Forum énergie France Japon : État des lieux et perspectives. CCIP lundi 15 octobre Résumé des débats

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1 Forum énergie France Japon : État des lieux et perspectives CCIP lundi 15 octobre Résumé des débats OUVERTURE M. Pierre-Antoine Gailly, président de la CCIP et du CEFJ L énergie a un sens, c est la force en action. La question de l approvisionnement en énergie suscite des inquiétudes et pose le problème du partage et de la consommation. En France comme au Japon, le rôle de l État est primordial. La crise nucléaire au Japon nous donne une leçon et dessine un objectif : laisser aux générations futures une société meilleure. Remerciements aux participants. M. Didier Kechemair, consultant Données comparées des deux pays. Le Japon a une population de plus de 300 habitants par km2, la France de moins de 120. Les pyramides des âges sont différentes. Autres différences : une forte sismicité au Japon, la présence en France d un grand nombre de cours d eau. Insularité japonaise, présence de voisins aux frontières françaises. Différences en matière d urbanisation, présence massive des populations du Japon dans les très grandes villes. Au Japon plus de 80% de la dépense énergétique dépend des importations, moins de 50% en France. Pour la production électrique, elle est nucléaire à 80% en France et elle était au Japon en 2010 de 26%, les énergies fossiles représentant 63%. Le système de distribution électrique japonais souffre d une séparation en deux réseaux, l un en 50 Hz, l autre en 60 Hz. La France est exportateur net d électricité et bénéficie d un réseau interconnecté avec ses voisins. Dans les deux pays, l essentiel de la consommation électrique est absorbé dans le résidentiel et par les activités tertiaires (65%). Le prix de l électricité est de 0,19020 le KW/h au Japon 0,12 en France (le plus bas niveau en Europe). De grands efforts d économie de la consommation sont demandés au Japon depuis En France de nouvelles normes dans le bâtiment visent à limiter la consommation d énergie primaire à 50 KW/h par mètre carré et par an. KEYNOTE SPEECHS M. André-Claude Lacoste, président de l autorité de sûreté nucléaire L accident de Fukushima est marqué par un violent tremblement de terre, suivi d un tsunami. Les installations ont bien résisté au séisme, mais le tsunami a été à l origine de multiples défaillances. La décision de refroidir les installations à l eau de mer a été prise par le 1 er ministre japonais, ce qui montre bien l état de désorganisation causé par la crise. Les 1

2 quantités de rejets correspondent à 1/10 des rejets suite à l accident de Tchernobyl ; ils sont constitués de plus d éléments lourds, donc ils ont été moins dispersés. La surface contaminée est de 20 X 60 km. L accident a conduit à l arrêt de nombreuses centrales nucléaires au Japon. Près de personnes sont mortes du fait du tremblement de terre et du tsunami, indépendamment du nucléaire. Du point de vue de l Autorité française, la France confirme qu un accident nucléaire peut toujours survenir. L improbable est possible. L ensemble des pays européens ayant un parc de centrales nucléaires se livre à des «stress-tests». Ce procédé s est étendu aux pays voisins. En France, deux programmes sont en cours, l un défini par la Commission Européenne, l autre par le premier ministre du gouvernement Français. On étudie les circonstances extrêmes en cas de séisme, d absence d alimentation d eau ou d électricité. Les conclusions ont été publiées et s articulent autour de 3 axes : premièrement, il n y a pas motif à arrêter, dans l immédiat, les centrales nucléaires en France. Deuxième point, il est nécessaire d augmenter dans les meilleurs délais, au-delà des marges de sûreté existantes, la robustesse des centrales nucléaires face à des situations extrêmes. Cela se traduit entre autres par la volonté de l Autorité française d imposer la mise en place d un «noyau dur» et, suite à la proposition d EDF, de mettre en place progressivement une force d action rapide nucléaire (FARN) disposant de moyens humains et matériels suffisants pour intervenir sur un site accidenté en moins de 24 heures. Troisième axe, les facteurs sociaux, organisationnels et humains sont