Les rendez-vous de la com n 3 - Marie-France Carron au Théâtre de la Cité internationale, Paris

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1 17/09/13 Les rendez-vous de la com n 3 - Marie-France Carron au Théâtre de la Cité internationale, Paris Ses animations web nous font sourire régulièrement et ses visuels nous transportent «ailleurs», d ici à dire qu il nous scotche... le Théâtre de la Cité internationale à Paris a développé une ligne graphique bien à lui. Pour ce troisième rendez-vous de la com (voir ici le 1, et ici le 2), j ai interviewé pour vous Marie-France Carron, la secrétaire générale du Théâtre, afin de revenir sur sa collaboration avec les graphistes de Wapico. DB : - Vous avez commencé votre collaboration avec Wapico il y a 5 ans. Comment s est fait le choix de ce graphiste, et de cette ligne graphique? Marie-France Carron : - Nous avons débuté notre collaboration avec l agence de design graphique suisse Wapico lorsque Pascale Henrot est arrivée à la direction du Théâtre de la Cité internationale. Sous la direction de Nicole Gauthier, le théâtre avait déjà une image extrêmement forte, liée à son identité et à aux choix programmatiques (pour rappel, beaucoup de théâtre et peu de danse, avec une mission de vitrine des jeunes compagnies). Pour cette identité, nous avions, à l époque, défini avec Nicole les codes suivants : - urbain - photographique - couleur - diversité - mouvement Le résultat était, souvenez-vous, une communication très «punchy», très colorée, avec beaucoup de photos urbaines sur le mouvement. Le projet artistique de Pascale Henrot se situe dans la continuité du précédent, mais avec des réorientations assez importantes : ainsi, le Théâtre de la Cité est devenu pluridisciplinaire, il s est ouvert à la danse (c est même une dominante) et propose une programmation «musique» et «arts visuels». Sa ligne artistique est basée sur la notion de décalage ; il questionne aussi parfois le code-même de la représentation. Les rythmes de présentation des spectacles et de la communication ont changé. Nous sommes passés d un rythme de présentation annuel

2 à un rythme semestriel. Grande différence aussi dans les modes de représentations : Pascale parle de «Points et de lignes», c est-à-dire de moments forts (festivals, évenements sur plusieurs jours, les «points», donc) et séries plus longues d un même spectacle «les lignes»-. Jusqu alors, le Théâtre de la Cité présentait majoritairement des séries longues. Pour réorienter l identité de la Cité, j ai travaillé en étroite collaboration

3 avec Pascale. Nous voulions conserver le capital existant, tout en emmenant le public vers autre chose sans rupture, dans une logique de continuité. Dans un premier temps, nous avons trié les documents de communication que nous recevions et les avons classés en 3 piles, une intitulée les «surtout pas», l autre les «assez intéressant» et enfin les «moyen». Chacune dans notre bureau, nous nous avons pris quelques mois pour récolter ces documents. Puis nous avons beaucoup échangé. Après avoir réuni les documents qui nous paraissaient intéressants, nous avons analysé ensemble pourquoi ils nous intéressaient, à quoi ils correspondaient, de quelle stratégie ils étaient issus. Puis, en relevant les noms des graphistes ou des agences qui les avaient concus, nous avons pris des renseignements à leur sujet via Internet. Nous en avons sélectionné 4 ou 5. J ai alors rédigé un brief stratégique de 3 pages et j ai fait un appel d offre. Le principe était de commander la création d un nouveau logo et une refonte de l ensemble des supports de communication du Théâtre de la Cité. J ai envoyé ce brief aux 4 graphistes, dont l agence Wapico. Un budget était prévu pour ce concours. Les quatre ont accepté de participer et nous ont présenté leurs propositions. C est le projet de Wapico qui a été retenu, car il nous semblait le plus radical et le plus décalé, avec une réflexion vraiment originale. Wapico est toute petite agence suisse de 7 ou 8 personnes basée à Berne, qui travaille aussi bien pour des lieux culturels (L Arsenic, Le centre culturel suisse à Paris), mais aussi dans le secteur des services, des banques, des collectivités locales René Walker en est de directeur artistique. DB : - Quelle était la problématique pour lancer une nouvelle ligne graphique? MFC - En préambule, j avais exposé à Wapico qu à Paris, la concurrence est effroyable, et que le positionnement à adopter doit être stratégique. Les valeurs de l identité du Théâtre sur lesquelles je leur avais demandé de travailler étaient les suivantes : - Une posture artistique exigeante - Un questionnement sur les codes de la scène et sur les codes de la représentation ; comment peut-on les décaler? Mais décalage aussi dans ce qu on peut penser être une sortie au théâtre : un «ailleurs». - L égalité : entre la scène et la salle, nous cherchons l égalité; l artiste est celui qui questionne sur le mode sensible et ceux qui sont là, ce jour, partagent avec lui ce questionnement. La connivence est alors le mode d adresse qui peut dire ça : d un côté et de l autre du plateau, on se ressemble - L humour, en tant que mode de relation au monde. L humour permet aussi de dédramatiser la posture du spectateur ; celui-ci peut avoir des réticences pour venir au théâtre, car il peut se demander : vais-je comprendre? Vais-je me sentir à ma place? Est-ce pour moi? Vais-je pouvoir appartenir à ce collectif? Est-ce que je vais pouvoir partager? Nous travaillons beaucoup sur ces notions et avons choisi de prendre le positionnement de l humour. Nous voulons dire aux spectateurs que tout ne passe pas forcément par l intellect et le cognitif. - Un lieu convivial, qui ne suit pas les codes : notre théâtre est un

