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Transcription:

Le problème posé aux élèves était le suivant : Voici un jeu qui se joue à deux joueurs avec deux dès : «Un joueur annonce un nombre puis il jette les deux dès. Si la somme des dès est égale au nombre annoncé il gagne, sinon il perd». Peut-on trouver une stratégie pour gagner le plus souvent possible à ce jeu? La séance se déroulait en salle informatique mais les élèves étaient au départ sur les tables centrales, sans ordinateur. Ils étaient par binôme et chaque binôme disposait d une boite en plastique transparente qui contenait deux dés de couleurs différentes. Ce dispositif était au départ destiné à éviter les dés qui se baladent sans cesse dans la classe, mais finalement, il laisse également peu de place aux tentatives de «tricheries». C est un bon moyen de produire du hasard ou du moins de s en approcher. Il faudrait par contre trouver des dés en mousse pour supprimer le bruit! Les élèves ont donc commencé à jouer, tout en étant un peu décontenancés. On a pu entendre des phrases comme : «Y a pas de tactique, le hasard c est le hasard. On ne peut pas lutter!» «Il faut toujours dire le même nombre comme ça on est sur qu il sortira un jour.» «On a une chance sur onze de trouver le bon nombre.» Bref, ils ont livré leurs conceptions du hasard. Nous n avons pas rebondit immédiatement sur ces interventions, mais je les ai noté pour les utiliser plus tard dans l heure. Finalement les élèves se sont mis à jouer au jeu qui leur était proposé, ce qui a donné des écrits du type de celui de Guylène et Cécile ci-contre : Page 1 sur 5

A l issue de ces différents essais, j ai demandé à chaque groupe de donner ses impressions, d abord par écrit puis oralement devant le groupe classe, sur ce jeu. Voici dans le désordre quelques phrases retenues : «Il sort plus souvent de nombres impairs que de nombres pairs!» «Les résultats 7 et 9 reviennent souvent» «Il est rare d obtenir 12.» Finalement, le premier objectif était plus ou moins atteint, les élèves commençaient à prendre conscience qu il n y avait peut-être pas équiprobabilité des issues dans ce jeu. En menant le débat avec la classe, les élèves sont tombés d accord sur le fait qu il fallait faire plus d expériences pour voir comment cela allait se passer. En effet, certains groupes n en avaient fait qu une petite vingtaine et chacun voyait se dessiner des profils un peu différents. Pour faciliter la réalisation de ce grand nombre d expériences, je leur ai proposé de travailler dans un même cadre : une feuille de calcul d un tableur (que j ai vidéo projetée et qu ils ont reproduit) qui me permettrait ensuite, via le réseau, de récupérer rapidement leurs bilans et de les mettre en commun. Plus tard, il m est venu une autre idée encore plus pratique qui serait d utiliser les formulaires de «Google Docs» ( http://docs.google.com/ ) qui sont automatiquement mis en ligne et dont les réponses sont récoltées dans une même feuille de calcul. Cette dernière solution offre un gain de temps non négligeable. Les élèves ont donc construit leur feuille de calcul. Certain l ont rempli au fur et à mesure, en rajoutant «1» à l issue qui sortait, d autres ont préféré travailler sur papier et entrer à la fin leur bilan dans la feuille de calcul. Quelle que soit la méthode utilisée, ils ont tous vu se construire en temps réel la répartition Gaussienne des issues de la somme de deux dès. Voici le tableau obtenue après la mise en commun des résultats de chaque binôme : Page 2 sur 5