un élément essentiel de la sûreté. Par exemple comment réagiraient les chauffeurs d autobus en cas de nécessité d évacuer les populations? Autre problème : la coordination entre les acteurs : État, collectivités territoriales, Europe. Après l accident de Three Miles Island, il a fallu 6 ans pour évaluer l état de dégradation du cœur du réacteur. Pour Fukushima, il faudra compter 10 ans. Cela pourra donc conduire à amender des décisions prises aujourd hui en France. Des stress tests sont menés partout dans le monde, mais pas forcément avec la même rigueur. Le plan d actions établi par l agence internationale de l énergie atomique (AIEA) de Vienne traite de la responsabilité des exploitants et des régulateurs. En conclusion, je ne crois pas à l efficacité qu aurait une éventuelle autorité mondiale ou européenne sur le sujet. Elle ne serait pas respectée (voir ce qui s est passé en matière d OGM ). 2

3 M. Hideo Hato, président de Nedo Remerciements aux organisateurs L enjeu du débat est de rendre possible le rétablissement de la vigueur économique de nos deux pays grâce à la pertinence des politiques économiques. Il y a derrière les diversités de chacun de nos pays une identité de considération des intérêts nationaux, ce qui dessine un chemin vers l avenir. Présentation du Nedo. C est une agence paragouvernementale fondée en 1980 par le MITI, devenu aujourd hui le Ministère de l Economie, du Commerce et de l Industrie. Son objectif : - Réduire le recours aux combustibles fossiles à la suite des crises pétrolières mondiales. - Soutenir les activités du secteur privé en recherche et développement et dans le domaine des innovations en faveur des technologies énergétiques, environnementales et industrielles ainsi que dans celui des technologies innovantes. Le Nedo fédère les projets des points forts des industriels, de la communauté scientifique et des pouvoirs publics. Il conduit des projets hors du Japon, comme le démonstrateur de réseau intelligent du Grand Lyon, cela en coopération avec son homologue français, l ADEME. Évaluation de la situation économique au Japon. Le pays a peu de ressources naturelles énergétiques. Son activité industrielle et économique repose sur une production massive d électricité. Les questions sont : le mix et l indépendance énergétique, le coût de l énergie, les émissions de gaz à effet de serre, l équilibre entre l approvisionnement et la demande, le respect de l engagement international. Nous devons veiller à diversifier les sources d approvisionnement. Le remplacement de l électricité nucléaire par le thermique nous fait atteindre une dépense énergétique de 300 milliards d euro par an. Le développement des énergies renouvelables est très coûteux. L objectif de réduction de 25% des émissions de CO2 en 2020 résistera-t-il à la réduction de la part de nucléaire? 3

4 Comment trouver un chemin? Il est raisonnable de ne pas se passer du nucléaire à court terme et de développer les renouvelables. Le 14 septembre, le gouvernement japonais a annoncé l arrêt d ici à trente ans de la production nucléaire. Mais nous ne pouvons pas renoncer à maintenir la vigueur de nos activités sociales et économiques. Le Japon doit maîtriser l énergie en misant sur les technologies de l information, de la communication et des batteries. Le Nedo développe avec ses partenaires des projets Smart communities. Il y a 4 projets démonstrateurs au Japon et 5 à l étranger, par exemple dans le domaine des véhicules électriques. La normalisation devient aussi un enjeu majeur. L avenir est la vie en réseaux. Les uns et les autres doivent construire ensemble un chemin vers la transition énergétique. Table Ronde 1 : Politiques énergétiques en France et au Japon M. Pierre-Franck Chevet, Directeur général pour l énergie et le climat du Ministère de l Écologie, du Développement durable et de l Énergie, représentant du dialogue francojaponais sur l énergie. La France et le Japon ont tous deux des politiques historiques structurées dans le domaine de l énergie. La donne change beaucoup dans le domaine du gaz, dont le marché est plus régional que celui du pétrole. Le problème climatique est commun aux deux pays. Aucun n a de ressources en hydrocarbures et donc la dépendance énergétique