l Enass Ecole nationale d assurances



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Transcription:

l Enass Ecole nationale d assurances A deep water horizon : la fin des captives de bancassurance? Laurence BARRY www.enass.fr

SOMMAIRE Executive summary 1. Des captives bancaires qui ne se sont jamais aussi bien portées 1.1. Définition du concept de «captif» 1.2. Des résultats positifs dans tous les métiers 1.3. Le fondement du succès du modèle : un mixte d activités, une capacité à vendre du prix et une productivité commerciale élevée 2. L essor de nouveaux modes de distribution, sources de risques de cannibalisation avec les réseaux captifs 2.1 L émergence du digital comme canal de vente, de services et de mise en relation 2.2 Des acteurs qui imposent de nouvelles règles du jeu 2.3 Des acteurs qui chamboulent les méthodes traditionnelles de distribution 3. Des contraintes prudentielles qui assombrissent l horizon 3.1. Les impacts estimés de Bâle 3 et de Solvabilité 2 : recherche de liquidité des établissements bancaires et rentabilité dégradée des captives d assurance 3.2. La réponse apportée : la recherche d une diversification des risques tant en terme de métiers, de géographies que de réseaux de distribution 3.3. Cette diversification à marche forcée des bancassureurs suffira t elle à répondre aux exigences de retour sur investissement des groupes bancaires? Bibliographie

EXECUTIVE SUMMARY Le modèle le plus abouti de la bancassurance s est développé en France avec la création ex nihilo de compagnies d assurance au sein des principaux établissements bancaires français à partir des années 70 ou par les acquisitions ou les rapprochements de compagnies d assurance par les établissements bancaires en fonction des opportunités de marché. Il repose sur l intégration complète de la compagnie d assurance au sein du groupe bancaire permettant une approche globale par le réseau d agences bancaires des besoins de la clientèle tant financiers que de protection, tout en s appuyant sur une imbrication forte des systèmes informatiques de la compagnie d assurance au sein de la banque. Poussé à l extrême, il conduit à développer une machine outil de production la plus efficiente possible en terme de robustesse au service d une distribution dont la productivité commerciale est élevée dans la mesure où l ensemble des produits financiers et assurantiels sont mis à la disposition de la force commerciale. C est ainsi que la maîtrise et le pilotage de ces réseaux de distribution ont permis aux bancassureurs de conquérir des parts de marché substantielles tant en assurance vie où ils sont devenus leaders qu en assurances de crédit et de personnes, et plus récemment en assurance dommage. Le fondement du succès de ce modèle repose sur : un mixte d activités, une capacité à vendre du prix et une productivité commerciale élevée. Cette activité de distribution d assurance est ainsi venue constituer une source de revenus complémentaires non négligeables pour le distributeur, revenus assis sur le stock plus que sur le volume, amortisseurs par ailleurs des éventuelles crises financières impactant les revenus financiers bancaires davantage cycliques. La répartition de la marge entre le producteur et le distributeur est devenue par conséquent un enjeu majeur au sein des différentes entités d un groupe bancaire assurantiel même si, à son sommet, le jeu est à somme nulle. Cette marge s est érodée au fil du temps avec l apparition de nouveaux modes de distribution issus des nouvelles technologies qui imposent des investissements majeurs en termes de communication, de marketing et d informatiques. Ils nécessitent par ailleurs une réactivité nouvelle, une transparence toujours plus forte en particulier en matière de tarification et une segmentation de la clientèle toujours plus fine. De nouvelles règles du jeu 3

apparaissent qui modifient les méthodes traditionnelles de distribution des acteurs bancaires. Pour autant, si les bancassureurs ont observé dans un premier temps ce phénomène avec la distanciation usuelle pour tout ce qui est nouveau et dont on ne mesure pas dans un premier temps toutes les conséquences, ils ne s en sont pas pour autant désintéressés et l ont peu à peu adopté au sein de leurs différentes stratégies de distribution. A terme, une fois les risques de cannibalisation maîtrisés entre réseaux de distribution captifs/ouverts et les dogmes levés, on peut penser que la multi distribution sera exploitée de la façon la plus efficiente possible au sein des bancassureurs. Ce sont davantage les nouvelles contraintes prudentielles portées par Bâle 3 et Solvency 2 qui risquent de rebattre les cartes de manière non négligeable. En effet, le renforcement exigé de la liquidité des établissements bancaires peut conduire les bancassureurs à faire un choix entre la rentabilité de leurs actifs, en particulier, assurantiels et l augmentation de leurs propres fonds propres. C est pourquoi certaines captives d assurance poussent les feux de la diversification de leurs métiers, mais aussi de leur exposition géographique et de leur réseaux de distribution en s appuyant sur leur savoir faire traditionnel pour répliquer ce modèle auprès de partenaires externes. Ces assureurs, devenus de plus en plus autonomes au regard de leurs maisons mères, pourront le moment venu, si d aventure des mouvements capitalistiques se faisaient jour sous l impulsion de leur propre actionnaire, envisager des relations plus ou moins étroites sous des formes diverses et variées avec d autres assureurs pour créer des synergies soit de revenus soit de coûts. 4

