La rupture conventionnelle du contrat de travail La loi portant modernisation du marché du travail a ouvert une nouvelle voie aux employeurs et aux salariés désireux de rompre le contrat de travail qui les lie. Ils peuvent depuis l arrêté du 18 juillet 2008 convenir d un commun accord des conditions de la rupture. Cette rupture résulte d une convention signée par les parties et doit garantir la liberté de leur consentement. Ce mode de rupture ne concerne que les CDI. Il n est pas prévu pour les CDD. La rupture conventionnelle ne peut pas s inscrire dans une démarche visant à contourner des procédures et des garanties légales. Elle est donc à exclure dans certains cas : période de protection de l emploi, accident du travail, maladie professionnelle, maternité, maladie de droit commun, inaptitude physique, procédure de licenciement engagée PROCEDURE Quatre étapes sont à retenir : 1. Entretien(s) entre les parties avec possibilité d assistance L'employeur et le salarié conviennent du principe de la rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens. La loi ne fixe pas un nombre d entretien. Selon l administration, «il est nécessaire que les parties procèdent au moins à un entretien préparatoire». Il est essentiel que le salarié sache qu'il peut, au cours des discussions, recueillir les informations et avis nécessaires à sa décision. L employeur doit lui rappeler la possibilité de contacter les services de Pôle emploi qui pourront l'aider à prendre sa décision en pleine connaissance de ses droits. Au cours des entretiens, chaque partie peut, sous certaines conditions, se faire assister. Assistance du salarié - par une personne de son choix appartenant au personnel de l entreprise, ou, - par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée à cet effet par le préfet, à consulter à la mairie ou auprès de l inspection du travail. Assistance de l employeur - par une personne de son choix appartenant au personnel de l entreprise, ou, - par une personne appartenant à son organisation syndicale d employeurs - par un autre employeur de la même branche soit, un confrère agent général d assurance. Si le salarié entend se faire assister, il doit en informer l employeur auparavant. 1 agéa direction services & conseils 01/2018
L employeur a la faculté de se faire assister mais seulement quand le salarié fait lui-même usage de ce droit. Si l employeur se fait assister, il en informe à son tour le salarié. - Il est conseillé d'organiser au moins deux entretiens, afin de garantir le libre consentement des parties, et de s'accorder sur une date permettant au salarié et à l'employeur de se faire assister. - Si aucun formalisme particulier n est imposé pour lancer les négociations, il est recommandé de formaliser l invitation à l entretien par un écrit. - L entretien peut avoir lieu pendant ou en dehors des heures de travail du salarié. Cependant, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de licenciement, il est conseillé de fixer la date et l heure de l entretien pendant le temps de travail et sur le lieu de travail. 2. Signature d une convention entre l employeur et le salarié A l issue du ou des entretiens, l accord se matérialise par la signature d une convention. Les parties peuvent remplir un formulaire type valant convention. Le formulaire est disponible sur le site du ministère du travail www.travail-emploi-sante.gouv.fr ou le saisir directement en ligne sur le portail www.telerc.travail.gouv.fr. Ce document doit être établi et signé en double exemplaire, l un destiné au salarié et l autre à l employeur. Un troisième exemplaire peut être rédigé et signé pour envoi à la DIRRECTE. La convention doit contenir au minimum : le montant de l indemnité de rupture : celui-ci ne peut être inférieur à l indemnité légale de licenciement (Cf. page 4 pour le mode de calcul + régime social et fiscal). Lors des pourparlers il convient de rappeler au salarié le régime fiscal et social de l indemnité négociée. la date de la rupture du contrat de travail : celle-ci ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l homologation par la DIRECCTE. Un délai plus long peut être prévu, notamment pour permettre à l entreprise de trouver un remplaçant ou pour assurer au salarié la jonction avec un nouvel emploi. Date et délai sont négociables sans tenir compte des délais de préavis applicables au licenciement ou à la démission. Afin de calculer cette date, il convient de prendre en compte : - le délai de rétractation de 15 jours calendaires, qui démarre le lendemain de la date de signature de la convention ; - le délai d acheminement postal de la convention à la DIRECCTE, qui ne peut être envoyée au plus tôt que le lendemain de l expiration du délai de rétractation ; - le délai de 15 jours ouvrables d examen de la convention par la DIRECCTE, qui commence à courir le lendemain du jour ouvrable de réception de la demande d'homologation ; - la rupture du contrat de travail ne peut intervenir au plus tôt que le lendemain de l expiration de ce délai d examen. 2 agéa direction services & conseils 01/2018
