«Livre blanc sur les systèmes de santé et d assurance maladie» (Commissariat général du plan CAS, 1994)
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- Raoul Mélançon
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1 Séminaire DREES «Les modes incitatifs de rémunération des soins» Première session mardi 29 novembre 2011 «Livre blanc sur les systèmes de santé et d assurance maladie» (Commissariat général du plan CAS, 1994) R. Soubie, J. L. Portos, Ch. Prieur, «Livre blanc sur le système de santé et d'assurance maladie», Commissariat général du plan CAS, documentation Française, rapports officiels, 1994 [ Extraits du Chapitre V LA RÉGULATION INCITATIVE PAR LES MODES DE RÉMUNÉRATION DES SOINS La régulation incitative par les modes de rémunération est le complément de la régulation par les contrôles : plutôt que de sanctionner les actes inutiles, elle vise à supprimer l'incitation à les réaliser ; les producteurs de soins réalisent les économies sur des actes et des prescriptions qu'ils considèrent eux mêmes comme les moins nécessaires. C'est aussi le complément de la régulation par les enveloppes qui, employée seule, comporte des éléments contre incitatifs : l'expérience française du taux directeur hospitalier et du budget global est significative à cet égard ; de même, un système de points flottants appliqué sans discrimination à des acteurs nombreux incite chacun d'entre eux à maximiser son volume d'actes, au détriment de la rémunération unitaire de tous. Enfin, la régulation incitative suppose une séparation nette entre acheteur de soins et vendeur : un acheteur n'est pas une tutelle ; il se contente d'examiner le rapport entre prix payé et service rendu. [ ] 1 Le problème général de la tarification des soins La pratique médicale et soignante comporte naturellement une dimension éthique, mais elle n'est pas insensible à des considérations économiques qui influent tendanciellement sur les comportements. C'est ce second aspect qui fait ici l'objet de l'analyse. En raison des asymétries d'information qui caractérisent toute production de service, et plus particulièrement dans le cas de services de santé, les prestataires ont le pouvoir de modifier à leur avantage le ratio prix/service rendu : un paiement à l'acte est de nature à provoquer la production d'éléments inutiles ou médiocrement utiles au regard du service à rendre, ce qui conduit à augmenter le prix global de la prestation ; un paiement au forfait est de nature à provoquer une réduction du service rendu pour lequel un prix est payé (non réalisation d'éléments constitutifs du service, ou réalisation de ces éléments en d'autres temps et en d'autres lieux, de sorte qu'ils sont payés deux fois). DREES 1
2 Les affirmations ci dessus sont schématiques : tout paiement est forfaitaire ; même un "acte" (consultation, intervention chirurgicale) comporte un nombre variable d'éléments. C'est l'étendue des services compris dans le forfait qui varie, selon une sorte de continuum : acte, journée, séjour, épisode de soins (suivi d'une grossesse, traitement d'une carie), ensemble des soins dispensés à un patient par un professionnel au cours d'une année (capitation), ensemble des soins dispensés par un producteur au cours d'un temps donné (salaire, budget global), ensemble des soins dispensés à une personne par un réseau de professionnels pendant une année (HMO)... Etant donné un épisode de soins comportant plusieurs actes diagnostiques et/ou thérapeutiques, plus l'étendue du forfait est réduite, plus il est facile et tentant de multiplier les prestations facturables, ce qui aboutit à gonfler le coût global : le prix augmente pour un bénéfice thérapeutique inchangé. Inversement, plus le forfait est étendu, plus il est facile et tentant de réduire le service effectivement rendu : le bénéfice thérapeutique diminue pour un prix inchangé. Les deux formules présentent donc des défauts symétriques ; le choix dépend du contexte, notamment des conditions de la concurrence entre les producteurs de soins. 