Introduction : La France est le pays au monde qui a certainement poussé le plus loin le modèle de la bancassurance au sein de son industrie financière depuis plusieurs dizaines d années en s appuyant avant tout sur l appétence des ménages français à se constituer une épargne de précaution au travers de l assurance vie, outil de préparation à la retraite et de transmission de son patrimoine. Or, aujourd hui, la crise financière avec ses conséquences sur le rendement des fonds en euro, la concurrence effrénée des acteurs sur l assurance vie, produit commoditisé, et les évolutions règlementaires assurantielles (Solvency 2) mais aussi et surtout bancaires (Bâle 3), conduisent à penser que ce modèle de la bancassurance est dépassé et que des évolutions majeures auront lieu dans les années à venir. C est l objet de ce mémoire que d étudier succinctement, en s appuyant uniquement sur des données publiques le positionnement des bancassureurs en France aujourd hui, leurs capacités à surmonter les challenges que posent les nouveaux réseaux de distribution issus des nouveaux modes de communication, et les éventuelles conséquences des évolutions règlementaires assurantielles et bancaires à venir. 1. Des captives bancaires qui ne se sont jamais aussi bien portées : 1.1 Définition du concept de «captif» : Les compagnies d assurance dites «captives» sont des compagnies d assurance détenues au capital par des établissements bancaires. Ce modèle est particulièrement bien implanté en France puisque les plus grands groupes bancaires tels que BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et Crédit Mutuel ont opté pour cette stratégie d intégration complète afin de contrôler le processus de bout en bout, de maîtriser dans une vision unique les objectifs de leur Groupe et de délivrer une culture d entreprise globale qui a pour ambition de s afficher tant auprès de ses collaborateurs que de ses clients. Ce modèle a vu le jour en France au cours des années 1970 lorsque les banques ont eu le droit de commercialiser des produits d assurance, et a pris toute son ampleur dans les années 1980 avec la suppression de l encadrement du crédit en 1986 et l accès direct au marché du financement pour les entreprises. C est en 1972 que débute le phénomène avec la création des 5

Assurances du Crédit Mutuel (ACM) par les Caisses Régionales du Crédit Mutuel qui souhaitent développer l assurance dommage en premier lieu. Ce choix n aura pas la faveur des acteurs suivants puisqu ils préfèreront développer l assurance vie et la prévoyance, c est à dire l assurance des personnes plutôt que l assurance des biens. Ainsi Cardif, créée en 1973 par la Compagnie Bancaire (Groupe Paribas) se développe sur son savoir faire en matière d épargne multi-supports. Elle fusionne avec Natio Vie, compagnie d assurance de BNP Paribas après l acquisition par cette dernière du Groupe Paribas. Elle donne ainsi naissance à la compagnie BNP Paribas Assurances, renommée au printemps dernier: BNP Paribas Cardif dans un souci de mettre en avant une seule marque institutionnelle en s appuyant sur le principal point fort de chacune des entités d origine: la référence à la solidité du Groupe bancaire BNP Paribas, et la référence à l expertise de Cardif. Du côté de la Société Générale, en 1973, cette dernière prend le contrôle d Umac Vie qui deviendra par la suite Sogécap. Durant la même période, le Crédit Lyonnais acquiert des cabinets de courtage et des compagnies d assurance (dont la Médicale de France en 1971), activités qui sont regroupées en 1988 au sein de l Union des Assurances Fédérales (UAF) avant d être fusionnées avec Prédica en 2004. Cette filiale dédiée à l assurance de personnes a été créée en 1986 avant qu en 1990, Pacifica, structure dédiée au dommage n apparaisse. L ensemble de ces activités, après le rachat en 2003 du Crédit Lyonnais par le Crédit Agricole est regroupé au sein du pôle Crédit Agricole Assurance en 2006. Enfin, en 1978, les Banques Populaires créent Fructivie, leur filiale assurance vie qui deviendra à son tour Assurances Banques Populaires. Depuis, cette compagnie s est ouverte à l assurance dommage. Ce modèle d assurance captive a permis aux banques françaises de diversifier leur activité afin de se procurer des sources de revenus complémentaires, revenus non liés à leur principal métier qui repose sur la transformation des dépôts en crédits mais revenus issus des commissions perçues au titre des placements réalisés. Ces revenus sont donc de prime abord contra cycliques par rapport aux revenus bancaires : soit les ménages français épargnent en plaçant leurs économies chez des assureurs vie, soit ils empruntent auprès des établissements bancaires. Ces revenus peuvent donc jouer un rôle d amortisseur par rapport aux impacts des évolutions conjoncturelles et financières. 6

1.2 Des résultats positifs dans tous les métiers : Le modèle de la bancassurance est aujourd hui bien établi et légitime vis-à-vis des clients. Il a introduit une rupture qui, sans être aussi spectaculaire et brutale que celle de l émergence de la grande distribution dans les années 60 en France, a remis en jeu la distribution de détail des services de banque et d assurance au sein des différents réseaux de distribution bancaires. Le client se voit ainsi offrir un ensemble de services financiers par un fournisseur unique, ce qui simplifie ses démarches et rend plus aisément accessible les produits d assurance. Ce modèle s appuie sur un réseau d agences bancaires très dense (40 000 agences en France) dont l essence est de répondre en tant que généraliste aux attentes d une clientèle de proximité pour distribuer une palette de services financiers dans le cadre d une approche globale. Le coût de la distribution de produits d assurance est donc marginal pour le groupe bancaire qui s appuie sur un réseau d agences et de salariés déjà en place, ce qui accroît la rentabilité du réseau de détail. La forte intégration du système d information de l assurance dans celui de la banque, la formation et l animation des conseillers bancaires sont les clefs du succès de ce modèle. Ce dernier s est tout d abord construit autour de l assurance vie dans la mesure où ce produit est proche des offres financières que le banquier peut être amené à proposer (par exemple, comptes épargne ou comptes à terme couplés à des produits à capital garanti comme les PEL assurant conjointement le remboursement du capital net investi au départ et le versement de revenus annuels pendant un nombre d années déterminées). 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Cotisations en assurance-vie par réseaux de distribution, en %. 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Bancassurance Agents généraux Courtiers Salariés Sociétés sans intermédiaires 7