reste grande, même avec le nucléaire. En France, même avec la relative indépendance de la production électrique due au nucléaire, il faut savoir que 75% de la consommation énergétique reste hors électricité dans notre pays. Point commun aux deux pays : l espace est compté. Il y a un problème lié à la consommation d espace pour l implantation de nouveaux ouvrages de production d énergie, et lié à l acceptabilité par la population de ces ouvrages. Élément de différence : l insularité du Japon qui a des conséquences très fortes. L Europe dispose d un réseau très interconnecté, précieux en cas de coups durs. Le Japon n a pas l équivalent et souffre de plus d un déficit de connexion de ses réseaux internes. L expérience montre qu il faut disposer d une capacité de réserve pour pouvoir faire face aux situations exceptionnelles. 4

5 Le Japon paye une facture énergétique de 300 milliards d euros par an, qu il a vu croître de 60 milliards à la suite de Fukushima, l équivalent de la facture française. Le parc éolien au Japon est surtout constitué de dispositifs flottants, en mer. On distingue des possibilités de coopérations entre les deux pays sur la géothermie, l efficacité énergétique, la régulation, la connexion des réseaux. Trois réunions franco-japonaises sont en préparation. M. Koji Toyokuni, directeur général du Jetro, Paris. Le séisme de l année dernière, de magnitude 9, a fait victimes. Les centrales du Tohoku ont été très touchées, l approvisionnement d électricité a ainsi baissé considérablement. L accident de la centrale de Fukushima Daiichi a causé d énormes dégâts, cependant avec les mesures prises, le gouvernement japonais a annoncé que la centrale est dans un état d arrêt stable, en phase de refroidissement. Les tâches qui restent autour de la centrale de Fukushima sont aujourd hui la décontamination et l indemnisation des victimes. Concernant d autres centrales de la région touchées par le séisme : L arrêt de la centrale d Onagawa s est fait en sécurité, les groupes électrogènes ayant été placés en hauteur. La centrale de Higashi dori de Aomori, qui était à l arrêt pendant le séisme, n a pas eu de problème. Après le grand séisme, l enjeu majeur était de comment traiter l offre et la demande d électricité. Un objectif de baisse de 15% de la consommation a été fixé à l été Une nouvelle loi a obligé les grandes entreprises d économiser l énergie. Des actions sont menées en direction des petits utilisateurs, notamment des PME, de sensibilisation aux économies d électricité. Par conséquence, le Japon a pu éviter toute coupure d électricité pour l été Néanmoins, la leçon des faits est qu il faut disposer d une certaine marge de réserve en approvisionnement pour pouvoir faire face à toute éventualité et éviter une situation de panne d approvisionnement. Dans la situation extraordinaire de l été 2011, la population a fait preuve d esprit de coopération. Suite à la remise en état de certaines centrales, on a réussi à régler le problème de l insuffisance de l offre en 2012, mais on se trouve devant celui des coûts. Le coût des carburants dégrade l état financier des compagnies d électricité, ce qui augmente le coût de la production d énergie électrique. Notre problème de reconstruction est énorme. Il faut faire repartir les usines et l économie sur fond de situation morne avec un yen cher, d où un approvisionnement en énergie bon marché devient primordial afin de maintenir la compétitivité des entreprises. L énergie nucléaire y a sa place. Il ne faut pas oublier cette vision pour étudier la politique énergétique. 5

6 Jean-Marie Chevalier, professeur à l université Paris Dauphine. La situation est marquée par une série d incertitudes Incertitude géopolitique liée à l instabilité politique au Moyen-Orient et aux autres pays producteurs de pétrole et de gaz. En 2003 grèves au Venezuela, troubles au Nigéria, guerre d Irak. Grâce à l Opep, le prix du pétrole n a pas bondi. Incertitudes liées à la géologie, relatives par exemple aux gisements en Arctique. Incertitudes liées à la technologie : on ne connaît pas les coûts des nouvelles technologies. Incertitudes climatiques : qui va payer les frais du réchauffement. La situation des pays n est pas égale. Il sera plus facile aux Pays-Bas de s adapter à la montée des eaux qu au Bengladesh. En réalité on ne fait pas grand-chose pour prévenir le risque climatique. On trouve l argent pour financer le pétrole, le gaz et le charbon, mais pas pour financer les renouvelables ; il y a une asymétrie entre énergies polluantes et énergies non polluantes. Principes pour une politique de l énergie. 