Chapitre 6 La méthode des éléments finis 6.1 Introduction La méthode des éléments finis est actuellement la méthode la plus utilisée pour la résolution de problèmes aux limites. Elle découle directement de l approche variationnelle introduite au chapitre précédent. 6.2 Approximation interne Soit H un espace de Hilbert, on a vu au chapitre précédent comment le théorème de Lax-Milgram permet de montrer l existence et l unicité d une solution u H du problème variationnel : A(u, v) = L(v) v H, où A est une application bilinéaire continue et coercive et L une application linéaire continue. L approximation interne consiste à remplacer l espace H par un sousespace vectoriel de dimension finie V h. On considère alors le problème consistant à trouver u h V h tel que : On alors le lemme suivant : A(u h, v h ) = L(v h ) v h V h. (6.1) Lemme 1. Soit H un espace de Hilbert réel et V h un sous-espace vectoriel de dimension finie de H, A est une application bilinéaire continue et coercive et L une application linéaire continue alors il existe une unique solution de l équation (6.1). Par ailleurs, cette solution peut s obtenir en résolvant un systéme linéaire de matrice définie positive. 1
2 CHAPITRE 6. LA MÉTHODE DES ÉLÉMENTS FINIS Démonstration. L existence et l unicité de u h résulte de l application du théorème de Lax-Milgram appliqué à l espace V h car c est lui même un espace de Hilbert. Soit alors φ 1,..., φ Nh une base orthonormale de V h. En posant, u h = i=1 U iφ i, le problème (6.1) s écrit, U j A(φ j, φ i ) = L(φ i ) i 1,...,. ou encore, où, K h U h = b h. K h,i,j = A(φ j, φ i ) et (b h ) i = L(φ i ). La matrice K h est définie positive car pour tout X R, on a : (K h X, X) = ( K h,i,j X j )X i i=1 = ( A(φ j, φ i )X j )X i i=1 = A(x, x) où x = X i φ i i=1 α x 2 H α X 2 (car toutes les normes sont équivalentes dans un espace vectoriel de dimension finie). On cherche maintenant à majorer u u h, c est à dire la distance entre la solution exacte et la solution approchée. On a, Lemme 2 (Lemme de Cea). u u h M α Démonstration. On a pour tout w h V h, inf u v h v h V h A(u u h, w h ) =.
6.3. LA MÉTHODE DES ÉLÉMENTS FINIS EN DIMENSION UN 3 Donc en prenant w h = u h v h, on obtient, A(u u h, u u h ) = A(u u h, u v h ), donc, α u u h 2 M u u h u v h Lemme 3. On suppose qu il existe un sous espace V dense dans H et une application linéaire r h de V dans V h telle que pour tout v V, lim v r h(v) = h alors, lim u u h =. h Démonstration. Par densité de V dans H, il existe v V tel que u v ɛ. Et pour h assez petit v r h (v) ɛ. Alors, u u h C u r h (v) C( u v + v r h (v) ) 2Cɛ. 6.3 La méthode des éléments finis en dimension un On considère le domaine Ω =], 1[. On subdivise l intervalle ], 1[ à l aide de n + 1 points, = x < x 1 <... < x n = 1. On suppose le maillage uniforme, c est à dire que, +1 = h = 1 n i,..., n 1. On cherche à approcher la solution du problème suivant : u + cu = f u() = u(1) =. (6.2)
4 CHAPITRE 6. LA MÉTHODE DES ÉLÉMENTS FINIS 6.3.1 Les éléments finis P 1 L approximation par éléments finis P 1 se fait par l espace des fonctions continues et égales à un polynôme de degré inférieur ou égal à un sur chaque subdivision. On considère les espaces, et, V h = {v C (, 1); v [xj,x j+1 ] P 1, j, 1,..., n 1}, V h = {v C (, 1); v [xj,x j+1 ] P 1, j, 1,..., n 1, v() = v(1) = }. Pour tout j {, n}, on pose (pour j = ou j = n, on ne garde bien sûr que l une des deux égalités) : x x j 1 h si x [x j 1, x j ] x φ(x) = j+1 x h si x [x j, x j+1 ] sinon. Lemme 4. L espace V h est un sous-espace de H 1 (, 1) de dimension n+1 et toute fonction v h V h s écrit de manière unique : n v h = v h (x j )φ j (x). j= L espace V h est un sous-espace de H 1 (, 1) de dimension n-1 et toute fonction v h V h s écrit de manière unique : v h = n 1 v h (x j )φ j (x). Démonstration. On a vu que les fonctions continues et C 1 par morceaux sont dans H 1 (, 1). Donc V h et V h sont dans H 1 (, 1). Et V h est dans H 1 (, 1). Par ailleurs on vérifie que les (φ i ) i n forment une base de V h. En effet, c est une famille génératrice (car v h = n j= v h (x j )φ j (x)) et libre (car n i= α i φ i (x j ) = implique α j = ). Le résultat pour V h s obtient par un résultat analogue. 6.3.2 Résolution pratique du problème de Dirichlet On cherche une solution u V h qui vérifie : u v + cuv = fv v V h.
