La Lettre Tecnic Patrimoine n 4 Le 01 septembre 2008 www.tecnicpatrimoine.com De l optimisation de la clause bénéficiaire démembrée dans le cadre d un contrat d assurance-vie La clause bénéficiaire démembrée permet d organiser la transmission d un capital dans le temps entre plusieurs bénéficiaires successifs dans un cadre fiscal optimisé, puisque seule la première transmission est fiscalisée, au titre du régime avantageux de l assurance vie. L articulation de la loi TEPA et de la position de l Administration Fiscale concernant la taxation de la première transmission, lorsqu elle est soumise au prélèvement de 20%, a fait de ce dispositif un outil de défiscalisation lorsque le conjoint est usufruitier. Il est utile de rappeler que la clause bénéficiaire démembrée peut être également un outil précieux, permettant un sensible allégement de la fiscalité successorale, lorsque l assuré a dépassé l âge fatidique de 70 ans, et ne peut plus de ce fait bénéficier du régime de l article 990 I du CGI. Place aux explications. 1
TOME 1 : l assurance vie et la clause bénéficiaire Bref rappel pour ceux qui ne sont pas encore convaincus par l assurance vie : Définition d un contrat d assurance vie : c est un contrat (enveloppe juridique) auquel sont attachés des avantages fiscaux. La base financière, cœur de l assurance vie, est constituée par l épargne du souscripteur qui a versé une prime unique ou réalise des versements complémentaires ultérieurs. Cet effort d épargne est investi sur différents supports financiers qui vont du fonds euros (garanti) aux OPCVM qui sont en réalité des paniers d actions regroupés selon des thématiques propres à chacune des maisons de gestion qui les commercialisent (telles CARMIGNAC, ROTHSCHILD, LA FINANCIERE DE L ECHIQUIER ). Le choix de l investissement est pris en concertation avec le client en fonction de plusieurs critères tels que son patrimoine financier global, son horizon de placement, sa connaissance des marchés financiers Un contrat peut très bien n être investi qu en fonds en euros ou être ventilé entre fonds en euros et supports financiers! En d autres termes, même si les placements choisis performent, la base principale des sommes qui seront transmises au(x) bénéficiaire(s) est constituée par l épargne du souscripteur. Pour chaque contrat, vous l aurez donc compris il y a trois acteurs : - Le souscripteur : celui qui prend la peine de faire la démarche et en général de faire les versements - L assuré : c est lui sur repose le contrat en cas de vie ou de décès (en général, c est le souscripteur mais pas toujours ) - Le bénéficiaire : celui qui «recevra la valeur du contrat» en cas de décès de l assuré. Chaque personne peut ouvrir plusieurs contrats d assurance vie et organiser ainsi une arborescence, quant à la transmission de ses deniers, qui lui sera complètement personnelle. La dévolution légale s efface doucement et laisse place au libre arbitre! La clause bénéficiaire : Sa rédaction est libre TECNIC PATRIMOINE vous propose de réfléchir avec vous à cette rédaction, tout en vous indiquant les conséquences civiles et fiscales de vos choix! Dans le cadre de la rédaction d une clause bénéficiaire, la moindre virgule a son importance et des familles entières se sont déchirées devant les tribunaux pour des questions d interprétation de clauses mal rédigées! Donc, que dire pour faire simple mais efficace : La clause doit être l expression de votre souhait et de vos envies (dans certaines limites toutefois ). Il peut y avoir un bénéficiaire ou plusieurs, de la totalité ou d une partie De plus attention, les choses ont changé Dans l inconscient collectif, enfoui au fond de nos mémoires, nous savions qu il ne fallait pas révéler aux bénéficiaires qu ils étaient bénéficiaires car une fois qu ils avaient accepté plus rien ne pouvait être changé Aujourd hui c est de l histoire ancienne, la bonne intention peut être révélée puisque le bénéficiaire ne peut plus accepter en cachette il faut trois signature celle de la compagnie, celle du souscripteur et celle du bénéficiaire! 2