4 espace décontracté, ouvert, tout sauf «snob». Le personnel d accueil y est adorable, le bar est sympathique, abordable, les artistes le fréquentent. Nous mettons en avant sa proximité : il est facile de venir, les tarifs sont abordables, les places non numérotées Notre théâtre est simple, immédiat, pas «prise de tête» mais en même temps exigeant. - Un lieu implanté dans le cadre exceptionnel de la Cité universtitaire, avec des jeunes venant du monde entier. Et c est la campagne dans Paris. On traverse l avenue et on est «ailleurs»! - La mobilité : car au départ, l idée de Pascale était de faire des spectacles en dehors des salles : dans le parc, dans les maisons de la Cité : on fait théâtre partout, on sort des cadres. Ces valeurs devaient donc être traduites graphiquement. DB : - Quelle a donc été la proposition de Wapico? MFC : - LE LOGO : Wapico a été excellent avec sa proposition de logo. Celui-ci a très bien répondu à la question du décalage, ainsi qu à celle de la mobilité, avec un logo en scotch. Le fait qu il ne soit jamais le même est un contrepied à la doxa du logo. Nous avons travaillé sur l éclatement, la sortie du cadre, et sa déconstruction. La liberté est totale : on peut positionner le logo où l on veut. A partir du moment où on le re-créra on construira une identité, c est là où cette proposition est très forte : la deconstruction-même est la source de l identité. En plus, le scotch colle partout, on ne peut pas s en défaire. Le Théâtre de la Cité laisse donc des traces! Et cela nous intéressait, car dans les arts de la scène, on se pose la question : A la fin du spectacle, éphémère par essence, qu en reste-t-il? Quelles traces? Wapico a proposé un logo en lettres jaunes avec deux fonds de couleurs différentes : un violet et un rouge, car nous avons souvent deux spectacles en même temps. Ce logo est en perpétuelle évolution, il bouge tout le temps : il comportait initialement deux bandes et il en a gagné d autres depuis. LES VISUELS : les graphistes de Wapico ont choisi de nous proposer des images fortes, drôles, impactantes, à la lecture immédiate mais très souvent discrètement métaphoriques. Comme nous souhaitions communiquer par semestre, ils ont travaillé sur la saisonnalité, dans le cadre de la nature qui entoure d ailleurs le théâtre - en y mettant du décalage, et en poussant cette nature encore plus loin. Ainsi, ils alternent les grandes saisons d été et d hiver. Wapico a créé pour nous une grande bibliothèque d images, qui vient de partout dans le monde. Nous avons édité de grands rouleaux de scotchs «Théâtre de la Cité». A chaque fois que les graphistes voyagent, ils vont scotcher «physiquement» des endroits et les photographient. Ils donnent parfois du scotch à des amis plasticiens qui font la même chose ailleurs, comme autant de micro-preformances anonymes autour de notre Théâtre. Il y a donc des traces du Théâtre de la Cité un peu partout dans le monde! Ces photos alimentent notre base d images, qui est sur notre site, mais aussi notre imaginaire et celui des graphistes. Il s agit donc d images décalées, et non d images de spectacles. Et pendant les premières années, nous n avons pas pu abandonner les photos de spectacles sur les documents les concernant. Nous avons