la signature des parties, avec la date et la mention manuscrite «lu et approuvé». A RETENIR Si le contrat de travail contient une clause de non-concurrence, il est possible de la supprimer par commun accord et de le formaliser dans la convention. 3. Délai de rétractation de 15 jours À compter de la signature de la convention, chacune des parties dispose d'un délai de 15 jours calendaires pour revenir sur sa décision. Ce délai, qui comptabilise tous les jours de la semaine (samedi et dimanche compris), démarre au lendemain de la date de signature de la convention et se termine au 15e jour à 24 heures. EXEMPLE Si une convention a été signée le 23 février 2018, les parties ont jusqu au 10 mars 2017 à 24 heures pour se rétracter. Il est à noter toutefois que le 10 mars 2018 est un samedi. Or l article R 1231-1 du Code du travail prévoit que lorsque les délais prévus par les dispositions légales relatives à la rupture du CDI expirent un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, ils sont prorogés jusqu au premier jour ouvrable suivant. Le délai de rétractation est alors prorogé jusqu au lundi 12 mars 2018 à minuit. Le droit de rétractation est exercé sous la forme d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l'autre partie. Il peut donc s'agir d'une lettre recommandée avec avis de réception ou d'une lettre remise à l'autre partie en main propre contre décharge mentionnant la date de remise. La loi n'impose pas à la partie qui se rétracte de motiver sa décision. Même si les parties ne souhaitent pas se rétracter, elles doivent respecter ce délai de rétractation et attendre son expiration pour poursuivre la procédure, et notamment demander l'homologation de la convention. 4. Homologation de la convention signée La validité de la rupture conventionnelle est subordonnée à son homologation. 3 agéa direction services & conseils 01/2018
Au plus tôt le lendemain de la fin du délai de rétractation, l employeur ou le salarié adresse une demande d homologation à l unité territoriale de la DIRECCTE du lieu où est établi l employeur, incluant un exemplaire de la convention de rupture. La demande d'homologation doit être effectuée au moyen d'un formulaire réglementaire dont le modèle a été fixé par un arrêté (Cf. document en annexe) et comprenant 3 parties. L'envoi peut être effectué par lettre recommandée avec avis de réception, ce qui est le moyen le plus efficace pour apporter la preuve de la date de réception par l'administration. Cependant, une remise directe à l'administration est possible. La DIRECCTE dispose de 15 jours ouvrables à compter de la réception de la demande pour instruire le dossier. En pratique, ce délai commence donc à courir le lendemain du jour ouvrable de réception de la demande d'homologation par la DIRECCTE et expire au dernier jour ouvrable d'instruction, à 24 heures. Par exemple, pour une demande parvenue le vendredi 9 février 2018, le délai d'instruction débute le samedi 10 février et expire le mardi 27 février à 24 heures. Il vérifie d'une part la validité du consentement des parties, et d'autre part les éléments fondant l'accord du salarié. À défaut de notification d un refus d homologation dans le délai de 15 jours ouvrables, l'homologation est réputée acquise. Lorsque l'homologation est refusée, les parties restent liées par le contrat de travail, qui doit continuer à s'exécuter dans les conditions habituelles. LITIGES L'une ou l'autre (ou les deux) des parties peut former un recours devant le Conseil de prud hommes, seul compétent pour connaître des litiges concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation. La décision d'homologation ne peut pas faire l'objet d'un recours hiérarchique, ni d'un recours contentieux. Le recours devant le juge prud'homal doit être formé, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de 12 mois à compter de la date d'homologation de la convention. 4 agéa direction services & conseils 01/2018