Aujourd hui, TECNIC PATRIMOINE orientera donc les projecteurs sur la clause bénéficiaire démembrée, clause mal connue et rarement proposée parce que complexe à mettre en place mais tellement efficace! TOME 2 : la clause bénéficiaire démembrée Avant tout qu est ce que le démembrement? : Un immeuble, une part sociale une clause bénéficiaire d un contrat d assurance vie peuvent être démembrés. Quel vilain mot pour désigner simplement une division de la pleine propriété! Quelques équations à méditer : Pleine propriété = nue-propriété + usufruit Usus + fructus + abusus = pleine propriété Usus + fructus = usufruit Abusus = nue-propriété En d autres termes, mon usufruit me permet de jouir des choses. Ma nue-propriété, quant à elle, est un droit de jouissance à terme, puisque au décès de l usufruitier, son usufruit viendra se recoller naturellement à ma nue-propriété sans droits supplémentaires à acquitter. Je découvre donc que je peux démembrer une clause bénéficiaire d un contrat d assurance vie et donc transmettre l usufruit à une personne et la nue-propriété à une autre. Ne vivons nous pas dans un monde merveilleux? Ma clause bénéficiaire démembrée va donc me permettre d organiser la transmission d un capital dans le temps entre plusieurs bénéficiaires dans un cadre fiscal optimisé. Seule la première transmission au nupropriétaire et à l usufruitier sera fiscalisée dans le cadre avantageux de l assurance vie. Attention, même si elle est magique, la rédaction d une clause bénéficiaire démembrée doit être utilisée lorsqu elle a vraiment du sens dans une situation donnée. En général, dans le cadre d une transmission parent, enfant. Car en effet, il faut bien comprendre que l usufruitier peut tout dépenser si bon lui semble et qu il ne restera au nu-propriétaire qu un rêve de fortune La fiscalité, en cas de décès applicable au contrat d assurance vie, va dépendre de l âge du «souscripteur assuré» au moment de la souscription du contrat. Si les primes sont versées avant les 70 ans de l assuré : 1- La première transmission en faveur de l usufruitier : S applique en ce cas le dispositif de l article 990 I du CGI : un prélèvement de 20% est effectué, après abattement de 152 500 sur le capital décès (au titre des primes versées et des contrats souscrits à compter du 13 octobre 1998). La loi TEPA du 21 août 2007 a apporté une modification corollaire de l allégement des droits de succession et de donation : le prélèvement de 20% n est plus applicable dans les hypothèses où le bénéficiaire serait exonéré de droits de mutation à titre gratuit. Ainsi, depuis le 22 août 2007, le versement du capital décès est exonéré du prélèvement de 20% lorsque le conjoint est usufruitier (ou le pacsé ou le frère ou la sœur sous conditions) sans limitation de montant. 3
Précaution pratique : il convient de ne pas écarter le quasi usufruit, (seul cas prévu par la réponse ministérielle) et de bien préciser dans la clause que l assureur remettra la totalité des sommes dues à l usufruitier, qui disposera sur cette créance monétaire d un quasi usufruit, conformément à l article 587 du Code Civil. En effet, la réponse ministérielle concerne le quasi usufruit, mais ne résout pas la question des désignations écartant celui-ci ou le règlement du capital démembré en unités de compte. Les avis ont toujours été partagés sur le traitement fiscal dans ces hypothèses. 2- La seconde transmission en faveur du nu-propriétaire : Au décès de l usufruitier, la transmission au(x) nus)- propriétaire(s) se fait en franchise d impôt. En effet, en raison de l extinction de l usufruit liée au décès de l usufruitier, le bien dont la propriété fût démembrée se trouve dans le patrimoine du nu-propriétaire. Il y a alors réunion de l usufruit à la nue-propriété, sans que le nupropriétaire ait à payer de droits de succession (article 1133 du Code général des impôts). S il y a eu quasi-usufruit, la valeur de celui-ci vient au passif de la succession. La créance de restitution du nu-propriétaire est alors déductible de l actif successoral. Exemple : La clause bénéficiaire du contrat souscrit par Mr Prévoir désigne : «mon conjoint quasi usufruitier, mon enfant nupropriétaire» Au décès de Mr Prévoir : Le capital décès est de 500 000 (le conjoint perçoit les 500 000 en exonération de prélèvement de 20% et de droits de succession) Au décès de Madame Prévoir : Madame a dépensé 100 000, le capital restant est donc de 400 000. L enfant perçoit les 400 000 en exonération de droits de succession et a une créance