1. Rechercher l efficacité énergétique dans un contexte de difficultés économiques 2. La diversité : aucune énergie n est parfaite. Il faut donc les combiner, mais aussi expérimenter et innover. 3. La flexibilité : on a besoin de marges. Il existe des outils flexibles. Les États-Unis jouissent d une flexibilité que nous n avons pas. Il est nécessaire de construire un système de solidarité européenne pour l augmenter. La France a un système thermovulnérable qui rend nécessaire l aide de ses partenaires. 4. La sécurité. On a interdit d exploiter les gisements de gaz de schiste au nom de la sécurité. Une clé : l innovation, pas seulement technologique mais organisationnelle et financière. M. Nobuo Tanaka, conseiller spécial, the Institute of Energy economics, ex-directeur exécutif de l Agence internationale de l énergie La nécessité de garantir les approvisionnements est prioritaire, l Asie a toujours besoin d énergies fossiles pour sa croissance économique. Or, le Moyen Orient est instable. Si Israël attaque les sites nucléaires d Iran, le détroit d Ormuz sera bloqué, d où pénurie d approvisionnement des centrales thermiques japonaises. Si les centrales nucléaires sont à l arrêt, la pénurie d électricité causerait une grave crise économique. La quasi-totalité des centrales nucléaires n est pas repartie au Japon. Je considère que la sécurité énergétique du pays n est pas prise en compte, ce qui est angoissant. La planète a besoin de nucléaire. 6

7 L Allemagne a décidé d arrêter ses centrales en 2022 parce qu elle sait pouvoir s approvisionner sur les réseaux électriques de ses voisins, donc de l électricité nucléaire française. Le Japon ne peut le faire. De plus il y a deux zones herziennes non commutables. L AIE a déclaré que ces deux réseaux herziens sont un problème, or le gouvernement japonais n avait pris aucune mesure pour régler ce problème jusqu au 11/03/2011. Par conséquence, l est de Japon a vu une grave coupure d électricité. Il faut savoir réfléchir sur ses échecs pour pouvoir repartir. Le réseau de gazoducs au Japon est précaire et insuffisamment raccordé. Il faut en construire un nouveau et le raccorder avec celui de la Russie pour assurer l approvisionnement de gaz. Ainsi le Japon, dépendant jusqu alors de l import de GNL, saurait diversifier ses sources de fournitures. L Europe fait un effort pour consolider l approvisionnement d énergie en raccordant les réseaux électriques et les gazoducs. L Asie, y compris le Japon, doit suivre l exemple. Questions/Réponses M. Pierre-Franck Chevet Le problème posé est celui de l efficacité économique des politiques. M. Koji Toyokuni, directeur général du Jetro, Paris. Fukushima nous enseigne qu il nous faut avoir des fournitures d énergie suffisantes, stables et bon marché afin de redresser l économie et l industrie du pays. La réflexion sur les centrales nucléaires devrait porter ce point de vue. Une personne dans la salle expose son activité de petite entreprise se consacrant à la production d énergie par la biomasse. Le modérateur ne donne pas suite à cette intervention que ne complète aucune question aux intervenants. Table Ronde 2 : Futur du mix énergétique en France et au Japon, rôle des industriels M. Hervé Machenaud, directeur exécutif groupe, directeur Asie Pacifique EDF Les électriciens sont au service de la politique énergétique de leur pays. Les industriels doivent rappeler l aspect industriel du problème. À partir de 1970, EDF s est lancée dans un programme nucléaire et a développé depuis 2000 les énergies renouvelables. Pendant cette période, EDF a été promoteur de la maîtrise de la consommation énergétique. Quel sera le mix énergétique de l avenir? L énergie est un produit de première nécessité, qui est rare mais doit rester disponible. EDF gère un grand parc éolien, mais l éolien et le solaire souffrent d un problème de coût et de leur production intermittente, du fait de l incapacité de stocker l électricité. Le nucléaire reste un élément fondamental du mix énergétique français. EDF a la maîtrise de la filière, de la production à la consommation. La France a une organisation spécifique pour l énergie électrique. Elle a pour le nucléaire une autorité de sûreté indépendante, qui définit les objectifs de sûreté et effectue les contrôles, mais la mise 7