En 2010, la part de marché des bancassureurs en vie et capitalisation est repassée à 61% (versus 60% en 2009) au détriment de celle des courtiers qui a baissé à 13% (versus 14% en 2009) alors que depuis 2008 cette part de marché s était stabilisée à 60%. Par ailleurs, la progression de la collecte nette d assurance vie pour les réseaux de bancassurance en 2010 a cru de 5,5% alors que celle des réseaux d assurance traditionnels a baissé de 9% selon la FFSA. Parmi les dix premiers groupes d assurance français en assurance des personnes, cinq font partie du monde de la bancassurance en 2010 sachant que trois d entre eux se placent dans les quatre premières positions en matière de cotisations. 10 premiers groupes d assurance des personnes en France en CA 2010, en milliards d euros- source FFSA CNP Assurances 9,6 11,6 7,9 7,2 5,4 25,4 21,9 CA Assurances Axa BNP Paribas Cardif Generali France 11,7 12,7 13,2 Groupe ACM Société Générale Insurance Allianz France Groupama Aviva Si le modèle de la bancassurance s est appuyé d abord et avant tout sur l assurance vie, il s est développé sur un deuxième axe qu est l assurance des personnes avec en particulier l assurance des emprunteurs dont les contrats collectifs Groupe dominent sur le marché. Avec la commercialisation du produit emprunteur, les banques jouissent en effet de manière naturelle d un avantage concurrentiel significatif: la maîtrise du calendrier de la souscription du crédit qui permet à la fois de proposer au moment opportun l assurance emprunteur et de l intégrer dans une offre globale crédit plus assurance. La loi Lagarde, un an après sa mise en place n a pas pour le moment modifié fortement les parts de marché des principaux acteurs que sont les banques et les établissements de crédit. En effet, elle a permis de replacer le produit au centre des discussions avec une segmentation des conditions tarifaires des produits 8

groupe et un ajustement des offres individuelles par les banques elles-mêmes, contrats individuels qui étaient auparavant quasi exclusivement commercialisés par les courtiers en assurance. Les banques privilégient alors des offres structurées et pilotées avec la mise en place d un panel d offres «labellisées» via le support de courtiers gestionnaires tels CBP par exemple (pour les Banques Populaires, Caisses du Crédit Agricole ) qui permettent la mise à disposition aux réseaux bancaires de produits validés et certifiés. Les délégations d assurance représentent aujourd hui entre 20% et 30% des souscriptions, ce qui a profité aux acteurs traditionnels du marché de l individuel que sont parfois les bancassureurs (BNP Paribas Cardif notamment). Les bancassureurs ont également gagné du terrain en santé et en prévoyance individuelle, secteurs qui sont les relais de croissance durables pour le monde de l assurance. Ainsi, le cabinet Accenture estime que le taux de croissance annuel moyen de l assurance vie s élèvera à 2,26% entre 2009 et 2020, pour 2,28% pour l IARD et 4,37% pour la santé et la prévoyance individuelle. La part de marché de ce dernier secteur remportée au global par les bancassureurs entre 2004 et 2009 est passée de 9,2% à 12,5% soit une augmentation de 0,6 point par an avec un chiffre d affaire moyen de 251 millions d euros par an alors qu il s agit d un secteur hyper concurrentiel et saturé (94% des français ont une complémentaire santé) et où l assurance collective gagne du terrain année après année. Cette percée est à relativiser malgré tout au regard du positionnement des bancassureurs les plus performants sur le marché des complémentaires santé : 16 ème pour les ACM, le Groupe des Assurances du Crédit Mutuel avec 574 millions d euros de primes encaissées en 2010 et 24 ème pour le Crédit Agricole Assurance avec 410 millions de primes encaissées à comparer aux 2 872 millions d Axa et aux 1 947 millions de Groupama. L enjeu va être la capacité des réseaux de distribution bancaires à couvrir un risque évolutif et différencié en fonction de l âge et de la situation des assurés, d où une approche produit hyper segmentée qui conduira à mettre davantage l accent sur l innovation. Or les nouveaux réseaux de distribution comme le web sont certainement un des vecteurs de commercialisation qui permet d offrir cette offre ciblée à une clientèle segmentée. Enfin, ces dernières années, la conquête de parts de marché par les bancassureurs en assurance-dommages a ébranlé de plus en plus sérieusement les autres réseaux de distribution. 9