de 100 000 sur la succession, déductible de celle-ci. Au total, l enfant percevra donc 500 000 en exonération de droits de succession. Si les primes sont versées après les 70 ans de l assuré : 1- La première transmission en faveur de l usufruitier : Dans ce cas, selon l article 757 B du CGI, les droits de mutation par décès sont appliqués, sur les primes versées après les 70 ans de l assuré, minorés de l abattement de 30 500 par assuré (sauf pour les contrats souscrits avant le 20.11.1991, exonérés).en cas de pluralité de bénéficiaires (exonérés et non exonérés), l instruction 7 G-7-07 du 31.12.2007, n 58 est venue préciser un avantage supplémentaire : pour la répartition de l abattement global de 30 500, il ne faut pas tenir compte de la part des personnes exonérées. L abattement profite intégralement aux parts taxées. La question de la valorisation des droits démembrés n est pas évoquée par l article 757 B, ni par l Administration. Mais tout le monde s accorde à considérer que la base taxable doit être répartie entre l usufruitier et le nu-propriétaire, au prorata de la valeur de leurs droits respectifs, qui doit être évaluée selon le barème de l article 669 du CGI, en fonction de l âge de l usufruitier : en effet, le barème fiscal de l usufruit s applique pour la liquidation des droits d enregistrement. Cette ventilation effectuée, les sommes taxables doivent être soumises aux droits de mutation en fonction du lien de parenté de chaque bénéficiaire avec l assuré. La triple minoration d assiette (assujettissement des primes et non du capital, abattement intégral de 30 500, soustraction de la quote-part de l usufruitier selon le barème) est de nature à réduire spectaculairement le montant des droits. 4
Exemple : Monsieur Joyeux a versé une prime de 300 000 sur un contrat d assurance vie après ses 70 ans. La clause bénéficiaire désigne : «mon conjoint usufruitier, mon enfant nu-propriétaire» Au décès de Mr Joyeux : Le capital décès est de 500 000. Madame Joyeux, usufruitière est âgée de 78 ans. Madame perçoit les 500 000 en exonération de droits de succession* L enfant Joyeux : s il n a pas consommé son abattement personnel de 151 900, pourra l utiliser ; il aura alors à acquitter (sur une assiette de 27 550 ) = 3 788 de droits de succession**. Il est à noter que le règlement de ces droits peut être conventionnellement mis à la seule charge de l usufruitier. Notons que si l abattement a été consommé, les droits de succession s élèvent à 34 178. Au décès de Madame Joyeux : Madame a dépensé 100 000, le capital restant est donc de 400 000. L enfant perçoit les 400 000 en exonération de droits de succession et a une créance de 100 000 sur la succession, déductible de celle-ci. Au total, l enfant aura donc perçu 500 000 pour un montant de droits de succession de 3 788. *d autres solutions sont ici possibles : le versement du capital sur un compte démembré entre Madame et l enfant par exemple **calcul : quote-part de nu-propriétaire selon le barème art 669 : 70% = 210 000 Moins abattement de 30 500 = 179 500 Moins abattement de 151 950 = 27 550 d assiette, soit 3 788 de droits à acquitter. 2- La seconde transmission en faveur du nupropriétaire : La seconde transmission effectuée au décès de l usufruitier sera exonérée en application des articles 1133 et 768 du CGI. Exemple : La clause bénéficiaire du contrat souscrit par Mr Classique désigne : «mon conjoint» Au décès de Mr Classique : bénéficiaire simple : En présence d une clause Le capital décès est de 500 000 (le conjoint perçoit les 500 000 en exonération de prélèvement de 20% et de droits de succession) Au décès de Madame Classique : Le conjoint perçoit, en pleine propriété, une somme qui se retrouve donc dans son patrimoine. Si le conjoint survivant n a pas dépensé la totalité du capital perçu, lors de son propre décès, ces sommes figureront donc à l actif de sa succession, et ses enfants paieront des droits de succession (sous réserve des différents abattements en ligne directe). Madame a dépensé 100 000, le capital restant est donc de 400 000. L enfant perçoit 400 000 (et non 500 000 ), sur lesquels il acquitte les droits de succession, soit : 47 888 si l abattement de 151 950 n a pas été déjà consommé, 78 278 si l abattement a été consommé Merci de nous avoir lu 5