V. TRANSFORMATIONS AFFINES ET ISOMÉTRIES En géométrie du plan cartésien réel R 2, on a étudié des transformations. Notamment les translations, les rotations, les symétries axiales et les homothéties. Ce sont des exemples de transformations affines, une notion qu on va introduire pour n importe quel espace euclidien R n. Ensuite, le but est de classifier les isométries directes du plan et de l espace R 3. 1. Transformations affines Avant de nous spécialiser et de n étudier que les isométries, nous nous intéresserons à un cadre plus général (E est un espace Euclidien R n.) Rappelons que pour des points A B de E et un point P B sur la droite AB, le rapport de section (AB, P ) = ± P A / P B et le signe est positif si et seulement si les vecteurs P A et P B ont même sens. Si P = B, alors (AB, P ) = par convention. Définition 1.1. Une transformation affine de E est une application f : E E telle que : (1) f est injective (2) f préserve les droites (3) f préserve les rapports de section, c est-à-dire que (AB, P ) = (f(a)f(b), f(p )) pour n importe quel point P d une droite AB. Qui sont ces transformations affines? Choisissons 0 comme origine. Puisque la translation de vecteur f(0) est une transformation affine, la composition de f avec cette translation est une transformation affine qui fixe 0. Théorème 1.2. Soit f une transformation affine telle que f(0) = 0. Alors f est linéaire. Démonstration. Soient λ R et A R n. Remarquons que ((λ A)A, 0) = λ. Alors (f(λ A)f(A), 0) = λ, 1
2 V. TRANSFORMATIONS AFFINES ET ISOMÉTRIES puisque f préserve les rapports de section. Autrement dit, f(λ A) = λ f(a). On considère deux points A et B et on remarque que M = 1 (A + B) est le milieu du segment 2 [AB]. Par conséquent, puisque f préserve les droites, f(m) est sur la droite f(a)f(b). Puisque (AB, M) = 1, on obtient que (f(a)f(b), f(m)) = 1, ceci montre que f(m) est le milieu de [f(a)f(b)]. Par conséquent, f(a + B) = f(2m) = 2f(M) = 2 1 (f(a) + f(b)) = f(a) + f(b). 2 C A M B Corollaire 1.3. Toute transformation affine est décrite à une translation près par une matrice inversible M GL n (R). Démonstration. Si f est injective, alors f est surjective par le Théorème du rang. Réciproquement, toute fonction f : E E de la forme f(x) = Mx + b, où M GL n (R) et b R n, est une transformation affine (voir exercice 1). Exemple 1.4. Les symétries centrales, les symétries à travers un plan, les translations, les homothéties et les similitudes (c est-à-dire les applications f : E E qui multiplie toutes les distances par un même rapport fixe λ > 0) sont des transformations affines. L inverse d une transformation affine est une transformation affine (voir exercice 2). Considérons encore quelques exemples de tranformations affines du plan R 2. Définition 1.5. Une affinité est une transformation affine f du plan R 2 qui fixe une droite d 1 et qui laisse invariante une droite d 2 non parallèle à d 1. Si les droites d 1 et d 2 sont perpendiculaires, alors on appelle f une affinité orthogonale.
V. TRANSFORMATIONS AFFINES ET ISOMÉTRIES 3 Dans le repère( d abscisse ) d 1 et d ordonnée d 2, l affinité orthogonale f est représentée 1 0 par une matrice avec λ 0. 0 λ Exemple 1.6. parallèle à d : (1) Une transvection fixe une droite d et laisse invariante tout droite Si d est l abscisse, alors la transvection est donnée par la matrice ( ) 1 c. 0 1 (2) La réflexion glissante n est pas une affinité. ( ) Elle envoie (x, y) sur (x + t, y) 1 0 C est la composition de la réflexion et de la translation de vecteur 0 1 ( ) t. 0
4 V. TRANSFORMATIONS AFFINES ET ISOMÉTRIES 2. Les isométries Une isométrie préserve les distances. C est en particulier une similitude et donc une transformation affine : nous allons réinterpréter la classification des isométries du plan. On se fixe une base orthonormée E = (e 1,..., e n ) de R n. Proposition 2.1. Soit f une transformation affine de R n qui fixe 0 et A, sa matrice dans la base E. Alors f est une isométrie si et seulement si A t = A 1. Démonstration. Supposons que f est une isométrie. Puisque la base est orthogonale et qu une isométrie préserve les angles et les distances, (f(e 1 ),..., f(e n )) est une base orthonormée. Ceci correspond aux colonnes de la matrice A. On a vu au cours précédent que A t A = G, où G est la matrice de Gram associée aux vecteurs (f(e 1 ),..., f(e n )), qui est l identité. Réciproquement, si A t = A 1, alors Av, Aw = (Av) t (Aw) = v t A t Aw = v t w = v, w montre que f préserve le produit scalaire et en particulier les distances. Définition 2.2. Une matrice A telle que A t A = I n est dite orthogonale. L ensemble de toutes les matrices orthogonales est noté O(n). Lemme 2.3. Soit A O(n). Alors det(a) = ±1. Démonstration. 1 = det(i n ) = det(a t A) = det(a t ) det(a) = det(a) 2 Définition 2.4. SO(n) = O(n) {A GL n (R) det A = 1}, i.e., c est l ensemble des matrices orthogonales de déterminant 1. Ainsi, une application affine x Ax + b est une isométrie directe si et seulement si A SO(n). Les ensembles O(n) et SO(n) forment des sous-groupes de GL n (R) munis de la multiplication matricielle. En effet (AB) t AB = B t A t AB = B t I n B = B t B = I n si A, B O(n) et si A O(n), A 1 = A t, donc (A 1 ) t A 1 = (A t ) t A 1 = AA 1 = I n. Donc A 1 O(n).