On peut remarquer que les binômes ont réalisés chacun entre 43 et 131 essais (89 en moyenne). Ils ont chacun arrêté quand ils pensaient avoir cerné la répartition des résultats. Certains ont continué un peu pour mieux se persuader ensuite. Lorsque nous avons fait le bilan des résultats de tous les groupes, dans un premier temps sans la ligne et la colonne «TOTAL», quelques convictions sont apparues : «Le 2 et le 12 sortent très peu.» Ceci a fait l unanimité tant les sorties étaient faibles sur les extrêmes. Même le groupe H n a pas contesté cette affirmation, précisant qu ils avaient du avoir de la «chance»! «C est les nombres du milieu qui sortent le plus souvent» La aussi, les élèves avaient tous remarqué ceci mais pour certain c était le 6 qui était apparu le plus souvent (7 groupes), pour d autres c était le 7 (6 groupes) et pour d autres c était le 8 (1 groupe). Un groupe a évoqué une certaine symétrie en évoquant l ensemble des résultats par un geste reproduisant une colline. C est à partir de ces résultats que nous avons abordé une intéressante discussion. Dans un premier temps pour tenter d expliquer pourquoi le 2 était obtenu si rarement. Un élève a dit : «C est normal, pour avoir 2 il faut faire un double 1 et c est plus difficile!». Un autre a tout de suite renchéri «C est pareil pour 12, c est encore plus difficile de faire un double 6!». Beaucoup d élèves étaient assez d accord avec eux, mais les raisons invoquées était plutôt du côté du mystique : «C est difficile de faire un double», «C est difficile de faire un 6». Ces affirmations ne sont pas anodines et sont vraies de surcroit. Il est effectivement plus difficile de faire un double (6 chances sur 36) que de ne pas en faire (30 chances sur 36). Il est également plus difficile de faire un 6 (1 chance sur 6) que de ne pas en faire un (5 chances sur 6). Ceci est en partie du au vécu des élèves sur différents jeux comme les petits chevaux, les jeux de rôles, etc. où souvent le «6» ou les doubles ont une place «magique». J ai alors engagé orienté le débat sur «Est-il plus facile de faire un «double 1» que «2 et 3» par exemple». C est en revenant au modèle géométrique que nous avons pu apporter des réponses unanimement acceptées et comprises. Le dé appelle l objet mathématique «cube» et ses symétries. C est cela qui donne la conviction que chaque face a une chance sur six de sortir. Mais nous avons aussi pu observer que les dés ne sont pas liés, le second dé ne sait pas et ne tient pas compte de ce que fait le premier. Il est donc aussi facile d obtenir «1» et «1» que «2» et «3». A ce stade là, il n est pas apparu nécessaire de pousser à la différenciation des dés, pour les élèves la question ne semblait pas se poser je ne l ai donc pas soulevée pas encore. Page 3 sur 5

Je leur ai donc dit «Mais alors, il est donc aussi probable d obtenir une somme égale à 2 (1+1) qu une somme égale à 5 (2+3)». La question a eu son effet car à peine posée plusieurs groupes ont dit que non car on pouvait faire 5 autrement, en faisant 4 et 1 par exemple. De là, les groupes sont partis dans un décompte des possibilités pour chacune des sommes. Cela à donné dans un premier temps des choses comme ceci : Les élèves étaient assez contents d eux, ce décompte venant expliquer leurs précédentes convictions. C est à ce moment là que, dans la feuille de tableur regroupant tous leurs résultats, j ai créé la colonne «TOTAL» qui regroupait tous leurs lancés. Dans leur décompte le 2, le 3, le 11 et le 12 avaient autant de chance de sortir. De même le 6, le 7 et le 8 étaient les trois nombres qui sortaient le plus souvent. Cependant, en cumulant leurs lancés il apparaissait que le 3 et le 11 étaient sortis plus souvent que le 2 et le 12. De même, les sorties n étaient pas si équilibrées que cela entre le 6, le 7 et le 8. J ai laissé alors les groupes réfléchir là-dessus quelques instants. A partir du moment où ils ont commencé à discerner les deux dès, leurs couleurs différentes les y aidant, ils ont commencé à dire : et ensuite Page 4 sur 5

L objectif était atteint, ils avaient décomposé les onze issues possibles de la somme de deux dès en trente-six événements élémentaires. Pour aider certains à différencier les tirages «2» et «3» de «3» et «2» je les ai amené à se demander si, en prenant une photo dans chacun des cas, ils auraient la même image. Cela c est avéré assez efficace. Par conséquent, lors de la séance bilan du lendemain, ils sont tombés d accord sur le fait que la stratégie la plus performante à ce jeu était de tout le temps miser sur le «7» puisque c est lui qui avait le plus de chance de sortir. Lors de cette séance bilan, nous avons construit un tableau à double entrée donnant toutes les possibilités lors du lancé de deux dés. Quid de la simulation des lancés? Il ne m est pas apparu utile de simuler les lancés dans cette séance car l expérience réelle suffisait amplement à déclencher les questions visées. De plus, de nombreuses réponses n ont pu être apportées aux élèves que parce qu ils avaient l objet (le dé) sous la main. Sans celui-ci, j aurais bien été embarrassé pour leur répondre. Pour finir, l objectif visé n était nullement la fluctuation d échantillonnage. Simuler c est finalement connaître le modèle or ici c était la recherche de ce modèle qui était visée. Il semble donc judicieux d être relativement prudent quant à l utilisation de la simulation en classe de troisième car un gros travail sur les conceptions des élèves est à faire auparavant. Peut-être qu une fois cette séance finie, on peut simuler le lancé de deux dés (ou plus) en visant un autre objectif, mais c est une autre histoire Page 5 sur 5