6.3. LA MÉTHODE DES ÉLÉMENTS FINIS EN DIMENSION UN 5 On décompose u h dans la base des (φ i ) 1 i n 1. On obtient que, n 1 u h (x j )( φ jφ i + cφ j φ i ) = fφ i. Si j i > 1 alors φ i et φ j ont des supports distincts (ou plus précisément réduits à un point). Ceci implique que les coefficients de la matrice K seront nuls dès que i j > 1. On traite explicitement le cas où f et c sont constantes. On calcule : φ iφ i 1 = xi 1 ( 1) 1 h h = 1 h. φ iφ i+1 = 1 h. (φ i) 2 = 2h 1 h 2 = 2 h. φ i φ i 1 = xi x 1 1 h x h = h u(1 u) = h 6. (φ i ) 2 = xi φ i φ i+1 = h 6. 1 (x 1 ) 2 h 2 + φ i = h. On est alors amené à résoudre le système linéaire, (+1 x) 2 h 2 = 2 h 3. 2 h + 2h c 3 1 h + h c 6... u h (x 1 ) 1 1 h + h c 2 6 h + 2h c 3 1 h + h c 6... u h (x 2 ).................. = hf 1......... 1 h + h c 2 6 h + 2h c 3 u h (x n ) 1 où la matrice est de taille (n 1) (n 1). Lorsque c et f ne sont pas constantes on peut utiliser des formules de quadrature pour approcher les intégrales des fonctions.
6 CHAPITRE 6. LA MÉTHODE DES ÉLÉMENTS FINIS 6.3.3 Convergence de la méthode Soit, On a le lemme suivant. N (r h v)(x) = v(x j )ϕ j (x). j= Lemme 5. Pour toute fonction v H 1 (, 1), lim v r hv H h 1 (,1) =. De plus, si v H 2, alors il existe une constante C indépendante de h telle que, On en déduit le théorème : v r h v H 1 (,1) Ch v L 2 (,1). Théorème 1. Soit u H 1 (, 1) et u h V h les solutions du problème. Alors la léthode des éléments finis converge c est à dire que, lim u u h H h 1 (,1) =. De plus, si u H 2 il existe une constante C indépendante de h telle que, u u h H 1 (,1) Ch u L 2 (,1). Le lemme 5 se démontre à l aide de deux autres lemmes. Lemme 6. Il existe une constante C indépendante de h telle que pour tout toute fonction v H 2 (, 1), et, v r h v L 2 (,1) Ch 2 v L 2 (,1), v (r h v) L 2 (,1) Ch v L 2 (,1), (6.3) Démonstration. On démontre le résultat pour v C ([, 1]), le résultat se déduit alors par densité. Pour tout x [, +1 ], on a : v(x) r h (v)(x) = v(x) (v( ) + v(+1) v( ) +1 (x )) = v (θ x )(x ) v (θ i )(x )) = (x ) θi θ x v (t)dt.
6.3. LA MÉTHODE DES ÉLÉMENTS FINIS EN DIMENSION UN 7 Par l inégalité de Cauchy-Schwarz, on obtient : v(x) r h (v)(x) 2 h 3 (v ) 2 (t)dt. En intégrant, on obtient : v(x) r h (v)(x) 2 h 4 (v ) 2 (t)dt. On obtient la première inégalité du lemme en sommant sur i. Ensuite : v (x) (r h (v)) (x) = v (x) v(+1) v( ) +1 = v (x) v (θ i ) = x θ i v (t)dt. En élevant au carré et en utilisant l inégalité de Cauchy-Schwarz, cela donne : (v (x) (r h (v)) (x)) 2 h (v (t)) 2 dt. En intégrant, on obtient : (v (x) (r h (v)) (x)) 2 h 2 (v (t)) 2 dt(v ) 2 (t)dt. D où le résultat en sommant sur i. Lemme 7. Il existe une constante C indépendante de h telle que pour toute fonction v H 1 (, 1), r h v H 1 (,1) C v H 1 (,1), et, v (r h v) L 2 (,1) Ch v L 2 (,1). De plus, pour toute fonction v H 1 (, 1), on a : lim h v (r h v) L 2 (,1) =.
8 CHAPITRE 6. LA MÉTHODE DES ÉLÉMENTS FINIS Démonstration. Soit v H 1 (, 1), on a : D autre part : r h v L 2 (,1) max x [,1] r hv(x) max x [,1] v(x) C v H 1 (,1). (r h v) (x) 2 = (v(+1) v( )) 2 h = 1 ( ) 2 v h v 2. On en déduit la première inégalité par sommation sur i. D autre part : v(x) r h (v)(x) = v(x) (v( ) + v(+1) v( ) (x )) +1 2 v (t) dt. On obtient la seconde inégalité, en élevant au carré, en appliquant l inégalité de Cauchy-Schwarz, en intégrant sur [, +1 ] et en sommant sur i. Soit ɛ >, comme C ([, 1]) est dense dans H 1 (, 1), pour tout v H 1 (, 1), il existe φ C ([, 1]) telle que : v φ H 1 (,1) ɛ. Par ailleurs : (r h v) (r h φ) L 2 (,1) C v φ H 1 (,1) Cɛ. φ et ɛ étant fixés, on déduit de (6.3) que pour h assez petit : Finalement : φ (r h φ) L 2 (,1) ɛ. v (r h v) L 2 (,1) v φ L 2 (,1) + φ (r h φ) L 2 (,1) + (r h φ) (r h v) L 2 (,1) ɛ.