2 La tendance à la surprescription Le médecin n'a aucun intérêt matériel direct sauf cas de collusion à prescrire des soins réalisés par d'autres ou des produits vendus par d'autres. Il est généralement animé par un souci de précision du diagnostic et de qualité des soins, mais il est également soumis à une pression des patients et motivé par le souci de fidéliser sa clientèle. Or, à la différence de la multiplication des actes qui comporte des limites physiques, les prescriptions ne coûtent rien au médecin et répondent souvent à une attente des patients : un désir d'être rassuré ou d'obtenir "plus" de soins. Comme beaucoup d'examens sont sans risque (les examens biologiques par exemple) et que les actes ou produits prescrits sont remboursés souvent à 100% il n'y a pas aujourd'hui d'autre frein à la surprescription que la conscience civique, la crainte d'effets iatrogéniques éventuels ou les capacités de contrôle généralement faibles de l'assureur. D'où l'intérêt d'une responsabilisation des médecins : les références médicales assorties de sanctions sont une forme d'incitation ; le lien entre revalorisation des honoraires et économie de moyens en est une autre. 3 Les formules incitatives La formule incitative qui permet théoriquement l'allocation des ressources la plus efficiente est le marché : c'est la forme classique de concurrence, qui suppose que les producteurs aient la liberté de leurs prix et que les payeurs aient la liberté de s'adresser à d'autres s'ils jugent le prix des soins trop élevé au regard du service rendu. Toutefois un système de tarif unique et/ou de payeur unique peut également inciter les producteurs à l'économie des moyens : c'est le cas des modes de rémunération forfaitaires (capitation, paiement à l'épisode de soins, financement des hôpitaux selon les pathologies traitées) à condition que les prestataires de soins soient en situation de concurrence. DREES 2
3 La concurrence par les prix est la règle pour tous les soins dès lors qu'il existe plusieurs caisses passant chacune ses propres contrats avec les prestataires. Rappelée ici pour mémoire, c'est l'option "assurances concurrentielles" déjà examinée, avec sa variante "réseaux de soins coordonnés". La délégation de budgets de soins à des généralistes simule le fonctionnement d'assurances concurrentielles : les hôpitaux et les professions paramédicales sont confrontés à différents donneurs d'ordre dont ils se disputent la clientèle. Toutefois, pour qu'un généraliste puisse "acheter" des soins hospitaliers (y compris des consultations de spécialistes salariés) pour le compte de ses patients, il faut qu'il soit sûr du nombre de personnes pour le compte desquelles il négocie : autrement dit, un tel système ne peut fonctionner qu'avec des patients "abonnés" auprès d'un généraliste et contraints de passer par lui pour accéder à des soins de second recours. En outre, il ne peut s'agir que de cabinets de groupe couvrant une population assez importante pour que le calcul du budget ait un sens statistique. Dans un système de payeur unique en revanche, la concurrence par les prix n'est pas nécessairement absente mais elle ne joue que dans des cas particuliers. C'est la technique classique dans d'autres domaines de l'appel d'offre pour un "lot" de prestations : par exemple une campagne de dépistage du cancer du sein par mammographies peut être confiée, dans chaque région, à tel ou tel réseau de radiologues en fonction du prix proposé. De même lorsqu'il s'agit d'autoriser une activité nouvelle dans un ensemble d'hôpitaux voisins, le moins disant ou le meilleur rapport qualité prix sera sélectionné, en fonction d'un cahier des charges défini à l'avance. La technique de l'appel d'offre s'applique mal aux soins courants, mais elle peut être étendue à des domaines comme le médicament : l'inscription des médicaments sur une liste de spécialités remboursables dépendra du prix demandé par le laboratoire, comparé avec ceux des autres spécialités de la même classe thérapeutique et au regard du service médical rendu. La capitation est un mode de rémunération incitant à la limitation des actes inutiles en médecine de ville. Elle n'est applicable qu'à certaines catégories de médecins (les généralistes, mais peut être aussi les pédiatres ou les gynécologues). Les patients pouvant effectivement manifester leur mécontentement à la fin de l'année en changeant de médecin, l'intérêt de ce dernier reste de produire une prestation de qualité afin de fidéliser sa clientèle. Le praticien perçoit une somme fixe pour l'ensemble des soins qu'il dispense à chaque assuré pendant la période (généralement l'année). Eventuellement, cette somme peut être modulée en fonction des caractéristiques de sa clientèle (âge, sexe, affections de longue durée reconnues par exemple). Sauf à accepter de n'être pas remboursé et à l'exception des urgences, l'assuré ne peut s'adresser à d'autres professionnels de santé que sur prescription de son généraliste. Cependant, outre qu'il limite par construction la liberté à laquelle médecins et assurés sont habitués en France, ce système présente certaines limitations : il ne comporte par lui même aucun frein aux prescriptions ; il suppose des généralistes de haut niveau, deux fois plus nombreux que les spécialistes ; DREES 3
