La fièvre hémorragique avec syndrome rénal en France en : aspects épidémiologiques
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- Jean-Jacques Fleury
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1 La fièvre hémorragique avec syndrome rénal en France en : aspects épidémiologiques Hervé Zeller 1, Marie-Claude Georges-Courbot 1, Isabelle Schuffenecker 1, Alexandra Mailles 2 1 Centre national de référence des fièvres hémorragiques virales, Institut Pasteur 2 Institut de veille sanitaire Courriel : zeller@cervi-lyon.inserm.fr Mots-clés : hantavirus, fièvre hémorragique, France, épidémiologie Les points essentiels - La fièvre hémorragique à syndrome rénal est endémique dans le Nord-Est de la France, avec les régions de Champagne-Ardennes et Picardie les plus touchées. - Plus de 250 cas ont été diagnostiqués en dont la moitié pour la seule année Le cycle de flambée épidémique tri-annuel observé depuis 1990 n'a pas été rencontré en 2002, mais au cours du 1 er semestre 2003, avec une alerte donnée dès fin janvier L'exhaustivité du diagnostic sérologique au CNR a pris fin Un nouveau système de surveillance est mis en place pour le suivi de cette anthropozoonose en INTRODUCTION Les hantavirus sont des virus responsables de fièvres hémorragiques avec syndrome rénal (FHSR), infections identifiées cliniquement notamment comme «fièvre des tranchées», «néphropathie épidémique» ou «fièvre de Corée". Le virus prototype est le virus Hantaan qui a été isolé en Corée en 1976 à partir d'organes d'un rongeur Apodemus agrarius. Il est responsable de centaines de cas par an de FHSR en Asie principalement en Chine, avec une létalité rapportée de 1 à 5%. Différents hantavirus sont présents en Europe (tableau I) [1]. En France circule principalement le virus Puumala (PUU) dont le réservoir est le campagnol roussâtre Clethrionomys glareolus. Les cas humains sont rapportés dans le quart Nord-Est du pays alors que le rongeur est présent sur l ensemble du territoire. L homme se contamine surtout par inhalation de poussières infectées lors d activités comme le nettoyage de locaux inhabités infestés par ces rongeurs ou le ramassage de bois. Il n y a pas de mortalité associée à ce virus. Le virus Séoul, cosmopolite, a été à l origine de cas humains dans des animaleries de rats en Corée. Il a été récemment mis en évidence dans une colonie de rats sauvages en région lyonnaise [2]. Le virus Dobrava isolé en Slovénie en 1992 est responsable de cas sévères avec une létalité de 1-2 %. Le virus Saarema a été plus récemment identifié en Europe du Nord (Estonie, Danemark ) [3]. 1
2 Dans le nouveau Monde, plusieurs Hantavirus responsables de syndrome cardio-pulmonaire aigu (HPS) ont été identifiés à partir de 1993 à la fois dans le sud-ouest des Etats-Unis et en Argentine. Les réservoirs de ces virus sont des rongeurs de la famille des Sigmontonidae qui sont retrouvés uniquement sur le continent américain. La létalité est proche de 30 %. Les virus prototypes sont Sin Nombre et Andes. CLINIQUE Après une période d incubation variant de 3 semaines à 2-3 mois, le début est généralement brutal avec frissons, fièvre élevée accompagnée généralement de céphalées, myalgies, douleurs dorsales ou abdominales («abdomen chirurgical»). Des troubles de la vision sont rapportées dans 30% des cas d'atteinte par PUU sous forme de myopie transitoire. Les manifestations hémorragiques sont habituellement très discrètes. La thrombopénie peut être importante. La fièvre diminue à la fin de la 1 re semaine. Suite à une phase hypotensive, peu marquée pour PUU avec des signes hémorragiques limités à des injections conjonctivales, des pétéchies, des gingivorragies. L évolution est ensuite marquée par une phase oligurique et hypertensive caractérisée par une protéinurie élevée, une hématurie, une élévation de la créatinine et de l'urée sanguine durant quelques jours, suivie d une phase polyurique et une récupération sans séquelles. Plusieurs cas associant une atteinte pulmonaire sont décrits [4]. DIAGNOSTIC DES FHSR Le diagnostic biologique d infection par un hantavirus est réalisé par sérologie dès le début de la phase clinique. Les réactions croisées entre les différents hantavirus sont communes. L utilisation de protéines recombinantes plus spécifiques que les antigènes natifs en combinaison est préconisée pour détecter les différents