40% 35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0% Cotisations en assurance dommages par réseaux de distribution, en % 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Bancassurance Agents généraux Courtiers Salariés Sociétés sans intermédiaires Autres modes (vente directe, internet) De 2005 à 2009, les bancassureurs ont pris plusieurs centaines de milliers de contrats à la concurrence en assurance dommages : annuellement, 340 000 en multirisque habitation, 210 000 en assurance automobile (selon le cabinet Fact and Figures, baromètre 2011, affaires nouvelles nettes de résiliations). En 2010, en assurance automobile, les cotisations des bancassureurs se sont élevées à 1,676 milliards d euros, en progression de 8% pour les bancassureurs contre 2,8% pour l ensemble du marché. En Multi Risques Habitations, les bancassureurs ont recueilli 1,242 milliard d euros de cotisations soit une augmentation de 12% contre 5,3% pour l ensemble du marché. Les deux bancassureurs historiques sur ce marché que sont le Crédit Agricole et le Crédit Mutuel qui collectent 70 à 80% des primes perçues par les banques, totalisent à eux deux près de 10% du marché de l assurance dommage. BNPP Cardif a lancé de son côté en 2009 un plan de croissance accéléré (P2A) pour se positionner sur l assurance non vie en France qui lui a permis de passer de 11 millions de chiffre d affaire en 2009 à 130 millions en 2010. Société Générale Insurance, après avoir racheté les 35% qu Aviva détenait dans Soggessur, sa filiale d assurance dommage, a également annoncé un ambitieux plan de relance dans son activité dommage. Enfin, la Banque Postale vient de lancer son offre dommage en agences au cours du 2 ème trimestre 2011. On voit donc percer les bancassureurs au sein même des activités qui pour le moment étaient l apanage des assureurs traditionnels. Les bancassureurs se sont orientés également vers un développement massif sur les risques divers (protections juridiques, garanties d assistance, pertes pécuniaires, assurances des téléphones portables.) dont la rentabilité est 10

bien supérieure aux risques traditionnels. Ainsi, en non-vie, en 2010, si l automobile pèse 40% du marché des assurances de biens et de responsabilité (source FFSA), les résultats techniques ne représentent que 30% (selon Fact & Figures). En revanche, les risques divers ne pèsent que 10% de part de marché de la non-vie (FFSA) mais génèrent plus de 70% des résultats (selon Fact & Figures). Cette source de profit a bien été identifiée par les bancassureurs dans la mesure où les risques divers représentent 25% du chiffre d affaires nonvie des particuliers des bancassureurs contre 13% pour l ensemble des assureurs. Ventilation du CA non-vie des particuliers (2007-2009), ensemble des assureurs Ventilation du CA non-vie des particuliers (2007-2009), bancassureurs 28% 13% 59% Auto MRH Auto MRH Risques divers Risques divers Globalement, dans dix ans, les bancassureurs pourraient bien représenter 20% du marché de l assurance non vie contre 10% actuellement. En résumé, le classement des groupes d assurance sur le marché français avec son évolution par rapport à 2009 permet de mesurer combien les bancassureurs ont progressé à marché forcée par rapport aux assureurs traditionnels. Rang 2010 Rang 2009 Groupe CA 2010 CA 2009 Variation 1 2 CNP 26,1 26,3-0,8% 2 1 Axa 25,05 26,7-6,2% 3 3 Crédit Agricole Assurances 24,35 20,3 20,0% 4 4 Generali 15,9 16,7-4,8% 5 8 Crédit Mutuel 13,282 12,4 7,1% 6 7 Covéa 13,1 12,6 4,0% 7 8 BNP Paribas Cardif 13,1 12,1 8,3% 8 6 Groupama 13 12,8 1,6% 9 9 Allianz 12,389 12,1 2,4% 10 10 Société Générale 11,506 9,2 25,1% 11 Sgam Sferen 10,97 10,2 7,5% 12 11 AG2R la Mondiale 7,3 7 4,3% 13 12 Aviva 7,022 6,8 3,3% 11

14 14 Natexis Assurances 4,215 3,7 13,9% 15 15 Swiss Life 3,838 3,5 9,7% 16 16 Malakoff Médéric 3,396 3,4-0,1% 17 18 Pro BTP 2,419 2,5-3,2% 18 19 Sgam BTP 2,38 2,4-0,8% 19 20 HSBC Assurances 2,3 2,1 9,5% 20 21 MACSF 2,084 1,8 15,8% Total 213,701 204,6 4,4% 1.3 Le fondement du succès du modèle : un mixte d activités, une capacité à vendre du prix et une productivité commerciale élevée La bancassurance dégage un niveau moyen de ROE supérieur à la moyenne du marché selon Fact & Figures grâce à un bon mixte d activités, une capacité à vendre du prix et une productivité commerciale élevée. La bancassurance confirme donc année après année le succès de son modèle intégré industriel de distribution et de gestion. Il repose en effet sur la performance des réseaux commerciaux des banques qui s appuient sur leur proximité géographique auprès de la clientèle et sur la captation des flux financiers au travers des comptes courants où sont domiciliés les revenus. La Fédération bancaire française recense près de 40 000 agences en France, implantations fortes dans tout le maillage territorial français qui facilitent les rencontres entre les banquiers et les consommateurs/épargnants. Outre l assurance vie, les bancassureurs disposent d un produit d appel phare avec le crédit immobilier qui leur donne un pouvoir de négociation supérieur à celui des assureurs : il leur est plus aisé de proposer une assurance MRH aux souscripteurs de prêts immobiliers au moment de leur acquisition d un bien immobilier, tout comme il leur est plus simple de combiner une offre de crédit avec une assurance groupe de prêt immobilier ou personnel. La preuve réside dans le fait que les bancassureurs ont un portefeuille MRH supérieur au portefeuille automobile ce que l on ne relève pas chez les assureurs traditionnels. Dans l assurance, on acquiert un client par l auto et on l équipe ensuite sur les autres contrats. Dans la bancassurance, c est l inverse. Par ailleurs, cette performance du modèle intégré s appuie également sur le niveau des commissionnements/chargements plus élevé pour les réseaux d agents que pour les bancassureurs qui se sont positionnés entre les Mutuelles sans Intermédiaires et les réseaux 12