8 en place des mesures dépend de l exploitant. La situation du Japon est différente. Le mix restera le même, le nucléaire restera. Le Japon s organise pour rétablir la confiance, il refonde sa politique sur la base d une autorité de surveillance renforcée des exploitants. Le mix énergétique doit s appuyer sur des industries éprouvées. Les objectifs sont la mise en réseau, l organisation du stockage, la captation du CO2. M. Hidehiko Yukawa, Executive officer of International Business & Cooperation, Kansai Electric (Kepco) En septembre, le gouvernement a défini son orientation en matière de mix énergétique et veut mettre en œuvre une stratégie innovante. Si la volonté de la sortie du nucléaire à l horizon 2030 est inclue dans la politique énergétique du pays, à terme, cette décision sera très préoccupante car on devrait alors faire face à une montagne d enjeux énergétiques. Nous mettons une attention particulière à l objectif «S + 3E (safety + Energy security, Economy, Environmental conservation). La sûreté énergétique est une condition préalable pour nous. Notre devoir est également d approvisionner de manière stable en énergie de bonne qualité et bon marché. L autonomie énergétique étant seulement de 4%, le Japon doit réfléchir à un mix d énergies équilibré en faisant appel aux diverses sources, comme les énergies renouvelables, fossiles et nucléaire. Quant aux énergies renouvelables, nous, les compagnies énergétiques, faisons de grands efforts pour le développement de «Méga solars» et la recherche sur la sûreté de réseaux. Concernant les énergies fossiles, nous cherchons une mixité équilibrée de charbon, de pétrole et de GNL. Pour le nucléaire, nous pensons qu il est important de la mettre en valeur tout en recherchant le meilleur nivaux mondial de sécurité. Il est également essentiel d assurer le cycle du combustible nucléaire en optimisant l utilisation de l uranium. Nous étudions actuellement la réforme du système électrique avec pour objectif d assurer la neutralité des réseaux de distribution. Nous renforçons nos contributions pour réaliser cette réforme qui garantit à la fois «l environnement concurrentiel assurant la neutralité» et «l approvisionnement stable en électricité» afin de protéger les intérêts des utilisateurs. M. Tatsuro Ishizuka, Vice President & Executive Officer, President & CEO Power Systems Company, Hitachi Le groupe Hitachi est un constructeur intégré. Il assure la conception, la fabrication, la fourniture, l entretien et le conseil des installations électriques de tous les moyens énergétiques, passant par le thermique, le nucléaire, l éolien ou le solaire, et apporte sa contribution à l approvisionnement énergétique optimisé. De nos jours, chaque pays développant diverses technologies énergétiques, il n y a aucune solution idéale pour la fourniture d énergie à bon marché et de bonne qualité. Il faut donc trouver une formule de mix équilibré. Nous assumons notre soutien au développement du nucléaire, sollicité par les 8

9 pays étrangers notamment européens et asiatiques, afin de voir un jour se constituer une société à faible empreinte carbone. Je pense que le nucléaire est une source d énergie qui joue un rôle important dans ce «best mix» et que la discussion et la compréhension vis-àvis du nucléaire devraient être plus avancée au Japon. Hitachi fait aussi de l innovation technologique dans les domaines de la production électrique par le charbon, l USPC (combustion de charbon en poudre) qui permet de limiter les rejets de CO2. Nous nous efforçons aussi de mettre au point de nouveaux systèmes pour l éolien et le solaire qui ne seront pas touchés par le changement climatique. Nous participons donc aux développements technologiques assurant une fourniture énergétique de bonne qualité et répondons au défit pour réaliser