5 donc installé les images de Wapico institutionnelles, donc -pour notre communication semestrielle, et nous avons travaillé avec des photos de spectacle pour les tracts en se disant que le scotch ramenait à la ligne graphique. Maintenant, nous franchissons une autre étape, et nous parvenons à négocier des images «Wapico» et non celles de leur spectacle aux compagnies accueillies. Mais ceci dans un dialogue constant avec elles car nous n imposons jamais une image. Pour chaque spectacle, Wapico reçoit un dossier ressource, un entretien avec l artiste, des photos. Je leur fais un brief, et Wapico revient avec jusqu à 5 propositions. Nous en débatons en interne avec Pascale et en gardons 2 ou 3 que nous proposons aux artistes. Là, il nous arrive de faire plusieurs aller-retour ; c est long, mais nous souhaitons cette relation-là avec les artistes. C est la marque de fabrique du Théâtre de la Cité. DB : - Avez-vous fait évoluer la ligne graphique parce que le projet artistique lui-même avait évolué? MFC : - Non, je dirais que nous évoluons sans cesse et que le mouvement appelle le mouvement. Par exemple, je souhaitais changer le format des semestriels. Ceux-ci comportaient trop de textes et étaient trop lourds à produire. Ils nous semblaient trop académiques. En trois ans, nous avions renouvelé notre image, notre public. De plus, avec internet, on n a plus besoin de toutes ces informations sur le papier, car on peut chercher des textes plus approfondis sur le net. C était le moment d évoluer. J ai donc demandé à Wapico d alléger ces programmes semestriels et de les élaborer «à géométrie variable» afin de pouvoir disposer d éléments recomposables en fonction des centres d intérêt des personnes, de la période Wapico a donc proposé ces feuillets grands formats. Et cela correspondait vraiment à ce que je voulais : quelque chose de léger, qui permet de voir la saison en un coup d œil, qui ne prend pas de place, et dans lequel viennent se rajouter, encartés, d autres feuillets grands formats pour les temps forts. On distribue plus ou moins de documents, selon les personnes que l on rencontre et selon les périodes. Ces feuillets sont pliables et peuvent aussi être distribués seuls. DB - Quels autres supports de communication utilisez-vous? Flyers? Affiches? Supports internet? MFC : -Les spectacles non inclus dans un temps fort ont, quant à eux, une communication sous la forme d un flyer, dont le format est plus petit que celui du semestriel et des temps forts. Depuis quelques saisons, nous ne faisons plus d affiche, sauf pour la signalétique du lieu. Les réseaux d affichage coûtent trop cher à Paris. Nous travaillons différemment. En effet, la déclinaison internet est très importante et nous avons construit des outils performants, depuis longtemps. Nos animations web, par exemple, sont très attendues! Notre site internet est géré par l agence web le Hub depuis longtemps. Il ont re-designé notre site sur les indications de Wapico au moment du changement de ligne graphique.

6 Mais, tous nos outils relationnels - vignettes, animations.. - sont développés en interne. Nous avons également une page Facebook très bien animée, un compte Twitter, un Soundcloud. Nous avons créé un blog particpatif pour les résidents de la Cité. Le web permet d affiner nos messages en fonction des personnes et des communautés. Nous avons aussi refait notre newsletter qui est assez sophistiquée, avec beaucoup de contenus. Cette notion de «contenu» est importante dans notre communication, car nous souhaitons à la fois de la connivence avec notre public, mais aussi de l exigence et du contenu. Nous avons demandé à un écrivain, Stéphane Bouquet, de concevoir pour chaque spectacle des interviews, des textes, qui nous pemettent de fournir des dossiers à nos relais. DB : - Vous nous avez parlé des retours des artistes invités, mais quels retours votre public fait-il sur cette communication? MFC : - Nous faisons régulièrement des études de public, et des mini-sondages : sur notre image, sur l accueil Nous aimons bien demander son avis au spectateur. Et il fait souvent des commentaires sur nos vignettes web, nos animations. Mais tout cela se fait dans l humour, puisque c est notre mode de communication! DB : - Comment pourriez-vous qualifier cette collaboration avec Wapico? MFC : - Cette agence est dans l écoute, avec élégance. On se parle facilement. Nous avons une belle relation et cela dure, ce qui est intéressant. Mais c est aussi le cas en interne : l équipe est très créative, et chacun, à son poste, apporte une vraie plus-value aux propositions des autres. Par exemple, l agence Wapico propose les visuels et a défini la ligne graphique, mais l éxécution se fait ici, avec notre propre graphiste en interne. Sur les images, nous sommes donc aussi sur le dialogue. Tout se fait dans la confiance, chacun donne beaucoup, est dans l apport permanent à tous les niveaux. Chacun y met du cœur, du plaisir, on a envie de partager, et ça bouge, on n est jamais figé. DB : - Et ça se sent! Exemples de programmes Grand format pour les semestres et les temps forts