d Agents Généraux. En effet, un intermédiaire a intérêt à prendre les risques les plus importants car ils rapportent les primes les plus élevées, primes sur lesquelles l intermédiaire perçoit un commissionnement de 14 à 20% de la prime alors qu il peut être sensiblement inférieur dans les réseaux de banque assurance (8% au Crédit Mutuel) ou dépendre du résultat technique (comme au Crédit Agricole). Cette difficulté des agents généraux à conserver leur part de marché se ressent aussi au travers de la tendance baissière de leur nombre (13 091 à fin 2007, contre 12 261 à fin 2010 selon les chiffres de l Orias). Enfin et surtout, dans la mesure où la captive n a pas à supporter les coûts de distribution portés par l établissement bancaire, cette économie de frais peut s afficher sur les prix des produits vendus auprès de sa clientèle. L industrialisation des processus est le troisième fondement de la performance des bancassureurs avec des produits standardisés et simples, et la mise en place de plateaux de gestion de sinistres propres à la compagnie d assurance voire délégués mais extérieurs à la banque. Dans le règlement des sinistres, les compagnies n interfèrent pas avec la gestion bancaire. Leur bon fonctionnement est positif pour l image du groupe bancaire. En conséquence, l assurance, métier de stocks, offre des revenus récurrents à la banque au-delà de sa capacité à fidéliser les clients, et constitue un réel amortisseur en cas de crise à l inverse des dépôts bancaires beaucoup plus volatiles et sensibles à une détérioration de l économie. Le développement de la bancassurance s est poursuivi jusqu à ce jour de façon la plus efficiente possible en comparaison des autres réseaux de distribution traditionnels qui, pour le moment ont eu du mal à réagir. L étape suivante pourrait être la conquête par les bancassureurs des parts de marché sur les risques professionnels et les risques d entreprises, segments qui tirent depuis quelques années, les résultats positifs de la branche non-vie, et dont le ratio combiné moyen est passé de 98% à 100% contre une dégradation de 101% à 107% en non-vie du particulier entre 2004 et 2009. Toutefois, deux facteurs peuvent remettre en cause cette performance dans les années à venir : d une part de nouveaux modes de distribution qui interpellent les bancassureurs captifs compte tenu des risques de cannibalisation avec leurs propres réseaux physiques, d autre part l arrivée prochaine de Solvency 2 qui conduit à une augmentation croissante de l importance des problématiques financières, technico-financières et d allocations d actifs qui pourraient amener les groupes bancaires à ouvrir le capital de leurs captives d assurance à des tiers. 13

2. L essor de nouveaux modes de distribution, sources de risques de cannibalisation avec les réseaux captifs : De nouveaux canaux issus des nouvelles technologies ouvrent de nouveaux horizons et changent la donne en matière de distribution d assurance. Ils imposent une réactivité nouvelle, un mode de mise en relation multiple (téléphone, réseau d agence, 100% en ligne), et une transparence des offres tant au niveau des produits que des tarifs, trois conditions pour lesquelles les captives de banques ne sont pas les mieux armées ni les mieux positionnées sur le marché. L émergence de ces nouveaux réseaux de distribution implique dans ces conditions pour les bancassureurs de réfléchir à l évolution de leur business modèle jusqu ici centré sur leurs réseaux bancaires sources de revenus importants et maîtrisés. relations: 2.1 L émergence du digital comme canal de vente, de services et de mise en L assurance en ligne est née il y a quinze ans et c est le temps qu il lui a fallu pour se développer en France. Aujourd hui, l assurance arrive en tête des informations financières les plus recherchées sur internet. C est ce que révèle une étude de la FEVAD (Fédération du e.commerce et de la vente à distance) conduite en mars 2011 auprès de 2450 internautes en partenariat avec Médiamétrie/Netratings. 59% des consommateurs consultent les sites pour comparer et vérifier les tarifs proposés par les assureurs et banquiers contre 48% il y a seulement un an. Avec un internaute sur quatre (23%) qui s est renseigné sur l assurance, celle-ci passe devant les crédits (18% des internautes) et les services bancaires (15%). Un million de requêtes mensuelles dans Google portent sur les mots clés «assurance auto» ; 300 000 sur «assurance habitation». Le phénomène internet ne peut donc plus être omis dans les réflexions stratégiques des groupes bancaires propriétaires d une compagnie d assurance. L internaute, visiteur des sites dédiés aux sociétés d assurance, y trouve aussi bien des conseils pratiques sur la gestion des contrats (suivi des remboursements ), des informations en cas de sinistres (téléchargement des formulaires de déclaration ), des services associés aux contrats tels que les réseaux partenaires (réparateurs automobiles, sociétés d assistance ) que des informations sur les différents produits qui aboutissent, généralement, à la possibilité d obtenir un devis en ligne. Les sites des assureurs sont visités par plusieurs millions d internautes par mois qui formulent deux millions de devis. 14