une mixité énergétique idéale. M. Laurent Maurel, Directeur stratégie, marchés et GNL, Direction Gas & Power, Total Un peu moins de la moitié de la production de Total est gazière. Le gaz naturel liquéfié (GNL) est du gaz naturel refroidi à 163, ce qui le fait diminuer de volume 600 fois. Le Japon représente le tiers du marché mondial de GNL. Dans le mix mondial, la croissance mondiale du gaz naturel est de 2% par an dans nos analyses. Le souci de l environnement est important. Le gaz a des avantages de ce point de vue : il rejette deux fois moins d émissions de CO2 que le charbon or le captage du CO2 pose des problèmes techniques et économiques. Le gaz offre une solution pratique au problème de l intermittence de la production des renouvelables, tant que le problème du stockage de l énergie électrique ne sera pas résolu. Le GNL offre de bonnes solutions comme carburant pour le transport maritime et terrestre dans certaines conditions. Aspects économiques. Les marchés resteront régionaux et partiellement connectés. L exploitation des gaz de schiste a pu se développer aux États-Unis mais son potentiel économique reste à démontrer dans le reste du monde. Il faut des prix élevés de l énergie pour justifier les nouveaux projets de production. Les projets gaziers doivent également être compétitifs pour les investisseurs par rapport au pétrole. Les électriciens japonais se plaignent du prix élevé du GNL, mais l Asie a pu ainsi s assurer depuis plusieurs années l approvisionnement de tous les nouveaux contrats de GNL. Des questions subsistent mais nous anticipons un avenir du prix de l énergie élevé. Questions/Réponses Questions. M. Louis Schweitzer demande si la question nucléaire est un enjeu électoral au Japon. M. Yukawa répond qu il est considérable. L incompréhension du problème de l énergie par les populations est un grand problème. M. Ishizuka dit que la population japonaise ne comprend pas la question économique. M. Tanaka indique que le Parti démocrate du Japon prend ses décisions à des fins électoralistes, or il est nécessaire de créer un débat national sur l énergie. M. Hato insiste sur le problème de la sécurité des approvisionnements. M. Machenaud souligne que le nucléaire restera un élément 9

10 fondamental du mix énergétique, mais que l évolution est incertaine. En matière de nucléaire, l uranium reste une ressource abondante, les réserves sont considérables. La demande baisse et les prix aussi. M. Yukawa pense que le GNL a un rôle important à jouer. Table Ronde 3 : Vers une optimisation de l usage de l énergie dans la société de demain M. Hidetoshi Nakagami, président du Jukangyo (living environment) Research Institute Notre organisme, libre et indépendant, s interroge sur les retombées de Fukushima, l analyse de la structure de demande énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique. Le gouvernement a arrêté un plan important sur sa politique énergétique et souhaite que la situation actuelle soit stabilisée. On constate une évolution du comportement des ménages dans sa consommation d électricité. Elle est de 2/3 de ce qu elle est en France, mais la répartition diffère. Les dépenses électriques de chauffage ne représentent que le quart ou le cinquième de ce qu elles sont en France, mais il fait moins froid au Japon. Le chauffage central est peu développé chez nous. La consommation électrique pour l éclairage et les appareils ménagers est 1.5 fois plus élevée au Japon. Les conséquences du 11 mars sont importantes, on assiste à une baisse de 11% de la consommation électrique et de moins 17% pour les appareils de climatisation. Mais on ne va pas pouvoir baisser beaucoup plus. L éclairage urbain est diminué. On a établi le programme «top runner», une réglementation intégrée dans la Loi sur l utilisation rationnelle de l énergie, qui impose des standards plus sévères en matière de consommation énergétique pour 23 catégories de produits. On l accordera également aux matériaux de construction qui sont des produits non-énergétiques. Il faut apprendre au consommateur à utiliser ces produits. Mme Colette Lewiner, conseillère énergie auprès du Pdg de Cap Gemini Une directive européenne nous presse de diminuer de 20% notre consommation d énergie d ici à