4 il part de l'hypothèse controversée que les patients méconnaissent les maux dont ils sont (ou non) atteints et qu'une approche globale du malade constitue donc un préalable obligé par rapport à "l'approche technicienne" du spécialiste. Le paiement forfaitaire par épisode de soins est difficilement généralisable aux soins de ville. Il s'appliquerait par exemple au suivi d'une grossesse, à certains soins dentaires ou à certains cas de patients atteints d'une maladie chronique : là où un même professionnel assure l'intégralité des soins relatifs à l'épisode considéré. Le rapport Santé 2010 évoque la possibilité que ce principe soit appliqué à des professionnels organisés en réseau qui percevraient ensemble une rémunération globale pour le suivi coordonné de conditions de santé bien définies (soins à la mère et à l'enfant, cancer, SIDA...) : on voit bien l'avantage du système en termes de continuité et de qualité des soins, mais sa faisabilité économique demande à être démontrée, car il comporte des risques de déports importants. En revanche, chaque séjour hospitalier peut être défini en général comme un épisode de soins : c'est le fondement du financement forfaitaire des hôpitaux en fonction des pathologies traitées. Le financement des hôpitaux en fonction des pathologies traitées En régime de payeur unique (le système français en est un puisque les différents régimes se contentent de répartir entre eux la charge de la dotation globale et que les cliniques n'appliquent pas de tarifs différents selon la caisse de rattachement de l'assuré) les différentes options de financement des hôpitaux peuvent être représentées par un tableau : OPTIONS CRITÈRES AVANTAGES EFFETS PERVERS PARADES Tarification élémentaire Actes, journées... Incitation à la qualité Inflation des actes et/ou des journées conduisant à une forte croissance de l'enveloppe Contrôle systématique de la pertinence des actes et des durées d'hospitalisation Dotation globale actuelle (forfait à l'année de fonctionnement) Financement selon l'éventail des cas traités (forfait au séjour) Coûts internes déclarés + base historique Activités médicales évaluées en coût standard par type de cas Incitation aux économies dans les hôpitaux sousdotés Incitation aux économies dans tous les hôpitaux ; "l'argent suit le patient" Incitation à freiner l'activité ; rentes de situation ; forte croissance de l'enveloppe pour répondre aux besoins des hôpitaux sousdotés Incitation à externaliser certaines composantes de la prestation et à fractionner les séjours Aucune Repérage des fractionnements abusifs, mise à jour des coûts standards et de la classification des cas DREES 4
5 Le financement forfaitaire selon les cas traités incite les hôpitaux à réduire leurs coûts, à réorienter leur activité vers les "métiers" où leurs coûts internes sont inférieurs aux prix payés, et à offrir de meilleurs services que les établissements concurrents :"l'argent suit le patient". Ce mode de financement imite le marché : c'est la concurrence par comparaison. La caisse "achète" des prestations aux hôpitaux et paye en fonction du nombre et de la complexité des cas : le classement tient compte de la nature des pathologies et des traitements ; le tarif est forfaitaire et fixé à l'avance. Les établissements qui ne parviennent pas à attirer suffisamment de patients et donc à générer suffisamment de recettes, ou ceux dont les coûts sont excessifs au regard de leur activité, doivent se restructurer ou fermer. On aura reconnu le paiement forfaitaire à la pathologie 1 mis en oeuvre aux Etats Unis par les organismes publics d'assurance maladie dès Ce principe a inspiré en France le Programme de médicalisation du système d'information (PMSI), qui vise à classer les activités hospitalières par groupes homogènes de malades (GHM) en vue d'une tarification ou (comme dans les autres pays européens qui ont lancé des réformes similaires) d'une modulation des budgets. [ ] 1 En toute rigueur, il vaut mieux parler d'un financement selon les types médicaux de séjour hospitalier (tenant compte des pathologies traitées, de la présence de complications et des modes de traitement). DREES 5
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