V. TRANSFORMATIONS AFFINES ET ISOMÉTRIES 5 Proposition 2.5. Si A SO(2), alors A = ( ) cos(t) sin(t) pour un t R. sin(t) cos(t) ( ) a c Démonstration. Soit SO(2), Alors det(a) = ad bc = 1 et I n = A t A b d ( ) ( )( ) ( 1 0 a c a b a 2 + c 2 ) ab + cd = = 0 1 b d c d ab + cd b 2 + d 2. Comme a 2 + c 2 = 1, il existe t tel que a = cos(t), c = sin(t), de même pour d = cos(u), b = sin(u). Alors l égalité matricielle se traduit par le système d équations suivant : cos(t) sin(u) + sin(t) cos(u) = 0 (1) cos(t) cos(u) sin(t) sin(u) = 1 (2) Par la formule trigonométrique d addition des angles on a : Donc u + t = 2kπ pour un k Z. sin(u + t) = 0 (3) cos(u + t) = 1 (4) Théorème 2.6 (Théorème de Chasles (du plan)). Toute isométrie directe du plan est soit une rotation, soit une translation de vecteur non-nul. ( ) ( ) ( ) x x a Démonstration. On sait que f = R + pour R O(2) par la proposition y y b 2.1 et en fait R SO(2) comme l isométrie est directe. Si R = I 2, alors f est soit une translation de vecteur non-nul, soit la rotation donnée par l identité. Supposons ( ) α donc que R I 2. Il n y a alors qu un seul point fixe. En effet l équation = β ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) ( ) α a α a α a R + (R I 2 ) =, donc on obtient que = (R I 2 ) 1, β b β b β b comme 1 n est pas une valeur propre de R. Ce point fixe P est le centre de rotation de f. En effet ( ) ( ) ( ) x α x f f = R + y β y Le vecteur P X subit une rotation. ( ) a b ( ) α = R β ( ) ( ) ( ) x α x α R = R y β y β
6 V. TRANSFORMATIONS AFFINES ET ISOMÉTRIES 3. Imsométrie dans l espace Théorème 3.1 (Théorème d Euler). Toute isométrie directe de R 3 qui fixe un point est soit l identité, soit une rotation d angle non-nul autour d un axe. Démonstration. Soit A SO(3) la matrice de l isométrie directe comme dans la Proposition 2.1. Calculons det(a I 3 ) = det(a t ) det(a I 3 ) = det(a t (A I 3 )) = det(a t A A t ) = det(i 3 A t ) = det( (A t I 3 )). Comme la dimension n = 3 est impair, ceci est égal à det(a t I 3 ) = det((a t I 3 ) t ) = det(a I 3 ). Donc det(a I 3 ) = 0. Ainsi 1 est valeur propre de A, ce qui signifie qu une droite est fixée. Choisissons un repère (O, e 1, e 2, e 3 ) orthonormé direct de sorte que ( ) e 1 soit la 1 0 droite fixée. Alors A =. Avec B une matrice 2 2. Par conséquent B SO(2), 0 B 1 0 0 donc A = 0 cos(t) sin(t). 0 sin(t) cos(t) Corollaire 3.2. Soit A SO(3), alors Tr(A) = 1+2 cos(t), où t est l angle de rotation. Démonstration. La trace ne dépend pas de la base. Remarque 3.3. Toute rotation s obtient en composant une rotation d axe Ox, une d axe Oy et une d axe Oz. Les trois angles de rotation s appellent angles d Euler. Théorème 3.4 (Théorème de Chasles (dans l espace)). Une isométrie directe dans R 3 est soit (1) l identité (2) une translation de vecteur non-nul (3) une rotation d angle non-nul (4) un déplacement hélicoïdal Démonstration. C est l exercice 7.