti rétine et anti cochlée [3,4] Présence de HLA DR 4 et homozygotie DQ 3 [5] 3 cas de méningite aseptique sous anti TNFα rapportés dans la littérature [6,7,8] 1. Loveman DM et al. Semin Arthritis Rheum. 2004 2. Adamus G. Autoimmun rev. 2003 3. de Smet MD et al. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2001 4. Blanc F et al. Rev Neurol (Paris). 2005 5. Weisz JM et al. Ophthalmology. 1995, Davis JL et al. Ophthalmology. 1990 6. Marotte H et al Lancet. 2001 7. Hegde N et al. South Med J. 2005 8. Ahmed M et al. J Rheumatol. 2006
Résumé Entre 2002 2006: 1 SEP de forme rémittente 1 SEP de forme progressive? 2 myélites aiguës 1 méningite avec atteinte cochléaire 1 méningo encéphalite avec atteinte rétinienne Délai moyen: 13.6 mois Anti TNFα utilisé: 3 adalimumab, 2 étanercept, 1 infliximab Évolution après l arrêt de la biothérapie: favorable: 4 patients défavorable: 2 patients
Discussion Association fortuite de 2 pathologies dysimmunitaires sur le terrain prédisposé?
PR et SEP Dans l étude cas témoins : 5 cas de PR sur 155 cas de SEP Midgard R. et al. Acta Neurol Scand. 1996 Dans l étude descriptive de School of Public Health: 2% de patients avec une PR sur 386 patients avec une SEP Barcellos LF Lancet neurol. 2006 Étude rétrospective menée par le CRI entre 2001 2004 : 14 cas de la coexistence d une PR et d une SEP 10/14: la SEP avant la PR 3/14: la PR avant la SEP (délai moyen de 13 ans) 1/14: la SEP et la PR diagnostiquées simultanément Toussirot E. et al. J Rheumatol. 2006
Discussion Association fortuite de 2 pathologies dysimmunitaires sur le terrain génétiquement prédisposé? Infection virale non détectée ou non recherchée?
Discussion Association fortuite de 2 pathologies dysimmunitaires sur le terrain prédisposé? Infection virale non détectée ou non recherchée? Apparition ou une aggravation d une maladie démyélinisante latente sous anti TNFα?
Anti TNFα et SEP Étude ouverte de phase I (ca2 = infliximab) 2 patients avec une SEP rapidement progressive augmentation transitoire des lésions actives à l IRM majoration d une pléiocytose et d une synthèse d IgG intrathécale après chaque perfusion de ca2 van Oosten BW et al. Neurology 1996 Étude multicentrique de phase II (TNFRp55 IgG1 = lénercept) 168 patients avec une SEP de forme rémittente et secondairement progressive de fréquence des poussées dans le groupe lénercept (p<0.007) poussées semblaient plus précoces et plus sévères pas de modification des données IRM ni d altération des scores fonctionnels (EDSS) de façon significative INTERROMPUE APRÈS 24 SEMAINES No author, Neurology 1999
Discussion Association fortuite de 2 pathologies dysimmunitaires sur le terrain prédisposé? Infection virale non détectée ou non recherchée? Apparition ou une aggravation d une maladie démyélinisante latente sous anti TNFα? Induction d une atteinte neurologique par anti TNFα?
Mécanismes potentiels d atteinte du SNC sous anti TNFα Augmentation de l activité et de la survie des lymphocytes T auto réactifs induite par anti TNFα? Réactivation d une infection latente par anti TNFα déclenchant l inflammation du SNC? Déséquilibre de la balance des cytokines sous l action de l anti TNFα? Effet «éponge»? Robinson et al. Arthritis Rheum. 2001 Induction d auto anticorps dirigés contre les structures nerveuses? Marotte et al. Lancet 2001 Possible rôle du TNFα dans la régénération tissulaire? Arnett et al. Nat Neurosci. 2001
Événements neurologiques sous anti TNFα Atteinte centrale: Affection démyélinisante du SNC, SEP Leucoencéphalopathie Myélite transverse Méningite aseptique Syndrome parkinsonien Atteinte des paires crâniennes (NORB, neuropathie optique antérieure, paralysie oculomotrice et du nerf hypoglosse, névralgie du trijumeau) Atteinte périphérique: Syndrome Guillain Barré, Miller Fisher Neuropathie démyélinisante et axonale: CIDP, neuropathie multiple motrice à bloc de conduction, neuropathie sensitive axonale Surtout des pathologies dysimmunitaires et démyélinisantes
Données de tolérance post marketing ADALIMUMAB ETANERCEPT INFLIXIMAB De déc 2002 au juin 2005 De 1998 au mars 2005 De 1998 au mars 2002 0,01/100 PA 0,034/100 PA 0,004/100 PA Schiff et al. Ann Rheum Dis. 2006 Haute Autorité de Santé. Mars 2005 ACR San Antonio 2004 Incidence de SEP dans la population générale : 0,004 0,006/100 habitants/an L incidence d affection démyélinisante chez les patients traités par étanercept semble plus importante que celle dans la population générale (31/100 000 PA contre 4 6/100 000/an) Al Saieg et al. J Rheumatol 2006
Conclusion L association entre la biothérapie et les manifestations neurologiques reste spéculative : les anti TNFα semblent pouvoir favoriser l apparition de pathologies neurologiques auto immunes aiguës ou chroniques La réévaluation du bénéfice risque est indispensable avant l instauration du traitement par l anti TNFα Intérêt d un registre national pour déterminer l incidence d affection neurologique sous anti TNFα et identifier les facteurs de risques
Critères de diagnostic du syndrome de Vogt Koyanagi Harada de l'american Uveitis Society (Snyder et Tessler, 1980) Présence d'au moins trois des quatre groupes de signes suivants: 1. Iridocyclite chronique bilatérale 2. Uvéite postérieure avec décollement rétinien exsudatif ou forme fruste de décollement rétinien exsudatif (oedème papillaire, oedème maculaire) ou dépigmentation de l'épithélium pigmentaire et de la choroïde 3. Symptômes neurologiques (atteinte des paires crâniennes, du système nerveux central, raideur méningée) et/ou acouphènes et/ou pléiocytose 4. Alopécie, poliose ou vitiligo Absence d'antécédent de traumatisme ou de chirurgie oculaire
SEP et TNFα TNFα considéré comme une cible thérapeutique potentielle du fait de: rôle dans inflammation du SNC [1] effet toxique sur les oligodendrocytes [2] localisation intracérébrale du TNFα dans la SEP [5] dosage TNFα sang et LCR corrélé à la progression [3] anticorps anti TNFα préviennent l apparition d une Encéphalomyélite Auto immune Expérimentale (EAE) à la MBP [4] 1.Chavarria A. et al. Autoimmun Rev. 2004, 2. Selmaj KW. et al. Ann Neurol. 1988, 3. Sharief MK. et al N Engl J Med 1991, 4. Ruddle NH. et al. J Exp Med 1990, 5. Hofman et al. J Exp Med. 1989.
Modèles KO TNFα TNFα / et MOG EAE (Liu et al., Nature Med, 1998): Atteinte neurologique sévère et haute mortalité Administration de TNFα avant l injection de MOG prévient l EAE TNFα et Modèle à la Cuprizone (Arnett et al., Nature Neurosc, 2001) : Les souris TNFα / remyélinisent moins bien : 15% versus 80% pour les sauvages Les récepteurs au TNF (Suvannavejh et al., Cell Immunol, 2000) Souris KO p55 (TNFR1 / ) : résistance EAE MOG Souris KO p75 (TNFR2 / ) : EAE avec démyélinisation sévère