hantavirus [5]. Le diagnostic direct n est pas pratiqué habituellement. Les quelques tentatives d identification du virus par RT-PCR nichée à partir des prélèvements humains positifs en ont été négatives. Les virus PUU sont très difficiles à cultiver. LA SURVEILLANCE DES FHSR La collecte des données de surveillance des FHSR en France a été facilitée jusqu en 2002 par l absence de réactifs commerciaux, le Centre national de référence (CNR) effectuant les diagnostics sérologiques pour l ensemble du territoire. Pour chaque résultat positif, une fiche épidémiologique est envoyée au service prescripteur avec le résultat pour retour au CNR. La création d un réseau avec les quelques laboratoires effectuant ce type de diagnostic a permis d obtenir une image exhaustive de la situation en France pour Pour la période , 266 cas de FHRS ont été diagnostiqués contre 216 pour la période (tableau II). Des flambées de type épidémique ont été observées tous les 3 ans depuis 2
3 1990 : 1993, 1996 et L épidémie attendue en 2002 n a pas été observée. Par contre une recrudescence des cas a été notée en Le sexe ratio pour la période était de 3,8 (211 H/57 F) et l'âge moyen de 37,9 ans. Les cas chez les enfants étaient rares : un cas chez un enfant de 8 ans (2003) et un cas chez un enfant de 13 ans (2002). La répartition mensuelle (figure 1) a montré la présence de cas tout au long de l'année avec des recrudescences de 10 cas et plus par mois en mai et octobre 2001, juin 2002, puis de janvier à août 2003 (mars excepté : 8 cas). Un pic a été enregistré en janvier 2003 puis en mai-juin. Sur 257 cas répertoriés pour la période , ceux en provenance de la région Champagne- Ardenne ont représenté 31,9 % du total, ceux de Franche-Comté 7,8 %, de Lorraine 9,7%, de Picardie 25,7 %, de la région Nord-Pas-de-Calais 19,1 %, de l Ile-de-France 3,9% et de Bourgogne 1,9%, avec des variations importantes selon les années et les départements (figure 2). La part du département des Ardennes particulièrement touché en 1999 avec 38.3 % des cas a été moindre en 2003 avec 26.6 % des cas. Près d'un quart des cas enregistrés ont été détectés dans le département des Ardennes: 23 cas (29.5 %) en 2001 et en 2003 (26.6 %), 4 cas (6.5 %) en 2002, et 8 cas (14.5 %) en L'Aisne a été particulièrement touchée en 2003 avec 25 cas contre respectivement 6 et 10 cas en 2001 et 2002, ainsi que l'oise avec 18 cas contre 1 et 7 cas en 2001 et En Franche-Comté, si entre 9 et 12 cas ont été enregistrés en , 3 cas seulement ont été rapportés en Cinq cas ont été diagnostiqués en Côte-d Or pour , département pour lequel il n y avait pas de cas rapporté depuis plusieurs années. En Belgique, une flambée a été observée en mai 2003 avec 26 cas contre une moyenne de 7 cas par mois au premier trimestre AUTRES CAS D'HANTAVIROSES Quelques cas non liés à une infection par le virus PUU ont été identifiés dont le premier cas d importation de syndrome pulmonaire à hantavirus en Europe chez un patient de retour du Chili (2001), avec rémission. Le virus Andes qui circule dans la zone frontière Argentine et Chili a été suspecté mais il n a pas pu être mis en évidence par amplification génique [6]. En août 2001, une atteinte par le virus Séoul a été suspectée chez une personne sans domicile fixe sur Paris. Par ailleurs la sérologie a pu différencier une atteinte par le virus Puumala contractée en Ile de France chez une personne ayant pu être exposée au virus Hantaan lors d un voyage en Chine deux mois auparavant. DISCUSSION La surveillance épidémiologique de la FHSR avait été transférée auprès de la Cellule interrégionale d épidémiologique Est (Nancy) pour l'année 2002 qui se devait être épidémique [7]. Les délais de retour d'information ont montré que le système n'était pas adapté à une alerte précoce. Le retour des fiches de suivi épidémiologique vers le CNR a été remis en place pour 3