Il a fallu attendre l arrivée des modèles «pure player» poussés par de grands acteurs traditionnels de l assurance pour que les groupes d assurance bancaires commencent à miser sur ce nouveau canal de distribution. Après Direct Assurance, créée en 1992, pionnier de l assurance en direct par téléphone et internet en auto, moto, habitation, complémentaire santé et assurance vie, en 2008, trois groupes mutualistes ont lancé des sites internet permettant à leurs clients de souscrire à des produits d assurance en ligne, mais aussi d accéder à des services tels que le conseil à toute heure. La Macif (SGAM Sferen) a ouvert sa première enseigne «idmacif» qui est destinée aux internautes de 27 à 45 ans. Covéa (qui rassemble Maaf, MMA et GMF), son concurrent, a mis en place un site de vente en ligne «Aloa» qui s adresse aux seniors avec un produit d appel innovant : l assurance de santé pour chiens et chats. Cette offre a été complétée par une gamme d offre plus traditionnelle d assurance (IARD, complément retraite ). Enfin Groupama, pour mener à bien sa conquête des marchés urbains a lancé une nouvelle marque «amaguiz.com», un site marchand de produits d assurance automobile proposant des offres à bas prix ou innovantes telle que l assurance en fonction du nombre de kilomètres parcourus. L émergence de ces pure players est une réponse aux études de marché qui montrent que l évolution d internet est une tendance de fond que l on mesure d ores et déjà dans les pays les plus avancés comme le UK où 60% environ des ventes d assurance s effectuent au travers de ce canal de distribution. En France, pour le moment, selon les sources, de quelques pourcents à 17% des ventes d assurance au global seraient réalisées par ce canal (étude empruntis.com et Market Audit), en progression constante même si on est loin d atteindre les chiffres du Royaume-Uni ou des Pays-Bas. Cette multiplication des marques «low-cost» a accentué la baisse des tarifs que la concurrence sur les contrats auto avait déjà suscitée. Le recrutement de nouveaux clients se fait avant tout sur l argument prix, phénomène encore renforcé avec l amélioration de la transparence de l information, l accès rapide, facile et gratuit à l offre et aux tarifs d assurance. Les comparateurs apparus dans le paysage français ont développé ce phénomène. Près de 77% des internautes passent par la case «comparateur» pour obtenir des informations en matière d assurance (baromètre de la relation client orchestré par Solucom). Aujourd hui, ces sociétés initialement indépendantes, sont détenues peu ou prou par des assureurs compte tenu de la place importante qu elles ont pris. Elles permettent de mieux comprendre le cheminement de l internaute sur la Toile et de le maîtriser avant qu il ne passe à l acte de 15

vente, la plupart du temps encore avec l appui d un réseau physique. Le premier d entre eux, Assurland est détenu par le groupe mutualiste Covéa et représente 80% de part de marché. Il dénombre 700000 visiteurs mensuels et 30000 prospects mensuels. Sa marge opérationnelle brute en 2010 s est élevée à 19 millions d euros pour un chiffre d affaire de 28 millions d euros. Il est à l heure actuelle a priori encore en cours de cession. Les acquéreurs potentiels sont des fonds d investissement (Golden Lake capital, Silver Lake, et TA Associates), preuve de la dynamique de croissance attendue de ce type d entreprise. Hyperassur (détenu majoritairement par Alico (Metlife)), Kelassur, Assuremieux, Assurprox et LeLynx (détenu par le britannique Admiral) sont les autres comparateurs qui dominent sur le marché français. Les bancassureurs ne se sont pas encore franchement positionnés sur ce secteur des comparateurs d assurance. En effet, la complexité réside dans ce que l on est en droit d attendre d une entreprise qui compare sur le marché les prix d offres assurantielles diverses et variées pour proposer à l internaute a priori le produit au meilleur prix, en fonction de ses besoins préalablement déterminés, et selon la nature des garanties couvertes. Cette comparaison doit s effectuer dans une totale indépendance de manière à ce que la crédibilité des comparateurs soit préservée pour générer des leads. Or rien ne permet de penser que les produits commercialisés par un bancassureur quel qu il soit, fassent systématiquement partie du premier quartile. 2.2 Des acteurs qui imposent de nouvelles règles de jeu : En effet, un lien commercial existe entre la consultation d un site (comparateur ou pas) et le renvoi à la compagnie d assurance qui s est référencée sur le site en question. C est ainsi que le lien commercial d un site web est rémunéré par l assureur au clic par internaute pour 2 ou 3 euros en moyenne lorsqu il s agit d un formulaire rempli sur internet, à charge pour l assureur de relancer le prospect par téléphone, courriel ou via le réseau de distribution traditionnel. Le référencement naturel d un assureur peut permettre d avoir à éviter à payer ce clic mais la concurrence est rude, en particulier celle faite par les pure players qui capitalisent sur leur notoriété et leur culture de l internet. Pour y pallier, l une des voies reste le référencement géographique avec le système de recherche localisé Google Adresses. Cependant, là encore, les évolutions récentes du secteur des comparateurs montrent un déplacement des 16