En France on connaît en hiver le problème du «passage de pics de consommation», qui est dû à l importance du chauffage électrique. On réfléchit au problème de l «effacement», qui consiste à interrompre sa consommation aux heures de pointe, quitte à la reporter à plus tard, mais la réduction en absolu de la consommation reste un problème difficile. On réfléchit à des tarifs incitatifs et à l installation de compteurs intelligents. Il faut des politiques incitatives car on n obtient pas de résultats sans incitation. Il faut étudier le comportement des consommateurs, selon les différentes catégories d utilisateurs et mieux les informer. M. Éric Mazoyer, Directeur général délégué de Bouygues Immobilier Le ministre Borloo a accéléré les contraintes réglementaires concernant le bâtiment à basse consommation. Le but est d atteindre 50KW/h par mètre carré par an. Le groupe Bouygues a fait de cette contrainte un argument de marketing. Nous avons réalisé un chantier 10

11 expérimental il y a 4 ans avec le siège de la société Steria. Les technologies mises en œuvre ont bien fonctionné. Le bâtiment est comme un thermos conçu en tenant compte de son environnement. Il n a pas de climatisation mais stocke les frigories pour les utiliser dans la journée. Le bâtiment est bardé de capteurs. Le système règle les conflits en fonction de la course du soleil et de l occupation du bâtiment. Il assure la gestion de l information et fournit un bilan énergétique. Au total, il consomme 65% d énergie en moins que ne prescrit la réglementation. On est à 49KW/h par mètre carré par an. On se dirige à présent vers les smart cities. Il faut mettre l utilisateur au centre de la problématique de la consommation. Le système de gestion de l information est vital. Ces progrès permettent de faire baisser de 10% les charges des bâtiments. M. Motohide Ikeda, Président de ENERES La société Energy resources services, spécialisée dans la gestion de l énergie, fut créée il y a 8 ans. Depuis 2000, la libéralisation du système permet aux petits producteurs d électricité de vendre leur production. On se substitue aux petits producteurs pour gérer leur production et leur consommation, grâce à la commande à distance. Nous tenons compte de la météo pour anticiper les fluctuations des renouvelables (intermittents). Questions/Réponses Le modérateur évoque la question des tarifs progressifs. Mme Lewiner souligne que le but est de faire baisser la consommation. Mais, outre sa complexité de mise en oeuvre, l établissement de nouveaux systèmes tarifaires pose le problème de l équité. Les HLM par exemple sont souvent mal isolés et il serait injuste de faire peser sur leurs habitants, qui n y sont pour rien, des surcoûts de chauffage électrique. M. Mazoyer insiste sur la nécessité de reconstruire le bâti et de le densifier pour améliorer le rendement énergétique. M. Nakagami indique que les barêmes tarifaires ont été modifiés au Japon. M. Ikeda indique qu on a évoqué la mise en place de trois catégories progressives, mais que ces nouveaux systèmes ne doivent pas aller contre la vie des gens. Des barêmes horaires sont déjà en place. Une personne dans la salle parle d Energy pool, un agrégateur d effacement. Une personne évoque la nécessité des incitations tarifaires pour faire évoluer les habitudes de consommation. M. Nakagami insiste sur la nécessité d inscrire les politiques dans la durée. 11

12 M. Ikeda indique qu il n y a pas de mesures d incitation en direction des industriels. Il n était pas possible pour les usines de diminuer leur consommation électrique. Toutefois une compagnie d automobile est parvenue à une baisse de 15% de sa consommation. M. Mazoyer souligne la nécessité d améliorer l autocommutation locale (les smart grids). M. Ikeda se demande si le marché japonais serait favorable aux smart grids. Cette solution serait plutôt bonne et pourrait se traduire par des opérations de trading sur le marché. Mme Lewiner évoque le manque d incitation par les régulateurs à promouvoir les projets de smart meters et grids, ce qui freine le développement de ces projets. M. Nakagami indique que l accident du 11 mars a donné un signe d impulsion aux projets de réseaux intelligents. Il faut les mettre en œuvre partout et