4 2003. Ce système a permis d'alerter très rapidement dès début février l Institut veille sanitaire (InVS) d'une flambée de FHSR en janvier (22 cas diagnostiqués), ce qui a déclenché une enquête épidémiologique en région Picardie. Un relevé hebdomadaire des cas confirmés est adressé à l'invs. La surveillance des populations de rongeurs est réalisée dans le cadre d un projet de recherche du ministère de l Aménagement du territoire et de l environnement. Le mécanisme de circulation du virus est lié à la structure sociale des colonies de rongeurs. Les facteurs bioclimatiques sont susceptibles de modifier la dynamique des populations de rongeurs et/ou le cycle de transmission du virus dans ces populations [8]. La persistance du virus infectieux hors de l'hôte reste encore méconnue. Les flambées ont été observées tous les 3 ans depuis 1990 jusqu'à L'épisode attendu en 2002 débuta en janvier La situation de la FHSR en France pourrait se rapprocher de celle rencontrée en Finlande et en Scandinavie avec une épidémie importante tous les 3 ou 4 ans. Les raisons de non propagation du virus en dehors des zones connues comme infectées restent une énigme. Les études de distribution spatio-temporelle des rongeurs semblent indiquer une faible dispersion propice au maintien du virus dans des foyers sans extension majeure. La présence d autres hantavirus en France est également recherchée chez les rongeurs. La mise à disposition dans un proche avenir de tests rapides type bandelettes devrait permettre de préciser le diagnostic étiologique au lit du patient en évitant des traitements par antibiotiques pour suspicion de leptospirose. Néanmoins ces tests rapides demanderont une validation et nécessiteront probablement une confirmation par tests sérologiques usuels. CONCLUSION Après une année épidémique en 2003, seulement une trentaine de cas de FHSR ont été signalés en France pour les 8 premiers mois de Parmi ceux-ci ont été dénombrés deux cas d'importation : un cas d'infection à virus Hantaan en provenance de Chine en février et un cas d'hps fatal en provenance des USA en juin. Dans les années qui viennent le réseau de laboratoires réalisant les tests Hantavirus devra être étendu et renforcé pour assurer la surveillance nationale exhaustive des cas de FHSR en France. 4
5 REFERENCES 1. Vapalahti O, Mustonen J, Lundkvist A, Henttonen H, Plyusnin A, Vaheri A. Hantavirus infections in Europe Lancet Infect Dis 2003, 3(10): Heyman P, Plyusnina A, Berny P, Cochez C, Artois M, Zizi M, Pirnay JP, Plyusnn A. Seoul hantavirus in Europe : first demonstration of the virus genome in wild Rattus norvegicus captured in France. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2004, 23(9): Nemirov K, Andersen HK, Leirs H, Henttonen H, Vaheri A, Lundkvist A, Plyusnin A. Saaremaa hantavirus in Denmark. J Clin Virol 2004, 30(3): Nguyên AT, Penalba C, Bernadac P, Jaafar S, Kessler M, Canton P, Hoen B. Manifestations respiratoires de la fièvre hémorragique à syndrome rénal. Etude rétrospective de 129 cas en Champagne-Ardennes et Lorraine. Presse méd 2001, 30(2): Billecocq A., Coudrier A, Boué F, Combes B, Zeller H, Artois M, Bouloy M. Expression of the nucleoprotein of the Puumala virus from the recombinant SFV- N Puu replicon: characterization and use as a potential diagnostic tool. Diag Microbiol Infect Dis, 2003, 10(4): Murgue B, Domart Y, Coudrier D, Rollin PE, Zeller HG - First reported case of imported Hantavirus Pulmonary Syndrome in Europe. Emerg Inf Dis 2002, 8(1): Deshayes F, Fradet MR, Schmitt M. Surveillance de la fièvre hémorragique avec syndrome rénal octobre 2001-décembre Résultats et évaluation. Rapport InVs Novembre 2003, 28 pages 8. Sauvage F, Penalba C, Vuillaume P, Boue F, Coudrier D, Pontier D, Artois M. Puumala hantavirus infection in humans and in the reservoir host, Ardennes region, France. Emerg Inf Dis 2002, 18(12):
6 Tableau I - Hantavirus circulant en Europe avec atteinte humaine possible Virus ongeur réservoir (date d'isolement) Répartition géographique nol roussâtre nomys glareolus, (1980) du Nord, Belgique, France cou jaune us flavicollis, (1992), Bosnie, Grèce, Russie a yé us agrarius, * rk Slovaquie, Slovénie, Russie, Allemagne, attus, R. norvegicus, (1982) olite nol commun arvalis, (1994) Pologne * identifié par amplification génique (1997) Tableau II - Diagnostics sérologiques d Hantaviroses en France ( ) Années Nombre de Cas confirmés (IgM) de demandes d'examens (13,6%) (3,0%) (2,8%) (9,3%) (4,6%) (5,4%) (3,8%) (9,3%) 6
7 Figure 1 - Répartition mensuelle des cas de FHSR en France de 1999 à 2003, dont ceux du département des Ardennes France Ardennes Cas Mois Figure 2 - Répartition des cas de FHSR par région et par année ( ). 50 Cas Champagne- Ardennes Franche-Comté Lorraine Picardie NPDC Bourgogne Ile de France Années 7
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