comparateurs vers ce type d offre de comparaison géo localisée. En avril dernier, a été mis en ligne le site : LeComparateurAssurance.com qui s appuie ainsi sur la comparaison géo localisée. Ce comparateur, édité par la start up lilloise Pixeo, société créée en août 2010, a le statut de courtier (inscrite à l Orias) et bénéficie du soutien d acteurs régionaux. Il renvoie l internaute sur les agences de douze courtiers grossistes et compagnies d assurance actuellement référencés, ce qui permet à l internaute de localiser les assureurs proches de chez lui. A contrario, ceci traduit un tournant certain dans le modèle de distribution par le web : le prix n est plus le seul élément pour différencier deux offres, ce qui caractérisait jusqu à maintenant les comparateurs. Cette tendance marque une évolution comportementale dans la maturité des internautes qui prennent du recul par rapport au prix proposé pour s interroger sur le contenu de l offre. Elle rejoint plus largement l idée du consommateur dit acteur de sa vie au quotidien qui a une maîtrise de plus en plus grande de sa consommation. Elle répond aux aspirations des instances de régulation et de contrôle qui souhaitent qu une offre proposée apporte une valeur réelle au client. Un autre exemple de comparateur s appuyant sur la comparaison des garanties offertes est le comparateur et courtier en ligne Santiane créé en 2006 et dont la croissance explose depuis. Le groupe génère aujourd hui 6 millions d euros de chiffre d affaires soit 300 % de croissance depuis 2006. Ce comparateur étudie les garanties contrats santé appartenant à 16 mutuelles ou complémentaires santés différentes. Comme les comparateurs au Royaume-Uni, il se rémunère à l affaire apportée et non au prospect vendu à la mutuelle ou à la compagnie. 10% des prospects signent avec une facturation de la nouvelle affaire entre 250 et 300 euros (Santiane a un objectif de 40 000 nouveaux contrats en 2011). Il est le premier distributeur de contrats d assurance santé de Swiss Life et le premier partenaire du courtier April. Il consacre 30% de son chiffre d affaire à son référencement sur Google. Ce comparateur, en phase de levée de fonds, refuse l entrée d assureurs au sein de son capital pour pouvoir continuer à porter un discours d indépendance vis-à-vis du monde assurantiel. Par conséquent, si l affiliation ou les partenariats permettent aux assureurs de mieux maitriser leurs coûts d acquisition par la rémunération à la performance dans la mesure où ils ne paient qu au formulaire complété : de 6 à 8 euros pour un contrat auto ou MRH, de 22 à 24 euros pour une souscription en ligne en assurance des personnes, le lien commercial qui existe transforment les affiliés en de véritables forces de vente virtuelles. Les partenaires sont souvent des sites de conseils avec des audiences élevées sur des thématiques précises (forum des motards par exemple). 17

2.3 Des acteurs qui chamboulent les méthodes traditionnelles de distribution : Pour s appuyer sur ces nouvelles forces de ventes virtuelles, BNP Paribas Cardif a signé un partenariat avec SeLoger.com, site de petites annonces immobilières en ligne pour commercialiser son offre Cardif Garantie Emprunteur. 7 agences immobilières sur 10 en France et même 9 sur 10 à Paris passent leurs annonces par l intermédiaire de ce site qui a réalisé en 2010, 83 millions de chiffre d affaires soit un doublement en 4 ans. Ce site est leader sur son créneau car il est le premier de son secteur à être arrivé sur le web. Sur la Toile, la prime au premier arrivé est déterminante. SeLoger, pure player dés 1996, a consolidé son avance avec le rachat d Immostreet en 2002. Aujourd hui ce site dénombre 15 millions de visiteurs mensuels et un flux d un million de logements présentés. Le modèle économique repose sur la gratuité pour les internautes (sauf les annonces de location pour lesquelles il convient d appeler un numéro surtaxé), la taxation pour les agences immobilières qui paient un forfait pour placer leurs annonces sur le site et la rémunération comme apporteur d affaires des trois partenaires que sont le Crédit Agricole pour le crédit immobilier, BNP Paribas Cardif pour l assurance emprunteur et Nexity pour le simulateur de défiscalisation immobilière. Après internet, le virage a été pris en 2009 des petites annonces sur téléphone mobile avec la première application SeLoger sur Iphone. En 2011, elle représente déjà 20% du trafic. Les réseaux communautaires apparaissent également comme de nouvelles forces de vente virtuelles même s il n en demeure pas moins, là encore, qu elles nécessitent des investissements réels. Les liens sur ces réseaux permettent de cibler les contacts par âge, niveau d études, secteur géographique, niveau social Ces nouveaux réseaux de distribution sont en cours d exploration au sein même du monde des assureurs captifs. Par exemple, C.Nickel.com est un site conçu et développé par BNP Paribas Cardif pour permettre aux travailleurs à domicile d échanger entre eux, de faire part de leurs expériences, de se former, de trouver de nouveaux emplois dans le cadre d un site communautaire réalisé pour eux. Cette démarche s inscrit dans le cadre de l offre complète de services à la personne que les banques et certaines sociétés d assurance proposent désormais à leur clientèle depuis quelques années (Sérénissime pour BNPP) afin d une part de renforcer l image qualitative de leur réseau bancaire en vue de fidéliser leurs clients et d autre part, d augmenter leurs taux d équipement. La deuxième population ciblée est la population des employeurs qui va aller sur ce site pour trouver des références afin d employer des personnes à domicile. Cette population a des moyens financiers plus élevés que le réseau communautaire primaire. On peut alors imaginer voir un jour apparaitre sur ce site communautaire des propositions d assurances des personnes 18