notamment dans les pays émergents, cela pour le bien de la planète. PERSPECTIVES M. Ichiro Komatsu, Ambassadeur du Japon en France Après l arrivé au pouvoir de M. François Hollande, nous avons activement eu des discussions de haut niveau ; la France et le Japon ont dès lors pu travailler à renforcer leurs relations bilatérales. Monsieur Hollande a rappelé l importance des relations franco-japonaises, et de notre côté, le Japon est également conscient de la nécessité de concentrer tous ses efforts pour consolider sa relation avec la France. Le gouvernement japonais va œuvrer pour que F. Hollande vienne bientôt au Japon, et pour cela, les deux pays sont en train d élaborer un projet de stratégie de partenariat franco-japonais. Il est évident que le partenariat dans le domaine de l énergie devient un des axes les plus importants dans cette stratégie. Il y a complémentarité, souvent au niveau technique et géographique, entre les entreprises françaises et japonaises, et c est justement cette complémentarité qui devient la clé de la coopération entre les deux pays. Le Japon opère une refondation de sa politique énergétique depuis Fukushima et a défini une «stratégie innovante pour l énergie et pour l environnement» le 14 septembre En France, on a commencé la discussion en faveur d une stratégie de l environnement pour le futur. Dans cette perspective, il est très fructueux de développer la coopération franco-japonaise en matière d énergies, notamment dans les technologies pour l économie d électricité ou d énergie ainsi que dans le développement des renouvelables. M. Pascal Colombani, Président du conseil d administration de Valéo Valéo, d origine française, est actif dans le monde entier. Il s est installé au Japon. Nous apprécions de travailler pour les constructeurs japonais. Il y a une nécessité de surmonter la barrière des standards. Le STS Forum est devenu le Davos de la recherche & développement. Deux sessions ont été consacrées à l énergie. Conclusion : nous devons utiliser toutes les 12

13 sources d énergie disponible, sans en exclure aucune. Chaque nation doit avoir ses règles de sécurité et s aligner sur les meilleures pratiques. M. Joël de Rosnay, conseiller de la présidente d Universcience et président exécutif de Biotics international. La réussite de la transition énergétique sur les 30 ou 50 années à venir est un enjeu majeur. Il s agit d établir de nouveaux modèles sécurisés, de communiquer mieux sur les risques et d expliquer les conséquences des rejets de CO2. La transition est plus compliquée encore du fait des disparités entre pays. Il y a un problème de la participation citoyenne à la démocratie énergétique. On devra faire face à des contestations des populations. L enjeu est contenu dans plusieurs mots : l «empowerment» : donner le pouvoir aux gens. Le mot «prosumer» (producteur-consommateur). 3 voies se dessinent : - La poursuite des programmes actuels dans le nucléaire. Dans ce cas, amortissement sur 80 ans qui va nécessairement coûter cher - La décarbonation des industries classiques, qui nécessite d énormes investissements. - L interconnection, destinée à éviter les mégaprojets. Cela implique un nouveau projet politique sur 3 points forts. - Une approche systémique ou combinatoire de l économie - Penser en termes de petites centrales interconnectées. Je propose les 3 E. - Économies - Efficacité énergétique - Énergies renouvelables Le tout combiné (le mix des énergies entre elles), et un réseau intelligent, ce qu on appelle le smart grid ou RITE (réseau intelligent de transport d électricité). On se préoccupe également du roaming de l énergie (on a déjà cela pour le téléphone) et de l interconnection des smart grids. On vise à des bâtiments et à des villes à énergie positive, le surplus de production étant à partager. Le 3 e terme de la nouvelle politique énergétique est la formation. La transition énergétique passe par une adaptation des modèles actuels de production et de consommation, la participation citoyenne, la décentralisation. 13

14 M. Olivier Mellerio, Président délégué du Comité d échanges franco-japonais Les perspectives ouvertes par cette conférence, notamment celles de M. de Rosnay sont très prometteuses. Remerciements à tous. 14