RUPTURE CONVENTIONNELLE DU CONTRAT DE TRAVAIL DES SALARIES PROTEGES Les salariés bénéficiant d une protection en cas de licenciement en raison du mandat dont ils sont investis (délégué syndical, délégué du personnel, membre élu du comité d entreprise, Conseiller prud homal.) peuvent également faire l objet d une rupture conventionnelle. Mais par dérogation, c est l inspecteur du travail qui est compétent pour accorder ou non une autorisation valant homologation. A l issue du délai de rétractation de 15 jours calendaires, l employeur adresse par lettre recommandée avec AR la demande d autorisation à l inspecteur du travail, accompagnée du formulaire spécifique aux salariés protégés. L inspecteur du travail dispose également d un délai de 15 jours ouvrables pour instruire le dossier. Les recours contre les décisions des inspecteurs du travail sont formés devant le ministre du travail et/ou devant le tribunal administratif. CONSEQUENCES DE LA RUPTURE Indemnité de rupture Le salarié perçoit une indemnité de rupture conventionnelle quelle que soit son ancienneté. Son montant ne peut être inférieur à : 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté jusqu à 10 ans 1/3 de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté. Sa base de calcul est la moyenne des trois ou 12 derniers mois bruts de salaire, selon le montant le plus favorable pour le salarié. Exemple de calcul : - Collaborateur à dominante gestionnaire avec un salaire moyen de 1 500. Exemple n 1 Pour un salaire de référence de 1 500 et une ancienneté de 5 ans, l indemnité due est de 1 875 : 1 500 : 4 = 375 375 x 5 ans = 1 875 5 agéa direction services & conseils 01/2018
Exemple n 2 Pour un même salaire de référence et une ancienneté de 12 ans, l indemnité due est : au titre de l ancienneté jusqu à 10 ans : 1 500 : 4 = 375 375 x 10 ans = 3 750 au titre de l ancienneté au-delà de 10 ans : 1 500 : 3 = 500 500 x 2 ans = 1 000 Soit une indemnité de licenciement d un montant total de 4 750 (3 750 + 1 000 ) Pour un salarié ayant moins d un an d ancienneté, l indemnité sera calculée au prorata de la durée de présence dans l entreprise (par exemple : pour un salarié ayant 7 mois d ancienneté, l indemnité sera de 1/4 de mois / 12 X 7). Ce montant est un minimum et les parties ont la faculté de le dépasser. Cette indemnité bénéficie des mêmes exonérations fiscales et sociales que l indemnité de licenciement, sauf si le salarié est «en droit de bénéficier d une pension de retraite d un régime légalement obligatoire». Cotisations sociales CSG-CRDS Impôt sur le revenu Salarié n étant pas en droit de bénéficier de sa pension retraite Exonération dans la limite de 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale, à hauteur du plus élevé des montants suivants : - montant légal ou conventionnel de l indemnité de licenciement - double de la rémunération brute de l année civile précédant la rupture Exonération dans la limite du montant légal ou conventionnel de l indemnité de licenciement Exonération dans la limite la plus élevée des 3 suivantes : - montant légal ou conventionnel de l indemnité de licenciement - double de la rémunération brute de l année civile précédant la rupture - moitié de l indemnité versée, - moitié de l indemnité versée Salarié étant en droit de bénéficier de sa pension retraite Assujettissement total Assujettissement total Assujettissement total 6 agéa direction services & conseils 01/2018
Attention : pour un salarié n étant pas en droit de bénéficier de sa pension de retraite, l indemnité de rupture conventionnelle est soumise, depuis le 1 er janvier 2013, au forfait social de 20% (cotisation uniquement patronale) dans la limite de 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (soit 79 464 pour 2018) Autres indemnités Selon les cas, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de congés payés, ainsi qu'à l'ensemble des éléments de rémunérations dus par l'employeur à la date de la rupture du contrat de travail. Ainsi, si le contrat de travail comporte une clause de non-concurrence, la contrepartie financière doit être versée dans tous les cas de rupture même si le contrat ne prévoit son paiement qu à l occasion d un licenciement ou d une démission. Si l employeur décide de dispenser le salarié de l exécution de la clause de non-concurrence, il doit le faire par lettre recommandée avec AR dans les 15 jours suivant la date de rupture du contrat de travail prévue dans la convention de rupture (sauf dans l hypothèse où la clause a été levée par accord des parties dans la convention de rupture). Documents à remettre au salarié Au moment du départ, l'employeur doit remettre au salarié : - un certificat de travail ; - une attestation Pôle emploi ; - un solde de tout compte dont il demandera au salarié de lui délivrer reçu. Droit au chômage Le salarié dont le contrat fait l objet d une rupture conventionnelle a droit aux allocations chômage dans les conditions de droit commun. 7 agéa direction services & conseils 01/2018
Procédure de la rupture conventionnelle Entretien «employeur/salarié» Assistance possible Signature du CERFA Envoi du CERFA à la DIRECCTE Droit de rétractation des 2 parties (15j calendaires) Contrôle liberté de consentement & validité (15j ouvrables) Saisine du Conseil de Prud hommes 12 mois Non Homologation Homologation 12 mois Saisine du Conseil de Prud hommes Ou Rupture du contrat Période jusqu à la date de fin du contrat 8 agéa direction services & conseils 01/2018