ou des familles pour répondre aux soucis de protection de ces employeurs, au vieillissement de la population et aux besoins de couverture liés à la dépendance. Le marketing viral est une autre technique ayant pour objectif de faire bénéficier d une audience un produit, une entreprise, ou une personne, par un phénomène de propagation ou de bouche à oreille, via une vidéo ou un courriel par exemple. L audience ainsi captée est gratuite et l impact bien plus important qu un message «subi» puisque la démarche est volontaire. On peut penser là encore, que des entreprises commerciales assurantielles s appuieront sur cette méthode pour renforcer l image de leur compagnie. En effet, cette technique d e.marketing est très médiatisée avec une perpétuelle course à la bonne idée créative. Elle a cependant ses contreparties : des inévitables échecs d audiences dans les ¾ des cas et une maîtrise hasardeuse du phénomène de propagation ainsi que de son contenu originel. Si un petit film n est vu que par quelques milliers d internautes sur YouTube, le coût du contact n en est pas moins très élevé. Reste que pour le moment d une façon plus générale et moins marginale, si les assureurs aussi bien traditionnels que captifs ont su développer ces dernières années de nombreux services très appréciés de leurs clients autour de la vie des contrats, la part du conseil et de la vente directe en ligne demeure marginale ; une fois le devis en ligne réalisé, la souscription se fait principalement en agence ou par téléphone. En effet, l absence de discours commercial et d explications sur les différentes garanties est un frein à la souscription en ligne puisque l internaute ne peut pas dialoguer avec un conseiller sur l adéquation réelle du contrat à ses besoins. C est pourquoi, le plus gros enjeu de l assurance sur internet relève de la faculté à optimiser le traitement des contacts générés par les millions investis dans les liens commerciaux et par l exploitation pertinente par les autres canaux de distribution des coordonnées et autres données personnelles des prospects récupérées sur internet. A ce stade, les captives devraient avoir toute leur place pour devenir les acteurs qui ont la meilleure capacité à transformer ces leads commerciaux, à l inverse des réseaux traditionnels des assureurs qui s interrogent sur l épineux transfert à leurs réseaux des clients acquis par internet. En effet, les modalités (et notamment les conditions économiques) de ces transferts de contacts vont être déterminantes pour influencer le comportement des acteurs du réseau vis à vis de ces prospects qui, une fois informés, continuent de pousser la porte en quête de recherche de contact physique individuel. A l heure actuelle, aucun modèle ne prévaut. La Poste, après avoir lancé en fin d année 2010 une offre dommage dans un premier 19

temps sur internet exclusivement, a ouvert cette offre aux réseaux d agences physiques avant l été 2011, ne faisant que suivre le phénomène qui s était fait jour : la souscription en agences de 30 % des contrats signés en dommage alors que l offre n était pas accessible auprès des agences postales. Le client franchissait la porte de l agence son devis en ligne à la main, pour finaliser la signature auprès de son interlocuteur traditionnel bancaire. Dans ce dernier cas, le canal internet est davantage considéré comme un outil au service des entités économiques principales du dispositif de distribution qu un canal de distribution à part entière. Un moyen de communication et de distribution supplémentaire est ajouté sans revoir fondamentalement le modèle dans son ensemble. Autre exemple, Swiss Life facture unitairement à ses agents les contacts intéressés par ses offres de santé. Chaque canal de distribution est donc considéré comme un centre de profit distinct des autres qui partage la chaine de valeur commerciale autour des prospects. Ceci permet de préserver l autonomie des canaux tout en ouvrant des passerelles entre eux. La logique économique devrait permettre de tirer le meilleur parti de chaque réseau de distribution à la condition que la facturation entre canaux se fasse au juste prix. En revanche, MMA distribue gratuitement les coordonnées des prospects aux agents qui doivent les exploiter dans un délai défini tandis qu Allianz laisse le choix au client d être ou non rattaché à un agent. Axa, dans le cadre de son contrat e.auto proposé sur internet renvoie sur le réseau traditionnel des agents généraux avec une facturation des contacts transmis aux agents. En 2010, selon le président de Réussir, le syndicat des agents généraux d Axa, les prospects transmis ont permis la souscription de 17 000 contrats même si cela est demeuré une goutte d eau au regard des 450 000 affaires générées par l offre traditionnelle en agence. Le modèle le plus abouti est l approche globale de l ensemble des canaux de distribution. Des mécanismes financiers sont mis en place pour inciter les réseaux à avoir des comportements précis : exploitation du contact transmis sous délais, incitation supplémentaire à la transformation des prospects en clients, bonus ou acquisition définitive du client seulement s il est fidélisé. On passe alors à une phase opérationnelle des actions à mener par le réseau avec une adaptation plus rapide à réaliser en fonction de l évolution des comportements des clients ou des résultats constatés (via la révision des montants d incitation accordés, voire l introduction de mécanismes complémentaires). Les réseaux de distribution bancaires devraient pouvoir répondre positivement à ce modèle qui se rapproche en termes d exigences opérationnelles aux campagnes commerciales traditionnelles. 20